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Grève XXL au menu du McDo de Villefranche-de-Rouergue

Lien publiée le 15 janvier 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

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Au McDonald’s de Villefranche-de-Rouergue, cinq mois de grève n’ont entamé ni la volonté de blocage de la direction, ni la détermination des salariés. Une lutte exemplaire dans un univers peu syndicalisé.

142e jour de grève. Soit près de cinq mois de cessation de travail pour les salariés du McDonald’s de Villefranche-de-Rouergue, dans l’Aveyron. Cela fait beaucoup, mais pas assez pour décourager les cinq grévistes, dont Quentin Leyrat, délégué du personnel et délégué syndical de la franchise qui emploie trente-trois salariés.

À vingt-six ans, ce travailleur handicapé, qui a découvert le monde du travail en rentrant chez McDo il y a à peine trois ans, n’avait aucune culture militante, politique ou syndicale, et se retrouve aujourd’hui chef de file d’un bras de fer musclé avec le patronat.

Le point de départ de sa lutte ? Une prise de conscience. Celle d’un management considéré comme abusif par une partie des salariés mais qui était auparavant accepté au nom de "l’esprit d’équipe" que martèle tous les managers de l’enseigne. « Mais comment justifier qu’un équipementier doive demander à son manager l’autorisation pour aller dépointer ? », nous raconte l’un des grévistes.

Départ de feu

Il y a un an et demi, Quentin et quelques autres salariés ont donc convoqué des élections de délégués du personnel pour être en capacité de faire valoir leurs droits. C’est Quentin, qui était parti sous les couleurs de la CGT, qui a gagné. Et c’est là que tout a vraiment commencé.

D’abord parce que, chez McDonald’s, on n’était pas vraiment habitué à avoir maille à partir avec un délégué du personnel. Et que du coup, la première élection a été remise en cause par un manager devant un tribunal pour manque de représentativité de la CGT (vite perdu). Il faut dire que Quentin avait décidé d’être un délégué du personnel zélé et qu’il affichait ouvertement l’ambition de jouer son rôle pleinement.

Alors quand l’un des salariés est victime d’une insulte à caractère homophobe de la part d’un des managers et que la direction refuse de prendre position, il demande une enquête pour discrimination en raison de l’orientation sexuelle. Obligée de répondre à sa demande, la gérante pose néanmoins ses conditions : ce ne sera pas un intervenant extérieur qui mènera l’enquête, mais elle-même, accompagnée par Quentin, et le périmètre de l’investigation sera étendu à l’ensemble des salariés. Le rapport de forces était dès le départ complètement dévoyé, estime Quentin, puisque les salariés ne pouvaient pas, face à leur patronne, s’exprimer librement.

Le résultat de l’enquête vaut aussi le détour. Deux rapports distincts, l’un fait par le délégué du personnel, l’autre par la gérante : respectivement 600 pages pour le premier et… trois pour le second. À noter, par ailleurs, que ces documents sont toujours dans les mains de l’Inspection du travail qui n’a pas encore rendu son avis, neuf mois après le dépôt.

Grève de solidarité

Mais le climat social se corse à l’été 2017 : alors que deux managers étiquetés CFDT sont élus lors d’une élection partielle en juin, de plus en plus de salariés du McDonald’s commencent à se syndiquer. Ils sont même au nombre de sept (sur trente-trois) début août. C’est à ce moment que la direction décide de licencier pour faute grave un jeune de dix-neuf ans qui avait commencé à travailler seulement six mois auparavant. Les raisons ? Il n’était pas allé à la visite médicale, il avait cumulé deux retards et avait qualifié la directrice de « grosse pute » devant un collègue (mais pas devant l’intéressée elle-même). Du coup, dehors.

Il est toutefois intéressant de constater que, selon d’autres employés de l’enseigne dans d’autres franchises, même pas besoin de ça pour virer quelqu’un de chez McDo : même s’ils sont tous en contrat à durée indéterminée (CDI), il suffit de mettre la personne dont on ne veut plus aux frites quelques mois et de changer son planning toutes les semaines pour qu’elle finisse par démissionner.

Immédiatement, les sept syndiqués décident donc de se mettre en grève, par solidarité. Là encore, Quentin raconte l’absence de pratique du personnel quant à ce type d’action : « Mais on ne peut pas partir, il y a des clients », s’inquiète même l’une des salariées. Et pourtant, c’est bien ce qui se passe.

