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Catalogne: Impasse indépendantiste et affaiblissement de la gauche
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Retour sur l’évolution de la situation en Catalogne après les élections du 21 décembre.
Les événements de la fin 2017 ont mis un terme à nombre d’illusions répandues au sein de la base sociale du « processus indépendantiste » : la nature « démocratique » d’une UE prête à soutenir les aspirations catalanes, la prétendue faiblesse de l’État espagnol, l’existence d’une majorité sociale claire pour l’indépendance, la possibilité d’une « déconnexion » sans rupture ni violence.
En un sens, le référendum lui-même n’a été rendu possible que par l’auto-organisation extraparlementaire. Une dynamique de débordement qui explique aussi les évolutions de Puigdemont, jusqu’à la proclamation d’une république imaginaire le 27 octobre, dont la concrétisation et la défense n’avaient pas été organisées.
À l’inverse, l’État ne s’est pas contenté de gesticulations. Les processus judiciaires en cours et ceux qui se préparent montrent que la répression politique et les menaces pour les droits démocratiques s’installent et se normalisent, en Catalogne et dans l’ensemble de l’État espagnol.
Indépendantistes sans indépendance
Les élections du 21 décembre ont été un échec pour les partisans de l’article 155 : Ciudadanos est arrivé en tête, mais sans majorité pour gouverner. Le PS s’est redressé, mais moins que prévu, tout en se ralliant au bloc monarchique. Et le PP s’est effondré, subissant une défaite qui met en péril son hégémonie dans la droite espagnole face à Ciudadanos (C’s), un parti démagogique, macroniste, capable de devenir première force à la fois dans les quartiers bourgeois et chez les plus prolétaires, faisant appel au nationalisme espagnol et à une haine anticatalane qui rappelle la xénophobie du FN en France.
L’enjeu des élections était d’empêcher l’établissement d’un gouvernement revanchard prêt à casser nombre d’acquis, comme les médias publics, l’école catalane, et à affaiblir davantage une autonomie déjà étouffée. De ce point de vue, les élections ont montré l’existence d’un bloc nationaliste/indépendantiste solide. La majorité parlementaire ne représente toutefois pas une majorité de voix : le système électoral favorise les votes ruraux, plus nationalistes et souvent plus conservateurs.
La bataille de Puigdemont pour personnaliser la légitimité de la Generalitat a permis à son parti Junts per Catalunya (JxC) de gagner le bras de fer face à la Gauche républicaine catalane (ERC) : une énième fuite en avant du nationalisme bourgeois dans un cadre de crise économique, sociale et politique majeure.
Affaiblissement des gauches
La faiblesse de la direction d’ERC, son manque d’audace et sa subordination à Puigdemont l’ont empêchée devenir le parti hégémonique en Catalogne, le faisant même passer derrière C’s et JxC. La perte de voix de la CUP a quant à elle à voir avec la polarisation entre JxC et ERC pour diriger l’indépendantisme, et avec le fait paradoxal que l’organisation la plus radicale a, pour l’instant, le moins de dirigeants jugés et aucun emprisonné. Enfin, le contexte de polarisation identitaire, la passivité politique face au référendum et un discours équidistant entre les deux « blocs », avec en plus un appel (déplorable) pour une majorité de gauche plurielle avec le PS et ERC, expliquent l’échec de Catalunya en Comú Podem, le mouvement d’Ada Colau, soutenu par Podemos.
Le nouveau président du Parlement a proposé le 22 janvier l’investiture de Puigdemont, exilé à Bruxelles, sans préciser ni date ni méthode d’élection. Les partis d’opposition sont contre, soit avec l’argument de l’illégalité (PS, C’s et PP), soit en s’opposant à l’idée d’un gouvernement « télédirigé » depuis Bruxelles (Cat. en Comú). À Madrid, Rajoy a déjà annoncé qu’il portera plainte devant la Cour constitutionnelle, malgré la volonté d’un compromis côté catalan.
Le conflit va continuer, dans un contexte instable où s’annonce une nouvelle récession, alors que la dette publique monte à 100 % du PIB et que le nombre de pauvres dépasse les 10 millions dans l’État espagnol. Espérons donc qu’un retour de la question sociale rende plus intelligibles les enjeux de la situation politique.
Andreu Coll