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Le Nicaragua est fracturé socialement et politiquement

Nicaragua

Lien publiée le 22 janvier 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://alencontre.org/ameriques/amelat/nicaragua/le-nicaragua-est-fracture-socialement-et-politiquement.html

Par Oscar René Vargas

Le gouvernement Ortega-Murillo [Daniel Ortega et Rosario Murillo, épouse de Daniel Ortega et vice-présidente du Nicaragua depuis le 10 janvier 2017, tous deux dans la direction du FSLN-Front sandiniste de libération nationale] a fini par être, en pratique, l’autre facette de la droite politique, pris dans le sens du compromis politique et idéologique avec le capitalisme néolibéral. Le comportement du gouvernement a abouti à effacer toutes les différences avec la droite politique et avec le grand capital.

Cela a conduit le Nicaragua à être l’un des pays d’Amérique latine où l’inégalité sociale est la plus grande. Et ce, à cause du gouvernement qui a veillé aux intérêts du capital en tournant le dos à ceux «d’en bas». De plus, le gouvernement a tout fait pour démobiliser les travailleurs. La dépolitisation a été une conséquence du modèle mis en place.

Sous la surface du consumérisme (utilisé comme anesthésique social) la cooptation des dirigeants fonctionnaires syndicaux devint une priorité pour le gouvernement. Cette orientation a été favorisée par la transformation du FNT (Front national des travailleurs), ANDEN (Association nationale des enseignants du Nicaragua), CGT/JBE (Confédération générale des travailleurs Jose Benito Escobar), ATC (Association des travailleurs agricoles), etc. en organisations manipulées par une bureaucratie syndicale sans conscience sociale.

Qu’est-ce que peut être le sens du terme cohésion sociale, quelle vision commune peut exister dans un pays où il y a 200 multimillionnaires alors que la majorité des travailleurs perçoivent des salaires de misère? La situation est pire qu’il y a dix ans.

La caste politique – avec des salaires de plus de trois mille dollars par mois – n’a rien à voir avec la réalité sociale liée à la paupérisaton de la majorité de la population. Et c’est la caste chargée de gouverner, de légiférer et de forger l’opinion publique à travers les médias et les universités.

L’image de la réalité du pays ne serait pas complète si nous ne mentionnions pas la corruption qui s’étend à toutes les institutions de l’Etat: civiles, militaires et policières; sapant la confiance dont elles ont besoin pour gouverner. La corruption est un cancer qui met en péril la stabilité du système [cas de Rivas Reyes, membre du Conseil suprême électoral depuis plus de 20 ans, soupçonné de corruption depuis des années et de fraudes électorales ; il a accumulé une fortune, entre autres en important des biens exonérés d’impôts]. Même si le gouvernement a pris ses distances, l’accusation de méga-corruption de Rivas Reyes affaiblit le gouvernement [c’est en décembre 2017 qu’une partie des faits ont été étalés sur la place publique].

Le Nicaragua a besoin d’une révolution culturelle pour vaincre la culture du conformisme, de la corruption et de la résignation instillée par les porte-parole du gouvernement.

Les privilèges n’ont pas disparu

Le président Ortega applique le modèle néolibéral qui lui a permis d’obtenir le soutien de la classe dirigeante, des grands hommes d’affaires, de la nouvelle «bourgeoisie» et des organisations financières internationales. En d’autres termes, les privilèges des hauts dirigeants n’ont pas disparu; au contraire, ils se sont accrus. Ortega est devenu le président des riches.

Les différentes décisions gouvernementales ont été prises par l’élite politique pour satisfaire leurs intérêts et ceux des grands capitalistes, contre les intérêts du peuple nicaraguayen. La successeure désignée [soit la vice-présidente Rosario Murillo] représente sans ambiguïté la continuité de l’orthodoxie, c’est-à-dire le leadership néolibéral de l’économie, qui reproduit les plus féroces des inégalités sociales. Les «failles» de ce gouvernement et pouvoir restent énormes et plus qu’évidentes.

Cette élite a pillé le budget et a absorbé les fonds en provenance du Venezuela. Le système budgétaire fonctionne avec très peu de transparence. Avec le budget et les fonds provenant du Venezuela, les magistrats de la Cour suprême, du Conseil électoral, les députés et tous les hauts fonctionnaires de l’exécutif ont accumulé des fortunes. Les promesses électorales de novembre 2016 n’ont pas été tenues [en 2007, Daniel Ortega succède à Enrique Bolanos Geyer dont les vice-présidents furent José Rizo Castellon puis José Antonio Alvarado en 2005-06; en 2017, Ortega assume de suite un troisième mandat présidentiel et Rosario Murillo occupe le poste de vice-présidente depuis le 10 janvier 2017]. Depuis leur retour au pouvoir, les représentants du FSLN ont fait un nouveau pas à droite et nombreux sont les membres de cette nomenklatura qui se sont enrichis.

