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Besancenot : “Ça pourrait partir en vrille très vite dans le camp Macron”
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Alors qu'un meeting unitaire “est dans l'air pour la fin du mois” avec les partis de gauche hors PS (NPA, France insoumise, Génération.s notamment), Olivier Besancenot nous parle d'Emmanuel Macron, de la recomposition du champ politique, et de “l'embrasement” social qui vient.
Emmanuel Macron a eu une semaine très médiatique. En sort-il renforcé selon vous ?
Olivier Besancenot - Je ne pense pas. Tous les signaux montrent que le mouvement continue à prendre. Dans les facs, c’est parti. Ce 17 avril il y eu une AG de 1800 personnes à Nanterre. Je me rappelle de ce que j’ai connu en 1995 [il a obtenu sa licence en histoire à Nanterre, ndlr]. S’il y a des AG comme ça, c’est que quelque chose se passe. De plus en plus de facs sont occupées, comme Science Po dernièrement. Chez les cheminots, les taux de grévistes sont plus forts que dans les précédents mouvements. La RATP s’y met. Il n’y a pas de coup d’arrêt. La bataille de l’opinion ne se gagnera pas sur une émission, mais sur la séquence sociale qui est devant nous.
Lors de son interview sur BFM et Mediapart, Emmanuel Macron a reproché à Edwy Plenel de vouloir créer “une coagulation des mécontentements”, alors que pour lui, “il n’y en a pas tant que ça”. A-t-il raison ?
Non, il est dans l’auto-persuasion. De fait, c’est lui qui coagule les colères. Comme souvent dans les conflits, les puissants sont beaucoup plus efficaces que les militants pour ça. C’est lui et son entourage qui ont décidé en conscience d’allumer toutes les mèches en même temps : en persistant sur la réforme d’accès à l’université et sur la réforme du service public ferroviaire, en annonçant une série de réformes supplémentaires sur les retraites, alors que les retraités ont été largement ponctionnés avec la CSG, ou encore en évacuant violemment la ZAD de Notre-Dame-des-Landes… En réalité tout ce qu’il a réussi à faire, c’est à remobiliser : il n’y a jamais eu autant de zadistes qu’aujourd'hui. En détruisant la ferme des 100 Noms, qui était un point de convergence du mouvement, il a fédéré tous les secteurs contre lui. Il pense pouvoir réussir là où les gouvernements précédents ont échoué, dans tous les domaines et au même moment, mais attention à l’excès de confiance.
“Certes, ce n’est pas l’embrasement généralisé, mais l’histoire nous apprend que les embrasements ne se produisent pas spontanément, ils se construisent”
Au premier tour de la présidentielle seuls 18% des inscrits ont voté pour lui, et pourtant il réforme le pays sans faire de concessions. Pourquoi cela ne suscite-t-il pas plus de contestation dans la rue ?
Pour passer de la non-adhésion à la résistance, il y a une étape très importante, qui se construit en temps et en heure, dans des conditions toujours particulières. Je pense que la société française est en train de répondre présent à son attaque. Et qu’il est trop sûr de lui, à l’image de sa prestation face à Bourdin et Plenel. Cette arrogance de classe qu’il affiche d’habitude avec beaucoup de mépris va peut-être le faire trébucher. Il pense pouvoir faire ce que les autres n’ont pas réussi à faire avant lui, parce qu’ils étaient retenus par leur appartenance politique. Mais la société française reste très attachée à son modèle social, à ses acquis sociaux. Certes, ce n’est pas l’embrasement généralisé, mais l’histoire nous apprend que les embrasements ne se produisent pas spontanément : ils se construisent.
En Mai 68, contrairement à ce que prétendait l’édito du Monde, la France ne s’ennuyait pas. Il y a eu plein de signes avant-coureurs, des grèves, des mobilisations. Il serait trompeur de penser que le gros de la bataille se joue en ce moment. D’autres secteurs peuvent s’y mettre. Le rôle des militants dans ce contexte consiste à mettre de l’huile dans les rouages, pour qu’au moment où ça se passe, la convergence ait lieu efficacement. L’enjeu n’est pas simplement de saper la légitimité de Macron, c’est d’obtenir une victoire. On a besoin de gagner.