Le soir même, la gérante appelle Quentin, qui pose les conditions de la réintégration du salarié licencié. Là encore, elle témoigne de son manque de pratique du dialogue social car elle accepte une rencontre quelques jours plus tard, tout en demandant le retour immédiat au travail. Ce que les grévistes vont s’empresser de refuser.

Siège de l’Inspection du travail

S’ensuit toute une série de rassemblements et de manifestations, la constitution d’une caisse de solidarité, d’outils de communication sur leurs revendications… qui aboutissent, fin septembre, à un rendez-vous avec un sous-préfet qui leur conseille de revoir leurs demandes à la baisse et notamment d’abandonner la réintégration du salarié licencié (passer par la voie légale pour remettre en cause la légitimité de son licenciement lui paraissait plus pertinent), ce qu’ils acceptent. Mais la direction fait toujours la sourde oreille sur le reste des revendications, espérant évidemment un essoufflement du conflit.

Fin octobre, les six grévistes manifestent leur colère devant l’Inspection du travail de Rodez, lui demandant une médiation. Le directeur de la structure leur explique d’abord que c’est chose totalement impossible, avant que leur persévérance ne porte ses fruits et que, en fin de journée, il leur propose un rendez-vous de conciliation trois jours plus tard.

Le jour des négociations, il faut neuf heures d’argumentation pour que la direction et les grévistes commencent à s’entendre sur le début de la rédaction d’un document actant la fin du conflit. Seulement, il n’avait encore été discuté que des conditions de travail. Les questions de rémunération, de treizième mois et de tickets-restaurants, qui figuraient aussi dans les revendications, avait été renvoyées aux négociations annuelles obligatoires (NAO) à la fin du mois de novembre.

Afin d’accentuer la pression sur la direction en vue des NAO, la CGT initie une action à l’encontre du centre d’approvisionnement, à Toulouse. La gérante, confrontée à la grogne des autres franchisés McDonald’s qui se sont aussi vu couper leur approvisionnement, annule les négociations dans la foulée. Mais, après intervention du préfet, elle les rouvre finalement début décembre.

Situation bloquée, combat prolongé

Seulement, la gérante n’entend pas être en reste : à la réouverture des négociations, les grévistes voient arriver un nouveau protagoniste, un directeur des ressources humaines (pour, prière de bien le noter, une entreprise de seulement trente-trois salariés), Pascal Devoucoux, dont la revue JefKlak a retracé le passé, qui n’est pas des plus clairs. Lors de ces nouvelles NAO, l’argument principal de la direction est assez surréaliste, selon Quentin Leyrat : si elle accède aux demandes de treizième mois et d’augmentations salariales, les salariés non-grévistes allaient démissionner pour contester la méthode d’obtention d’avantages dont ils allaient pourtant aussi bénéficier !

Mais, comme à l’Inspection du travail, la direction reprend la métaphore des poings liés pour justifier le statu quo : ce ne serait pas elle, mais le Syndicat national de l’alimentation et de la restauration (SNARR) qui fixerait le niveau de rémunération au smic et refuserait catégoriquement le treizième mois… Mais ce positionnement apparaît d’autant plus paradoxal lorsque l’on sait que le président du SNARR n’est autre que le DRH de McDonald’s France, qui assume publiquement que tout ne peut se négocier au niveau des branches et qu’il faut revaloriser l’échelon entreprise !

À ce jour, la situation apparaît donc relativement bloquée – pour les grévistes, mais pas pour le restaurant qui a procédé à onze nouvelles embauches depuis le début de la grève. Les cinq grévistes restants reviennent régulièrement sur le site du restaurant pour essayer d’entrer en communication avec ceux qui sont restés travailler. Mais c’est assez compliqué, car ces derniers les évitent et avouent même, à demi-mot, ne pas vouloir être vus avec eux sur le parking. Ambiance.

Alors que reste-t-il à faire, selon Quentin Leyrat ? Demander un vote des salariés même si les résultats, compte tenu des pressions de la direction, sont très incertains. Et continuer à réclamer, coûte que coûte, des conditions de travail et une rémunération décentes.

Et puis, même s’il perd ce combat, Quentin Leyrat, comme certains des autres grévistes d’ailleurs, ne compte pas s’arrêter-là car tous ont maintenant conscience que c’est aussi pour tous les salariés de France dans la même situation qu’ils se battent.