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    Pleins d’énergie, les cheminots espèrent la convergence des luttes

    SNCF

    Lien publiée le 24 mars 2018

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    https://reporterre.net/Pleins-d-energie-les-cheminots-esperent-la-convergence-des-luttes

    Jeudi 22 mars, entre 300.000 et 500.000 personnes ont manifesté en France contre la réforme de la SNCF et la dégradation du service public. « Macron a détruit les partis politiques. Maintenant, il veut faire sauter le verrou syndical des cheminots. S’il réussit, le reste suivra : la sécu, les retraites », résume un manifestant. Récit.

    • Paris, reportage

    Depuis la scène montée devant la gare de l’Est, une voix de stentor clame aux manifestants : « Est-ce que vous êtes motivés ? Plus fort ! » Une nuée de gilets orange estampillés SNCF lui répond. La brume des fumigènes plane sur l’assemblée, laissant une diversité de drapeaux syndicaux se détacher : les rouge et jaune de la CGT cheminots dominent, mais se détache aussi le vert de Sud rail, l’orange de la CFDT, le bleu de l’Unsa ferroviaire et le rouge et noir de Force ouvrière.

    Selon la CGT, le cortège national et unitaire des cheminots a rassemblé, hier jeudi 22 mars, 25.000 manifestants sur le trajet gare de l’Est-Bastille-Nation, à Paris. En parallèle, la manifestation de la fonction publique avait pour parcours Bercy-Bastille-Nation et aurait totalisé 40.000 personnes. De son côté, la police a décompté 49.000 participants. Dans toute la France, les cortèges de cheminots et fonctionnaires ont rassemblé 300.000 personnes selon le ministère de l’Intérieur, 500.000 personnes selon les syndicats. Des écoles étaient fermées, quelques lycées bloqués ; le trafic SNCF, où le taux de grévistes était de 35,4 %, selon la direction, était fortement perturbé.

    Côté manif’ parisienne des cheminots, au départ gare de l’Est, chacun rappelle aussi d’où il est venu pour manifester : Montpellier, Picardie, Auvergne-Nivernais, Lorraine, Thouars, Calais, Lille, Chartres et Orléans, etc. « On a de la chance, on a tiré le bon numéro, notre TGV n’a pas été supprimé », se réjouit Alain, retraité SNCF syndiqué à la CGT, venu de Romans (Drôme). Mais une bonne partie de ses collègues ont, eux, dû se rabattre sur la manifestation commune avec les fonctionnaires à Valence. Les leaders syndicaux soupçonnent la direction de la SNCF d’avoir à dessein supprimé les trains comportant le plus de réservations de cheminots afin d’affaiblir la manifestation nationale.

    « Macron a détruit les partis politiques. Maintenant, il veut faire sauter le verrou syndical des cheminots » 

    Juste à côté, une délégation de plus jeunes viennent aussi de la région, du nord de Lyon plus précisément. « On ne sait pas si on pourra rentrer ce soir », indique parmi eux Robin, aussi de la CGT. « Y’en a marre d’être stigmatisé par la presse », lance un de ses collègues, refusant d’en dire plus. Devant les journalistes, les cheminots qui se sont sentis caricaturés ces dernières semaines souhaitent défendre leur statut. La réforme annoncée par le gouvernement prévoit de le supprimer pour les nouveaux entrants à partir de juillet prochain. Robin fait de la pédagogie : « On travaille en trois-huit, à Noël, au jour de l’an, les week-ends. Je suis aiguilleur, la paye de base quand on commence, c’est 1.400 euros pour beaucoup de contraintes. Dans mon secteur, la SNCF peine à recruter. »

    Un peu plus loin, dans le cortège CFDT, un groupe de cheminots strasbourgeois discute d’un article des Dernières Nouvelles d’Alsace. « Ils disaient qu’un sédentaire [les agents hors conducteurs de trains] gagne 2.400 euros par mois, c’est n’importe quoi ! » proteste Gérard, qui donne son brut : 2.090 euros par mois, sans les primes. La CFDT est considérée comme un syndicat « réformiste » à la SNCF. Mais cette fois-ci, il n’y pas eu d’hésitation. « Y’a un ras-le-bol complet de la politique du gouvernement », lance Murielle, contrôleuse. « La CFDT est toujours prête à discuter, mais là on ne peut pas, enchérit Caroline, qui bosse à la maintenance. Ils ont dépassé la ligne. Et les médias aussi ont contribué à alimenter notre colère. »

    Gérard analyse : « Macron a détruit les partis politiques. Maintenant, il veut faire sauter le verrou syndical des cheminots parce qu’à la SNCF, les syndicats sont forts. S’il réussit, le reste suivra : la sécu, les retraites. Je veux que mes enfants aient une protection sociale. Alors il faut tenir ! »

    Tandis qu’en tête de cortège, la CGT s’avance, les syndicats qui suivent piétinent encore gare de l’Est. Les bandes de collègues font des photos de groupe, discutent tranquillement en attendant le départ. Chez Sud rail, Raymond, la quarantaine, assure n’avoir jamais manifesté, bien qu’il soit syndiqué depuis deux ans : « On sent aujourd’hui qu’ils veulent vraiment tout nous prendre. On est montrés du doigt, et j’ai des amis qui me disent qu’on travaille pas beaucoup, qu’on est des privilégiés alors que je me lève à quatre heures tous les matins. »

    Raymond, de Sud rail (à droite).