Dans la bataille culturelle qui est engagée entre le gouvernement qui pointe du doigt le statut “privilégié” des cheminots, et vous qui dites qu’“on est tous le cheminot de quelqu’un”, le rapport de force est-il en train de changer ?
Je pense que ce n’est pas une question d’argumentation, ou d’éducation. Certains pensent à la gauche de la gauche qu’il faut éduquer les masses. Ce n’est pas mon cas. Il y a, dans les nappes phréatiques de la mémoire collective - pour reprendre un expression qu’aimait bien Daniel Bensaïd -, un attachement profond à la protection sociale. La perspective de voir des lignes ferroviaires disparaître, les urgences dans les hôpitaux publics encore plus saturées qu’aujourd’hui, et une sélection assumée dans les universités heurte les gens, bien au-delà de ceux qui se mobilisent.
Entre son discours sur le lien “abîmé entre l'Eglise et l'Etat”, ses déclarations sur les “professionnels du désordre”, et la répression qui s’abat à Notre-Dame-des-Landes, trouvez-vous qu’Emmanuel Macron se droitise ?
Pour moi, il n’y a jamais eu photo : fondamentalement, ça a toujours été quelqu’un de droite. Mais sa stratégie consiste en effet à devenir le leader de la droite. Pour lui, l’espace politique à occuper durablement est celui-là. Il pense avoir fait définitivement le ménage à gauche, et que c’est dans ce camp qu’il faut maintenant le faire. Il fait donc le choix du parti de l’ordre, dans tous les domaines : moral et policier. Mais c’est à double-tranchant. Quand des CRS évacuent des étudiants pacifiques d’un amphi à Nanterre, ça renforce et démultiplie la mobilisation. Et en même temps, ça libère toute la meute qui pense que c’est le moment de cogner, y compris au-delà de son propre camp. C’est ce qui s’est passé à Montpellier. Tous les réactionnaires de service se sentent légitimes à attaquer.
Sur le fronton de Science po, désormais occupé par les étudiants, on peut lire ce message : “Les étudiants de Science po contre la dictature macronienne”. Il y a cinquante ans, leurs aînés s’opposaient à “la dictature gaulliste”. Vous pensez qu’il y a des points communs ?
Les murs reprennent la parole. J’ai vu une affiche à Tolbiac qui disait : “Ne prenez plus l'ascenseur, prenez le pouvoir”. Cette ébullition est propre à l’air du temps où des milliers de personnes se préparent à l’action politique. Evidemment, on est tenté par les parallèles, mais il ne faut pas faire des copier-coller. La plus belle façon de commémorer Mai 68, ce serait justement de ne pas le commémorer, mais de le refaire dans des circonstances différentes. Mais il faut garder à l’esprit que 68 n’a pas été simplement une grande fête juvénile, c’était aussi 9 à 10 millions de grévistes. C’est ce qui a tout chamboulé.
Le gouvernement défend que la loi Vidal ne va pas entériner la sélection à l’université, que c'est une contre-vérité colportée en AG. C’est un élément de langage ?
S’ils choisissent de dire que c’est un problème de pédagogie, que les étudiants ont mal compris, ils vont tomber sur un os, car le milieu universitaire - étudiants et enseignants - est bien informé, et sait ce qu’est la sélection. C’était d'ailleurs un des ressorts de Mai 68. Un militant m’a raconté que quand il était étudiant en géographie au tout début de 68 à Censier, sa première image marquante a été celle d’un militant de l’Unef qui est entré dans l’amphi et a dit : “Voilà, à la fin de l’année, un cinquième de cet amphi aura son diplôme, le reste non”. Il n'était pas politisé, mais comme il avait déjà passé son bac deux fois, ça lui a tout de suite parlé. La sélection était déjà très forte du fait des inégalités sociales. Et aujourd'hui encore il y a une sélection non affichée, non avouée et effective dans l’université. Mais inscrire la sélection dans la loi - car c’est de cela dont on parle -, c’est une bombe à retardement.
Des groupuscules d’extrême droite se sont fait remarquer par leurs actions coup de poing dans des facs occupées. Comment expliquez-vous cette résurgence ?
