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Notre-Dame-des-Landes: le détail de ce que dit le rapport

écologie NDDL

Lien publiée le 15 décembre 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://reporterre.net/Notre-Dame-des-Landes-voila-le-detail-de-ce-que-dit-le-rapport-de-mediation

Le rapport des médiateurs a été rendu mercredi 13 décembre. Il ré-évalue positivement l’aménagement de l’aéroport existant de Nantes. Et les médiateurs proposent que la Zad devienne « un terrain d’expérimentation de pratiques agroenvironnementales rénovées. »

« Décision, il doit y avoir. L’attente est très forte. » La médiatrice Anne Boquet insiste sur ces mots. Avec ses confrères Michel Badré et Gérard Feldzer, ils ont remis hier mercredi 13 décembre, en fin de matinée, leur rapport au Premier ministre, Édouard Philippe. Puis les trois membres de la « Mission de médiation relative au projet d’aéroport du Grand Ouest » se sont livrés à un exercice d’explication devant un parterre de journalistes.

Les trois médiateurs, Gérard Feldzer, Anne Boquet, et Michel Badré.

Nommés le 1er juin dernier afin d’étudier le dossier du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, ils ont eu six mois pour auditionner le maximum de parties prenantes (plus d’une centaine de personnes — associations, institutionnels, experts), examiner l’historique du projet, et demander des expertises complémentaires. « Dans une situation particulièrement conflictuelle, la mission a travaillé en toute objectivité, impartialité. […] Nous n’avons subi aucune pression », a insisté Anne Boquet. Elle a aussi reconnu un « déficit de démocratie dans ce dossier. Il y a eu un certain nombre de défaillances. Le débat n’a pas été transparent et contradictoire. L’opposition était présente dès l’origine du projet et faute d’avoir été prise au sérieux, elle s’est radicalisée, une Zad s’est implantée. »

  • Télécharger le rapport :

Des « éléments nouveaux »

Le rapport commence par remettre le projet d’aéroport dans un contexte plus large et liste des enjeux : croissance du trafic aérien, exposition des riverains au bruit, mais aussi aménagement du territoire, qualité de l’eau et respect de la biodiversité, dynamique du monde agricole, coûts, émissions de gaz à effet de serre, et même ordre public — « le retour à l’État de droit sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes est une nécessité », a dit la médiatrice.

Autre préalable, il tient pour acquis les chiffres d’augmentation du nombre de voyageurs et table sur 9 à 10 millions de passagers et 80.000 mouvements d’avions en 2040.

À partir de là, les trois médiateurs posent toutes les options sur la table : transfert de l’aéroport actuel à Notre-Dame-des-Landes avec une ou deux pistes, aménagement de l’aéroport de Nantes-Atlantique avec ou sans piste supplémentaire. Après examen, le rapport n’en retient que deux (voir p. 35-36 du rapport pour l’explication de ce choix) :

  • Notre-Dame-des-Landes avec deux pistes ;
  • ou réaménagement de Nantes-Atlantique avec allongement de la piste actuelle.

Afin de comparer les deux options, un certain nombre d’études complémentaires (disponibles ici) ont été demandées par les trois médiateurs, qui revendiquent le fait d’apporter des « éléments nouveaux ». En particulier, si, selon le rapport, l’option Notre-Dame-des-Landes, déjà largement étudiée, « ne nécessitait guère de précisions complémentaires », celle de « l’option de réaménagement de Nantes-Atlantique avait été beaucoup moins étudiée jusqu’ici ». La mission de médiation a donc voulu lever les nombreux doutes sur la faisabilité de cet agrandissement. Elle a notamment organisé de longues réunions de médiation entre les associations opposées au projet de Notre-Dame-des-Landes et la DGAC (Direction générale de l’aviation civile). Les conclusions qui en sont ressorties divergent fortement de celles qui avaient été présentées dans les précédents rapports.

Le réaménagement de Nantes-Atlantique, une option désormais raisonnable

Une expertise concernant les travaux de réaménagement de Nantes-Atlantique a conclu que ceux-ci pourraient se faire à condition de fermer la piste environ 9 semaines. Les précédentes évaluations allaient jusqu’à six mois. Par ailleurs, les coûts de ces travaux sur la piste ont été grandement revus à la baisse : moins 100 à 150 millions d’euros par rapport à ce qui était annoncé dans la précédente étude de la DGAC en 2013. Au total, l’analyse détaillée a permis aux médiateurs de diviser presque par deux le coût estimé du réaménagement de Nantes-Atlantique. Cette option devient alors moins chère - entre 345 et 475 millions de moins - que celle de la construction de Notre-Dame-des-Landes.

« Les documents précédents disaient l’inverse », a noté Michel Badré. Les médiateurs ont également ajouté que le coût éventuel d’une indemnisation du promoteur Vinci, en cas d’abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes, n’avait pas été intégré, s’en remettant à la négociation entre l’État et le concessionnaire. « Le coût serait entre 0 et 350 millions d’euros [montant maximal indiqué dans le contrat] », a lâché Michel Badré.

