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Les élections à Cuba: une nécessité allant au-delà des «chiffres»
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Par Julio César Guanche
Des élections partielles ont eu lieu à Cuba le 26 novembre 2017. Dans le cadre de ce processus, des élections générales auront lieu en avril 2018. D’ici là, pour la première fois depuis près de soixante ans, le pays aura à sa tête un Cubain (il est plus improbable qu’elle soit Cubaine) différent de Fidel et Raúl Castro, si l’annonce de ce dernier est maintenue, autrement dit qu’il ne continuera pas à occuper le plus haut poste de l’Etat, tout en restant toutefois à la tête du Parti communiste, centre du pouvoir. Voir sur ce site l’article publié en date du 8 janvier 2018. Dans cette contribution, l’auteur opère une analyse critique en faisant appel à des références qui parlent à des Cubains. Il souligne de même les tensions, les contradictions, entre des figures historiques réclamées par le pouvoir en place et la réalité socio-politique présente. (Réd. A l’Encontre)
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En vue du vote récent, une nouvelle loi électorale a été promulguée et n’est pas encore connue. (Il en va de même pour la réforme constitutionnelle annoncée en 2011.) Il a été souligné que les taux d’abstention, de bulletins annulés et blancs, qui totalisent 19,17% (1’562’731 électeurs) rompent explicitement avec la thèse du «soutien unanime». En outre, il y a aussi eu des commentaires qui comparent ces chiffres avec l’abstentionnisme récent au Chili (53%) et en Colombie (62%), et qui concluent qu’ils sont la preuve de la «force de la révolution».
La «guerre des chiffres» n’est pas nouvelle, et ce ne sera pas son dernier épisode. Ici, je n’ignore pas les données, mais je donne la priorité aux problèmes que les chiffres ne montrent pas. Je commenterai comment le système électoral n’a pas des effets profonds pour deux raisons: premièrement, il n’accorde pas de valeur au vote dans le cadre d’un processus de participation civique et de légitimité constitutionnelle, ce qui est contraire à une longue tradition cubaine à cet égard; et deuxièmement, les élections ne sont pas liées au processus décisionnel économique, qui ignore la relation fondamentale entre la propriété et la liberté.
Le système électoral
A Cuba, des élections générales ont lieu tous les cinq ans et des élections partielles tous les deux ans et demi pour renouveler les organes municipaux. Le système électoral se caractérise par l’interdiction de faire campagne et de financer les candidats. Au plan local, les électeurs sont nommés directement lors des assemblées de quartier, tandis que les comités des candidatures nomment les candidats à l’échelle des provinces et à l’échelle nationale. Le Parti communiste de Cuba (PCC) n’est pas soumis au processus électoral, puisqu’il ne peut pas intervenir sur la sélection des candidats. Le système juridique contient des garanties électorales: l’interdiction du soutien officiel aux candidats personnalisés et la criminalisation des comportements électoraux illégaux (par exemple, le fait de voter plus d’une fois dans la même élection ou d’intervenir illégalement sur une liste électorale). Et le système manque d’autres garanties, comme une autorité électorale indépendante et une juridiction électorale.
Le processus est semi-concurrentiel dans la municipalité – un candidat est choisi parmi un minimum de deux jusqu’à un maximum de huit – et non compétitif pour les provinces et la nation, parce que le scrutin est fermé (avec autant de noms que de postes à pourvoir et sans espaces vides pour ajouter de nouveaux noms).
Dans la théorie standard, les fonctions d’un système semi-compétitif sont comprises comme étant la légitimation des relations existantes de pouvoir, un apaisement politique interne, la mise en valeur de l’image vers l’extérieur, la manifestation (et l’intégration partielle) des forces opposées, et le réajustement structurel du pouvoir afin d’enraciner le système. La conception non compétitive est chargée de mobiliser les forces sociales, d’expliquer à la population les critères de la politique de l’Etat et de consolider l’unité politico-morale du peuple. Ces dernières fonctions sont pleinement vérifiées dans le comportement/fonctionnement du système électoral cubain.
