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Le théâtre après la Révolution russe
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.contretemps.eu/theatre-revolution-russe/
Après la Révolution d’octobre 1917 il existe en Russie une véritable effervescence théâtrale. « Chaque soviet, chaque commissariat du peuple, chaque comité, chaque section qui se respecte, raffole de la politique théâtrale et se sent appelé à créer une scène à son idée[1] ». Bien que le nouveau gouvernement ait à affronter une situation politique et économique très compliquée et que la guerre civile se poursuive pendant plusieurs années, le théâtre n’est pas laissé sur la touche, en l’attente d’une situation plus propice à son épanouissement, loin s’en faut. Les différents travaux portant sur les pratiques artistiques et notamment le théâtre dans la jeune Russie soviétique s’entendent pour souligner son incroyable vitalité. Non seulement on fait, partout, du théâtre, mais c’est aussi un objet de vives querelles politiques et d’intenses débats théoriques. Le critique d’art Pierre Kogan écrit à ce propos, en 1921 :
« Il n’est pas un domaine de l’art où la Révolution d’octobre ait produit des batailles semblables à celles qui se déroulent dans le domaine théâtral[2]. »
Il est frappant de constater que dans ce contexte, la question théâtrale n’est jamais pensée en dehors de la place qu’occupe — ou que devrait – occuper le théâtre dans le processus révolutionnaire. Par ailleurs, celle-ci s’inscrit dans une réflexion plus large sur la culture comme élément central de la construction des bases de la nouvelle société. Les enjeux théâtraux sont par conséquent des enjeux politiques et les débats sur l’esthétique, le statut des artistes, le répertoire, etc., sont loin de faire consensus, y compris dans les rangs des partisans de la Révolution. Parmi les acteurs de ces débats et initiateurs des politiques théâtrales — et plus largement culturelles et éducatives — se trouvent principalement le Proletkult[3] en tant qu’organisation artistique et littéraire, dirigée par Bogdanov, Kerjentsev et Pletnev, et le Narkompros (Commissariat du peuple à l’éducation) dirigé par Anatoli Lounatcharsky — lui-même dramaturge et fervent amateur de théâtre. Les mouvements avant-gardistes comme le futurisme et le constructivisme ont également participé de cette dynamique politique, esthétique et théorique.
Aborder l’ensemble des bouleversements qu’a connu le théâtre comme pratique, mais aussi comme structure, comme institution, sans parler des avant-gardes esthétiques, nécessiterait bien plus qu’un article, c’est pourquoi la réflexion sera ici recentrée autour d’un aspect spécifique ayant profondément fait débat, à savoir le statut de l’artiste de théâtre en tant que professionnel, que spécialiste et sa remise en question au profit d’un idéal dans lequel l’artiste ne serait plus un homme « à part », le peuple devenant acteur de ses propres représentations théâtrales. Un idéal dans lequel on entend bien sûr résonner la critique émise par Marx et Engels concernant
« la concentration exclusive du talent artistique chez quelques individualités, et corrélativement son étouffement dans la grande masse des gens, [qui] est une conséquence de la division du travail », à laquelle s’est opposée l’idée que « dans une société communiste, il n’y aura plus de peintres, mais tout au plus des gens qui, entre autres choses, feront de la peinture[4]. »
Il sera ici question des débats, mais aussi politiques mises en œuvre par le Narkompros et le Proletkult, autour des problématiques soulevées par le statut professionnel (ou non) de l’artiste, entre octobre 1917[5] et l’instauration de la Nouvelle politique économique (NEP) en 1921, en nous focalisant principalement sur la pratique théâtrale telle qu’elle s’est développée en dehors des institutions théâtrales et théâtres d’État[6].
Héroïsation du peuple et spectacles de masses
Il y a, à n’en pas douter, une véritable frénésie de théâtre après la Révolution. Konstantin Rudnitski rapporte que dans un Bulletin du Théâtre (Vetsnik Teatra) de 1919, il est écrit que
« le futur historien relèvera comment à travers l’une des révolutions les plus sanglantes et les plus brutales qui furent, toute la Russie faisait du théâtre[7]. »
Quand bien même le phénomène a pu être exagéré, cette effervescence est bien réelle, le théâtre occupant « un rôle inhabituellement important dans la vie du peuple[8] ». Au sein de cette ébullition artistique, on peut néanmoins soulever un paradoxe, à savoir qu’à l’exception des futuristes, peu nombreux ont été les dramaturges (c.-à-d. les auteurs professionnels reconnus comme tels) qui ont écrit, dans la période ayant immédiatement suivi les événements de 1917, des pièces narrant ou célébrant la Révolution[9]. Non que les victoires de l’Armée Rouge ou la révolte du peuple russe contre ses anciens dirigeants n’aient pas été théâtralisées, mais celles-ci le seront à travers une forme spectaculaire affranchie de la dramaturgie traditionnelle, qui se développera à travers l’organisation, de part et d’autre du pays, de festivals de masses. Des spectacles gigantesques — qui sont en même temps de vastes opérations de propagande — célébrant la Révolution et galvanisant le peuple, y sont représentés. Non seulement ces spectacles mettent en scène le peuple victorieux et les soldats de l’Armée Rouge — opposant ainsi au héros individuel l’héroïsme du peuple uni — mais aussi entendent-ils mettre véritablement le peuple sur scène. Soldats, marins, ouvriers, par centaines voire par milliers, en sont véritablement les acteurs. C’est donc en foule que le peuple russe monte sur scène pour (re)jouer les heures glorieuses de l’histoire qu’il est en train d’écrire.
