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Les militaires reprennent le contrôle de la sécurité à Rio
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Rien qu’en 2017, l’Etat a recensé 6 731 morts violentes, deux toutes les trois heures. Chaque jour les journaux brésiliens relatent les fusillades et les tragédies absurdes de familles touchées par des balles perdues ou victimes d’agression.
La voix étranglée, le président brésilien, Michel Temer a dû reconnaître, vendredi 16 février, le chaos dans lequel l’Etat de Rio de Janeiro, rongé par le trafic, meurtri par les gangs, avait plongé.
A situation extrême, réponse exceptionnelle, le gouvernement fédéral a décrété une intervention militaire afin de reprendre le contrôle de la sécurité de l’Etat. Une première depuis le retour de la démocratie dans le pays et la Constitution de 1988.
Le général Walter Souza Braga Netto assumera la responsabilité des tâches policières jusqu’au 31 décembre en lieu et place du secrétaire à la sécurité de l’Etat, Roberto Sa. Désavoué, ce dernier devait déposer sa démission vendredi.
« Le crime organisé a presque pris le contrôle de l’Etat de Rio. C’est une métastase qui se répand dans le pays et menace la tranquillité de notre peuple, a expliqué Michel Temer. Nous ne pouvons accepter passivement la mort d’innocents. Il est intolérable que nous enterrions des pères et de mères de famille, des travailleurs, des policiers, des jeunes et des enfants, [il est intolérable de voir] des écoles cernées par les fusils et des rues transformées en tranchées. C’est fini. Assez. Nous n’allons pas accepter qu’ils tuent notre présent et continuent d’assassiner notre futur. »
Deux morts violentes toutes les trois heures
Rien qu’en 2017, l’Etat a recensé 6 731 morts violentes, deux toutes les trois heures. Chaque jour les journaux brésiliens relatent les fusillades et les tragédies absurdes de familles touchées par des balles perdues ou victimes d’agression.
Le 6 février, la population s’est encore émue de la mort d’une enfant de 3 ans, Emily, tuée dans la voiture de ses parents par des voleurs en panique. Le même jour, Jérémias, 13 ans, tombait d’une balle dans le thorax alors qu’il jouait au foot dans sa favela du Complexo da Maré. Selon l’Organisation non gouvernementale Rio de Paz, quarante-quatre enfants sont morts victimes de balles perdues depuis 2007.
Le naufrage de Rio s’est répercuté jusque dans les défilés du carnaval. Sur un air de samba, l’école Beija-Flor, a résumé en une heure, lors de son arrivée sur le sambodrome, dans la nuit de lundi 12 à mardi 13 février, la tragédie de l’ancienne capitale en faisant défiler la corruption, la mort, les policiers assassinés et l’indécence des politiciens. Point d’orgue du spectacle : un char allégorique incarnant une madone tenant dans ses bras un policier tué. Acclamée, l’école de samba, a remporté la compétition. « Ce carnaval très politique a renforcé l’idée que la ville était dans une situation d’anarchie », commente le politologue Mathias de Alencastro.
Manœuvre politique de fin de mandat ?
Les défilés diffusés en mondovision ont-ils influencé Brasilia ? A moins d’un an de la fin du mandat de Michel Temer, président à l’impopularité historique, l’intervention de l’armée à Rio suscite la perplexité, voire la frayeur. Certains n’y voient qu’une manœuvre visant à faire oublier l’incapacité du gouvernement à faire voter la réforme des retraites, élément crucial du gouvernement de Michel Temer. D’autres fustigent une mesure vouée à l’échec dans un Etat en faillite où l’extrême violence le dispute à l’indigence des services publics.
« Ce décret ne répond pas aux besoins de Rio. On n’obtient pas la paix en militarisant la police. Le résultat ne sera qu’une escalade de violence », alerte Adilson Paes de Souza, ancien lieutenant-colonel de l’armée et auteur d’un ouvrage sur le malaise des policiers brésiliens. « Construisons des écoles, et nous fermerons des prisons », abonde Francisco Chao, directeur du syndicat des policiers civils de Rio, paraphrasant Victor Hugo.
Souvenir de la dictature militaire
Dans un pays où le souvenir de la dictature militaire (1964-1985) reste dans les esprits, cette démonstration de fermeté fait aussi trembler. « La démocratie exige l’ordre. Cette mesure vise à renforcer la démocratie. Il n’y aura aucune restriction des droits », a tenté de rassurer, vendredi, Raul Jungmann, le ministre de la défense.
Il n’empêche. Sur les réseaux sociaux, quelques heures après son annonce, Michel Temer était déjà grimé en maréchal Castelo Branco, principal architecte du coup d’Etat de 1964. « Le gouvernement de Michel Temer sait qu’il ne laissera aucune trace alors il tente un dernier coup en satisfaisant l’électorat le plus extrême qui ne voit de salut que dans l’intervention militaire », résume Mathias de Alencastro.