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1917: Les femmes dans la révolution

1917 féminisme

Lien publiée le 10 janvier 2018

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Le 23 février 1917 à Pétrograd (Saint-Pétersbourg), 8 mars dans le calendrier occidental, les ouvrières manifestent à l’occasion de la journée internationale des femmes… et donnent le coup d’envoi de la révolution.

La révolution russe a, comme toutes les révolutions, fait trembler la société sur ses bases. Les relations sociales en ont été bouleversées : rapports entre les classes, bien entendu, mais aussi entre hommes et femmes. Ces dernières ont été, comme souvent dans les grands moments de l’histoire, des actrices de premier plan. Elles sont cependant rarement mentionnées, car l’histoire est encore trop souvent celle des « grands hommes »… 

Les femmes ont joué un rôle à toutes les étapes de la lutte contre le tsarisme : alphabétisation des campagnes par de jeunes bourgeoises affligées de la situation des paysans, poseuses de bombes quand l’époque fut au nihilisme, militantes socialistes et communistes. Et elles furent nombreuses à participer pleinement à l’immense courant qui en 1917 emporta sur son passage le tsar et son régime. Des personnages comme Alexandra Kollontaï, première femme ministre au monde, Inessa Armand ou Larissa Reisner sont les plus connues de ces combattantes, mais nullement des exceptions. Derrière elles, il y en eut des milliers d’autres. « Le succès d’une révolution dépend du niveau de participation des femmes », disait Lénine. Ce fut le cas pour la Russie, où la révolution mit tout en oeuvre pour changer leur vie en mettant en place la législation la plus avancée de tout le monde occidental de l’époque. Des avancées comme le droit à l’avortement ne seront obtenues en France que... 58 ans après la révolution russe !

La situation des femmes au début du 20e siècle

Si la situation des ouvriers et des paysans était terrible dans le pays, les femmes russes subissaient en outre de plein fouet le poids d’une société rurale patriarcale, régie pendant des siècles par le servage, aboli seulement en 1861. L’Eglise orthodoxe, très influente, les considérait comme des êtres inférieurs. L’illettrisme touchait les deux tiers d’entre elles et leur sort à l’intérieur de la famille même était détestable : il était tout à fait admis et recommandé de battre les femmes, la loi l’autorisant explicitement. Symbole qui en dit long, la tradition voulait que le père remette le fouet à son gendre le jour du mariage.

Dans les usines, qui voient affluer le personnel féminin au début du 20e siècle, le sort des femmes est particulièrement lamentable : « celle qui était enceinte ne peut quitter son travail que lorsqu’elle ressent les premières contractions et doit le reprendre dès le lendemain de l’accouchement, sous peine de se voir infliger une amende ou d’être licenciée. »1 Il n’existe bien sûr pas de congé maternité et chaque année, 30 000 d’entre elles meurent en couches, sans assistance médicale. En 1894, suite à des grèves, le gouvernement tsariste avait promis d’assurer la présence d’une sage-femme dans toutes les entreprises de plus de cent femmes, ainsi qu’un lieu pour accoucher dans l’usine, mais comme beaucoup d’autres cette loi fut contournée par les patrons. Les femmes sont en moyenne payées 50 % de moins que les hommes, elles travaillent de 11 à 12 heures par jour, souvent beaucoup plus. Les travailleuses  participeront de plus en plus aux combats syndicaux et politiques : lors des grèves économiques de 1894-96 à Saint-Pétersbourg et lors de la grève historique du textile en 1896, ouvrières et ouvriers débrayèrent ensemble à l’unanimité. Une semaine de grève contraignit le gouvernement à limiter à 11h30 la durée de la journée de travail.

Les femmes se sont d’abord illustrées, au milieu du 19e siècle, dans les couches supérieures de la société. Le livre de Jean-Jacques Marie, Les Femmes dans la révolution russe, dresse le portrait de jeunes filles révoltées par les énormes inégalités des conditions de vie, étouffant dans le carcan du patriarcat, et quittant le confort de leur vie oisive pour se consacrer d’une façon ou d’une autre, à changer, ou du moins à améliorer la société. Certaines vont aller dans les campagnes tenter d’alphabétiser les paysans, d’autres vont devenir poseuses de bombes, telles Vera Figner, qui abattit le tsar Alexandre II en 1881 et passa 20 ans au bagne, ou Sofia Perovskaïa, qui organisa cet attentat et fut la première femme russe pendue pour raison politique. Ou encore Véra Zassoulitch, qui tira sur le préfet de Pétersbourg en 1878.