Organisées à l’occasion de fêtes commémoratives notamment, ces démonstrations de masses ont lieu dans la rue, sur les places publiques ou devant les bâtiments officiels. Ainsi, Mime de la Grande Révolution est représenté à Moscou et La Lutte du Travail contre le Capital à Irkoutsk. À Petrograd, on monte Vers une Commune mondiale en juin 1920, un spectacle qui met en scène le processus révolutionnaire tel qu’il se met en marche avec la Commune de Paris et s’achève avec la guerre civile en Russie. Le spectacle se joue sur des estrades, installées sur plusieurs étages et reliées par un escalier. En bas se trouvent les « esclaves » et en haut les « maîtres », protégés par des gardes, des soldats. Le spectacle retrace littéralement l’ascension du « peuple esclave » jusqu’au pouvoir. D’abord repoussée par les soldats, la marée humaine parvient finalement à accéder à la plus haute estrade et ainsi à renverser les anciens maîtres. La division entre les révolutionnaires et les « ennemis de la révolution » ou entre « le peuple » et « les bourgeois » ou « les capitalistes » est rendue évidente par le dispositif scénique.
En novembre 1920, on donne sur la place du Palais d’Hiver, La Prise du Palais d’Hiver. Mise en scène par Nicolas Evreinov pour fêter le troisième anniversaire de la Révolution, La Prise du Palais d’Hiver entend rejouer le combat et la victoire de l’Armée Rouge, s’appuyant pour cela sur la participation de près de 10 000 soldats et marins. Sur des estrades se font face les « Rouges » et les « Blancs ». Cette « reconstruction » — qui n’est cependant ni fidèle ni réaliste — des événements survenus trois ans auparavant, est représentée devant un parterre de près de 100 000 spectateurs[10]. La dimension spectaculaire prime : tirs d’artillerie, fumigènes, éclairages du Palais d’Hiver sur le toit duquel est hissé un immense drapeau rouge, des dizaines de milliers de voix entonnant en chœur l’Internationale (sur laquelle se clôturaient traditionnellement ces spectacles de masses)… tout est fait pour galvaniser le peuple autour de cette héroïsation — et aussi mythification — de sa participation aux grandes batailles de la Révolution. La forme du procès dramatisé se développe également[11]. On met en scène les procès de Rosa Luxemburg, ou encore de Piotr Nikolaïevitch Wrangel, général de l’Armée Blanche.
Le peuple se retrouve ainsi sur les tréteaux et estrades, tout comme dans le public puisqu’il reste le destinataire de ces démonstrations au but propagandiste. L’ensemble est parfaitement orchestré, d’un côté comme de l’autre. Néanmoins, prétendre à l’accomplissement d’une véritable abolition de la division entre acteurs et spectateurs dans ce cadre précis serait erroné. Non pas que certains artistes n’aient pas envisagé une « fusion » des acteurs et des spectateurs, comme le poète symboliste Ivanov, mais de telles velléités sont restées marginales. Comme le rappelle Claudine Amiard-Chevrel à propos des spectacles de masses :
« le public restait public, maintenu à distance par le service d’ordre. Il assistait au spectacle ; il se contentait de reprendre en chœur les slogans et les chants. C’est pourquoi dans les grandes fêtes commémoratives, on disséminait des animateurs chargés de lancer la reprise des cris et des chants […][12]. »
Pendant quelques années, de tels spectacles de masse vont être organisés à travers la Russie, y compris sur le front, pour les soldats. Lors du premier Congrès pan-russe du théâtre des travailleurs et des paysans, qui se tient à Moscou en novembre 1919, on rapporte qu’à travers le pays, les spectacles de masse sont au cœur de la vie publique. C’est principalement à l’initiative du Proletkult qu’ont lieu ces festivals de masses. Plus encore,
« tous ces traits des festivals, leur collectivisme, le nombre élevé de participants, la présence parmi eux d’ouvriers et de soldats de l’Armée rouge, inspirèrent aux chefs du Proletkult d’avancer que les démonstrations de masses étaient le prototype et peut-être même le modèle idéal du théâtre futur[13] ».
À la tête du Narkompros, Lounatcharsky soutient certes ces initiatives, tout en se montrant quelque peu réservé vis-à-vis de spectacles manquant selon lui de subtilité. S’il est prêt à encourager l’organisation de ces festivals de masses, il refuse pour sa part d’y voir le « modèle idéal du théâtre futur » et entend bien préserver le théâtre en salle, le théâtre d’art, professionnel, ainsi qu’un certain répertoire. Lénine, tout aussi circonspect, déclarait d’ailleurs à Clara Zetkin, à propos de ces festivals de masse, qu’
« il ne faut pas perdre de vue que le spectacle n’est pas vraiment du grand art, mais un agréable divertissement. Nos ouvriers et paysans méritent vraiment quelque chose de plus grand qu’un simple spectacle[14]. »
Après 1921, avec l’instauration de la NEP et la baisse du budget alloué à l’activité théâtrale qui s’en suit, ces spectacles de masses (très coûteux) vont finalement disparaître.
Émergence des « clubs » et du théâtre auto-actif
Le débat sur le théâtre pour le peuple, comme le développement de compagnies de théâtre amateur ou semi-professionnelles commence en réalité avant la révolution et dès 1890 en Russie. Mais c’est surtout après la première révolution de 1905 que cette question d’un théâtre du peuple pour le peuple prend de l’importance et, surtout, adopte un biais moins philanthropique pour être pensée en termes de classes sociales. Parmi les textes théoriques qui nourrissent ces débats figurent Le Théâtre du peuple de Romain Rolland — avec qui Lounatcharsky a longtemps entretenu des relations amicales —, traduit en russe en 1910 puis réimprimé après la Révolution, mais aussi L’Art et la Révolution de Richard Wagner (1849), dans lequel est abordée la question du statut professionnel de l’acteur, et qui sera d’ailleurs l’un des tout premiers textes publiés par le Narkompros.
