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Podemos : un horizon politique qui s’assombrit

Espagne

Lien publiée le 25 novembre 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://blogs.mediapart.fr/antoine-montpellier/blog/251117/podemos-un-horizon-politique-qui-s-assombrit

Les espoirs soulevés tant par l'émergence de Podemos que par les succès des « convergences régionales » indignées, passés au tamis de la crise catalane, où personne, dans tout l’Etat espagnol, n’aura échappé à l’obligation de se positionner, sont en train de retomber inexorablement.

Au sortir de la première séquence de la crise catalane ouverte, scandée en deux temps intenses, celui de l’offensive indépendantiste entre le 1er et le 27 octobre (référendum-grève générale-proclamation de la république indépendante de Catalogne) et celui de la contre-offensive du gouvernement de Madrid à partir du 28 octobre (après des escarmouches policières, mise en route de l’application de l’article 155 de la Constitution qui permet de prendre le contrôle politique de la Catalogne), tous les partis ont leur regard tourné vers le troisième temps, ce troisième round, que pourrait ouvrir la législative du 21 décembre. Elle a été convoquée par le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, pour finir de mettre dans les cordes les rebelles indépendantistes, mais celui-ci doit se rendre à l’évidence, au vu des sondages unanimes mais aussi de sa marginalité de toujours dans un "pays" qui lui est intrinsèquement hostile, qu’il n’en tirera que de faibles bénéfices (il espère qu'il en ira autrement à l'échelle de l'Etat espagnol !) : à droite, c’est le très offensif Ciudadanos, s’affirmant toujours plus comme la relève du PP, qui devrait capter l’électorat le plus espagnoliste anti-indépendantiste. A gauche, les socialistes du PSC malgré un redressement dans les dernières enquêtes d’opinion, ne semblent pas pouvoir retrouver leurs couleurs d’antan où un nationalisme catalan modéré trouvait, certes plus ou moins en sourdine, suivant les conjonctures, sa place au milieu de marqueurs de gauche, là aussi « modérée » (euphémisme !) qui lui gagnaient à la fois les faveurs d'un premier électorat de gauche, plus non-indépendantiste qu’anti-indépendantiste, et d'un second électorat de gauche, plus autonomiste qu’indépendantiste.

La polarisation actuelle générée par, d’une part, la dynamique pour l’indépendance, qui globalement semble devoir reconduire une majorité en voix autour des mêmes, le PDeCAT, ERC et la CUP, quoique avec des rapports de force entre eux modifiés, et, d’autre part, la riposte unioniste de Madrid, avantageant, on l’a dit, Cudadanos, donne une prime à des positionnements tranchés sur ces enjeux : pour ou contre l’indépendance. Et, sur ce terrain, pris entre une collaboration ouverte du parti frère espagnol, le PSOE, avec la droite du 155 et ses propres atermoiements sur la condamnation, mais pas trop, de la politique répressive menée, elle-même couplée à l’acceptation in fine du putsch du 155, le PSC finit de perdre ses repères politiques de gauche. La cascade de démissions de militant-es, de cadres, d‘élus, son exclusion de l’accord de cogestion à la mairie de Barcelone, qui ont suivi ses prises de position contre l’indépendance, attestent qu’il est bien en crise. La récupération, pour ses élections, de figures de la droite catalaniste modérée, anti-indépendantiste, pourrait lui donner, à cette occasion, une bouffée d’oxygène, probablement guère plus…

L’interrogation, à partir de là, vient naturellement sur ce qu’il en est de cette nouvelle gauche qui a émergé du séisme politique provoqué par les Indigné-es en 2011 et que Podemos d’abord, puis des regroupements régionaux ont cherché à capitaliser politiquement, pour ces derniers aux municipales de 2015. On pense, pour la Catalogne, à la figure de Ada Colau qui a réussi alors à prendre la mairie de Barcelone, excusez du peu. Initialement indépendante de Podemos, elle a très vite réussi à se le gagner pour, avec d’autres, construire Catalunya en Comú (C en C) qui vise, pour le 21 décembre, à occuper un créneau à gauche fondé en équidistance autour du célèbre ni-ni, « ni indépendance unilatérale, ni 155 », traduisible en « ni Rajoy, ni Puigdemont » et résumable par la revendication d’un droit à l’autodétermination mais sur la base d’un accord (parfaitement introuvable !) avec Madrid. Sans oublier, tout de même, la demande de libération des prisonniers politiques. Mais là aussi, la polarisation actuelle fait mal et ne permet pas d’envisager que C en C puisse faire une percée permettant d’obtenir le fameux « sorpasso » dont avait rêvé un temps Pablo Iglesias. Le « sorpasso » c’est le dépassement du PSOE, ici du PSC, ce qui n’était, au demeurant, pas impossible, vu la crise de ce denier dont nous avons parlé mais qui, a priori (on verra plus loin a posteriori), ne permettra pas, si les sondages se confirment, de mettre cette gauche radicale en position d’arriver au pouvoir. Pour Iglesias cette stratégie d’accession au gouvernement de l’Etat espagnol, reposait sur l’idée que le dépassement du PSOE ouvre la voie à la subordination de celui-ci à Podemos ! Projet vite abandonné par assomption du principe de réalité électoral et remplacé par l’acceptation de faire désormais attelage gouvernemental avec un PSOE toujours « devant » et donc Podemos en position subordonnée.

