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Les FDS répondent aux accusations d’Amnesty International

Kurdistan

Lien publiée le 12 mars 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.rojavafrance.fr/news/en-pleine-guerre-d-invastion-turque-contre-afrin-au-rojava-de-nouvelles-accusations-d-amnesty-la-declaration-des-fds

EN PLEINE GUERRE D’INVASTION TURQUE CONTRE AFRIN AU ROJAVA, DE (NOUVELLES) ACCUSATIONS D’AMNESTY : LA DÉCLARATION DES FDS

Suite aux accusations d'Amnesty International, datées du 28 février 2018, les Forces Démocratiques Syriennes (FDS) ont fait une déclaration le 4 mars 2018. La traduction en français de cette déclaration (2) se trouve à la fin de ce communiqué de la Représentation du Rojava en France (1). 

1. Contextualisation et contenu des accusations d'Amnesty International

Il est toujours malaisé (voire malhabile) de critiquer le travail d'une ONG comme Amnesty International. Mais enfin, concernant le Rojava et le Nord de la Syrie, ce n'est pas la première fois que le sérieux de ce travail est l'objet d'interrogations et pas seulement de notre part (nous qui serions suspectés de partialité, car aujourd'hui attaqués par la Turquie et ses djihadistes, en plus de continuer à résister contre Daech).

Non, ce n'est pas la première fois que l'on peut se permettre de douter du travail d'Amnesty. Dans son rapport du 13 octobre 2015, cette ONG accusait déjà les Unités de Protection du Peuple, les YPG (autour desquelles se sont formées les Forces Démocratiques Syriennes, les FDS) de déplacements forcés ainsi que de nettoyage ethnique contre les arabes du Rojava. Ces accusations graves ont été portées au moment où le combat des YPG-FDS contre Daech faisait rage au Rojava. Malgré les multiples démentis des YPG et des autorités politiques du Rojava, il a fallu attendre 2 ans pour que ces accusations soient enfin réfutées dans un rapport du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies sur la Syrie, daté du 10 mars 2017 (voir ici, le point 93 en particulier).

À défaut de servir la vérité, les accusations d'Amnesty ont été bien utiles pour les contempteurs du Rojava et pour les propagandistes de tous bords, bien heureux de pouvoir les convoquer ad nauseam. S'il est impossible de recenser tous ces usages, on peut quand même signaler celui, emblématique et d'actualité, qui en est fait par la chaîne publique de Télévision – Radio – Turque (TRT) contrôlée par le régime d'Erdogan le 30 janvier 2018 (consultable ici : TRT).

Estampillées « Amnesty », ces accusations continuent d'être régulièrement invoquées même dans les médias non contrôlés par la Turquie (voir par exemple en France, la chronique surréaliste de Jean-Marc Four de France inter du 22 janvier 2018, que l'on peut lire ici). Bref, si la vérité bénéficiait d'autant de relais que la calomnie, la citation de Francis Bacon (« calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ») ne serait pas parvenue jusqu'à nous.

Aujourd'hui, alors que notre population est délibérément bombardée par l'armée turque et ses djihadistes dans le cadre de la guerre d'invasion, sans aucune justification légale, lancée par Erdogan depuis le 20 janvier, on a le droit à de nouvelles accusations de la part d'Amnesty. Il semble que l'expérience ne soit d'aucune utilité puisque ces nouvelles accusations s'appuient sur les mêmes ingrédients que celles, démenties, de 2015 : absence de preuves et d'enquêtes de terrain ; accusations exclusivement basées sur les déclarations d'individus dont l'impartialité reste à établir et qui, surtout, n'ont été témoin d'aucun élément susceptible d'étayer ces accusations graves ; accusations basées sur les déclarations de l'agresseur (en l'occurrence, le gouvernement turc, oui, vous avez bien lu).

Dans son rapport du 28 février 2018, où Amnesty évoque enfin Afrin, il n'est en effet pas seulement question des crimes de guerre de la Turquie. Citons la conclusion du rapport (parfois en exergue dans certaines communications de l'ONG) : « L'armée turque, et dans une moindre mesure les forces kurdes, mènent des attaques sans discrimination dans les villes en Syrie assiégées d'Afrin et d'Azaz, au nord d'Alep, faisant de nombreuses victimes parmi les civils » (pour le rapport complet voir ici). 

L'armée turque » mène des attaques sans discrimination contre la ville d'Afrin (en réalité c'est contre l'ensemble de la région d'Afrin, mais passons) mais les « forces kurdes » (sic) mènent aussi (« dans une moindre mesure » certes, mais quand même) des attaques aveugles contre les civils de la ville d'Azaz « assiégée ». En somme, en ce qui concerne le respect de la de la vie des civils il n'y aurait pas un belligérant pour rattraper l'autre.

