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Mouvement de grève du 22 mars : début d’une lutte prolongée ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Jeudi 22 mars, 5,5 millions de fonctionnaires sont appelés à la grève contre le programme « Action publique 2022 ». Ce jour-là, les cheminots défileront aussi à Paris à l’occasion d’une journée nationale contre le projet de réforme du transport ferroviaire. Enfin, les étudiants et les lycéens sont conviés à une journée de grève contre la réforme du baccalauréat et la sélection à l’université.
Toute ressemblance avec un mouvement ayant existé est purement fortuite. En 1968, le mouvement du 22 mars allumait la mèche d’une révolte estudiantine qui allait s’épanouir au mois de mai. À 50 ans de distance, il est loin d’être certain que la journée de grève et manifestation du 22 mars 2018 connaisse un destin similaire. Pourtant, moins de six mois après l’échec des mobilisations sur la réforme par ordonnances du Code du travail, un étonnant frémissement se fait ressentir.
Premiers de cordée de la mobilisation du 22 mars, les fonctionnaires descendront nombreux dans la rue à l’appel de sept fédérations syndicales de la Fonction publique. Cette journée est le prolongement de la grève du 10 octobre contre les mesures d’austérité décidées par le gouvernement : gel du point d’indice, coupes budgétaires, réintroduction du jour de carence et suppression de 120 000 postes de fonctionnaires en cinq ans. L’exécutif avait alors fait l’unanimité contre lui. Tous les syndicats de la Fonction publique avaient signé un appel commun à la grève.
Depuis, aucune inflexion n’a eu lieu du côté de l’exécutif. Au contraire, ce dernier a annoncé les mesures de son programme « Action publique 2022 ». Au menu : plans de départs volontaires, rémunération au mérite, emploi de contractuels de droit privé, remise en cause de certaines missions de service public. Bref, pas de quoi apaiser les relations entre le gouvernement et ses agents des trois fonctions publiques. La grogne devrait se traduire par une mobilisation importante, même si la CFDT et L’Unsa ne se sont pas jointe à l’appel ce coup-ci, considérant pour la CFDT que le temps de la discussion n’était pas terminé.
Vers un mouvement dur dans le rail après le 22 mars ?
Les fonctionnaires ne seront pas seuls dans la rue ce 22 mars. La date avait été retenue par la CGT-cheminots en remplacement de la manifestation du 8 février à Paris, annulé pour cause d’épisode neigeux et de restrictions préfectorales concernant les rassemblements. Depuis, le rapport Spinetta sur la SNCF, l’annonce des mesures envisagées par Édouard Philippe pour accompagner la libéralisation des chemins de fer et l’utilisation des ordonnances ont mis le feu au rail. Proposition de grève reconductible pour la CFDT, mobilisation rapide pour l’Unsa, évocation d’une grève d’un mois par le secrétaire de la CGT-cheminots. Après des annonces tonitruantes, les quatre syndicats cheminots se sont rangés derrière la date de la CGT du 22 mars.
Entre temps, une alerte sociale a été déposée par l’ensemble des syndicats de la SNCF. Un préalable avant tout dépôt d’un préavis de grève dans l’entreprise depuis les restrictions imposées par Nicolas Sarkozy en 2007 sur les modalités d’arrêts de travail. Les quatre fédérations cheminotes représentatives (CGT, Unsa, SUD et CFDT) doivent se retrouver le 15 mars, lendemain du conseil des ministres où sera présenté le projet d’habilitation des ordonnances. C’est cette réunion intersyndicale qui devrait décider d’un appel à la grève, éventuellement reconductible, après le 22 mars.
Addition de mouvements sectoriels
Fonctionnaires, cheminots, la liste des secteurs mobilisés s’allonge. Malgré le vote de la loi « Orientation et réussite des étudiants » le 15 février, la mobilisation étudiante ne s’écroule pas. Au contraire. Après plusieurs journées de mobilisation assez peu suivies en février, le mouvement reprend de la vigueur avec le retour progressif des vacances d’hiver. Ainsi, plusieurs universités sont touchées par des blocages et des assemblées générales fournies comme à Montpellier, Lille, Nantes, Rennes et Bordeaux. Dans cette dernière, les étudiants mobilisés ont été délogés par la force de l’amphithéâtre servant aux assemblées générales. Un petit clin d’œil à mai 68. L’intrusion de CRS dans l’université de Bordeaux rappelant celle de la Sorbonne 50 ans plus tôt, qui avait marqué le début des nuits des barricades dans le Quartier latin.
Autre secteur où frémit la contestation : la santé. Les agents des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sont appelés à cesser le travail le 15 mars, et à se joindre à l’appel général du 22. Forts d’une journée d’action et de grève réussie le 30 janvier, les syndicats veulent pousser leur avantage pour obtenir enfin les moyens manquants dans les maisons de retraite. Avec la volonté de privilégier d’abord la construction dans leurs métiers, quitte à se dissocier un peu des autres catégories professionnelles en mouvement. Le reste des personnels soignants notamment ceux de l’hôpital seront dans la rue le 22 mars. Là aussi, les luttes service par service, hôpital par hôpital, sont nombreuses depuis des mois, traduisant le manque de personnel et l’exaspération de tout un secteur.
Ainsi, l’addition des mécontentements donnera une coloration vaguement interprofessionnelle à la journée du 22 mars. À défaut d’imaginer un embrasement social donnant la réplique à l’anniversaire de mai 68, le printemps pourrait bien voir surgir des crispations importantes. Ainsi, la stratégie du gouvernement consistant à lancer toutes ses réformes en même temps et assommer toute opposition pourrait trouver ses limites. Au mois d’avril, ce sera au tour de l’assurance chômage et du contrôle accru des chômeurs d’occuper le devant de la scène.