Agenda militant

    [RSS] Compte
	Blue Sky Compte
	Mastodon Youtube Page Facebook de la TC Articles traduits en castillan Articles traduits en anglais Articles traduits en allemand Articles traduits en portugais

    Ailleurs sur le Web [RSS]

    Lire plus...

    Les manuscrits de Marx sur la Commune de 1871

    Marx

    Lien publiée le 18 mars 2018

    Blue Sky Facebook

    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    http://www.critique-sociale.info/88/les-manuscrits-de-marx-sur-la-commune-de-1871/

    On connaît trop peu les manus­crits de Karl Marx sur la Com­mune de Paris de 1871. Ces textes ont été écrits pen­dant les évène­ments eux-mêmes, à la fin d’avril et en mai 1871. Marx a ensuite — après l’écrasement de la Com­mune par l’armée ver­saillaise — rédigé le texte final de La Guerre civile en France, achevé le 30 mai 1871, adopté par le conseil géné­ral de l’Association Inter­na­tio­nale des Tra­vailleurs, puis imprimé par l’AIT en juin. Ces tra­vaux pré­pa­ra­toires à La Guerre civile en France n’ont été publiés pour la pre­mière fois qu’en 1934, et res­tent mal­heu­reu­se­ment dif­fi­ciles à trou­ver en tra­duc­tion fran­çaise. Pour­tant, leur lec­ture est par­fois aussi ins­truc­tive et sti­mu­lante que les textes d’autres manus­crits de Marx, comme les Thèses sur Feuer­bach, les Grun­drisse, les Manus­crits de 1844, etc.

    Nous en don­nons donc quelques extraits, en espé­rant qu’un éditeur en assu­rera la réédi­tion inté­grale pro­chai­ne­ment (en refai­sant la tra­duc­tion, à par­tir des manus­crits originaux).

    - Extraits du pre­mier essai de rédaction :

    La Com­mune, « c’est le peuple agis­sant pour lui-même et par lui-même. »[1]

    « La Com­mune a ordonné que les deux guillo­tines, l’ancienne et la nou­velle, fussent brû­lées publi­que­ment »[2]. Marx avait depuis long­temps affirmé son oppo­si­tion à la peine de mort (voir son article « La peine capi­tale » dans le New York Daily Tri­bune du 18 février 1853[3]).

    Pour Marx, la Com­mune est l’antithèse du second Empire et du pou­voir d’État :

    « Ce pou­voir d’État est, en fait, la créa­tion de la bour­geoi­sie ; il fut l’instrument qui ser­vit d’abord à bri­ser le féo­da­lisme, puis à écra­ser les aspi­ra­tions des pro­duc­teurs, de la classe ouvrière, vers leur éman­ci­pa­tion. Toutes les réac­tions et toutes les révo­lu­tions n’avaient servi qu’à trans­fé­rer ce pou­voir orga­nisé – cette force orga­ni­sée pour main­te­nir en escla­vage le tra­vail – d’une main à une autre, d’une frac­tion des classes domi­nantes à une autre. Il avait été pour les classes domi­nantes un moyen d’asservissement et de lucre. Il avait puisé des forces nou­velles dans chaque chan­ge­ment nou­veau. Il avait servi d’instrument pour bri­ser tout sou­lè­ve­ment popu­laire, pour écra­ser les classes labo­rieuses après qu’elles eurent com­battu et reçu l’ordre d’assurer le trans­fert de ce pou­voir d’un groupe de ses oppres­seurs à un autre groupe. Ce ne fut donc pas une révo­lu­tion contre telle ou telle forme de pou­voir d’État, légi­ti­miste, consti­tu­tion­nelle, répu­bli­caine ou impé­riale. Ce fut une révo­lu­tion contre l’État lui-même, cet avor­ton sur­na­tu­rel de la société ; ce fut la reprise par le peuple et pour le peuple de sa propre vie sociale. Ce ne fut pas une révo­lu­tion faite pour trans­fé­rer ce pou­voir d’une frac­tion des classes domi­nantes à une autre, mais une révo­lu­tion pour bri­ser cet hor­rible appa­reil même de la domi­na­tion de classe. »[4]

    « La Com­mune se débar­rasse tota­le­ment de la hié­rar­chie poli­tique et rem­place les maîtres hau­tains du peuple par des ser­vi­teurs tou­jours révo­cables, rem­place une res­pon­sa­bi­lité illu­soire par une res­pon­sa­bi­lité véri­table, puisque ces man­da­taires agissent constam­ment sous le contrôle du peuple. Il sont payés comme des ouvriers qua­li­fiés »[5]

    « La Com­mune ne sup­prime pas les luttes de classes, par les­quelles la classe ouvrière s’efforce d’abolir toutes les classes et, par suite, toute domi­na­tion de classe […] mais elle crée l’ambiance ration­nelle dans laquelle cette lutte de classes peut pas­ser par ses dif­fé­rentes phases de la façon la plus ration­nelle et la plus humaine. »[6]