Plus de 95% des électeurs ont participé aux processus électoraux entre 1976 et 2013. En 2015, 90,0% l’ont fait. En 2017, 89,02% des électeurs se sont rendus aux urnes, un taux de participation record. Dans le même temps, il y a eu historiquement une réponse très positive des électeurs aux demandes officielles de «vote uni» (vote en bloc) – de la part de tous les candidats – ainsi qu’à la faible présence de bulletins nuls et vierges, avec une moyenne historique inférieure à 7%, jusqu’aux deux dernières élections.
Selon la lecture officielle, les élections sont présentées comme des plébiscites portant sur la continuité révolutionnaire. Le «fait» est basé sur la légitimité historique du pouvoir révolutionnaire, sur le leadership de ses dirigeants et l’acceptation par les citoyens des institutions existantes comme cadre politique pour la défense de la Révolution. Ce «fait» est également causé par l’existence de pressions politiques et sociales plus ou moins fortes exercées sur le processus électoral.
Un certain nombre de questions ressortent des récentes élections. Les bureaux de vote ont ouvert avec 8’451’643 électeurs inscrits, mais ce sont finalement 8’855’213 électeurs qui ont été enregistrés, en raison de 410’158 enregistrement le jour même du scrutin. Après l’élection, 6588 électeurs ont été «éliminés», suite à l’enregistrement de leur décès. L’ensemble des chiffres concerne environ 3% de la liste électorale. La question logique est de savoir pourquoi de telles interventions sur le registre électoral n’ont pas été faites auparavant (dans un processus qui avait également été reporté en raison des effets de l’ouragan Irma), car il s’agit là de la fiabilité du processus.
La redistribution du pouvoir: Raul Castro et Miguel Diaz-Canel…
De plus, 182 «dissidents» auraient tenté en vain d’être présents sur les listes. (En 2015, trois d’entre eux figuraient sur les bulletins e et aucun n’a été élu.) La raison en est, selon les déclarations de ces personnes, la violation de la loi électorale, avec l’intervention de la Sûreté de l’Etat, afin d’empêcher leur présentation sur les listes électorales. Leurs explications n’ont pas tenu compte du fait qu’ils n’ont pas reçu le soutien des électeurs, en raison, entre autres, des liens d’une partie de ce secteur avec les politiques officielles américaines de «changement de régime».
Ce fait, cependant, remet en question la possibilité offerte par le système électoral de nommer (placer sur la liste) et d’élire – au plan municipal – tout candidat, même un opposant. Bien que ce dernier cas ne se soit jamais produit, son potentiel a été mentionné dans le discours de l’Etat comme preuve de son caractère démocratique. C’est ce qu’a fait Ricardo Alarcón lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale. En revanche, l’actuel vice-président, Miguel Diaz-Canel, a reconnu (dans une vidéo interne, qui a filtré à l’extérieur) que pour contrer le projet de «présenter des personnes contre-révolutionnaires comme candidates», «nous prenons maintenant toutes les mesures possibles pour déconsidérer cela, de sorte que les gens aient la perception du risque, de sorte qu’ils les cachent». Cette activité n’est pas reconnue par la loi électorale qui interdit toute propagande électorale.
Le système électoral s’affronte à d’autres problèmes. Les programmes des gouvernements locaux, provinciaux et national ne sont pas contestés dans le processus électoral, car aucun candidat ne peut se présenter avec un programme. Le système ne prend pas en compte les préférences des citoyens en termes de vote (il n’offre pas de débouchés pour les différentes expressions de volonté si ce n’est le vote nul ou le vote en blanc). Il ne reconnaît pas le droit de vote à l’étranger ni celui des citoyens émigrés qui se trouvent sur le territoire national au moment du vote. Parmi ces problèmes, je ne m’attarderai ici que sur le premier: la difficulté de résoudre la question du pouvoir par des élections.
L’impuissance des élections pour établir des programmes de gouvernement et, en général, pour contester le pouvoir est un fait universel. Lors de la récente crise grecque, Yanis Varoufakis, alors ministre de l’Economie, lors d’une réunion avec la Troïka, a déclaré que si un gouvernement élu ne pouvait pas prendre de décisions politiques sur l’économie et devait être soumis aux «exigences» de la Troïka, il serait plus transparent de suspendre les élections, de reconnaître la dissociation entre le pouvoir factuel réel et la souveraineté nationale/populaire et, ce faisant, de certifier l’incompatibilité entre le capitalisme et la démocratie.
