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La gauche espagnole et la question catalane (par Jaime Pastor)

Catalogne Espagne

Lien publiée le 12 décembre 2017

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https://blogs.mediapart.fr/antoine-montpellier/blog/111217/en-debat-la-gauche-espagnole-et-la-question-catalane-par-jaime-pastor

« L’expression politique de l’identité catalane est trop persistante pour qu’elle s’évanouisse anonymement dans une unique polis et, en démocratie, une fois rompus les liens de la peur, le projet unitaire de l’Espagne présente d’autres faiblesses ajoutées qu’il convient de ne pas monter en épingle (Pays Basque, Galice…) » (Francisco Caamaño, ancien ministre socialiste de la Justice)

Original en catalan

« L’expression politique de l’identité catalane est trop persistante pour qu’elle s’évanouisse anonymement dans une unique polis et, en démocratie, une fois rompus les liens de la peur, le projet unitaire de l’Espagne présente d’autres faiblesses ajoutées qu’il convient de ne pas monter en épingle (Pays Basque, Galice…) ». Ce diagnostic d’un ancien ministre socialiste de la Justice, Francisco Caamaño, publié dans la Présentation d’une Anthologie récente de Daniel Guerra, El pensamiento territorial de la Segunda República española [La pensée territoriale de la Seconde République espagnole] (Athenaica, 2017), synthétise le constat de l’échec historique du nationalisme espagnol dominant non seulement sur la question catalane mais aussi sur son projet d’assimilation de la diversité nationale et culturelle existant au sein de l’Etat espagnol.

En effet, ce nationalisme, représenté principalement par le « triparti » [Parti Populaire, PSOE et Ciudadanos] du régime monarchique, a un double problème : il est à la recherche d’une réponse à cet échec tant dans son rapport à un large secteur de la société catalane que vis-à-vis de la toujours plus visible réalité plurinationale. Cette réponse, si elle veut être démocratique, exigerait l’acceptation d’un traitement d’égal à égal avec la Catalogne (autrement dit, le respect de son droit à divorcer) et, dans le même temps, le choix de « repenser l’Espagne », en renonçant à la conception uninationale de l’Etat sur laquelle s’est fondée sa construction tout au long de l’histoire, pour en venir, comme le propose aussi Caamaño, à se proposer comme politeia [mot du grec ancien équivalant au respublica latin, soit Etat fondé en citoyenneté, sur les droits des citoyens].

Il est évident que ni le PP ni C’s [Ciudadanos] ne sont disposés à avancer dans cette voie. Au contraire même, avec l’application extensive de l’article 155 de la Constitution et les attaques contre l’autogouvernement mais aussi contre la langue et l’enseignement en Catalogne, ces deux partis semblent aspirer à établir une recentralisation de l’Etat, y compris à une renationalisation espagnole en règle.

Le plus préoccupant est que les élites dirigeantes du PSOE aussi, une fois acquise la domestication de Pedro Sánchez [l’actuel secrétaire général] et enterrée la « plurinationalité », ont fait bloc autour de l’article 155 et de la défense fondamentaliste de la Constitution et de « l’unité de l’Espagne », en se bornant à promettre une réforme constitutionnelle modérément fédéraliste que ni le PP ni C’s, comme nous l’avons déjà entendu dire de leur part, ne sont disposés à négocier.

En réalité, nous ne devrions pas trop nous étonner que se produise une telle évolution du socialisme espagnol. Rappelons-nous que déjà, fin 1989, devant une déclaration approuvée par le Parlament [le Parlement catalan], sur initiative de l’ERC [Gauche Républicaine de Catalogne, indépendantiste] - où il était posé que « le respect du cadre constitutionnel en vigueur (…) ne signifie pas le renoncement du peuple catalan au droit d’autodétermination » -, le président du gouvernement d’alors, [le socialiste] Felipe González, avait indiqué « qu’il serait disposé à utiliser certains des mécanismes exceptionnels prévus dans le Titre VIII de la Charte fondamentale [La Constitution]. L’article 155 de la Constitution autorise le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires à obtenir, par la force, que soient satisfaites les obligations légales, auxquelles sont tenues les Communautés Autonomes, et que soit abandonnée toute action de leur part « portant gravement atteinte à l’intérêt général de l’Espagne ».

C’est sans surprise, donc, que l’on a pu voir Felipe González, en personne, se faire le promoteur du coup d’Etat interne qu’avait subi Pedro Sánchez lorsqu’il avait manifesté son désir de se proposer comme alternative de gouvernement, après les élections de juin 2016, avec l’appui de Podemos et des forces indépendantistes catalanes.

En revanche, il faudrait qu’en Catalogne, on reconnaisse comme une donnée très positive que, depuis la campagne électorale de décembre 2015, Unidos Podemos [Coalition de Podemos avec IU, Izquierda Unida, le Front de Gauche espagnol, et les écologistes de Equo] ait pris position en faveur de la plurinationalité et du droit de la Catalogne à s’autodéterminer. C’est en effet la première fois qu’une force politique ayant la possibilité d’être une alternative de gouvernement prend à son compte une telle revendication. Tout aussi positive, bien qu’elle soit tardive, est son dépôt d’un recours d’inconstitutionnalité contre l’application de l’article 155 de la Constitution [en Catalogne].

Cela étant, nous avons pu constater que sa proposition de « repenser l’Espagne » semble se borner à rechercher comment la Catalogne peut « s’emboîter » dans celle-ci. Ainsi formulée, la prise à son compte de la « plurinationalité » ne paraît pas pouvoir rompre avec une conception de la « Nation de nations » qui octroie toujours à la nation catalane un statut subalterne dans son rapport à la nation espagnole.

Cette ambiguïté calculée pourrait expliquer également la vocation d’équidistance de Podemos – plus préoccupante encore dans le cas d’IU – entre le nationalisme espagnol et le nationalisme catalan ou sa réticence à soutenir la participation effective au référendum du 1er octobre. Une position qui est entrée en contradiction avec celle qu’avait adoptée Podem [le Podemos catalan] et qui a finalement conduit la direction de Podemos à imposer à celui-ci, depuis Madrid, des mesures rappelant les pratiques centralistes de la vieille gauche espagnole.

9/12/2017

Jaime Pastor est politologue et l’éditeur de la revue en langue espagnole viento sur

Le texte en espagnol sur le site de Viento sur

Traduction Antoine Rabadan