La victoire de Pedro Sánchez, le fringant Montebourg espagnol, sept mois après avoir été défenestré de la direction en 2015, à la primaire socialiste, contre l’appareil et la vieille garde socialiste emmenée par l’inusablement droitier Felipe González, avait été vendue par les iglésistes comme celle de la « gauche » socialiste. Et donc comme la base pour relancer l’union des gauches, un temps remisée au placard. Mais la crise catalane vient d’en finir, probablement pour un certain temps, avec l’espoir podémite d’accéder à la Moncloa (le Matignon espagnol) avec ledit PSOE, le Montebourg ibérique ayant opté, en Catalogne, pour faire alliance totale anti-indépendantiste et ultrarépressive avec le gouvernement et le Parti Populaire. En participant, y compris, aux manifestations unionistes les plus agressives, en collusion avec cette droite hystérisée anticatalaniste et extrémisée à droite toute et même à proximité d’une extrême droite franquiste arborant les drapeaux pré-constitutionnels. Un comble pour une mobilisation placée sous le signe de l’insubmersible, grande et belle Constitution de 78, autrement dit sous le signe de la sortie de la dictature !

Impossible, dans ces conditions, pour Podemos, de tenir le cap d’une unité avec ce PSOE passé (en réalité, revenu) à droite, si tant est qu'il ait jamais été ailleurs. Les mots durs échangés, depuis lors, entre les deux partis montrent que le divorce est, avant même le mariage, consommé… La direction iglésiste est donc clairement orpheline de débouché politique alors qu’en Catalogne, tout indique que C en C pourra tout au plus être appelée à faire « charnière », avec quelque 10% des voix, entre les deux blocs en concurrence, celui des indépendantistes, renouant leur alliance de gouvernement (PDeCat et ERC) avec l’appui d’une CUP annoncée en perte de vitesse, et celui de la « droite » (PP, Ciudadanos et PSC). L’idée que cette position de « charnière » puisse aider à procéder à une recomposition des gauches caressée par certain-es dans ERC avec … le PSC semble pour le moins relever de la quadrature du cercle si, dans l’hypothèse où les scores électoraux rendraient une telle unité de gouvernement possible, personne de ce trio ne bouge : C en C acceptant de s’allier avec l’un des barrés par son ni-ni, le PSC, qu’elle a d’ailleurs éjecté de la mairie de Barcelone ; ERC digérant, sur le mode avaler des couleuvres, les dures critiques, lancées par Ada Colau, contre les « irresponsables responsables indépendantistes » et remettant ouvertement le projet d’indépendance à de lointains jours meilleurs, ce dont pourrait peu goûter son électorat indépendantiste; le PSC, en lâchant les récents transfuges récupérés de la droite catalane et en risquant les foudres des camarades du PSOE chez lesquel-les une Ada Colau, qu'ils considèrent "la reine de l'ambiguïté", n'est pas en odeur de sainteté ! Ce « bougé » des uns et/ou des autres présenterait le défaut, très marqué électoraliste-politicien, de vouloir marier la carpe et le lapin autour d’un peu crédible, mais vanté par C en C et Podemos, consensus sur la réintroduction de la question sociale au cœur de la problématique politique catalane. L’expérience du « Triparti » entre 2003 et 2010 (un Govern du PSC, ERC et de Iniciativa per Catalunya Verds et EUiV, deux des composantes aujourd'hui de C en C) ne démontre en rien la disponibilité de ces forces à mener une « autre » politique de gauche, rompant avec le système pour mettre le social et la démocratie radicalement en son centre.

Les espoirs soulevés tant par l'émergence de Podemos que par les succès des « convergences régionales » indignées, passés au tamis de la crise catalane, où personne, dans tout l’Etat espagnol, n’aura échappé à l’obligation de se positionner, sont en train de retomber inexorablement sans que l’on puisse exclure, cependant, qu’une nouvelle fois, car il y a eu un précédent, en 2015, une « remontada », relance électoralement ce qui, surtout pour un Podemos, terriblement verticalisé dans son fonctionnement interne, s’apparente toujours plus à une machine à obéir à Iglesias et aux iglésistes. Comme en témoigne leur « 155 » contre le Podemos catalan, Podem, qui rechignait à faire campagne avec C en C au profit d’un rapprochement avec les indépendantistes, sans au demeurant s’affirmer indépendantiste. Comme en témoigne également leur volonté de modifier … de façon antistatutaire, contre les décisions adoptées au congrès de février, dit de Viastalegre 2, les statuts du parti pour les durcir contre les déviants, attitude qui, se doublant de la destitution de la responsable de la Commission Centrale des Garanties, a été condamnée par l’immense majorité des Commissions de Garanties régionales et a été dénoncée devant les tribunaux (l'instruction est en cours).