Dans le cas de Cuba, pour des raisons qui lui sont propres, le système électoral ne favorise pas les processus participatifs qui déterminent le pouvoir et peuvent traduire les préférences sociales en décisions étatiques. C’est un fait qui s’oppose à l’évaluation du suffrage comme pratique active, et comme base de légitimité, de la part de la tradition révolutionnaire cubaine. De plus, le système ne lie pas les élections avec la capacité d’intervenir, de la part des citoyens, sur l’économie ou sur les usages de la propriété.
Processus électoral, participation civique et légitimité constitutionnelle
Pour les citoyens, le processus électoral cubain existe lors des assemblées d’investiture et lors du vote. Il n’y a pas de recherches sur le profil des électeurs ni d’enquêtes sur les préférences électorales dans le pays.
Les mentions officielles – dans les médias – des systèmes électoraux à l’échelle mondiale portent sur la corruption et les niveaux d’abstentionnisme. Les élections cubaines [présentes] se déroulent ainsi: les Comités pour la défense de la révolution, qui sont «coincés dans les préparatifs de leur 9e Congrès» ont «conçu le processus électoral [récent] comme une étape supplémentaire dans la préparation de cet événement», selon leur coordinateur national. Le président de la Fédération universitaire étudiante a déclaré que la participation massive aux élections «est une démonstration que l’on peut continuer à compter sur les jeunes pour les tâches prioritaires du pays…». La secrétaire générale de la Fédération des femmes cubaines a déclaré: «Nous irons [les femmes] dimanche [pour voter] afin d’exprimer notre soutien à la continuité de la Révolution.»
Ce sont des déclarations qui insistent sur le caractère «de plébiscite» des élections, mais elles omettent de mentionner presque tout le champ des besoins spécifiques à cet égard [priorités du pays]. En revanche, le souci de gagner des élections, de moraliser le suffrage et de le lui donner plus de pouvoir, a éveillé le plus grand nombre d’analyses parmi une multitude de mouvements progressistes au cours l’histoire contemporaine, et dans l’histoire cubaine elle-même.
La mise en place du suffrage élargi [non censitaire] a produit une révolution là où il a été conquis. Marx différencie le chemin du socialisme sur le continent européen de celui qu’il pourrait avoir en Angleterre à cause des possibilités offertes par des élections dans un tel contexte. Engels, à la fin du XIXe siècle, a fait l’apologie du suffrage universel – sans cesser de critiquer l’Etat bourgeois – car dans des contextes spécifiques, il pouvait d’un «moyen de tromperie» devenir «instrument d’émancipation» de la classe laborieuse. Il est difficile de comprendre Gramsci sans donner une place centrale au suffrage universel dans la conformation de l’Etat et de la société civile capitaliste qu’il a analysée. Pour Joés Martí [1853-1895, a créé le Parti révolutionnaire cubain en 1892], comme pour le Marx qui réfléchit sur l’Angleterre: «Dans un pays où le suffrage est à l’origine de la loi, la révolution se situe dans le suffrage universel.»
Cuba a été l’un des premiers pays du continent à instaurer le suffrage universel masculin (1901). Les constitutions de la République en armes ont défendu le suffrage universel et défini la citoyenneté comme une pratique de participation active. José Martí a toujours souligné ce caractère. C’était une conception active de la citoyenneté, capable de former une manière d’être civique, de constituer des identités en dehors du cadre individualiste libéral – si méfiant des libertés «positives» – pour façonner l’individualité en interaction avec les autres.
En 1912, année du massacre du Parti Indépendant de la Couleur [parti créé en 1908 et qui se revendiquait de la devise de J. Marti: «Une République avec tous et pour le bien de tous»] , les secteurs oligarchiques cubains disaient: «le suffrage universel pour les peuples non éduqués est une calamité». En revanche, dans les années 1940, le Parti communiste cubain a mené une campagne de masse active en faveur du vote populaire pour l’Assemblée constituante de 1939-1940 et a proposé de ramener l’âge du vote à 18 ans, afin d’élargir l’électorat. Lorsque les Cubains se rendirent pour la première fois aux urnes (1936), on entendit: «Il faut s’assurer que nos jeunes filles se mettent au premier plan de cette lutte décisive pour la vie électorale des Noirs.»