C’est le signe qu’ils comprennent que quelque chose est en train de monter, et c’est leur manière de réagir, par la violence. Au-delà du fait qu’ils seront contrés, ça en dit long sur le risque politique du parti de l’ordre fait par Macron : non seulement il va exaspérer et révolter encore plus ceux qui se mobilisent contre la sélection, mais il va en plus prendre le risque de décevoir dans son propre camp. Il y a toujours plus royaliste que le roi. Il peut perdre sur les deux tableaux.
”Inscrire la sélection à l'université dans la loi, c’est une bombe à retardement”
Depuis le deuxième tour de la présidentielle, le FN a quasiment disparu du paysage politique. Peut-on le mettre au crédit d’Emmanuel Macron ?
Il faut se méfier des effets d’optique. La séquence électorale a certes affaibli Marine Le Pen, mais le FN occupe un espace politique profond. N’oublions pas qu’elle a ramené un paquet de voix. Cet espace politique ne peut pas avoir disparu comme ça, il peut resurgir à n’importe quel instant. Il y a un décalage entre la représentation électorale du paysage politique, et les forces réellement en présence dans la société.
A gauche, il y a une exaspération politique qui dépasse le cadre parlementaire et institutionnel. Elle est certes en partie relayée par certains députés et courants politiques, comme la France insoumise, mais c’est plus profond que ça. Il y a une gauche radicale au sens générique du terme, qui est extraparlementaire. C’est une réalité importante.
Comment concevez-vous le rôle des organisations politiques, révolutionnaires ou simplement progressistes, dans le moment social actuel ?
Leur rôle est de raccorder au maximum le temps politique et le temps social. Quand la vie sociale s’accélère, la vie politique a souvent un train de retard. Il faut que nous soyons à l’unisson, et qu’il y ait une combinaison entre le vieux et le neuf. C’est-à-dire entre ce qui déborde largement le cadre des structures sociales, syndicales et politiques existantes, et les organisations traditionnelles, car on a besoin de leur expérience. Notre rôle, c’est de travailler à cette unité.
“On se voit régulièrement [avec LFI, Génération.s et dix autres organisations de gauche, ndlr], on appelle à des initiatives communes, et un meeting est dans l’air pour la fin du mois”
Ce cadre unitaire existe [de Génération.s au NPA, en passant par le groupe parlementaire de la France insoumise, Olivier Besancenot est à l'initiative d'un cadre unitaire qui rassemble douze organisations à la gauche du PS, ndlr]. On se voit régulièrement, on appelle à des initiatives communes, et un meeting est dans l’air pour la fin du mois. Notre contribution est cependant modeste, car les organisations politiques, même unies, ne peuvent pas se substituer au rapport de force réel, qui va se cristalliser dans la lutte en tant que telle : les grèves, les occupations, les manifestations, les blocages, et des choses auxquelles on n’a pas encore pensé…
Macron a parlé de “la tyrannie de minorités qui se sont habituées à ce que l’on cède”. Mais sur quoi le pouvoir a-t-il cédé ces quinze dernières années ?
De mémoire, depuis le CPE il n’y a pas eu de victoire sociale forte. Pour gagner, il faut toujours que le mouvement social se renforce à la base, et que parallèlement le pouvoir se divise en haut. Or les ingrédients peuvent être réunis : il se passe quelque chose dans la société, et en haut, ça pourrait partir en vrille très vite dans le camp Macron. On le voit sur la loi asile et immigration [ce projet de loi divise la majorité parlementaire, ndlr]. Faire des conglomérats politiques, c’est bien, mais c’est aussi un nid de contradictions énorme, qui peut exploser à tout moment.
Dans les douze organisations qui font partie du cadre unitaire que vous avez construit, il y a un absent : Lutte Ouvrière. Pourquoi ?
Ils sont venus à la première réunion avant le 22 mars, à notre invitation, mais ont dit qu’ils n’en seraient pas. C’est leur responsabilité. Il s’agit pourtant de construire une unité d’action basique, tout en assumant nos désaccords. On sait ce qui nous sépare, mais on a besoin de se serrer les coudes pour frapper ensemble. On ne perd pas son âme à afficher une unité politique, tout en assumant clairement nos divergences. Dans ce cadre unitaire, on ne se raconte pas d’histoires : entre Hamon et nous c’est limpide. Mais on a la volonté commune d’agir malgré nos divergences, quand on est d’accord pour le faire. C’est pragmatique.
