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Catalanistes emprisonnés. Les juges espagnols se ridiculisent
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
« Si l’on se réfère à la rébellion avec désordres en la rapportant au fait que des milliers de personnes se rassemblent devant un bâtiment pour protester, toute mobilisation devant un bâtiment officiel peut donner lieu à des poursuites pour délit de sédition ».
La violence en Catalogne : exercée par qui, contre qui ?
Traduction libre de l’article Violencia en Cataluña : de quién y hacia quién (Cuarto poder)
[...] L’ancienne députée de la CUP, Mireia Boya [lire ici], déclarait, au sortir de sa comparution devant le juge madrilène Llarena, que « s’il y a quelque chose qui a fait accord parmi les indépendantistes, c’est bien le choix de la non-violence ». Elle ajoutait « il n’y a jamais eu de violence en Catalogne », sous-entendu « de la part des indépendantistes ». « Les gens ont été exemplaires et cela permet que l’on déconstruise ces délits que l’on nous impute et qui amènent à emprisonner des personnes ou à provoquer qu’elles s’exilent ».
Une partie de l’accusation du juge Llarena se fonde sur le fait de savoir s’il y a eu ou pas violences lors des événements de l’automne dernier en Catalogne, s’il y a eu des désordres. Une bonne part des discussions de ces derniers jours porte sur l’existence ou pas de la violence et sur son origine. Les révélations que fait actuellement La Vanguardial target="_blank" target="_blank"> à partir des enregistrements audios des comparutions devant le tribunal sont très éclairantes sur la façon dont se déploie le volet judiciaire du conflit. Hier le journal dévoilait les communications réalisées par les Mossos pendant l’opération menée le jour du référendum, le 1er octobre. On y entend que les policiers catalans reçurent l’ordre d’aider les blessés et, du matin au soir, ils mettent en évidence, dans leurs messages internes, l’attitude pacifique des gens qui défendaient les bureaux de votes et les urnes sous les charges de la Police Nationale et de la Garde Civile.
C’est la même chose que la presse internationale avait rapportée ce jour-là : l’attitude disproportionnée de la police face à l’attitude pacifique et souvent festive de ceux qui s’attelaient à voter. Pourtant devant cette version de la presse et des Mossos [la police catalane] eux-mêmes sur les faits qui se produisirent le jour du référendum convoqué par le Govern de la Catalogne, le directeur du Cabinet de Coordination et d’Etudes du Secrétariat d’Etat à la Sécurité, Diego Pérez de los Cobos, justifia la brutalité policiaire exercée pendant la journée du référendum par les « actions violentes » des manifestants.
Au-delà du référendum lui-même, Jordi Sánchez et Jordi Cuixart, dirigeants respectivement de l’ANC et de l’Òmnium Cultural, se sont retrouvés en prison préventive, mis en examen, dans un premier temps, pour un supposé délit de sédition. Le juge Llarena justifia cet emprisonnement préventif par l’existence de désordres qui étaient la condition nécessaire pour que ledit délit de sédition puisse être motivé. Le 20 septembre des milliers de personnes s'étaient rassemblées devant les portes du Ministère Catalan [Consellería] de l’Economie et des Finances alors que la Garde Civile réalisait des perquisitions à la recherche de preuves de l’organisation du référendum du 1er octobre. Des véhicules des Gardes Civils avaient été endommagés. Sánchez et Cuixart s'étaient hissés sur l’un d’eux pour demander, au bout de plusieurs heures, aux manifestants de quitter les lieux.
C’est ce qu’explique, Anaïs Franquesa, l’avocate du Centre Iridia des Droits Humains dans le site « El Salto » : ces dirigeants associatifs indépendantistes avaient demandé l’autorisation aux agents de monter sur le capot de cette voiture, lesquels agents ne firent mention de ce fait dans aucun de leurs rapports.
L’accusation de sédition semble disproportionnée aux yeux de plusieurs avocats et d’Amnesty International elle-même (1). « Si l’on se réfère à la rébellion avec désordres en la rapportant au fait que des milliers de personnes se rassemblent devant un bâtiment pour protester, toute mobilisation devant un bâtiment officiel peut donner lieu à des poursuites pour délit de sédition » dit Franquesa. Par la suite, l’accusation des deux dirigeants s’élargit au délit de rébellion de par la considération que ceux-ci appartenaient à un groupe organisateur qui dirigeait le processus indépendantiste.
Or il est nécessaire pour que soit établi le délit de rébellion qu’il y ait eu de la violence. Dans son entrevue, Franquesa revient sur la justification de la violence policière par De los Cobos le jour du référendum : « La violence du 1er octobre qui fut l’œuvre des Forces et des Corps de Sécurité est utilisée pour motiver l’existence du délit de rébellion chez les deux dirigeants. Cela ne tient pas la route : puisque tu m’as obligé à utiliser la violence, c’est toi le responsable de l’usage de cette violence. C’est très grave, on ouvre ainsi la porte à la criminalisation de toute mobilisation de masse ».
Par-delà la violence policière, un rapport récent publié par le journaliste Jordi Borrás dans Media.cat, l’observatoire critique des medias en Catalogne, tire la sonnette d’alarme à propos des 139 incidents violents qui se sont produits, en Catalogne, sur les derniers mois de 2017, parmi lesquels on compte 86 agressions physiques qui ont été l’œuvre d’ultras espagnolistes d’extrême droite.
