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Mexique. En attendant AMLO

Mexique

Lien publiée le 17 mars 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Première partie

https://alencontre.org/ameriques/amelat/mexique/mexique-en-attendant-amlo-i.html

Par Manuel Aguilar Mora

Depuis des mois, sondages après sondages indiquent la préférence d’une majorité de Mexicains pour la candidature présidentielle d’Andrés Manuel López Obrador (AMLO, qui a la tête du Mouvement de la régénération nationale). Dans six semaines, selon l’attitude farfelue de l’INE (Institut national électoral), les campagnes des candidats à la présidence commenceront officiellement. Cette position de favori se maintient, comme le montre le sondage publié il y a une semaine par le quotidien Reforma. Il est souligné qu’AMLO devance de dix points Ricardo Anaya, le candidat du front formé par le PAN [Parti action nationale, qui a sa base initiale dans le capitalisme du nord du Mexique] et le PRD [Parti de révolution démocratique, issu d’une scission du PRI dirigée par CuauhtémocCardenas, fils de Lazaro Cardenas]. Celui-ci dépasse de plus de 14 points Jose Antonio Meade, «le candidat priiste qui n’est pas priiste» [Parti révolutionnaire institutionnel], comme on le nomme ironiquement, qui se retrouve éloigné à la troisième place.

L’ascension d’AMLO dans les préférences des électeurs potentiels a connu une hausse impressionnante jusqu’au nord du pays, qui était considéré jusqu’en 2012 comme un bastion du PAN. Lors des élections présidentielles de 2006 et 2012, AMLO a terminé troisième dans l’État de Nuevo León, siège du puissant groupe financier de Monterrey [ville de plus d’un million d’habitants, capitale de l’Etat mentionné]. Dans les deux cas, les candidats du PAN – Felipe Calderón en 2006 et Josefina Vázquez Mota en 2012 – l’avaient largement dépassé. Les signes pour l’élection présidentielle du 1er juillet indiquent une situation très différente: maintenant c’est AMLO qui est loin devant Meade et Anaya qui le suivent dans cet ordre dès un sondage réalisé en novembre dernier dans cette région (hebdomadaire Proceso, 18.02.2018). Bien que cette enquête ait été menée sur un petit échantillon, ses résultats surprenants ont été considérés comme possibles compte tenu du climat dans lequel le tristement célèbre sexennat de Peña Nieto [PRI, en fonction depuis 2012) touche à sa fin.

Le positionnement de la candidature d’AMLO en tant que favori des électeurs n’est pas nouveau. Tant en 2006 qu’en 2012, il a occupé une telle position. Dans le premier cas, c’est à la fin de la campagne que Calderón, soutenu non seulement par son parti mais aussi par les courants du PRI, a arraché la victoire à AMLO par une très faible marge. Cela fut immédiatement considéré comme le résultat d’une manœuvre frauduleuse. En 2012, afin de remporter la victoire de Peña Nieto, la campagne du PRI a été développée avec tellement de ressources financières que lorsque Peña Nieto a remporté la première place dans les sondages quelques mois avant l’élection, AMLO ne pouvait déjà plus y faire face. C’est la distribution des cartes Soriana [des milliers de cartes d’achat distribuées par le Grupo Soriana, chaîne de magasins dont le siège est à Monterrey], les masses d’argent accordées au candidat [entre autres par le Grupo Financiero Monex] ainsi que l’achat de votes sans vergogne qui ont conduit Peña Nieto à la présidence.

Ricardo Anaya, candidat du PAN, en front avec le PRD

La situation a radicalement changé en 2018. Il est maintenant très difficile pour Anaya, qui s’est positionné comme le plus dangereux concurrent d’AMLO, de le rattraper. L’effondrement retentissant de Meade, le candidat non-priiste du PRI qui est tombé à une troisième place dévaluée dans tous les sondages, est la conséquence directe du gouvernement désastreux de Peña Nieto. Avec la punition électorale du PRI, on peut entrevoir des ruptures dans ce parti, déjà annoncées précisément par l’opération d’avoir choisi un personnage qui n’a jamais été candidat du PRI, signe éloquent de l’impopularité et de la chute soudaine de ce parti.