L’engagement des femmes dans la lutte politique et sociale s’affirma cependant à partir de la  révolution  de 1905. 

1905, le tournant

Le 9 janvier, appelé aussi Dimanche rouge, l’armée tire sur une immense foule de manifestants pacifiques, dont de nombreuses femmes et enfants, venus remettre une supplique au souverain. La manifestation, avec des allures de procession, demandait respectueusement au tsar de faire réintégrer des militants ouvriers licenciés pour faits de grève, ainsi que de meilleures conditions de travail, la cession de la terre aux paysans et la suppression de la censure. Les tirs laissèrent sur le pavé des milliers de morts et blessés. Cette répression aveugle fit beaucoup pour la prise de conscience du plus grand nombre, et marqua le début de la révolution d’octobre 1905, à laquelle les femmes participèrent massivement.

C’est au cours des années suivantes que s’opéra une différenciation entre féministes bourgeoises et ouvrières. Les femmes, quelle que soit leur condition sociale, n’avaient aucun droit, et celles des milieux cultivés et privilégiés entendaient que ça change. Leurs revendications trouvaient un écho dans toutes les couches de la population féminine. C’est pourquoi les sociaux-démocrates, mencheviks comme bolcheviks, militèrent activement pour orienter une partie du travail de propagande socialiste en direction des femmes. Il faut dire qu’il y avait du retard à rattraper, car le problème de la différence des droits entre femmes et hommes avait été longtemps négligé au sein des organisations du mouvement ouvrier, très masculin et voyant même au départ d’un très mauvais œil l’arrivée en masse d’ouvrières dans les usines – un phénomène que l’on retrouve partout dans le monde. 

En 1907 naquit l’Association d’assistance mutuelle des travailleuses, chargée de convaincre celles-ci d’adhérer aux partis et syndicats ouvriers. Elle participa à la conférence internationale des femmes socialistes de Stuttgart, théâtre d’une confrontation ouverte entre les différentes positions et méthodes politiques. Clara Zetkin2, figure allemande du féminisme marxiste, fit adopter une résolution affirmant que les partis socialistes de la Deuxième Internationale avaient le devoir de lutter pour le droit de vote des femmes, en précisant que le droit de vote n’était pas un but en soi, mais qu’il s’agissait d’un moyen de renforcer, grâce à la présence du prolétariat féminin, la lutte contre la domination de classe et contre la propriété privée.

Sous la pression de Lénine est créée une publication spéciale pour les femmes prolétaires : La travailleuse (Rabotnitsa), dont le premier numéro sort en 1914. La guerre envoyant de nombreux hommes combattre au front, leurs postes sont occupés massivement par des femmes et des enfants. Une nouvelle couche de travailleuses accède à la prise de conscience que suscite l’exploitation capitaliste. C’est d’ailleurs une manifestation de femmes qui déclenche la fin du tsarisme. 

La révolution et ses conquêtes

Au début de 1917, la situation était devenue insupportable du fait de la guerre : les réserves de vivres s’amenuisant, les femmes étaient contraintes de piétiner des heures durant avant d’aller au travail pour obtenir une maigre nourriture. La police elle-même décrivait une situation explosive. C’est dans ce contexte qu’eut lieu la journée internationale des femmes, le 23 février  (8 mars dans notre calendrier) 1917. Une grève spontanée d’ouvrières du textile d’un quartier de Saint-Pétersbourg entraîne les métallos d’usines voisines. Les partis révolutionnaires, au début réticents car persuadés que les grévistes allaient au massacre, sont contraints de suivre le mouvement qui s’étend de jour en jour. En quelques jours de manifestations, le régime tsariste s’effondre.

Puis, ce fut la révolution d’octobre qui amena les bolcheviks au pouvoir. Ceux-ci pouvaient dès lors mettre en pratique leur politique d’émancipation des femmes.