Les pires actes de corruption, du moins ceux connus, ont été commis. Il y a donc une nette érosion des valeurs éthiques qui rendent la corruption possible et l’impunité alimente de manière constante ce processus. (Article envoyé par l’auteur le 16 janvier 2018; traduction A l’Encontre)

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Les facteurs qui marqueront l’année 2018

Par Oscar René Vargas

Rosario Murillo et Daniel Ortega, la «dynastie» présidentielle

1° Un prix de l’énergie plus chère pour les pauvres et moins chère pour les riches.

2° Le prix du baril de pétrole devrait se situer autour de 70 $US, avec un impact négatif sur le montant du «panier de base des ménages» et sur le prix des transports.

3° Le canal interocéanique a été éliminé par les accords Chine-Panama [voir à ce sujet l’article publié sur ce site en date du 26 novembre 2017]. Cependant, le gouvernement maintient en vigueur la loi 840 [passée en 2013 et qui accordait de nombreux privilèges à la société chinoise prétendant ouvrir le nouveau canal interocéanique passant par le Nicaragua].

4° La révision ou la suppression du traité Mexique-Etats-Unis-Canada (ALENA) peut entraîner une chute des exportations issues des entreprises installées dans la Zone franche et donner un signal négatif aux investisseurs étrangers.

5° Les Etats-Unis considèrent les relations de la Russie en Amérique latine comme une question de sécurité nationale, y compris le Nicaragua qui a acheté des chars, des armements et a permis l’installation en 2016 par la Russie d’un centre topographique et numérique mobile composé d’équipements complexes de satellites de navigation. Cette base est considérée comme un instrument d’espionnage par les Etats-Unis.

6° Changements en Amérique latine: crise de l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les Amériques), montée au pouvoir des partis de droite en Argentine, au Brésil, Chili, Pérou, Honduras; crise politique en Equateur et au Venezuela et conditions économiques fort difficiles à Cuba.

7° L’annonce du Nica Act [voir à ce sujet l’article publié sur ce site en date du 25 décembre 2017], du Global Magnitsky Act [possibles mesures de rétorsion des Etats-Unis sur la base du «non-respect des droits de l’homme» et de «corruption»] et de la suspension du TPS [Statut temporaire aux Etats-Unis de personnes protégées – Temporary Protected Status, statut lié à des situations exceptionnelles : guerre, tremblement de terre] pour les Nicaraguayens aura un impact négatif sur l’économie nationale.

8° En raison de la crise économique du Venezuela, l’accord pétrolier est entré en crise. Le Nicaragua ne recevra plus les 500 millions de dollars pour l’accord pétrolier.

9° Réduction des exportations vers le Venezuela, qui sont passées de 437 millions de dollars à 116 millions de dollars en 2017. Cette tendance va se poursuivre en 2018.

10° Selon FUNIDES (organisation financée par le grand capital), les entrepreneurs estiment que 2017 a été la pire année en termes de «climat d’investissement» et 87% d’entre eux estiment que la situation politique affectera le climat d’investissement en 2018.

11° Les capitaux étrangers sont nerveux. Toute perturbation interne ou action négative des Etats-Unis à l’égard du gouvernement Ortega ralentira les investissements étrangers.

12° Continuité des politiques néolibérales, chômage massif, pauvreté, inégalité et augmentation possible des protestations sociales.

13° Les partis politiques sont très discrédités. Ils font des calculs très limités sur la façon d’obtenir certaines positions et n’envisagent pas des moyens d’améliorer la situation du pays.

14° La nomination de Mme Murillo comme héritière nous montre qu’Ortega a choisi sa meilleure formule de «gatopardisme» pour que les choses continuent comme elles sont maintenant, ou pire.

15° Cette décision politique consistait en un ajustement des horloges politiques à un horaire passé. La nomination de Murillo implique-t-elle le début de la fin du FSLN?

16° Il est difficile d’anticiper si le gouvernement autoritaire dirigé par Ortega-Murillo est au bord de son effondrement. C’est peut-être déjà une crise irréversible et la conscience de cette tendance possible est insuffisante.

17° En outre, il ne faut pas oublier que toute formule de transition vers une autre forme de gouvernement sera longue et complexe, au cours de laquelle le gouvernement Ortega-Murillo peut faire face à de nombreuses difficultés et de sérieux revers, avec des possibles flambées de répression.

18° La corruption institutionnelle, le manque de références éthiques et une caricature de la démocratie marqueront l’année 2018. Leur solution dépendra d’une catharsis politique et éthique. (Article envoyé par l’auteur le 19 janvier 2018; traduction A l’Encontre)

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Oscar René Vargas est un économiste vivant au Nicaragua et auteur de nombreux ouvrages sur le Nicaragua et l’Amérique centrale. Lors de ses années d’exil, il étudia aussi en Suisse et était sympathisant du courant organisé marxiste révolutionnaire.