AMLO bénéficie d’une situation dans laquelle trente années de réformes néolibérales et de contre-réformes ont engendré la pauvreté, l’insécurité, la violence, la stagnation économique, la disparition de toute perspective de progrès et de bien-être pour l’écrasante majorité de la population. Situation dont les deux partis PRI et PAN (le PRIAN) face au Mouvement de la régénération nationale (Morena) d’AMLO sont les principaux responsables. Conscient de l’énorme opportunité qui lui est offerte et prêt à être considéré comme l’homme juste pour surmonter la situation difficile, produit de trois décennies de gouvernements au service sans vergogne des grands capitalistes, banquiers et financiers, nationaux et étrangers, AMLO a radicalement changé son discours afin d’être considéré comme un homme d’Etat fiable parmi les cercles économiques dominants où se trouvent de nombreux leviers décisifs du pouvoir.

«Le changement de régime»

Le rebond incontestable d’AMLO est perçu même par beaucoup de ses anciens ennemis, connus. Par exemple, le responsable politique et médiatique de la campagne de Calderón – qui a forgé le slogan «AMLO est un danger pour le Mexique», si utile au PAN et à la droite en 2006 – avoue que la situation a tellement changé qu’AMLO n’est pas un danger pour le Mexique mais son salut (?!). Beaucoup d’éminents panistes et, dans une moindre mesure, des figures du PRI adoptent ce point de vue, et l’ont déclarée. Certains rejoignent même formellement Morena.

AMLO avec à sa gauche Tatania Clouthier (coordinatrice de la campagne d’AMLO) et à sa droite Alfonso Romo

D’éminents secteurs bourgeois se rapprochent d’AMLO et soutiennent sa candidature. Pendant des années, López Obrador a qualifié l’élite des magnats mexicains de «mafia du pouvoir» dans ses discours et ses positions publiques. Mais dans cette troisième tentative de conquête de la présidence – et peut-être la meilleure occasion qu’il ait jamais eue –, il y a des membres des cercles économiques dominants dans son équipe, ou des membres des familles des milliardaires (voir l’article «Les riches de Lopez Obrador», dans Proceso, 18.02.2018). Voici les noms de quelques-uns d’entre eux: Alfonso Romo [secteurs financier et agro-industriel, conseiller de la Banque mondiale], Miguel Torruco Marqués [entrepreneur entre autres dans le secteur du tourisme], Esteban Moctezuma Barragán [lié au Grupo Salinas et ancien secrétaire du PRI], Marcos Fastlicht [porte-parole de l’ex-président Vicente Fox à qui est déjà promis un poste dans le gouvernement en cas de victoire d’AMLO], Susana Harp Helú [chanteuse très connue et présente dans les médias] auxquels on peut ajouter une liste de noms, sans oublier la mention de l’homme le plus riche du Mexique, Carlos Slim [dont la fortune est estimée à près de 70 milliards et que le magazine Forbes place dans le peloton de tête des milliardaires à l’échelle mondiale], qui est courtisé indirectement.

La perception que la course d’AMLO pour la présidence est imparable se profile déjà dans de nombreux milieux. Au cours des derniers jours, les déclarations qui reflètent les positions des hauts commandants de l’Armée et de la Marine étaient significatives. Les déclarations de l’amiral Francisco Vidal Soberón, secrétaire d’État à la Marine, selon lesquelles les forces armées sont prêtes au «changement de régime», à compter du 1er juillet 2018, montrent clairement que les militaires se rendent compte que les soldats sont enclins à voter pour l’AMLO, bien que les relations de ce dernier avec la hiérarchie militaire ne soient pas les meilleures possible. Cela dit, il ne faut pas en déduire non plus qu’AMLO a été particulièrement critique, et encore moins hostile à l’égard de l’armée. Mais, en tout cas, les dirigeants actuels de l’armée et de la marine savent qu’un «changement de régime» n’est pas le plus favorable pour leurs intérêts de caste.

Dans le secteur syndical des enseignants – où règne la SNTE (Sindicato Nacional de Trabajadores de la Educación), le plus grand syndicat du pays (environ deux millions de membres), qui a été un facteur fondamental dans la victoire des présidents, sénateurs et députés, en particulier du PRI mais aussi d’autres partis –, soufflent avec force des vents favorables à AMLO. La dirigeante corrompue Elba Esther Gordillo – qui fut défenestrée et emprisonnée, mais dont la force reste considérable parmi certains secteurs d’enseignants – débordante de ressentiments, prépare sa vengeance contre le PRIAN et n’a laissé aucun doute sur son soutien au leader de Morena.