La révolution russe va réaliser en très peu de temps les revendications défendues par les féministes partout dans le monde. Les décrets concernant les femmes se bousculent dès le début de la prise du pouvoir par les bolcheviks : le mariage religieux est aboli à la fin de l’année 1917 et le mariage devient une simple formalité civile. Tous les enfants obtiennent les mêmes droits, qu’ils soient « légitimes » ou non. Le divorce se fait sous consentement mutuel. La non-ingérence de l’Etat et de la société dans les relations sexuelles entre individus est proclamée, sauf en cas de violences. Par conséquent, l’adultère et l’homosexualité ne sont plus considérés comme des délits.

L’autorité du chef de famille disparaît du Code civil. Alexandra Kollontaï  le justifie ainsi : « il n’y a pas de morale dans la nature. Les relations sexuelles ne doivent pas être honteuses, ni un péché. Il s’agit d’une manifestation naturelle, comme manger et boire ».  Le pouvoir prévoit un réseau de crèches et de jardins d’enfants. En janvier 1918 est officiellement créé le « Département pour la protection de la maternité et de l’enfance ». Cet organisme est chargé de garantir l’assistance aux femmes enceintes et aux jeunes mères, et de veiller au respect de la législation. Celle-ci prévoit notamment un congé maternité de 16 semaines, la dispense des travaux trop pénibles, l’interdiction des mutations géographiques et des licenciements de femmes enceintes, l’interdiction du travail de nuit pour les femmes enceintes ou ayant récemment accouché, l’accès à des cliniques appropriées à la maternité, à des cabinets de consultation et à des crèches.

Alexandra Kollontaï est nommée commissaire à la Protection sociale au sein du conseil des commissaires du peuple. Elle fait publier plusieurs décrets ouvrant des droits nouveaux pour les femmes : réglementation de la durée du travail, en particulier pour les femmes et les jeunes de moins de 16 ans, qui ne doivent pas travailler la nuit. Un décret de juin 1918 instaure deux semaines de congés payés, que la classe ouvrière française n’obtint qu’en 1936 !

Le nouveau code de la famille adopté en 1918 balaie des siècles de pouvoir patriarcal et ecclésiastique pour établir une nouvelle doctrine fondée sur les droits individuels et l’égalité entre les sexes. Les femmes enceintes devaient indiquer le moment de la conception, le nom et l’adresse du père et si à ce moment là, elles avaient eu des rapports sexuels avec plusieurs hommes, la loi imposait à tous le devoir de subvenir aux besoins de l’enfant. Le droit d’héritage est supprimé. Le pouvoir ouvrier légalise, fin 1920, l’avortement et le rend libre et gratuit. Vis-à-vis des populations musulmanes de Russie, le congrès qui leur est consacré décide l’abolition de la polygamie, l’interdiction du mariage des petites filles et la fin de l’obligation de porter le voile.

La conception de la famille

Toutes ces dispositions pour consacrer l’égalité juridique des femmes et des hommes, étaient sous-tendues par une conception globale de la famille. La conception dominante était que la famille tendrait à disparaître, au même titre que l’Etat, dans une société sans classes, débarrassée de l’exploitation. Les bolcheviks avaient là la possibilité de mettre en pratique leurs idées. Depuis fort longtemps, militants et militantes du mouvement ouvrier avaient réfléchi à la situation de la famille et de la femme. Marx, Engels et Bebel ont beaucoup écrit sur la famille bourgeoise et prolétaire, et tous ces penseurs liaient l’émancipation des femmes aux luttes du prolétariat. Quelqu’un comme Alexandra Kollontaï, une dirigeante bolchevique, a toujours formulé comme objectif d’associer l’émancipation des femmes ouvrières au combat de l’ensemble de leur classe sociale pour le renversement du capitalisme.

Les communistes savaient que l’oppression des femmes est une conséquence de la division de la société en classes sociales, et que la fin de cette oppression ne peut se décréter. Pour qu’elle cesse, il faut donner aux femmes les moyens de leur émancipation, en étant capables de socialiser les tâches ménagères. Lénine pointait « le travail le plus improductif et ardu que la femme effectuait » dans la petite unité économique de la famille. Il fallait, disait Kollontaï, que « les cuisines particulières soient remplacées par des cuisines collectives, que la couture, la blanchisserie et le nettoyage deviennent, à l’instar de la mine ou de la métallurgie, des branches de l’économie. » Et elle ajoutait : « la famille est inutile et même nuisible du point de vue de l’économie ».