Après la Révolution cependant, il convient d’établir une différence entre le théâtre amateur tel qu’il se pratiquait déjà et une nouvelle branche non-professionnelle qui apparaît : le théâtre auto-actif. Selon Claudine Amiard-Chevrel, le théâtre auto-actif (d’origine « urbaine et ouvrière[15] »), qui se développe entre 1918 et la fin des années 1920, est « l’action des masses elles-mêmes pour créer un fragment de la culture de la société en train de naître[16] ». Radicalement différent selon elle du théâtre amateur qui « imitait plus ou moins bien le théâtre professionnel institutionnalisé », le théâtre auto-actif « créé du neuf, en rejetant toute forme professionnelle du passé[17] ». Jean-Pierre Morel explique précisément les enjeux du théâtre auto-actif, une pratique qui considère
« le théâtre comme un système de rapports sociaux (et de rapports de pouvoir) qu’il veut transformer : séparation du théâtre et de la vie quotidienne des producteurs, matérialisation dans le professionnalisme de l’idéologie bourgeoise, autorité du texte écrit ou tyrannie du metteur en scène, passivité du public face à la scène. Pour supprimer tous ces défauts, le théâtre auto-actif recherche la mobilité des emplois et des engagements, l’ouverture permanente de la troupe à des volontaires ; l’élaboration collective du canevas et du spectacle, aidée d’un recours, limité et contrôlé, à des spécialistes ; la participation la plus large possible de la collectivité aux projets du théâtre, par l’information, aux répétitions et à la préparation matérielle (décors, costumes) par sa présence, ses avis et son aide concrète, à la représentation aussi par son rôle actif (le « co-jeu » des spectateurs) ; enfin, la sortie hors du lieu théâtral fixe grâce à des spectacles adaptés ou conçus pour le plein air (théâtre de rue) ou pour des locaux inhabituels (usines, écoles, hôpitaux, casernes) et grâce à la part prise par les comédiens à des tâches utilitaires dont la communauté profitera (préparation de fêtes, aide à l’alphabétisation et à la scolarisation). L’auto-activisme, dont Pavel Kerjentsev s’est fait le propagateur, diffère en tous points du traditionnel ″amateurisme″ théâtral[18]. »
Cette question du théâtre non-professionnel et des différentes formes que celui-ci revêt est cruciale tant il se développe. Des mesures politiques viennent encourager et favoriser la pratique théâtrale non-professionnelle, notamment dans les villages et dans les usines. Pour Kerjentsev, grand défenseur du théâtre amateur, la construction d’un théâtre prolétarien ne sera rendue possible que lorsque le théâtre ne sera plus circonscrit aux centres-ville et qu’il aura atteint les campagnes, qu’il se sera constitué en « théâtres de voisinage », afin de
« créer entre le théâtre et la population cette liaison durable et intime, ces liens de parenté que le théâtre bourgeois ne connaît pas et ne peut pas connaître[19] ».
Il n’est pas besoin d’attendre la fin de la guerre civile pour voir naître un peu partout des « clubs dramatiques amateurs et professionnels, studios, compagnies plus ou moins permanentes[20] »… Ils seraient près de 2000 à fonctionner en lien avec l’Armée rouge aux alentours de 1920. C’est notamment dans ces clubs qu’est pratiqué le théâtre auto-actif, des clubs qui sont des
« organisme[s] d’éducation politique et culturelle, impulsé[s] par le Parti, le Komsomol[21], le syndicat ou le Proletkult dans un quartier, un village, une entreprise, une unité militaire[22] ».
Ouverts à tous, ils regroupent différents cercles dont les activités vont de l’alphabétisation à la science, de la gymnastique à diverses pratiques artistiques. L’éducation politique reste néanmoins le moteur et le garant de l’activité des différents cercles. Le théâtre y occupe une place considérable. Claudine Amiard-Chevrel rappelle que :
« Considérant que le théâtre auto-actif organisait un nouveau mode de vie et ouvrait la voie au théâtre professionnel de l’avenir, fondamentalement différent de l’ancien, le Cercle artistique unique devait assurer une « fusion chimique » de tous les cercles. Sous la responsabilité et l’impulsion du cercle d’éducation politique, tous les cercles concouraient, chacun dans sa spécialité, à la création d’un spectacle unique, motivé par une nécessité historique (un anniversaire par exemple), économique ou politique. […] Le principe du Cercle artistique unique a trouvé son application aussi bien dans la préparation des « journaux vivants » que dans l’activité des Théâtres de la Jeunesse Ouvrière (TRAM).[23] »
Le théâtre auto-actif pratiqué dans ce cadre est resté très vivace jusqu’en 1927, après quoi il s’est vu condamné par le Parti, entraînant un reflux vers des formes plus traditionnelles d’amateurisme.
Les liens très forts qui existent, au sein des clubs notamment, entre le théâtre et les cercles d’éducation politique s’expliquent par l’importance du rôle que joue le théâtre dans la formation politique du peuple. Une mission pédagogique d’autant plus nécessaire qu’au moment où Lounatcharsky prend ses fonctions de Commissaire du peuple à l’éducation, une proportion non négligeable de la population russe est analphabète. Ce théâtre non-professionnel, pratiqué hors du centre des grandes villes, permet d’aborder des questions politiques à l’ordre du jour et de sensibiliser une large part de la population aux campagnes menées par le gouvernement. C’est là un élément qui est d’ailleurs mis en avant dans un rapport adressé en 1921 par la Section d’éducation politique à la Direction politique des soviets militaires révolutionnaires, concernant « les résultats du travail de sa section artistique pendant l’année 1920 », à savoir que
« parmi les éléments du travail d’éducation politique, l’art (sous tous ses aspects) occupe l’une des premières places, comme le prouvent l’expérience de ce travail et l’élan spontané des larges masses vers la révélation de leurs capacités créatrices, dans le domaine de l’art précisément[24] ».
