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Vers un plan de départs volontaires dans la fonction publique
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le ton est donné. A l’issue d’une réunion avec quinze ministres, jeudi 1er février, le premier ministre a présenté les premières pistes du gouvernement pour réformer l’Etat. Il s’agit de s’attaquer sans barguigner aux piliers de la fonction publique : davantage de contrats ; rénovation du statut du fonctionnaire ; rémunération au mérite…
Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, a même annoncé « un plan de départs volontaires pour ceux qui souhaiteraient partir, conséquence de la réforme de l’Etat ». Le gouvernement sait qu’il s’engage en terrain miné.
« Nous n’avons aucun doute, a dit Edouard Philippe, sur le fait que nous puissions heurter la sensibilité ou les équilibres auxquels certains se sont habitués. On ne répare pas un pays, on ne vise pas haut, sans avoir conscience qu’il faut parfois bousculer et modifier ces équilibres. »
Le premier ministre défend l’ambition du processus. Pas question, en effet, de se contenter de supprimer des postes, de mettre en œuvre « une politique du rabot » consistant, comme l’avait imposé Nicolas Sarkozy en 2007, à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Le gouvernement vante « un travail de fond » et assure « réfléchir sans totem ni tabou à la transformation de l’action publique ». Au-delà de l’amélioration de la qualité des services publics, l’objectif a été fixé par le président de la République : baisser la part de la dépense publique dans le PIB de trois points d’ici à 2022 et réduire le nombre de fonctionnaires de 120 000.
Point d’étape
Le comité interministériel au terme duquel MM. Philippe et Darmanin ont fait ces premières annonces est un point d’étape. Lancée en septembre, la réforme de l’Etat doit être arrêtée en avril au terme d’un travail de consultation et de réflexion buissonnant. Installé en octobre et flanqué d’un « comité jeunes », un « comité action publique 2022 » est chargé d’une « profonde revue des missions et dépenses de l’ensemble des administrations publiques ». Son rapport est attendu au début d’avril.
Un « forum de l’action publique » a également été lancé afin de consulter, depuis novembre, agents et usagers. Une restitution est programmée ce mois-ci. Parallèlement, le gouvernement a donc engagé des « chantiers transversaux » : ressources humaines ; simplification et qualité de service ; transformation numérique des services publics. C’est dans l’avancement de ceux-ci que les annonces de jeudi se situent.
La réforme de l’Etat transformera les métiers, ont souligné MM. Darmanin et Philippe. Le premier ministre a assuré que ces mutations seraient accompagnées, qu’il s’agisse de « reconversions », de « mobilités » ou de « départs vers le secteur privé ». C’est tout le but du plan de départs volontaires évoqué par M. Darmanin. Le gouvernement a prévu une enveloppe de 700 millions d’euros sur le quinquennat pour accompagner la transformation de l’action publique, dont 200 millions dès 2018. Ils serviront notamment à financer ce plan inédit dans la fonction publique.
Rémunération au mérite
Le gouvernement annonce également que « les possibilités de recourir aux contrats seront largement étendues ». Les manageurs publics, qui auront « plus de liberté et plus de responsabilités », pourront y recourir plus facilement. Aujourd’hui, les contractuels représentent 17 % des effectifs, soit 900 000 personnes, selon les chiffres officiels. Mais la CGT les estime à « 20 % au bas mot ». Historiquement réduit à une place « dérogatoire », le contrat tend à occuper une part de plus en plus complémentaire, au risque de constituer une « fonction publique bis », note Arnaud Freyder, haut fonctionnaire, dans La Fonction publique (LGDJ, 2013).
C’est une manière de toucher au statut des fonctionnaires, dont les bases ont été posées en 1946. Tout en se disant « légitimement attaché » aux grands principes qui le régissent, le premier ministre estime qu’il faut « l’assouplir, faire en sorte qu’il puisse redevenir un cadre efficace pour l’action publique, pas une fin en soi ». Car « les règles statutaires se sont un peu sédimentées, l’application du statut s’est rigidifiée », dit-il.
C’est dans cet esprit qu’il entend « simplifier » les instances représentatives du personnel. De même, ce « nouveau contrat social » que l’exécutif souhaite proposer aux agents publics s’accompagnera du renforcement de leur évaluation et du développement de la rémunération au mérite, que Nicolas Sarkozy avait consacrée en 2009, avant que François Hollande ne revienne partiellement dessus. Un mécanisme d’intéressement collectif, tel qu’il existe dans le privé, pourrait également être développé et le passage par le privé valorisé.
Un an de concertation
Pour mener à bien son projet de transformation de l’Etat, Emmanuel Macron en appelle aux jeunes énarques. Après avoir passé deux années, dès leur sortie de l’école, dans des fonctions d’inspection et de contrôle, ils seront dorénavant invités à s’investir sur les chantiers prioritaires du gouvernement. Une trentaine de fiches de poste devraient rapidement être rédigées.
Le gouvernement mise aussi sur la publication d’« indicateurs de résultats et de qualité » supposés refléter la satisfaction des usagers. Et, ce n’est guère une surprise, le recours au numérique sera généralisé. Le gouvernement « se donne pour objectif au 1er janvier 2022 de rendre la totalité de ses services publics accessibles en ligne, y compris via un téléphone mobile ».
De toutes ces questions, Gérald Darmanin et son secrétaire d’Etat, Olivier Dussopt, sont chargés de discuter avec les syndicats. La concertation doit s’étendre sur toute l’année. La partie s’annonce ardue. Les syndicats, déjà échaudés par le gel du point d’indice et le rétablissement du jour de carence, déçus par la réponse du gouvernement après la journée de mobilisation du 10 octobre, réagissent très mal à ces nouvelles annonces.
« Dynamitage de la fonction publique », dénonce Solidaires. « En marche rapide vers un recul ? », s’interroge l’UNSA. La CGT estime qu’« on a franchi la ligne jaune. Le gouvernement choisit la confrontation », considère Jean-Marc Canon, secrétaire général de la CGT Fonction publique. Le plan de départs volontaires, en particulier, révolte le syndicat majoritaire. « Cela montre que la réforme de l’Etat est orientée, commente M. Canon. Elle vise à l’externalisation et à l’abandon pure et simple de missions. Sinon, pourquoi inciter les agents à partir ? » Les organisations syndicales doivent se retrouver le 6 février. La question d’une nouvelle mobilisation sera posée.