Marx et Engels avaient déjà, bien avant, décrit la famille comme une forme sociale mouvante correspondant à un mode donné de production. Le système capitaliste, disaient-ils, fait peser presque toute la charge financière de l’éducation des enfants et du maintien du foyer sur les épaules des unités familiales de travailleurs, qui dépendent essentiellement des salaires pour leur survie, au lieu que cette dépense sociale soit assumée par le gouvernement ou par la classe capitaliste. L’apparition de la famille prolétaire a également commencé à différencier clairement le caractère de l’oppression dont souffrent les femmes des différentes classes ; le rôle des femmes des classes dominantes est de reproduire la descendance qui héritera de la richesse familiale, tandis que la fonction des femmes de la classe travailleuse est de maintenir les générations de travailleurs d’aujourd’hui et de demain au sein de leur propre famille, autrement dit la reproduction de la force de travail pour le système capitaliste.

Contrairement aux féministes voulant partager le travail domestique au sein de la famille, les bolcheviks voulaient le sortir de ce cadre pour le faire passer dans la sphère publique, y compris l’éducation des enfants. Lorsque tout cela serait accompli, la famille deviendrait inutile et dépérirait, comme l’Etat. L’amour serait alors délivré du carcan familial, et l’union entre deux personnes se ferait librement.

Au congrès des femmes ouvrières et paysannes de 1918, Inès Armand, militante d'origine française ayant rejoint les bolcheviks, pose ainsi le problème, dans un exposé sur la libération des femmes de l’esclavage domestique : « sous le capitalisme, la femme travailleuse devait supporter le double fardeau du travail à l’usine et du travail ménager à la maison. Non seulement elle devait filer et tisser pour le patron de l’usine, mais elle devait encore laver, coudre et cuisiner pour sa famille… Mais aujourd’hui, c’est différent. Le système bourgeois est en train de disparaître. Nous approchons d’une période de construction du socialisme. Pour remplacer des milliers et des millions de petites unités économiques individuelles, de cuisines rudimentaires, malsaines et mal équipées, et l’incommode baquet à lessive, il nous faut créer des structures collectives exemplaires, des cuisines collectives, des cantines collectives et des laveries collectives. » Elle spécifie que sous le socialisme, les équipements collectifs « seront pris en charge, non par les femmes travailleuses dont on utiliserait les compétences ménagères, mais par des gens employés spécialement pour ces tâches précises. »

Peu de temps après, elle écrit à propos du congrès et de ses débats : « si des questions telles que la protection de la maternité et de l’enfance ont été mises en avant au congrès, ce n’est pas parce que les femmes travailleuses ne s’intéressent qu’à ces problèmes et pas à d’autres. Jusqu’à ce que nous soyons débarrassés des formes anciennes de la famille, de la vie domestique et de l’éducation des enfants, il est impossible de créer l’individu nouveau, il est impossible de construire le socialisme. »

Les bolcheviks considéraient, selon une formule que Trotsky emploiera plus tard, que « l’émancipation véritable de la femme est impossible sur le terrain de la misère socialisée »3.

Faire participer les femmes

Ils sont bien conscients qu’au-delà des lois, il faut un changement radical de la place des femmes dans la société, notamment en leur donnant la possibilité de participer à la création des richesses. Comme l’affirme Alexandra Kollontaï en 1921 : « l’acte révolutionnaire le plus important est l’introduction du travail obligatoire pour les hommes et les femmes adultes. Cette loi a apporté un changement sans précédent dans la vie de la femme. Elle a modifié le rôle de la femme dans la société, l’Etat et la famille, de façon bien plus importante que tous les autres décrets depuis la révolution d’Octobre et qui accordaient à la femme l’égalité politique et civique » Le parti se donne pour but de faire entrer les femmes ouvrières, paysannes, ménagères ou employées dans toutes les organisations liées aux soviets. Il faut que des femmes soient élues à tous les niveaux. Il demande à des militantes d’aller faire de la propagande parmi les femmes en se faisant embaucher comme ouvrières pour tenter de changer les habitudes.