Ces contorsions deviennent presque irréelles mais très réelles et opérationnelles. Comme l’alliance faite il y a quelques semaines par le leader AMLO avec le Parti de la rencontre sociale (PSE), tristement célèbre groupe de droite lié aux secteurs religieux, à la fois évangéliste et catholique et qui détiendra un quart des candidats qui postuleront le front «Ensemble nous ferons l’histoire», un nom qui porte la coalition animée par Morena. Le PSE est lié au Front national de la famille, une organisation ouvertement liée à l’archidiocèse de Jalisco [Etat dont la capitale est Guadalajara, sur la côte pacifique], l’une des Eglises catholiques les plus réactionnaires du Mexique. Bien qu’évidemment certains secteurs venant de la gauche ne soient pas d’accord avec ces manœuvres d’AMLO, leur poids à l’intérieur du front est très faible. Et il a diminué face aux secteurs les plus larges dont le poids face au PRI et au PAN ainsi qu’au PRD détermine toute la dynamique.

Les groupes dominants du système sont favorisés par le fait que les trois blocs électoraux bourgeois de l’élection de juillet prochain sont nourris et répondent aux principes de la démocratie du fric représentée par l’INE. Les trois blocs sont identiques à cet égard. Mais l’érosion des deux partis directement liés à l’oligarchie, le PAN et le PRI, soulève la question de savoir si le mécontentement populaire peut se transformer en désespoir et échapper au contrôle.

L’approbation de la Loi sur la sécurité intérieure, dont la validité est contestée par beaucoup et sur laquelle la Cour suprême de justice n’a pas encore statué, indique que sont prévues des situations qui peuvent déborder les fragiles frontières que représente une démocratie bourgeoise paralysée, borgne et manchote qui sera mise à l’épreuve le 1er juillet. L’humus de la démocratie du fric représenté par les trois blocs électoraux est trop mince pour penser qu’au Mexique puisse s’installer un parlementarisme à l’européenne, et pas même de type sud-américain. Les déclarations des chefs militaires qui se préparent à faire face à la possibilité d’un président émergeant d’un nouveau parti comme Morena, sans grands liens avec ces secteurs oligarchiques hégémoniques et traditionnels, sont aussi l’expression de cette incertitude. L’incertitude, en fait, est le mot qui définit dans une large mesure la situation qui prévaut aujourd’hui dans les cercles politiques officiels. (A suivre; article envoyé par l’auteur le 19 février 2018. Traduction A l’Encontre)

Manuel Aguilar Mora, historien, est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’évolution des institutions politiques au Mexique.

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Deuxième partie

https://alencontre.org/ameriques/amelat/mexique/mexique-en-attendant-amlo-ii.html

Les groupes les plus enracinés dans leurs privilèges, habitués à opérer en toute impunité sous les bannières des deux partis hégémoniques traditionnels de l’oligarchie, ne restent pas les bras croisés. Quelles sont les alternatives possibles qu’ils peuvent mettre en place pour éviter la victoire possible d’AMLO [voir la première partie de cet article publié sur ce site le 14 mars 2018]?

Les alternatives

Il existe déjà des éléments qui peuvent nous donner une idée du scénario qui se développera dans la campagne présidentielle qui débutera officiellement en mars. L’alternative qui semble la plus susceptible de représenter un véritable défi au torrent AMLO est dirigée par le multimillionnaire Ricardo Anaya, candidat d’un front PAN avec le PRD. La capacité de ce leader, ancien président du PAN, a été démontrée dans sa manœuvre réussie qui consistait à forger un front avec le PRD, recouvrant ainsi le PAN d’un maquillage qui cache sa nature traditionnelle de droite. Du côté du PRD, son alliance avec le PAN marque le point culminant de la dérive droitière de nombreux secteurs «progressistes» qui ont fondé et soutenu ce parti depuis 1988: anciens PRI, staliniens, nationalistes qui sont restés sur cette voie ou se sont droitisés complètement. Le front, constitué essentiellement par le PAN et le PRD, accompagné par le Mouvement des citoyens, regroupe les secteurs néolibéraux les moins engagés dans le cours désastreux de Peña Nieto. Bien qu’ils en aient été les complices au début du mandat. En fait, et c’est là une de leurs faiblesses, le PAN et le PRD ont dû payer la formation du front sous la forme de ruptures: le PAN avec l’adhésion au PRI d’un secteur proche de l’ancien président Felipe Calderon, et la sortie du PAN de sa femme [militante de relief durant 33 ans] pour rendre sa campagne «indépendante»; le PRD a également vu ses rangs se réduire avec les courants centrifuges qui se sont dirigés vers Morena.

