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Kaïssa : "Je nettoie 1400 m2 de bureaux en trois heures"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Etat comme entreprises sous-traitent le nettoyage de leurs locaux, rompant toujours plus le lien avec les femmes de ménage.
Elles sont les "éternelles invisibles", selon la formule de la philosophe Geneviève Fraisse (1). Chaque jour, les femmes de ménage briquent les bureaux, les salles de réunion, les amphi de facs… à des heures où salariés, fonctionnaires et étudiants n’ont pratiquement aucune chance de les croiser.
A l’aube, dans les rames du métro parisien, le ballet est bien réglé. Les fêtards cuvent leurs mojitos avec assis en face d'eux, des femmes noires qui serrent leur sac sur leurs genoux.
"Elles sont partout et pourtant, elles sont absentes", résume le député apparenté France Insoumise François Ruffin dans un discours très remarqué prononcé le 8 mars dans l’Hémicycle.
L’élu y déroule avec une implacable précision les conditions de travail de celles qui font briller les pupitres de l’Assemblée nationale : temps partiel subi, revenus si maigres qu’ils les enfoncent sous le seuil de pauvreté, absence de treizième mois, de tickets resto, de prime de panier…
Des salariées de seconde zone dont on ne trouve aucune trace dans l’organigramme de l’Assemblée. Il y a bien dans les effectifs de "la logistique parlementaire" des maîtres d’hôtel, un chef et des sous-chefs de cuisine, des mécaniciens, des serveurs… mais pas un seul agent de nettoyage.
"On est revenu au temps des colonies !"
"La sous-traitance est totale depuis les années 1990, explique Bernard Chalot, électromécanicien, représentant CGT pour les personnels de l’Assemblée nationale. Avant, les employés des ménage étaient des fonctionnaires. Aujourd’hui, les 168 agents de nettoyage de l'Assemblée sont salariés par quatre sociétés différentes ! Ce sont souvent des Cap-Verdiennes dirigées par des chefs d’équipe d’origine portugaise. On est revenu au temps des colonies !"
A l’Assemblée, on assume totalement cette délégation des tâches. "l’Assemblée n’interfère pas dans leur (la) gestion (des employés de ménage, NDLR). Leurs contrats relèvent exclusivement des entreprises", explique le service presse à Rue89.
"Le travail est contrôlé par les encadrants des entreprises mais aussi par les intendants de l’Assemblée présents dès l’aube. Ces derniers veillent autant à la qualité des prestations qu’à l’atmosphère de travail. S’il y a eu quelques difficultés d’encadrement, elles sont assez rares et ont toujours été résolues de façon satisfaisante."
Les mois à 600 euros ? Les journées hachées ? Ce n’est pas un sujet pour la vénérable institution. Mais les communicants de l’Assemblée se réjouissent de cours de français-langue étrangère organisés sur place :
"Ceux-ci connaissent un véritable succès."
Forts du succès viral de la vidéo de Ruffin, syndicalistes et salariés font le point sur les luttes passées et celles à venir. Ils s’adressent à la poignée d’employés réunis un jeudi d'avril à la Bourse du travail, à l’appel du Collectif CGT parisien du nettoyage.
"On n’est jamais à l’aise"
Sous couvert d’anonymat, Kaïssa* a accepté de raconter à Rue89 comment elle morcèle ses journées pour se plier aux exigences de ses employeurs.
Kaïssa a 50 ans, mais avec sa longue queue de cheval et son t-shirt à paillettes, on lui en donnerait facilement dix de moins. Cette mère de deux ados est femme de ménage depuis seize ans.
Chaque jour, Kaïssa quitte son domicile parisien et prend le premier métro pour embaucher à 6h dans une entreprise de développement informatique de la petite couronne. "Pendant trois heures, sur quatre étages, je vide les corbeilles, je fais la poussière je passe l’aspirateur dans les bureaux, les salles de réunion, la cafétéria. Je nettoie aussi les sanitaires." Fin de la première journée.
Le soir, Kaïssa reprend les transports. A partir de 17 h, c’est rebelote jusqu’à 20 h, dans un centre des impôts de la capitale cette fois.
"Je nettoie 1400 m2 de bureaux en trois heures. Avant, on était trois par étages, maintenant, il n’y a plus qu’une seule personne. Quand les salariés en CDI partent en vacances, ils sont remplacés par des CDD à qui on demande de faire en deux heures ce qu’on fait en trois heures. Après, on a la pression pour travailler à ce rythme. On n’est jamais à l’aise. On ne fait pas notre travail tranquillement. On n’a même pas le temps de se faire un café.
Quand on demande à Kaïssa, comment elle supporte ces journées, elle pousse un profond soupir.
"Quand on rentre chez soi le matin, on est fatigué, mais on n’a pas envie de se coucher tout de suite. Il y a la maison à ranger, les courses à faire, le dîner à préparer. Certaines de mes collègues me racontent qu’elles trouvent les restes du petit déjeuner encore sur la table. Quand on peut enfin se reposer, c’est déjà l’heure de repartir."
La valse des employeurs
Deux sociétés de nettoyage bien distinctes emploient Kaïssa le matin et le soir. Kaïssa est payée douze euros de l’heure parce qu’elle est chef d’équipe. C’est dix euros pour les autres employés.
Chaque mois, elle touche en tout quelque 1300 euros net. Son mari, en invalidité après un accident de travail, reste à la maison. En seize ans, Kaïssa a toujours travaillé aux mêmes endroits, mais a changé six fois d’employeurs !
D’appel d’offres en appel d’offres, les sociétés de nettoyage valsent. "Elles tiennent trois, six ans." Pour à chaque fois un même résultat : des conditions de travail toujours plus dégradées.
"Si on se plaint, on, est convoqué"
"Quand mes enfants étaient petits, je travaillais de 11h à 14h. C’était assez pratique pour les emmener à l’école. Puis en 2013, l’entreprise qui m’employait le matin a modifié mes horaires d’un coup. Ca devait être provisoire, mais ça n’a jamais changé ensuite. Alors j’ai dû donner 200 euros à une nounou pour qu’elle s’occupe de mes enfants le matin."
La frontière entre les salariés employés par les sous-traitants et les clients est totalement étanche : "on n’a pas le droit de leur parler. Si on se plaint, si on parle, on est convoqué."
Comme à l’Assemblée, les Finances publiques auront bientôt rompu définitivement tout lien avec leurs employés de ménage.
"Avant il y avait huit agents employés par les Finances publiques. Aujourd’hui, ils ne sont plus que trois. Quand ils partiront en retraite, ce sera à nous de faire leur part de travail."
(1) Historienne de la pensée féministe, auteur de "Service ou servitude. Essai sur les femmes toutes mains" (1979, édition augmentée Le Bord de l’eau 2009)
* Le prénom a été modifié