Les processus internationaux qui ont alors marqué ces générations sont également liés à la légitimité constitutionnelle. Le «Cadernisme» [Lazaro Cardenas président des Etats unis mexicains de 1934 à 1940] a gagné le pouvoir avec le suffrage. La lutte pour la République espagnole a commencé après le soulèvement militaire contre son gouvernement élu. Le Bogotazo (en 1948) est intervenu après l’assassinat [en avril] de J. E. Gaitan [candidat aux élections de 1950], qui avait proposé, parmi d’autres droits sociaux, le caractère obligatoire du vote. Sous cet angle se sont battus contre les dictatures latino-américaines: Julio Antonio Mella [né 1903 à Cuba, assassiné en 1929 au Mexique, animateur de la Ligue anti-impérialiste] qui a soutenu Sandino [1895-1934, dirigeant de la lutte au Nicaragua face aux troupes des Etats-Unis], Fidel Castro s’est rendu à Cayo Confites [baie à Cuba où s’est préparée une invasion de la République dominicaine] pour combattre Trujillo [au pouvoir jusqu’en 1952] et José A. Echeverría [1932-1957, Cuba] s’est rendu au Costa Rica pour soutenir José Figueres.
L’invisibilité de cette histoire et la réflexion précaire [à Cuba] sur le processus électoral comme moment et processus de participation ont été conditionnées par différents facteurs: le cours insurrectionnel du triomphe de 1959; la juste délégitimation du domaine institutionnel avant cette date, avec ses partis et ses élections; la relation que le processus révolutionnaire a établie avec l’URSS et son marxisme-léninisme, et les besoins du modèle centralisé d’accumulation du pouvoir construit à Cuba.
Cependant, les critiques ne doivent pas être de trop. Le système institutionnel cubain est resté inchangé depuis la réforme de 1992. (Des documents partisans ont ensuite exprimé diverses opinions à ce sujet, mais sans conséquences concrètes sur la conception établie.) Le fait semble plus dû à la routine qu’à un consensus social fort concernant les vertus procédurales du Pouvoir populaire.
La propriété et la liberté: leur rapport à la démocratie
J’ai écrit ci-dessus que les programmes gouvernementaux ne sont pas concrétisés par des élections. Avec cette formule, je dis maintenant qu’ils omettent une question cruciale: lier la politique à l’économie, et ainsi préciser la relation nécessaire entre liberté et propriété.
La Révolution cubaine a fait la réforme agraire la plus large en Amérique latine. En même temps, la propriété des ressources du pays, dans une proportion peut-être unique au monde, appartient à l’Etat. Cependant, les phrases répétées par chacun en tant que karma au cours de décennies selon lesquelles «la propriété de l’Etat n’équivaut pas à la propriété sociale», ou «les travailleurs cubains n’ont pas la conscience d’être des propriétaires» expriment que l’on peut être un propriétaire formel de la terre, ou de l’entreprise dans laquelle on travaille, mais que cela n’équivaut pas à revendiquer des droits liés à la propriété – tels que participer aux décisions sur la production, la distribution et la consommation – ni à acquérir un pouvoir politique propre au travers de cette propriété formelle.
La tension se manifeste dans les «vies parallèles» qui, jusqu’à présent, se concrétisent, d’un côté, dans les «Lignes directrices» et la «conceptualisation du Modèle… et, de l’autre, dans la Constitution en vigueur dans le pays. Les deux premiers textes ont été adoptés dans le cadre de consultations publiques, mais la structure du Pouvoir populaire n’a pas participé au processus d’élaboration de ces politiques, ni à leur contrôle, sauf en ce qui concerne l’approbation qu’ils ont reçue de la part de l’Assemblée nationale du pouvoir populaire (ANPP).