Comme Anaya s’est déjà positionné comme le concurrent le plus fort d’AMLO, laissant Meade en troisième position loin derrière, l’offensive contre lui a été déclenchée avec le cynisme le plus grossier qui caractérise les «panistes». Exposant les transactions immobilières peu transparentes d’Anaya, révélées par des personnages liés au PRI, le bureau du procureur général fédéral a immédiatement trouvé l’un de ses principaux complices qui se trouvait aux Etats-Unis. Il l’a menacé d’écraser sa campagne sous une montagne d’accusations et de possibles crimes. Or, c’est le même bureau du procureur général qui a mis des mois à localiser et à arrêter les anciens gouverneurs voyous qui ont été des voleurs et des assassins priistes, par exemple ceux de Veracruz [plus grande ville de l’Etat du même nom] et de Quintana Roo [Etat du sud dans la péninsule du Yucatan]. Et ce dernier n’a pas encore réussi à obtenir l’extradition des Etats-Unis de l’archi-criminel et ancien gouverneur du PRI de Chihuahua [Etat du nord], César Duarte.

Pas seulement ça. C’est précisément à l’époque du scandale de la corruption d’Anaya qu’un autre scandale a éclaté. Il concerne directement le «candidat non-priiste du PRI», Jose Antonio Meade. En effet, la Cour des comptes fédérale [des «Etats-Unis du Mexique»] a annoncé un déficit de plusieurs milliards de pesos dans les comptes du secrétaire au Développement social au cours de l’année où il a été dirigé par la fonctionnaire corrompu Rosario Robles, qui fut remplacée en 2016 par José Antonio Meade. Ce dernier a déclaré qu’«il ne savait rien» et Peña Nieto a réconforté son collègue, sans rougir, en lui disant: «Ne t’inquiète pas». Bien sûr, comment peut-il s’inquiéter si Peña Nieto lui-même dépense presque 20 millions de pesos par jour dans les médias pour se faire connaître?

Dès lors, nous faisons face à la débâcle du bloc formé par le PRI et ses alliés nains, un fait qui marquera l’avenir de ce parti. Lié aux secteurs les plus corrompus du gouvernement, marqués par l’impunité, l’héritage de Peña Nieto est écrasant: aucun président n’avait auparavant atteint sa dernière année de mandat avec un aussi lourd fardeau d’impopularité, de haine et d’antipathie. José Antonio Meade ne peut se débarrasser de cet héritage, quel que soit le nombre de contorsions qu’il effectue et effectuera.

Seule une réaction suite à une provocation colossale pourrait renverser la chute retentissante de Meade annoncée dès aujourd’hui. Serait-ce une option envisagée dans la «salle de guerre» de Los Pinos [résidence officielle du président] pour éviter la victoire d’AMLO? Mais ce dernier a dit très clairement qu’il ne cherche pas à blâmer qui que ce soit et a déjà amnistié Peña Nieto et ses plus proches complices, dont les crimes mériteraient une enquête approfondie pour qu’ils puissent être punis. En commençant par la disparition de 43 étudiants d’Ayotzinapa [voir à ce propos, parmi d’autres, l’article publié sur ce site le 19 décembre 2015], la traînée des crimes commis durant le sextennat qui se termine est très longue et Peña Nieto sait que cela pourrait être un motif pour son emprisonnement. Ce choc entre le groupe au pouvoir aujourd’hui et l’arrivée possible d’un autre groupe avec AMLO à sa tête sera décisif pour déterminer le cours des événements avant et après les élections du 1er juillet. C’est une tension très dangereuse, mais l’ampleur des crimes et l’impunité du gouvernement actuel la rendent inévitable.