Le procès engagé contre les indépendantistes est mis en cause par divers juristes prestigieux de tout l’Etat espagnol et de l’étranger. Comme le signale le directeur adjoint de La Vanguardia, Enric Juliana, dans une autre entrevue dans "El Salto", des secteurs de la magistrature sont divisés devant la certitude que ce procès aboutira à une saisine du Tribunal des Droits Humains de Starsbourg, où la Justice espagnole s’expose à subir un nouveau revers (2) : « Je note une tension parmi les secteurs de la magistrature qui devant une telle situation sont préoccupés à l’idée que, à une échéance de 6 ans, ce sujet arrive à Strasbourg. D’autres secteurs sont plus préoccupés par ce qui se produit dans l’immédiat, par les conséquences politiques de ce qui puisse se décider ici ».
L’idée que ce procès débouchera au Tribunal de Strasbourg est une évidence, si on prend en compte la démarche engagée récemment par Oriol Junqueras [le vice-président de la Généralité démis par le coup de force du 155] pour que le Tribunal Constitutionnel (TC) se prononce en faveur de la fin de sa détention préventive. La jurisprudence du Tribunal Européen des Droits Humains considère que la privation de liberté doit « toujours être adoptée de façon exceptionnelle » et le fait est que Junqueras compte à l’heure qu’il est plus de cent jours en préventive [les dirigeants associatifs sont, eux, emprisonnés depuis quatre mois. A 600 km de chez eux ! : lire ici].
Cette requête auprès du TC peut être interprétée comme la première étape pour que ce cas soit porté devant la justice européenne. L’ancien coordinateur fédéral de IU [Izquierda Unida, Gauche Unie], Julio Anguita, allait dans le même sens, dans une récente et intéressante entrevue accordée à TV3 [télévision catalane] : « Les juges espagnols sont en train de sombrer dans le ridicule au vu et au su de l’Europe » lançait en guise d’avertissement l’ancien dirigeant communiste.
(2) Un nouveau revers en vue, oui, après le tout récent (cela a été connu il y a 3 jours) qui révèle enfin ce que l'Etat espagnol a toujours nié et maintenu dans l'impunité : l'usage de la torture ("traitement inhumain et dégradant") par des membres des forces de police et de la Garde Civile. C'est une première : le Tribunal Européen condamne l'Espagne pour les tortures, oeuvre de membres de la Garde Civile, subies en 2010 par deux militants de l'ETA lors de leur arrestation (lire ici en espagnol).
La sentence du Tribunal Européen inclut l'évocation de ces tortures : l'un des détenus a été amené par un chemin au bord d'une rivière où il reçut des coups de pied, des coups de poing dans le ventre et des coups sous la huitième côte. Les policiers lui mirent ensuite la tête sous l'eau à plusieurs reprises. De retour dans la voiture, ils lui dirent qu'il avait vécu seulement vingt minutes de ce qui l'attendait pendant les cinq jours qu'ils avaient pour faire de lui ce qu'ils voudraient. A la suite de quoi il reçut de nouveaux coups de pied dans les jambes et les côtes et des coups de poing au visage et sur le tronc.
Les policiers placèrent un pistolet sur la tempe de l'autre prisonnier en le menaçant de faire ce qu'ils avaient fait à MZ, Mikel Zabaleta (lire ici) qui avait été assassiné par la Garde Civile en 1985 (crime resté impuni à ce jour). Les violences contre les détenus se poursuivirent pendant tout le trajet vers Madrid et à leur arrivée.
1985-2010 et aujourd'hui ! L'Espagne issue de la Transition, par l'amnistie qu'elle a accordée aux franquistes responsables de tortures et de crimes, a créé, d'une part, un sentiment d'impunité, transmis, en l'absence de toute épuration, en filiation plus ou moins directe avec ce qui se pratiquait, certes à une autre échelle, sous la dictature et, d'autre part, en corollaire, une acceptation particulièrement élevée, dans les corps de police et la Garde Civile ainsi qu'au ministère de l'Intérieur, qu'il ait été occupé par la gauche (pensons aux GAL sous Felipe González) ou la droite, de l'usage de la violence, hors de tout critère de "proportionnalité" (jusqu'aux crimes et aux tortures comme on vient de le voir). Quant à la Justice espagnole, le désaveu que le Tribunal Européen vient de lui infliger dit assez la place qu'elle a dans le dispositif ici évoqué. Ce qui s'est passé le 1er octobre et se passe en ce moment en Catalogne témoigne indéniablement de ces continuités politico-juridico-policières, préconstitutionnelles, dans l'Etat de la démocratie espagnole...
Très symbolique : les prisonniers catalans aujourd'hui ont désormais passé plus de temps en prison que le ministre de l'Intérieur du socialiste Felipe González et son bras droit condamnés comme responsables de l'action du groupe paramilitaire d'extrême droite qui, dans les années 80, a assassiné des membres de l'ETA et quelques autres, par méprise (lire ici en espagnol) ! Ils furent graciés au bout de trois mois et demi par le Président du gouvernement d'alors, José María Aznar, du PP. Du socialiste Felipe González au très conservateur José María Aznar, la raison d'Etat avait trouvé ses continuités, avec ces faces obscures, sous la forme du célèbre bipartisme que l'action des Indigné-es aura, au moins, jusqu'à ce jour, dynamité !
La situation en Catalogne aujourd'hui doit beaucoup à la dynamique d'ébranlement de ce régime qu'elle a mise en oeuvre. La lourdeur et la violence du prix que l'Etat et les corrompus qui le gouvernent (lire ici) lui font payer est à la hauteur de la menace qu'ils ont ressentie dans leurs assises politiques les plus troubles et les moins avouables...
Traduction Antoine Rabadan
Illustrations (et note) par mes soins à partir des articles cités dans cet article espagnol.
Lectures complémentaires
Espagne/Catalogne. Au petit jeu des différences si politiques...
Paroles de Procureur espagnol : les anomalies de la justice sur la Catalogne...
L'Espagne des juges et des policiers qui fait la leçon démocratique à la Catalogne