La section théâtrale se voit ainsi confier deux missions : « l’agitation démonstrative et l’éducation par le théâtre amateur[25] ». Une mission qui restera longtemps prépondérante puisqu’en 1927, Nicolas Evreinov, dans un rapport qu’il rédige sur « La construction du théâtre auto-actif », tire la conclusion que « le théâtre de club est le plus important facteur d’éducation politique et culturelle des masses[26] ».
Si le Proletkult est très engagé dans le développement de ce théâtre auto-actif, il n’en contrôle pas toutes les dimensions ni toutes les initiatives et, par ailleurs, le théâtre auto-actif n’est pas la seule forme de théâtre d’agitation qui existe. Le Narkompros s’intéresse de près au théâtre et n’hésite pas à y recourir en soutien aux campagnes politiques mises en œuvre. Le Commissariat du peuple à l’éducation va notamment mettre en place un « un réseau de troupes ambulantes dans le cadre d’une campagne en direction des paysans, pour les inciter à livrer leurs céréales afin de nourrir les villes réduites à la famine[27] ».
Pour ce faire, Lounatcharsky qui, à l’inverse des dirigeants du Proletkult, ne se montre guère en faveur d’une éviction totale du théâtre professionnel et surtout du statut d’artiste professionnel, recrute autant des acteurs venus de cercles théâtraux, de clubs voire d’unités militaires, que des professionnels issus des théâtres nationalisés ou privés. L’armée tout comme les clubs s’engagent aux côtés du Narkompros dans cette campagne politique théâtralisée. Sous la stricte direction du Narkompros, qui élabore un répertoire composé de « courtes pièces ou saynètes inspirées du guignol, de scènes dramatiques et musicales, de numéros de chant et de déclamation », les troupes transmettent dans un langage « simple et frappant », les recommandations du Commissariat et incitent les paysans à se rallier à sa politique de répartition de leur production. Plus encore, les troupes qui tournaient ainsi dans les villages avaient également pour mission de « susciter la naissance d’autres troupes sur place, leur servir d’exemple et d’instructeur, les parrainer ensuite pour que se poursuive l’agitation après leur passage[28] ».
La question du répertoire
Outre ce type de répertoire, directement établi par le Narkompros qui en contrôlait étroitement le contenu, la question des œuvres et des formes esthétiques se pose pour ce théâtre pratiqué dans les clubs, studios et cercles artistiques. Car bien que l’objectif soit principalement politique, expliquant le recours très fort à des formes d’agit-prop et didactiques, le théâtre de club a également pour mission d’éveiller « l’initiative et la spontanéité créatrices des masses laborieuses » et d’éduquer « sur le plan artistique les ouvriers[29] ».
La nécessité d’un renouvellement des formes théâtrales se fait donc sentir, face à laquelle un désaccord tenace vient opposer d’un côté les dirigeants du Proletkult et de l’autre, Lounatcharsky. Le discours promouvant la table rase dans le champ artistique, c’est-à-dire le rejet définitif d’un répertoire hérité de l’ancienne société, considéré comme un vestige de la culture bourgeoise, est relativement répandu et repris par le Proletkult. C’est également la position défendue par Nikolaï Boukharine, qui réclame la disparition du théâtre bourgeois. Lounatcharsky défend une tout autre position, celle d’un « patrimoine du prolétariat » dans lequel les œuvres du passé trouveraient leur place ; et entreprend d’ailleurs de répondre à Boukharine à travers un article publié dans le Bulletin théâtral — un bulletin dont il regrette qu’il soit si « peu lu de notre personnel dirigeant » — :
« Boukharine pense que connaître tout entier le passé de l’humanité à travers les œuvres d’art des génies de tous les peuples et de toutes les époques (dont la plupart ne pourraient être classées comme « bourgeoises » que par un ignorant) équivaut à être « prisonniers » de la culture bourgeoise. Nous pensons au contraire que cela signifie être instruits, s’être rendus maîtres de la culture du passé bourgeois, qui est partie intrinsèque du passé culturel dans sa totalité. Nous pensons que le prolétariat a non seulement le droit, mais dans une certaine mesure aussi le devoir, de connaître tout ce passé dont il est l’héritier. Nous conservons donc les traditions théâtrales, l’habileté théâtrale, et nous sommes fiers d’avoir porté le répertoire des théâtres de Moscou au niveau le plus élevé possible[30]. »
Sur les scènes des théâtres professionnels de Moscou continuent d’être joués Shakespeare, Byron, Maeterlinck… Lounatcharsky rejoint en cela Lénine, mais aussi Trotsky, dans l’idée d’une appropriation culturelle par « expropriation de la bourgeoisie », la culture de l’ancienne société devant servir « temporairement à enfanter la nouvelle[31] » :
« La bourgeoisie parvint au pouvoir en possédant dans sa plénitude toute la culture de son époque, tandis que le prolétariat y arrive en possédant seulement la conscience de l’urgente nécessité de s’approprier cette culture. La tâche du prolétariat qui a conquis le pouvoir consiste principalement à s’emparer maintenant de tout l’appareil culturel : l’industrie, les écoles, les maisons d’édition, la presse, le théâtre qui autrefois desservirent sa cause et à s’ouvrir ainsi la voie vers la culture […][32]. »
La politique culturelle du parti bolchevique ne consiste pas à rejeter le passé, quoique le Proletkult, mais aussi bon nombre d’artistes avant-gardistes comme les futuristes — que Lounatcharsky a cependant fortement soutenu en leur confiant notamment la rédaction du journal officiel L’Art de la commune — se soient rangés à cette idée radicale. La question de l’héritage culturel fait débat, alors même que l’expansion des groupes non-professionnels rend nécessaire la production de textes, d’œuvres, de formes immédiatement disponibles et répondant aux objectifs politiques et éducatifs énoncés par le gouvernement à travers le Narkompros.