Au moment où nous déplorons plus de 200 morts civils et plusieurs centaines de blessés à cause des bombardements turcs sur la région d'Afrin (comme l'attestent les bilans circonstanciés et nominatifs de nos autorités médicales), au moment où nous croulons chaque jour sous les images des atrocités commises par la Turquie et ses djihadistes, au moment où la Turquie va comparaître pour ses crimes de guerre devant le Tribunal Permanent des Peuples à Paris (le 15-16 mars 2018), nous avons donc le droit à ces accusations portées par Amnesty.

Passons, sur les formulations hasardeuses comme celle qui consiste à présenter la ville d'Azaz comme étant assiégée par les YPG-FDS. Oui, passons puisque des considérations géographiques assez triviales ainsi que n'importe quelle carte de la situation rende assez farfelue cette histoire de siège d'Azaz. Comme une large zone s'étendant jusqu'à la ville de Jarablus à l'est, la ville d'Azaz est occupée par la Turquie et ses djihadistes depuis août 2016. Ajoutons seulement que suite à l'invasion et l'occupation de cette zone par l'armée turque, la région d'Afrin est une enclave, elle, contrairement à Azaz qui est ouverte sur la Turquie. Bref, passons là-dessus et arrêtons-nous plutôt sur le procédé utilisé dans la conclusion d'Amnesty.

Renvoyant dos à dos les agresseurs (la Turquie et ses djihadistes) et les agressés (les « forces kurdes » comme aime à l'écrire Amnesty), ce type de conclusion en dit long sur le brouillage permanent de la réalité auquel participe Amnesty. Ratifiant la propagande d'Erdogan (les populations civiles de Turquie et d'Azaz en Syrie sont visées par des tirs de roquettes provenant d'Afrin, d'où évidemment la justesse de sa guerre), ce type de conclusion donne à voir la conception de l'impartialité selon Amnesty. Pour que cette ONG reconnaisse les crimes de guerre d'Erdogan et de ses djihadistes, il lui semble nécessaire d'en imputer à ceux qui sont victimes de ces crimes. Est-ce le prix à payer pour avoir une partie de la vérité ?

Contre les équivalences douteuses d'Amnesty entre les agresseurs et les agressés, rappelons seulement ceci : les autorités d'Afrin, du Rojava et de l'ensemble de la Fédération Démocratique du Nord de la Syrie, ne demandent rien d'autres qu'à ce que tous les journalistes étrangers, tous les observateurs internationaux, tous les membres d'ONG (comme Amnesty) et d'instances de l'ONU puissent se rendre à Afrin (Azaz étant occupée par la Turquie) pour mener des enquêtes dignes de ce nom. Nous réitérons notre engagement : nous ferons tout pour faciliter ce travail d'enquête susceptible d'établir la réalité des crimes de guerre des uns et des autres. Qui s'oppose donc à cela (que ce soit à Afrin ou à Azaz) si ce n'est la Turquie ?!

En attendant, est-il exagéré de demander qu'une ONG comme Amnesty fasse preuve d'un peu plus de sérieux dans ses accusations ? Comme le rappelle les Forces Démocratiques Syriennes dans leur déclaration ci-dessous, il n'est pas sérieux de les accuser de crimes de guerre sur la seule base de déclarations, comme celle de « Mustafa, cybermilitant d'Azaz » qui dit « avoir été témoin des conséquences d'une attaque » le 5 février (ayant tué un enfant) et qui affirme qu'il s'agit d'un « missile tiré par le PKK [désignant les forces des YPG] » (la précision entre crochets est d'Amnesty). Ce même Mustafa déclare ensuite que le « bombardement d'Azaz par les Kurdes a commencé en même temps que l'opération Rameau d'olivier en janvier [...] Les civils sont la cible principale ». Oui, « l'opération Rameau d'olivier » est le nom qu'Erdogan a donné à sa guerre d'invasion criminelle. Ensuite, il y a aussi le témoignage d'un pharmacien travaillant dans un hôpital psychiatrique d'Azaz, Said, qui, nous citons Amnesty, « pense que les forces militaires kurdes sont responsables de l'attaque qui a frappé l'hôpital le 18 janvier » (i.e. deux jours avant le déclenchement de la guerre d'invasion de la Turquie), sur la base de l'observation de la trajectoire d'une roquette (ayant, d'après Amnesty, causé la mort d'une patiente de l'hôpital). Amnesty se contente de signaler qu'ils ont pu vérifier les conséquences de l'attaque sur l'hôpital (était-ce bien cela qu'il fallait vérifier pour déterminer l'origine de l'attaque ?). Enfin, Amnesty nous gratifie d'une preuve définitive : « […] plusieurs missiles et obus de mortiers ont touché des zones résidentielles en Turquie. Le gouvernement turc a signalé que depuis le 5 février, sept civils ont été tués et 113 blessés dans le cadre de ces attaques ». Si c'est le gouvernement turc qui le dit, nous sommes donc tous convaincus. Qu'Amnesty ratifie aussi facilement la propagande de guerre de la Turquie, nous laisse pantois.