Autre nouveauté, les cartes d’exposition au bruit de la population de Nantes. La DGAC avait prévu qu’une augmentation du trafic sur l’aéroport actuel élargirait considérablement cette zone. Au point que la pointe de l’île de Nantes, où de nombreux projets comme la construction du CHU sont en cours, serait menacée de devoir renoncer à toute construction si on ne déplaçait pas l’aéroport. Là encore, cet argument essentiel des pro-aéroport est battu en brèche par les résultats de la mission. « Les précédents résultats ne tenaient pas compte des progrès des avions », a précisé Michel Badré. Les nouvelles cartes d’exposition au bruit limitent les zones affectées par le passage des avions. « La crainte des élus de devoir limiter l’urbanisation ne paraît pas fondée », assure le médiateur.

Un dernier point d’ombre concernant l’agrandissement de Nantes-Atlantique était son impact potentiel sur les oiseaux du lac de Grand-Lieu. Une expertise du Muséum national d’histoire naturelle clôt le débat : il n’y aurait pas « d’impact significatif sur les populations d’oiseaux. »

Bruit contre étalement urbain

Forts de ces nouvelles données, le rapport des médiateurs établit un tableau récapitulatif, comparant pour chaque enjeu les deux options. Entre autres points notables, on apprend ainsi que le réaménagement de Nantes-Atlantique pourrait profiter aux entreprises proches de la manufacturing valley, menées par Airbus. En revanche, le transfert à Notre-Dame-des-Landes serait plus satisfaisant en matière de sécurité aérienne à long terme. Concernant les impacts sur « l’air, l’eau et la biodiversité », le document souligne que l’option du transfert nécessite de compenser la destruction des zones humides et espèces protégées, et s’interroge sur la « faisabilité du dispositif de compensation ».

En résumé, les médiateurs soulignent deux différences majeures entre les deux options :

  • L’exposition des populations au bruit des avions : l’option Notre-Dame-des-Landes permettrait de construire un aéroport dans une zone peu peuplée, où ce problème ne se pose pas.
  • L’étalement urbain et la consommation de terres agricoles : le rapport estime que le réaménagement de Nantes-Atlantique pourrait éviter la consommation d’au moins 1.000 hectares de terres agricoles. Peut-être même 2.000 hectares, « car on sait que les constructions ne manquent pas de s’installer autour d’un nouvel aéroport », a souligné Michel Badré.

Si le rapport peut paraître à première vue favorable à l’option de réaménagement de Nantes-Atlantique, et préparer les esprits à l’abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes, les médiateurs se sont défendus de toute prise de parti. « Ce n’est pas nous qui décidons. Il y a une variété d’enjeux, voyez le tableau, c’est au politique de décider où il met le curseur », a répondu Gérard Feldzer, ancien pilote et troisième médiateur.

Que faire de la Zad ?

Au-delà de la comparaison, le document va jusqu’à étudier les conditions de mise en œuvre de chacune des deux options, une fois la décision politique prise. Point sensible : la situation de la Zad. Car, quelle que soit la solution, l’exécutif comme les médiateurs ont bien insisté sur la nécessité d’un « retour à l’État de droit ». Cela annonce-t-il une intervention prochaine des forces de l’ordre afin d’évacuer les habitants de la zone à défendre ?

Le rapport indique que si l’option de Notre-Dame-des-Landes est choisie, cela sera indispensable, et qu’il s’agira d’une « opération complexe ». Il ajoute (p. 50) : « Les moyens de sécurité publique à mobiliser seront importants, pendant une durée qui ne se limite pas à une opération ponctuelle : la sécurité du chantier devra être assurée pendant tout son déroulement. »

L’option du réaménagement de Nantes-Atlantique offre une sortie plus apaisée. Le rapport propose que l’État conserve les terres de la Zad de Notre-Dame-des-Landes et en fasse « un terrain d’expérimentation de pratiques agroenvironnementales rénovées, sous le pilotage des acteurs locaux. » « Il faudrait que les acteurs s’engagent à respecter le droit, et à avoir un projet de territoire », a précisé Michel Badré.

Enfin, les médiateurs proposent, quelle que soit l’option choisie, qu’en guise de réconciliation un projet de territoire soit élaboré. Dans le dernier point du rapport, intitulé « plus jamais ça », ils espèrent aussi que les leçons seront tirées pour les prochains grands projets.

Tous les regards se tournent désormais vers le gouvernement. Le Premier ministre, Édouard Philippe, a promis mercredi 13 décembre que le gouvernement choisirait entre les deux options d’ici fin janvier. Un temps de réflexion prolongé, qui laisse supposer qu’au-delà de l’aéroport, c’est la question de la « gestion » de la Zad qui occupe les esprits gouvernementaux.