Ainsi, s’il ne fait aucun doute que l’on joue, la question de ce que l’on joue apparaît donc plus complexe. D’après Konstantin Rudnitski :
« Dans les circonstances de la guerre civile, les responsables et les membres des milliers de clubs amateurs qui s’étaient constitués n’avaient ni le temps ni le goût de se consacrer à l’invention de nouvelles formes théâtrales. Le théâtre amateur, au front, en ville et dans les campagnes intéressait certes un nombre incalculable d’acteurs et de spectateurs, mais ils n’avaient qu’une idée : défendre le pouvoir des Soviets, protéger la Révolution[33]. »
Pourtant, des formes originales apparaissent malgré tout, même si celles-ci sont profondément liées à un impératif didactique ou propagandiste : journal vivant, montage littéraire… De fait, le jeune théâtre soviétique d’agit-prop et largement non-professionnel, est à l’origine d’innovations formelles dont la postérité confirme l’importance. Émile Copfermann, dans sa préface à l’édition française de Théâtre et révolution de Lounatcharsky, écrit en effet à propos du journal vivant qui par le « montage de scènes extraites de la vie quotidienne » vient suppléer « l’absence d’informations, de journaux et “dramatise[r]” les faits » que celui-ci est « devenu banal, depuis »[34].
Pour remplir sa mission politique et à défaut de pouvoir se reposer sur un répertoire contesté, ce théâtre a besoin de pièces. Ce jeune théâtre non-professionnel manque d’œuvres édifiantes à même de répondre aux attentes de l’époque et aux ambitions des nouveaux dirigeants. C’est notamment au sein de l’Armée Rouge qu’un répertoire verra le jour, qui ne sera pas le fait d’auteurs dramatiques, mais de soldats, officiers, commissaires politiques… prenant la plume pour produire un théâtre servant leurs intérêts immédiats. L’objectif propagandiste prime en effet sur toute autre considération, formelle notamment.
La remarque de Rudnitski prend ici tout son sens. Les textes ainsi écrits se contentent souvent d’impulser un contenu politique révolutionnaire à des formes dramatiques anciennes et notamment au mélodrame. Les représentations sont systématiquement précédées d’un discours qui en dévoile les enjeux et suivies d’une discussion politique. En dehors de ce répertoire de fortune, les clubs d’ouvriers empruntent des textes à un corpus théâtral pré-révolutionnaire, en les transformant plus ou moins « en fonction des impératifs idéologiques du moment », de même que, faute de nouveaux modèles disponibles et surtout de formation artistique, ils cherchent souvent à « imiter les représentations d’autrefois »[35].
Il apparaît ainsi que, dans cet engouement frénétique pour le théâtre et le développement effréné des pratiques non-professionnelles, des contradictions se font jour. Entre les avant-gardes, les formes d’agit-prop avant tout didactiques et le théâtre auto-actif, le champ théâtral voit se côtoyer, d’un côté l’apparition de nouvelles formes dramatiques et spectaculaires (festivals de masses, montage littéraire, journal-vivant…), mais aussi, de l’autre, la reprise et l’imitation de formes anciennes, plus ou moins adaptées.
Vers l’abolition de l’acteur professionnel ?
Sur cette question du théâtre non-professionnel, les lignes défendues par le Proletkult, le Narkompros, mais aussi les mouvements avant-gardistes ne coïncident pas — bien que leurs désaccords dépassent largement cette seule question. Fondé entre février et octobre 1917, le Proletkult est une organisation pour les arts, la littérature et la culture autonome du parti bolchevique.
L’organisation culturelle dirigée par Bogdanov, Kerjentsev et Pletnev, qui se donnait pour ambition d’être à la sphère culturelle ce que le parti était à la politique et les syndicats aux luttes économiques[36], a toujours cherché à réaffirmer son indépendance vis-à-vis de l’État et du parti bolchevique, s’appuyant pour cela sur le fait qu’elle existait déjà en amont de la Révolution d’octobre. Avec un budget alloué par l’État loin d’être négligeable (9 millions de roubles en 1918), le Proletkult cherche à faire émerger une véritable culture prolétarienne. En 1920, il affiche 80 000 membres et 500 000 participants, dont beaucoup d’ouvriers. Même si des doutes subsistent quant aux chiffres — sans doute exagérés — il n’en reste pas moins que Proletkult possède une base ouvrière indéniable. En réalité, l’organisation est si puissante qu’elle est même en mesure d’entamer un rapport de force avec le gouvernement, au moment de l’instauration de la NEP.