Sans stratégie crédible d’accès au gouvernement central, empêtré dans cet autoritarisme interne, pris en étau, avec C en C, par les principales forces s’affrontant en Catalogne autour de l’indépendance et traînant, dans le reste du pays, à la fois assez injustement mais aussi pour prix à payer pour un ni-ni décevant largement les esprits radicalisés de deux camps, l’image d’avoir été complaisant avec les indépendantistes, Podemos se retrouve dans une mauvaise passe. C’est ce que confirme une enquête, réalisée en octobre et publiée aujourd’hui, parue sur le site de eldiario.es Tres gráficos preocupantes para Podemos  Résumons-en l’essentiel.

Podemos a de plus en plus de difficulté à fidéliser son électorat et un pourcentage important de ceux et celles qui lui ont accordé leurs suffrages à la dernière législative, en juin 2016, ne le referont pas. Il est, des quatre grands partis, celui qui perd le plus dans son électorat. Ils/elles sont seulement 60% de cet électorat de 2016 à déclarer être prêts à reconduire ce vote en cas de nouvelles élections. 10 points en dessous en moyenne de ce qui se passe pour les autres partis. Plus de 12% déclarent qu’ils ne voteront « jamais plus » pour Podemos alors qu’ils ne sont que 3%, en moyenne, dans ce cas dans l’électorat des autres partis. Dans le cas inverse de ceux et celles qui déclarent qu’ils voteront toujours pour « leur parti », ils sont seulement 11% pour Podemos alors qu’ils se situent à 30% pour le PP et le PSOE (Ciudadanos serait dans la même situation que Podemos). Jusqu’ici Podemos ne dérogeait pas aux règles de fidélisation électorale des autres partis, c’est la première fois qu’un tel décrochage se produit.

Cet électorat, qui était parvenu à recouper assez largement le spectre de l’électorat général de la gauche, en mordant sur celui du PSOE, serait en train de se rétrécir sur son cœur le plus à gauche. Méchamment ironique pour un parti qui, par les stratégies croisées, quoique partiellement concurrentes, de Iglesias et Errejón, recherchait la plus grande « transversalité »…

L’image de Pablo Iglesias, quant à elle, s’est, en l'espace d'un an, très fortement dégradée dans son électorat. Toutes figures confondues parmi les grands leaders de parti, il est, et de loin, le plus mal perçu par les siens. Derrière même, donc, Rajoy !

Voilà de quoi préoccuper, alors que des législatives générales pourraient être annoncées pour l’an prochain, pour autant certes que l’on pense devoir accorder du crédit à des enquêtes d’opinion, une direction de Podemos ayant retrouvé, depuis Viastalegre 2, son penchant électoraliste excluant de s’articuler à un travail de reconstruction d’un mouvement social qui, en l’état, est toujours à la peine pour trouver la voie de la convergence des luttes en cours et de leur élargissement. Déséquilibre stratégique, au détriment du social et de la charge politique qu’il recèle, fort dommageable, dont pourtant un analyste catalan rappelle que sa résolution aiderait à sortir la revendication nationale catalane de ses propres apories stratégiques : « Un Govern qui voudrait obtenir que la majorité de la population appuie la République catalane doit donner, avant de la proclamer, des exemples pratiques d’une orientation différente sur le terrain de la démocratie et des revendications sociales. » (Marti Caussa, Catalogne. Une défaite sans reddition et une crise stratégique). Cette remarque est, nous en sommes persuadés, extrapolable, par-delà les spécificités nationales, catalanes en particulier, à l’ensemble de l’Etat espagnol.

Pour conclure sur l’échéance politique la plus immédiate, celle qui s’annonce avec les élections de décembre en Catalogne, dans la situation d’échec probable de tout projet électoral de gauche en Catalogne, la victoire ne devrait pas échapper aux nationalistes catalans, sans que pour autant cela leur permette de progresser jusqu’à obtenir enfin une majorité absolue en voix et avancer dans la légitimation de leur projet indépendantiste. En somme, sauf surprise, ces élections ne devraient rien trop changer, aux équilibres politiques actuels, et laissent prévoir une désespérante situation « bouteille à l’encre » où aucune sortie de crise n’est en vue, hors d’un possible rétropédalage non-indépendantiste …des indépendantistes vers un positionnement autonomiste d’attente pour des jours meilleurs leur permettant d’obtenir, dans l’immédiat, la fin du 155 et la reprise du « cours normal » et platement gestionnaire de l'existant… A moins que, dans les profondeurs de la société catalane, une telle perspective de renvoyer aux calendes grecques que la République proclamée devienne la République effective ne soit vécue comme inacceptable… Mais avec quelle traduction sociopolitique ? Du côté d'une CUP, sur la quelle nous reviendrons, qui représente le seul pôle anticapitaliste, avec une surface politique relativement importante, à poser que l'auto-organisation sociale est l'avenir de la République catalane mais qui n'a pas pu, dans l'immédiat, peser pour forcer les institutionnels de ladite République (virtuelle) à basculer dans ce sens ? L’avenir pourrait nous en dire plus… Mais il est très possible que Podemos et peut-être C en C n’y jouent qu’un rôle marginal… Triste épilogue de la promesse indignée ?