En conséquence, le véritable système étatique de représentation et de participation politiques, le seul dont disposent les citoyens par le biais des élections, ne définit pas le caractère des politiques susceptibles d’étendre à l’économie les besoins démocratiques; comme, par exemple, se battre pour: l’amélioration des salaires et des conditions de travail, la prise de décision sur la distribution, la production et la consommation, la lutte contre la pauvreté et l’inégalité, l’extension du pouvoir des collectifs de travailleurs et des syndicats, la représentation des acteurs sociaux dans l’arène politique actuelle et la lutte contre la redistribution du pouvoir. Le fait de séparer l’analyse des élections, et de la manière générale d’exercer le pouvoir politique à Cuba, de la prise en compte des relations sociales, des pratiques culturelles, de l’analyse du pouvoir et de l’usage de la propriété a des conséquences concrètes sur la relation entre l’économie et la politique: l’effacement du suffrage comme l’un des lieux possibles pour reconstruire de manière critique la relation entre liberté et égalité.
Dans Marx et Martí, la liberté ne pouvait trouver sa place dans le domaine de la politique et des droits électoraux que si elle était fortement liée à plusieurs dimensions. Parmi elles, de manière insistante, il s’agit de la combiner avec l’égalité. Pour Marx, il s’agissait de pouvoir «vivre sans la permission des autres». Pour Martí, «tous ceux qui travaillent pour quelqu’un d’autre qui le domine sont des esclaves». La critique de Marx à l’égard des droits de propriété libérale ne visait pas à «abolir» la propriété, mais à garantir le droit égal de chacun à la propriété et à protéger la société des effets de la concentration économique et de la fracture sociale. Martí a célébré la fonction civique de la propriété, s’opposant au programme colonialiste d’«expulser le Cubain à Cuba de son atelier et de la propriété de sa terre».
A Cuba, c’est la lecture faite par Raúl Roa García: «Le grand problème de la démocratie consiste précisément à transcender les conditions économiques qui ont empêché sa mise en œuvre effective.» William C. Roberts a écrit un livre récent (2017) sur le lien entre la liberté politique et les conditions matérielles nécessaires à son exercice, avec cette même thèse: «Vivre libre, c’est vivre sans cette peur ou ce besoin de faire attention aux puissants. Et ça veut dire qu’il faut disposer des mêmes pouvoirs.» Une question de cette importance ne devrait être étrangère à aucun processus politique, y compris électoral.
Un esprit critique ne devrait pas se contenter d’évoquer la pourriture mondiale marquant des systèmes électoraux et ne devrait pas se référer en positif aux seules élections remportées par le chavisme au Venezuela. La tradition révolutionnaire décrite ci-dessus ou, en ce moment, même les morts survenus dans la résistance au Honduras [face à l’imposition, de facto, du candidat des Etats-Unis: Juan Orlando] pour défendre leur suffrage méritent plus que cela. En d’autres termes, ils ne méritent ni les éloges du vote cubain, ni les répudiations en bloc du vote «bourgeois», ni les synonymes établis entre démocratie et élections. Il est essentiel de savoir ce que le vote rend fonctionnel, ce qu’il cache et camoufle dans de nombreux contextes, mais aussi de reconnaître la nécessité d’une moralisation du vote (contre la fraude et la commercialisation), de sa politisation (liée aux diverses revendications sociales), de son autonomisation (capacité d’intervenir dans la politique de l’Etat et de contester le pouvoir social) et de son universalisation effective (contre la captation privée de la politique).
Il s’agit de questions dont l’importance pour le contexte cubain ne peut être simplement écartée par des phrases sur «le caractère exceptionnel de notre système politique». La séparation entre la politique et le peuple est aussi un problème cubain. Il devrait être intéressant d’examiner comment la redistribution du pouvoir est un moyen de combler ce fossé et si la tenue d’élections sur cette base peut devenir une des ressources pour cette redistribution du pouvoir. (Article publié le 23 janvier 2018 sur le site Sin Permiso; traduction A l’Encontre)
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Jules César Guanche est un juriste et philosophe politique cubain, membre du comité éditorial de Sin Permiso, qui est très représentatif d’une nouvelle génération d’intellectuels cubains qui défendent une vision républicaine-démocratique du socialisme.