Les festivals de masses sont principalement le fait du Proletkult, tout comme la publication de nombreux journaux. Sa ligne idéologique est claire. Il s’agit de faire émerger un art totalement nouveau, de « libérer l’idéologie spontanée[37] » du prolétariat, en faisant table rase de la culture pré-révolutionnaire. Le Proletkult et particulièrement Kerjentsev s’affirme ouvertement contre la professionnalisation des acteurs, ce dernier préconisant de « préserver le mieux possible le principe de l’amateurisme[38] ». Pour Kerjentsev, l’existence même de troupes permanentes professionnelles s’avère problématique en ce que celles-ci viendraient couper le théâtre de « toutes les forces ouvrières qui restent[39] ». C’est parce qu’ils sont prolétaires, engagés dans le parti ou dans l’Armée Rouge, que Kerjentsev reconnaît à ces nouveaux acteurs une légitimité à faire advenir un théâtre prolétarien. Leur professionnalisation en tant qu’artistes leur retirerait par conséquent ce caractère indispensable. Pour lui,
« en choisissant pour profession le théâtre à une époque où il n’y a pas encore d’art prolétarien, [l’acteur] tombe dans le milieu des professionnels bourgeois, profondément étrangers et même hostiles aux idées de culture prolétarienne[40] ».
C’est pourquoi, pour le Proletkult, le rôle des anciens artistes professionnels devrait se limiter à enseigner leur art aux ouvriers amateurs, à accompagner ces derniers. Ainsi, s’il reconnaît l’importance d’un apprentissage technique, celui-ci ne lui paraît cependant pas essentiel car « ce n’est pas par son intermédiaire que s’accomplit la révolution du théâtre[41] » et ce, d’autant plus qu’en temps de guerre civile et de relance de l’économie, les ouvriers ne peuvent en aucun cas se consacrer à une spécialisation théâtrale.
Le Proletkult entend ainsi mobiliser le peuple autour du théâtre, en créant notamment des groupes d’« émulation théâtrale » dans les usines et des collectifs d’acteurs, afin de faire émerger un « art prolétarien », dont seuls les amateurs pourront être les véritables créateurs. Cette notion d’art prolétarien reste cependant controversée. Trotsky, notamment, n’y voit qu’une « fausse problématique », expliquant qu’une culture prolétarienne tout comme un art prolétarien
« n’existeront en fait jamais, parce que le régime prolétarien est temporaire et transitoire. La signification historique et la grandeur morale de la révolution prolétarienne résident dans le fait que celle-ci pose les fondations d’une culture qui ne sera pas une culture de classe, mais la première culture vraiment humaine[42] ».
Par ailleurs, les positions défendues par le Proletkult tout comme son refus de se soumettre au Narkompros agacent passablement certains dirigeants politiques, en particulier Lénine. Comme le rappelle Émile Copfermann :
« Lénine – comme d’ailleurs Trotsky – juge sévèrement le Proletkult. Il intervient à plusieurs reprises auprès de Lounatcharsky pour que celui-ci ne tolère pas le développement d’une organisation autonome dont l’attitude finit par semer le désarroi[43]. »
Dans les rangs des futuristes comme des constructivistes, c’est une position radicalement différente qui est défendue vis-à-vis du statut et de la formation de l’artiste. La professionnalisation et, partant, la qualification, mais aussi le talent représentent pour eux des données essentielles ne pouvant être remis en question. Parmi les metteurs en scène avant-gardistes, on peut néanmoins évoquer la position de Vsevolod Meyerhold, qui occupe une place à part. Très tôt engagé aux côtés du pouvoir révolutionnaire, il prend, en 1918, la direction de la Section théâtrale du Narkompros (TEO) à Petrograd puis à Moscou, et se verra confier la réalisation de l’« Octobre théâtral[44] » dans lequel il souhaite qu’y entrent
« la révolution des théâtres professionnels, la création d’Ateliers de dramaturgie, de mise en scène et de jeu de l’acteur, des expériences dans le domaine du théâtre amateur de l’Armée rouge qui représente un alliage intéressant d’ouvriers et de paysans, y entrent enfin la révolution et le perfectionnement des théâtres de province[45] ».
La NEP viendra cependant contrecarrer les ambitions de cet Octobre théâtral et Lounatcharsky écartera Meyerhold du TEO au début des années 1920. Avant son éviction cependant, ce dernier travaille étroitement avec le Narkompros et défend vigoureusement le théâtre auto-actif :
« Bientôt, il n’y aura plus de spectateurs, tous seront acteurs, et alors seulement nous aurons un véritable art théâtral. Maintenant, à une époque de transition, toute l’attention doit être tournée vers les cercles auto-actifs[46] »
écrit-il en décembre 1920. Dans la lignée du Narkompros — et du Proletkult sur ce point-là — il défend alors l’idée qu’un
« spécialiste du théâtre doit se préoccuper de transmettre tous ses acquis techniques au nouvel acteur issu du milieu prolétarien[47] ».
Au sein du Narkompros néanmoins, l’ambition n’est pas de rompre définitivement avec l’acteur professionnel et le théâtre d’art. Lounatcharsky salue d’ailleurs le travail mené par Stanislavski et Némirovitch-Dantchenko au Théâtre d’Art de Moscou, tant avec des acteurs que des amateurs et bien qu’il émette des réserves quant à l’esthétique des spectacles produits dans ce théâtre — qu’il pense notamment « trop raffiné pour un public prolétarien[48] » — il n’en remet pas en cause l’existence. Si le Proletkult promeut l’amateurisme comme modèle artistique du théâtre prolétarien, Lounatcharsky considère quant à lui qu’« il convient de tirer du milieu prolétarien des amateurs, puis des acteurs professionnels ». Autrement dit, la profession doit fondamentalement se renouveler au regard des impératifs forgés par la Révolution, mais celle-ci ne doit pas pour autant disparaître au profit de la seule pratique amateur encadrée, même par des artistes.