Selon la célèbre phrase de Lénine, « chaque cuisinière doit apprendre à diriger l’Etat », le but est d’associer les femmes à tous les échelons des prises de décisions. Lénine écrit, dans un article de la Pravda de 1920 : « les ouvrières doivent prendre une plus grande part aux élections (...) Nous entendons que l’ouvrière conquière non seulement devant la loi, mais encore dans la vie, l’égalité avec l’ouvrier. Il faut, à cette fin, que les ouvrières prennent une part de plus en plus grande à la gestion des entreprises publiques et à l’administration de l’Etat (...) Elisez donc plus d’ouvrières communistes ou sans parti au Soviet». Et il concluait : « le prolétariat ne parviendra pas à s’émanciper complètement sans avoir reconnu aux femmes une liberté complète. »

Reprise en mains stalinienne

La dégénérescence de l’URSS et l’installation de la bureaucratie revint sur de nombreux  acquis de la révolution, en particulier ceux qui concernaient les femmes. En 1936, l’année où commencent les procès de Moscou, la dictature stalinienne interdit l’avortement. Elle décrète aussi l’augmentation des frais de divorce. Il faut « protéger la nouvelle famille soviétique  » et lutter contre ce que les bureaucrates appellent « une attitude légère et négligente envers le mariage ».

Cette dégénérescence stalinienne a des conséquences sur tous les partis de l’Internationale communiste. Non seulement ils deviennent de simples exécutants de la politique contre-révolutionnaire dictée par la diplomatie stalinienne, mais ils reprennent également à leur compte les idées réactionnaires sur les femmes, invitées à procréer et à s’occuper de leur foyer. En France, le Parti communiste abandonne toutes les luttes qui auraient pu faire de lui un parti révolutionnaire, entre autres, la lutte des femmes pour leur émancipation. Pourtant, à sa création, le PCF s’opposait à la loi de 1920, qui condamnait les avorteuses et celles qui avortaient comme des criminelles. Dans ces années-là, le Parti communiste lié à la révolution russe n’avait pas peur de défendre la contraception, le droit à l’avortement et la possibilité pour les femmes de se faire élire. C’est ainsi qu’en 1924, une militante ouvrière, Joséphine Pencalet, était élue sur une liste communiste au conseil municipal de Douarnenez, dans le Finistère. Et cela, alors que les femmes n’avaient ni le droit de vote ni celui d’être élues.

Dans un chapitre de son ouvrage La Révolution trahie, intitulé « Thermidor au foyer », Trotsky explique pourquoi l’émancipation des femmes n’a pas eu lieu :  « à la famille, considérée comme une petite entreprise fermée, devait se substituer, dans l’esprit des révolutionnaires, un système achevé de services sociaux : maternités, crèches, jardins d’enfants, restaurants, blanchisseries, dispensaires, hôpitaux, sanatoriums,  organisations sportives, cinémas, théâtres, etc. L’absorption complète des fonctions économiques de la famille par la société socialiste, liant toute une génération par la solidarité et l’assistance mutuelle, devait apporter à la femme, et dès lors au couple, une véritable émancipation du joug séculaire. Tant que cette oeuvre n’aura pas été accomplie, quarante millions de familles soviétiques demeureront, dans leur grande majorité, en proie aux mœurs médiévales, à l’asservissement et à l’hystérie de la femme, aux humiliations quotidiennes de l’enfant, aux superstitions de l’une et de l’autre. A ce sujet, aucune illusion n’est permise. Et c’est précisément pourquoi les modifications successives du statut de la famille en URSS sont celles qui caractérisent le mieux la nature véritable de la société soviétique et l’évolution de ses couches dirigeantes. »

Régine Vinon

 

  • 1.Jean-Jacques Marie, « Les Femmes dans la révolution russe », Seuil, 2017.
  • 2.Clara Zetkin est à l’origine, avec Alexandra Kollontaï, de la Journée internationale des femmes . La première eut lieu le 19 mars 1911.
  • 3.« La Révolution trahie », 1936.