    « Le fait que la révo­lu­tion est faite au nom et dans l’intérêt déclaré des masses popu­laires, c’est-à-dire des masses pro­duc­trices, c’est un trait que cette révo­lu­tion a en com­mun avec toutes celles qui l’ont pré­cé­dée. Le trait nou­veau, c’est que le peuple, après le pre­mier sou­lè­ve­ment, ne s’est pas désarmé et n’a pas remis son pou­voir entre les mains des sal­tim­banques répu­bli­cains des classes diri­geantes ; c’est que, par la for­ma­tion de la Com­mune, il a pris dans ses propres mains la direc­tion effec­tive de sa révo­lu­tion et a trouvé en même temps, en cas de suc­cès, le moyen de la main­te­nir entre les mains du peuple lui-même, en rem­pla­çant l’appareil d’État, l’appareil gou­ver­ne­men­tal des classes domi­nantes, par son appa­reil gou­ver­ne­men­tal à lui. »[7]

    Marx cri­tique les concep­tions du socia­lisme “par en haut”, concep­tions de ce que l’on appelle le “socia­lisme utopique” :

    « Tous les fon­da­teurs de sectes socia­listes appar­tiennent à une période où la classe ouvrière elle-même n’était pas suf­fi­sam­ment entraî­née et orga­ni­sée par le déve­lop­pe­ment même de la société capi­ta­liste pour faire sur la scène mon­diale une entrée his­to­rique, à une période où, d’ailleurs, les condi­tions maté­rielles de son éman­ci­pa­tion n’étaient pas suf­fi­sam­ment mûres dans le vieux monde lui-même. Sa misère exis­tait, mais les condi­tions de son propre mou­ve­ment n’existaient pas encore. Les fon­da­teurs de sectes uto­pistes, tout en annon­çant, par leur cri­tique de la société de leur temps, le but du mou­ve­ment social, l’abolition du sala­riat et de toutes ses condi­tions écono­miques de domi­na­tion de classe, ne trou­vaient ni dans la société même les condi­tions maté­rielles de sa trans­for­ma­tion, ni dans la classe ouvrière le pou­voir orga­nisé et la conscience du mou­ve­ment. Ils essayaient de pal­lier les condi­tions his­to­riques du mou­ve­ment par des tableaux et des plans chi­mé­riques d’une nou­velle société ; en pro­pa­ger l’idée leur parais­sait le véri­table moyen de salut. A par­tir du moment où le mou­ve­ment de la classe ouvrière devint une réa­lité, les chi­mères uto­piques s’évanouirent non point parce que la classe ouvrière avait aban­donné le but indi­qué par ces uto­pistes, mais parce qu’elle avait décou­vert les moyens réels d’en faire une réa­lité. »[8]

    « Pro­cla­mant hau­te­ment ses aspi­ra­tions inter­na­tio­na­listes – parce que la cause du pro­duc­teur est par­tout la même et que son ennemi est par­tout le même, quel que soit son vête­ment natio­nal[9] – Paris a pro­clamé le prin­cipe de l’admission des étran­gers à la Com­mune, il a même élu un ouvrier étran­ger (membre de l’Internationale) à son Exé­cu­tif ».[10]

    Extraits du second essai de rédaction :

    Ce second essai de rédac­tion est à la fois plus court que le pre­mier, et bien plus proche du résul­tat définitif.

    « Mais la classe ouvrière ne peut pas se conten­ter de prendre telle quelle la machine de l’État et de la faire fonc­tion­ner pour son propre compte. L’instrument poli­tique de son asser­vis­se­ment ne peut ser­vir d’instrument poli­tique de son éman­ci­pa­tion. » ; « L’énorme para­site gou­ver­ne­men­tal, qui enserre le corps social comme un boa constric­tor dans les mailles uni­ver­selles de sa bureau­cra­tie, de sa police, de son armée per­ma­nente, de son clergé et de sa magis­tra­ture, date du temps de la monar­chie abso­lue. »[11]

    « Peut-être la Com­mune de Paris tombera-t-elle, mais la révo­lu­tion sociale qu’elle a entre­prise triom­phera. Son lieu de nais­sance est par­tout. »[12]


    Notes

    [1] Karl Marx, La Guerre civile en France, 1871 — édition nou­velle accom­pa­gnée des tra­vaux pré­pa­ra­toires de Marx, éd. sociales, 1968, p. 192.

    [2] Idem, p. 202.

    [3] Tra­duc­tion en fran­çais dans Karl Marx, Œuvres tome IV, Biblio­thèque de la Pléiade, 1994, pp. 700–703.

    [4] La Guerre civile en France, 1871 — édition nou­velle accom­pa­gnée des tra­vaux pré­pa­ra­toires de Marx, pp. 211–212.

    [5] Idem, p. 214.

    [6] Idem, pp.215–216.

    [7] Idem, pp. 223–224.

    [8] Idem, pp. 224–225.

    [9] Marx a indi­qué deux pos­si­bi­li­tés de rédac­tion pour ce corps de phrase : « quelle que soit sa natio­na­lité », ou « quel que soit son vête­ment national ».

    [10] Idem, p. 226.

    [11] Idem, p. 257.

    [12] Idem, p. 264.