« Tout le monde sait que j’ai toujours été et que je suis encore un défenseur énergique du théâtre professionnel dans ses expressions les plus élevées[49] »
affirme Lounatcharsky, qui ne veut pas voir « bâclée » l’activité théâtrale. En conséquence, la ligne politique qu’il défend est celle d’un double soutien spécifique : aux professionnels « venus sur les positions de la révolution » — à l’instar de Meyerhold — et aux amateurs.
Ainsi, si la défense du théâtre non-professionnel constitue l’une des préoccupations essentielles de la Section théâtrale du Narkompros comme du Proletkult, il reste des désaccords vivaces concernant la question de la suppression du statut professionnel de l’acteur et plus largement d’un théâtre d’art, du maintien ou non des institutions artistiques d’État et des théâtres privés ainsi que du répertoire pré-révolutionnaire. Ces désaccords trahissent des positions théoriques fortement divergentes quant à l’art, sa place dans le processus révolutionnaire et surtout la façon dont le théâtre — mais cela est également valable pour d’autres pratiques artistiques ainsi que pour la littérature — peut accompagner des changements politiques majeurs tout en étant lui-même profondément transformé formellement, esthétiquement, par ces mutations politiques.
Ces débats sont d’autant plus complexes à appréhender a posteriori que les positions politiques adoptées par les principaux acteurs du Proletkult comme du Narkompros ont également évolué sur plusieurs années. Lounatcharsky lui-même, dont le rôle est indéniable dans la politique culturelle de la jeune Russie soviétique et que Lénine tient en haute estime, s’est également vu reprocher par ce dernier « ses sympathies pour les “hérésies” du Proletkult et de l’empiriocriticisme[50] ». Lounatcharsky était semble-t-il facilement influencé par des courants philosophiques que critiquait très fortement Lénine, et restait proche de Bogdanov qui était également son beau-frère. Par conséquent, mettre au jour ces débats implique de tenir compte des évolutions et des contradictions de leurs principaux acteurs, ainsi que des querelles politiques et théoriques dépassant le cadre strict des questions artistiques.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que, bien que le Narkompros ait joué un rôle crucial dans le développement et l’orientation des activités culturelles et notamment théâtrales, ses ambitions et efforts considérables
« ont été inhibés d’un côté par la crise économique et le boycott presque total, au début, de l’intelligentsia culturelle, et de l’autre côté, par l’absence au sein du Parti comme du gouvernement d’une théorie cohérente qui soit en mesure de servir de jalons à une politique culturelle[51] ».
Pour finir, la Nouvelle politique économique va entraîner des changements importants dans la distribution des financements de l’État. Une autre logique s’installe alors pour les théâtres, qui augmentent le prix des billets. Quant aux représentations gratuites et démonstrations de masses, jugées trop coûteuses, celles-ci disparaissent. Les questions soulevées par le statut de l’artiste, la professionnalisation et la place du théâtre dans le processus révolutionnaire prennent dès lors une autre tournure. Comme l’écrit Lars Kleber, dans les années qui ont immédiatement suivi le tournant politique et économique de 1921, les débats se sont recentrés dans une large mesure sur le théâtre au sein des institutions théâtrales traditionnelles. Même si la question du professionnalisme et de l’amateurisme est restée centrale, le cadre du débat, lui, a changé et
« le théâtre de la Révolution a, en d’autres termes, laissé la place à la révolution du théâtre[52] ».
D’un point de vue théorique, c’est notamment à travers les écrits de Boris Arvatov — théoricien du productivisme et membre du LEF[53] — que l’idée de l’artiste comme producteur et du « théâtre comme production » prendra un nouvel essor, reposant à nouveaux frais la question du statut de l’artiste sous le socialisme.
Notes
[1] Nina Gourfinkel, Le Théâtre russe contemporain, Paris, Éditions Albert, 1931, p. 109.
[2] Pierre Kogan, cité in Konstantin Rudnitski, Théâtre russe et soviétique, Paris, Éditions du Regard, 1988, p. 41.
[3] Proletarskaïa koultoura ce qui signifie « culture du prolétariat ».
[4] Karl Marx et Friedrich Engels, L’Idéologie allemande, Paris, Éditions sociales, 2012, p. 397.
[5] Pour une étude de la politique culturelle russe dans la période précédant directement la Révolution d’octobre, voir l’article de Daniel T. Orlovsky, « The Provisional Government and Its Cultural Work », in Abbott Gleason, Peter Kenez and Richard Stites (dir.), Bolshevik Culture. Experiment and Order in the Russian Revolution, Indiana University Press, 1985, p. 39-56.
[6] Pour une étude des rapports entre les structures théâtrales liées à l’ancien État tsariste et les bolcheviques, voir par exemple l’article de Murray Frame, « Theatre and Revolution in 1917 : The Case of the Petrograd State Theatres », Revolutionary Russia, volume 12, 1999, p. 84-102.
[7] Konstantin Rudnitski, Théâtre russe et soviétique, op. cit., p. 43.
[8] Ibid., p. 41.
[9] Il ne faut par ailleurs tenir compte de la méfiance réelle de nombre d’artistes envers la Révolution et le nouveau gouvernement. Si le gouvernement soviétique lance très rapidement un appel aux artistes, peu nombreux sont ceux qui s’empressent d’y répondre.
[10] Les détails de ce spectacle sont rapportés par Konstantin Rudnitski dans Théâtre russe et soviétique, op. cit., p. 44.
[11] Voir Elizabeth Wood, Performing Justice : Agitation Trials in Early Soviet Russia, Cornell University Press, 2005.