    Olivier, Laura, David et Ludo affichent le logo de FO. Tous font partie de la « sûreté ferroviaire ». « On est la police privée de la SNCF, on bosse sur le RER D », indique Laura. « On a été embauchés dans l’idée qu’on allait faire du service public. Mais la SNCF va vers une logique de boîte privée », regrette-t-elle. « Nos heures sont désormais contractualisées. Cela veut dire que l’an dernier, en décembre, comme on avait fait trop d’heures sur une ligne, on nous a dit de ne faire plus qu’une heure par jour. Vous trouvez ça logique ? Faut revenir à un vrai service public », dit Olivier. « On n’est pas fatigués, on n’est pas découragés, il faut rassembler les travailleurs. La convergence des luttes, on y croit », intervient Ludo, déterminé.

    Ludo, de FO.

    Si les cheminots dominent, on croise aussi des salariés de chez Renault et Peugeot appelant à la solidarité public-privé, quelques usagers venus défendre « leur » train. Une douzaine de partis politiques de gauche ont aussi appelé à manifester aux côtés des cheminots. Parmi eux le Parti communiste, le Nouveau Pari anticapitaliste (NPA), Europe Écologie-Les Verts (EELV), Nouvelle Donne, Génération-s ou encore le groupe parlementaire France insoumise (FI).

     La fanfare invisible enchaîne les airs révolutionnaires

    D’ailleurs, au stand de la France insoumise, un attroupement s’est formé autour de Jean-Luc Mélenchon, accompagné entre autres d’Éric Coquerel (député FI de Seine-Saint-Denis) et de Clémentine Autain (députée FI elle aussi de Seine-Saint-Denis). « Faites l’alliance avec Besancenot », lui glisse un cheminot au travers de la barrière de grands gaillards du service d’ordre. Derrière, une sono crache la chanson On lâche rien, reprise par les manifestants qui lèvent le bras dans sa direction.

    « Quand on défend le train, c’est autant une manif écolo que sociale, déclare Jean-Luc Mélenchon à Reporterre. On le défend par rapport à d’autres modes de transport : carbonés, privés, etc. Le service public, c’est un service sobre, moins cher que la compétition des services privés. Beaucoup de cheminots, gens du service public, qui aiment l’État, le partage, sont insoumis. »

    Jean-Luc Mélenchon : « Quand on défend le train, c’est autant une manif écolo que sociale. »

    Le chef de la France insoumise croit-il à la convergence des luttes ? La possibilité qu’un mouvement social durable soit lancé par cette première journée de mobilisation ? « La stratégie de Macron est de provoquer les cheminots sur leur statut, c’est-à-dire quelque chose de très personnel, de manière à faire éclater le front social en constitution. Il faut qu’on aide les cheminots. Si on a perdu sur la loi travail, c’est qu’il y avait une division syndicale, sociale et politique. Ce qui est important, c’est “est-ce que le pays est capable de rassembler un mouvement social immense pour atteindre un but” », s’interroge-t-il, proposant un rassemblement un dimanche afin que le maximum de personnes puissent venir.

    À la Bastille, la fumée des torches rouges allumées par les cheminots plonge la place dans un épais brouillard. Tandis que le cortège des fonctionnaires, en provenance du ministère de l’Économie, se déverse lentement, celui des cheminots piétine boulevard Beaumarchais. Vers 16 h, canons à eau et grenades assourdissantes ont retenti sur cette avenue, ralentissant la progression.

    Appel à la convergence des luttes.

    Pendant plus de deux heures, les manifestants regroupés sur la grande place attendent la suite, perplexes, banderoles en main. La fanfare invisible enchaîne les airs révolutionnaires, tandis que les cheminots font résonner d’impressionnants pétards. « Ils nous servaient originellement à indiquer un incident sur les rails, explique un conducteur de train. Mais aujourd’hui, on les utilise surtout pour fêter les départs à la retraite et pour les manifestations. »

    Venu d’Isère pour l’occasion, il attend les semaines à venir avec impatience. « Les cheminots sont motivés, nous n’allons pas laisser faire, observe-t-il, comparant l’énergie militante à celle de 1995. Ce qui se prépare, c’est la privatisation du rail. Le gouvernement veut nous faire passer pour des nantis, des privilégiés, mais nous défendons le service public, et nous sommes prêts à aller jusqu’au bout pour ça. » Jusqu’au bout : pour le moment, les cheminots seront en grève à partir du 3 avril, deux jours sur cinq, jusqu’à fin juin.