2. La déclaration des FDS (du 3 mars 2018) suite aux accusations d'Amnesty International

Dans un rapport d'Amnesty International daté du 28 février 2018 et intitulé « Syrie : l'escalade de l'attaque contre Afrin met en danger la vie de centaines de civils », les Forces Démocratiques Syriennes ont été accusées d'avoir bombardé les zones civiles de la ville syrienne d'Azaz.

Nous, les FDS, affirmons que ce qui est écrit dans ce rapport est faux : nous n'avons pas ciblé les civils et nous ne le ferons jamais. Le rapport d'Amnesty International se base sur les déclarations d'un cyber-militant qui spécule sur l'origine de tirs de roquettes en affirmant qu'elles proviennent d'Afrin. Ce militant a recours au registre de la présomption et de la généralisation, ce qui ne peut pas être considéré comme une preuve. En citant le même témoin, le rapport souligne que le « bombardement d'Azaz par les Kurdes a commencé en même temps que l'opération Rameau d'Olivier [...] J'ai été témoin du pire. Une voiture a été percutée par une roquette tirée par le PKK ». Un autre témoignage avancé par le rapport, celui d'un pharmacien travaillant dans un hôpital psychiatrique, est formulé sur le mode de la supputation : « Je pense que les forces militaires kurdes sont responsables de l'attaque qui a frappé l'hôpital ».

Dans une déclaration du 25 janvier 2018, le chef du bureau des relations extérieures des FDS, Redur Khalil avait souligné qu'en « raison de la résistance farouche de nos forces et de l'endurance de notre magnifique population, l'État turc est en pleine hystérie car dans son invasion brutale d'Afrin il n'a réalisé aucun progrès militaire ». Redur Khalil ajoutait que « par conséquent, au moyen de son artillerie lourde et de son aviation, l'État turc commet des crimes de guerre contre des civils non armés à Afrin, crimes abjects et contraires à toutes les valeurs humaines, à toutes les règles internationales et aux lois de la guerre. Avec ses crimes de guerre, la Turquie a pour objectif de terrifier les civils afin de les déplacer. En outre, via ses services secrets, l'État turc n'hésite pas à bombarder les civils de la ville turque de Killis (proche d'Afrin) afin de manipuler l'opinion publique en imputant ces attaques aux FDS pour légitimer son opération d'invasion d'Afrin, La majorité des cibles à Killis sont des syriens déplacés. Il est nécessaire que l'opinion publique soit informée de l'ensemble des coups tordus de l'État turc qui sait parfaitement que les FDS n'ont jamais ciblé des civils et ne le feront jamais, quelles que soient les circonstances. Enfin, l'armée turque recrute aussi des réfugiés syriens en Turquie comme mercenaires, ce qui contrevient aux lois internationales ».

L'offensive turque contre la région d'Afrin montre la fragilité du droit international ainsi que son absence d'effectivité. Selon les règles en vigueur, les organisations humanitaires sont supposées rester neutres et non partisanes politiquement et elles ne doivent mener que des actions humanitaires sans s'aligner sur des politiques et des intérêts internationaux. Les faits montrent que le caractère partisan du travail des organisations humanitaires les rend particulièrement inefficaces puisque se liant à certains États, elles perdent leur capacité à être acceptées et reconnues par les autres parties. Amnesty International aurait dû surveiller les agissements du gouvernement turc en territoire syrien et juger des objectifs de la présence turque au regard des conventions internationales. Le travail d''Amnesty devrait s'appuyer sur des éléments objectifs et prouvés, au plus près de la neutralité et de considérations élémentaires d'humanité et non de conjectures, d'hypothèses et de généralités. Enfin, le travail d'Amnesty ne devrait pas dépendre de témoins participants à l'offensive turque et appartenant aux groupes terroristes soutenus par la Turquie.

Le bureau des affaires juridiques des Forces Démocratiques Syriennes tient à porter à l'attention d'Amnesty International et de toutes les organisations des droits de l'homme, qu'il est particulièrement injuste de renvoyer dos à dos les agresseurs et les victimes. Il est injuste de confondre des mercenaires et ceux qui défendent honorablement leur dignité. Comme ils l'ont déjà régulièrement fait, les YPG, les YPJ et les FDS déclarent leur attachement à la paix et à la coexistence des peuples et leur opposition à la guerre. Mais, persévérant dans leur logique, la Turquie et ses groupes terroristes ont déclaré une guerre sans justifications légales et ils commettent des crimes contre les civils. Nous avons le droit de défendre notre population et notre territoire contre toutes les attaques. Nous le répéterons autant que nécessaire : nos forces n'ont pas ciblé des civils et ne les cibleront jamais, contrairement à l'armée turque qui a recours au terrorisme. Disposant d'une large force militaire, tuant, des dizaines de civils par jour à Afrin, l'armée turque peut tout à fait tuer 4 personnes à Azaz, à Kilis ou à Reyhanli [Notes du traducteur : ces deux dernières villes sont en territoire turc] et accuser ensuite nos forces afin de tromper l'opinion publique.

Le bureau juridique des Forces Démocratiques Syriennes - 3 Mars 2018, Raqqa - Syrie