[12] Claudine Amiard-Chevrel, « Evreinov et le théâtre politique des années vingt », Revue d’études slaves, tome 53, fascicule 1, 1981, p. 67.
[13] Konstantin Rudnitski, Théâtre russe et soviétique, op. cit., p. 45.
[14] Lénine cité in Ibid.
[15] Jean-Pierre Morel, « Les phases historiques de l’agit-prop soviétique », in coll. Le théâtre d’agit-prop de 1917 à 1932, tome I, op. cit., p. 33.
[16] Claudine Amiard-Chevrel, « Méthodes et formes spécifiques », in coll. Le théâtre d’agit-prop de 1917 à 1932, tome I, op. cit., p. 49.
[17] Ibid., p. 50.
[18] Jean-Pierre Morel, « Les phases historiques de l’agit-prop soviétique », art. cit., p. 34.
[19] Platon Mikhaïlovitch Kerjentsev, « Le théâtre créateur [extraits] » (1923), in coll. Le théâtre d’agit-prop de 1917 à 1932, tome II, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1977, p. 24.
[20] Konstantin Rudnitski, Théâtre russe et soviétique, op. cit., p. 43.
[21] Ligue communiste de la jeunesse.
[22] Claudine Amiard-Chevrel, « Méthodes et formes spécifiques », art. cit., p. 50.
[23] Ibid.
[24] Extrait du rapport du 5 janvier 1921, traduit par Jean-Pierre Morel, publié dans coll. Le théâtre d’agit-prop de 1917 à 1932, tome II, op. cit., p. 22.
[25] Ibid. Accentuation de l’auteur.
[26] « Résolution prise sur le rapport de N. N. Evreinov : “La construction du théâtre auto-actif” (avril 1927 », publié dans Le théâtre d’agit-prop de 1917 à 1932, tome II, op. cit., p. 38.
[27] Claudine Amiard-Chevrel, « Méthodes et formes spécifiques », art. cit., p. 52.
[28] Ibid.
[29] « Résolution prise sur le rapport de N. N. Evreinov : “La construction du théâtre auto-actif” (avril 1927 », art. cit., p. 38.
[30] Anatoli Vassilievitch Lounatcharsky, Théâtre et révolution, Paris, Maspero, 1971, p. 108-109. Ce texte, rédigé en 1921, fait écho à une querelle survenue au tournant des années 1920.
[31] Émile Copfermann, « Quelque chose a changé… », Partisan, n° 47, 1969, p. 20.
[32] Léon Trotsky, « Discours au IIIe congrès panrusse des Jeunesses communistes de Russie, 2 octobre 1920 », cité in Ibid.
[33] Konstantin Rudnitski, Théâtre russe et soviétique, op. cit., p. 46.
[34] Émile Copfermann, préface à Anatoli Vassilievitch Lounatcharsky, Théâtre et révolution, Paris, Maspero, 1971, p. 22. Accentuation de l’auteur. On peut en effet établir des filiations entre le journal-vivant tel que pratiqué en Russie soviétique après la Révolution et le journal-vivant développé par le psychiatre d’origine roumaine Jacob Moreno entre 1918 et 1920 — qui continuera de le pratiquer aux États-Unis à partir de 1925 — mais aussi, avec le « théâtre-journal » développé par Augusto Boal et le Teatro Arena au Brésil à la fin des années 1960.
[35] Claudine Amiard-Chevrel, « Evreinov et le théâtre politique des années vingt », art. cit., p. 60.
[36] Lars Kleberg, Theatre as Action. Soviet Russian Avant-Garde Aesthetics, Londres, Macmillan, 1980, p. 12.
[37] Ibid., p. 15.
[38] Kerjentsev cité in Konstantin Rudnitski, Théâtre russe et soviétique, op. cit., p. 45.
[39] Platon Mikhaïlovitch Kerjentsev, « Le théâtre créateur [extraits] » (1923), art. cit., p. 25.
[40] Ibid., p. 27.
[41] Ibid., p. 26.
[42] Léon Trotsky, Littérature et révolution, (1924), Paris, 10/18, 1964, p. 28. Accentuation de l’auteur.
[43] Émile Copfermann, préface à Anatoli Vassilievitch Lounatcharsky, Théâtre et révolution, op. cit., p. 25.
[44] Cette expression qu’affectionnait Meyerhold est tirée d’un jeu de sonorités entre le Teatralnyi Otdel (TEO) et Teatralnyi Oktyabr.
[45] Vestnik teatra, n° 76-77, 1920. Cité par Béatrice Picon-Vallin in Vsevolod Meyerhold, Écrits sur le théâtre, tome II, 1917-1930, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2009, p. 13-14.
[46] Vsevolod Meyerhold, « Les points faibles du front théâtral (4 décembre 1920 », in Ibid., p. 78.
[47] Vsevolod Meyerhold, « Les buts de la section théâtrale du Narkompros (1920) », in Ibid., p. 64.
[48] Anatoli Vassilievitch Lounatcharski, Théâtre et révolution, op. cit., p. 93.
[49] Ibid., p. 100.
[50] Jean-Michel Palmier in Lénine, Sur l’art et la littérature, Paris, Union Générale d’Éditions, 1975, p. 158.
[51] Lars Kleberg, Theatre as Action. Soviet Russian Avant-Garde Aesthetics, op. cit., p. 9.
[52] Ibid., p. 64.
[53] Levyi Front Iskusstv (Front Gauche des Arts).
N.B : La citation dans le titre de l’article (« Vous n’avez pas besoin de jouer, il vous suffit d’être ») est tirée de Philippe Ivernel (dir.), Le Théâtre d’agit-prop de 1917 à 1932, tome I, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1977, p. 23.