Les perspectives

En 1939, Trotsky écrivit dans un éditorial de Clave, le magazine qu’il publia pendant son séjour au Mexique, initié en 1937, les lignes suivantes faisant référence aux élections présidentielles de 1940:

«Certains lecteurs nous demandent quelle est la politique de notre magazine dans la campagne présidentielle. Nous répondons: notre magazine ne participe pas à la bataille pour les candidatures. Non en conséquence, il est clair, d’un préjugé anarchiste sur la non-participation à cette politique. En effet, là où ce préjugé mène réellement, nous l’avons déjà vu plus d’une fois en France, en Espagne et au Mexique. Non. Nous défendons la participation la plus active des travailleurs dans la politique. Mais pour une participation indépendante. Au Mexique, actuellement, il n’y a pas de parti ouvrier, aucun syndicat qui développe une politique de classe indépendante et qui est capable de lancer une candidature indépendante. Dans ces conditions, la seule chose que nous pouvons faire, c’est nous limiter à la propagande marxiste et à la préparation du futur parti indépendant du prolétariat.» (Clave. Tribune marxiste, datée de mars 1939)

Près de quatre-vingts ans plus tard, nous pouvons dire que ce sont des mots qui s’appliquent pleinement à la situation actuelle des travailleurs et de leurs alliés, exploités et opprimés dans tout le Mexique, et nous pouvons également souligner et répéter à plusieurs reprises, comme le fait Trotsky dans le paragraphe cité, le terme: indépendant.

La tentative infructueuse d’inscrire sur les bulletins électoraux le nom de la candidate soutenue par le Conseil national indigène et l’EZLN [Armée zapatiste de libération nationale], María de Jesús Patricio Martínez, mieux connue sous le nom de Marichuy, démontre de même que cette année les travailleurs et travailleuses n’ont pas été en mesure de présenter une alternative indépendante, et qu’à nouveau au Mexique n’a pas pu se forger une alternative politique nationale qui représente sous une forme indépendante et démocratique les intérêts et les objectifs des travailleurs et travailleuses, ainsi que de leurs alliés.

Il n’y a eu que trois occasions au cours des cent dernières années où les forces socialistes et se référant aux masses laborieuses ont réussi à présenter des candidatures présidentielles indépendantes des blocs bourgeois: en 1976, la candidature de Valentín Campa, un leader communiste remarquable; en 1982, la candidature de Rosario Ibarra présenté par le PRT [Parti révolutionnaire des travailleurs] et Martínez Verdugo présenté par le PSUM [Parti socialiste unifié mexicain] et en 1988, une fois de plus, la candidature de Rosario Ibarra présentée par le PRT.

Pour les socialistes révolutionnaires, c’est un défi majeur. Il est évident que la raison profonde de cette absence d’alternative de et pour les travailleurs est liée à la subordination historique du mouvement ouvrier aux intérêts corporatistes de l’Etat capitaliste qui l’a contrôlé au moyen de ses partis (en particulier le PRI). Cette situation est l’expression politique des luttes prolétariennes qui, pour la plupart, ont été vaincues par la combinaison de méthodes répressives et l’aliénation politique et idéologique des travailleurs et travailleuses.

Les temps à venir annoncent de nouvelles situations. L’une d’entre elles est que la croissance en nombre des masses laborieuse, leurs besoins, l’intensification de l’exploitation qu’elles subissent et l’accumulation des griefs préparent presque inévitablement une rupture de cette situation qui dure depuis si longtemps. La façon de se préparer pour développer un rôle d’orientation et pour surmonter une telle situation – tâche qui justifie l’existence de nos groupes socialistes, démocratiques et internationalistes – ne consiste pas à cacher nos idées programmatiques, l’une d’entre elles, fondamentale, étant que l’indépendance de classe (politique et idéologique) est la condition nécessaire pour l’émergence du facteur révolutionnaire par excellence dans la société capitaliste: un prolétariat au sein duquel se configure une conscience de ses intérêts actuels et historiques en tant que force anticapitaliste et socialiste.

Pour nous, lors des élections du 1er juillet, il n’y a pas de représentants de nos principes, de nos exigences et de notre objectif socialiste et internationaliste. C’est la raison pour laquelle nous n’appellerons pas à votre pour les candidats «inscrits». Et nous considérons comme une énorme erreur stratégique d’appeler et de promouvoir des illusions dans les candidatures bourgeoises, notamment d’AMLO. Il ne sera pas nécessaire de passer beaucoup de temps après les résultats du 1er juillet, quels qu’ils soient, pour qu’ils démontrent l’importance de semer parmi les ouvriers d’avant-garde les éléments constitutifs d’une l’indépendance politique et idéologique de classe afin d’amorcer l’émergence au sein des masses prolétarienne d’une force organisée, consciente, libertaire et émancipée. (Article envoyé par l’auteur le 19 février 2018. Traduction A l’Encontre)

Manuel Aguilar Mora, historien, est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’évolution des institutions politiques au Mexique.