Philippe Martinez a dit qu’il n’irait pas à la manifestation du 5 mai, à laquelle vous avez répondu présent. Comment analysez-vous cette décision ?
Les rendez-vous manqués ont tous pour origine la bataille systématique pour le leadership. Au niveau des organisations politiques, tout le monde en est revenu. C’est pourquoi dans ce cadre unitaire, chacun peut s’impliquer dans les préparatifs, et on appelle à toutes les mobilisations : le 1er mai, le 5 mai, et après le 5 mai. Non seulement ce cadre unitaire tient, mais il s’élargit, alors qu’on n’avait pas réussi à le faire sur la loi Travail XXL à la rentrée dernière. C'est une bonne chose.
“Je me suis offert cette liberté de ne pas être l’éternel candidat de l’extrême gauche aux élections. L’histoire du 'retour', c’est tellement loin de moi que je ne sais pas quoi en dire”
Paradoxalement, c’est dans le temps social que vous apparaissez le plus souvent médiatiquement. Vous appréciez davantage d’intervenir en dehors du temps des échéances électorales ?
Au NPA, c’est comme ça qu’on agit, on ne fait pas de la politique qu’au moment des élections. La séquence qui s’ouvre sera un moment de politisation qui vaut bien des campagnes électorales. Pour moi les deux temps - social et politique - sont éminemment liés. Je me sens plus libre depuis que j’ai fait le choix de mettre en adéquation ce que je pense, avec ce que je fais. Je me suis offert cette liberté de ne pas être l’éternel candidat de l’extrême gauche aux élections. J’ai cependant mené la campagne pour Philippe [Poutou, ndlr], j’ai battu les estrades, j’ai fait des émissions... Je me sentais tout à fait libre à ce moment là aussi. Mais l’histoire du “retour”, c’est tellement loin de moi que je ne sais pas quoi en dire.
Malgré vos divergences de fond, considérez-vous comme quelque chose de positif que Jean-Luc Mélenchon ai réussi à installer une force politique de gauche dans le paysage politique ?
Je projette toujours mon espoir dans une représentation politique alternative. On avait noté la dynamique de sa campagne. C’était positif, car ces grands rassemblements permettent à des militants et à des non-militants de reprendre confiance en eux. Mais je ne me sens toujours pas représenté par lui aujourd’hui. Cela n’empêche pas qu’on doit pouvoir faire des choses ensemble. Ce qui est notable, c’est que nous ne sommes plus dans la séquence d’avant : chacun a bien compris qu’il ne peut pas incarner à lui seul l’opposition politique de gauche à Macron.
Il y a des anciens du NPA ou de la LCR à l’Assemblée : Danièle Obono, Eric Coquerel... La tribune qu’ils ont acquise vous semble-t-elle utile ?
C’est probablement utile pour une série de conflits qu’ils relayent à l’Assemblée, mais je ne vais pas mentir : mes yeux ne sont vraiment pas braqués sur ça en ce moment. Cela ne relativise en rien ce qu’ils font, et l’énergie qu’ils dépensent. C’est difficile de répondre à cette question : je ne dirais peut-être pas la même chose si nous avions une représentation. Mais j’ai la prétention de penser que, quand bien même nous en aurions une, le point d’appui politique dont nous avons besoin pour construire quelque chose dans la séquence qui s’ouvre ne serait pas là. Ils ont une tribune, mais j’imagine qu’eux-mêmes sont conscients du fait que ce n’est qu’une tribune.
“Je crois que la solution est extraparlementaire d’un point de vue politique, je le crois depuis longtemps, et ça ne fait que se renforcer”
Vous pensez que ce point d’appui sera toujours dans le mouvement social ? Vous ne croyez pas à l’interaction entre un mouvement social fort et des députés de gauche, comme sous le Front populaire ?
Cela impliquerait une séquence électorale qui se produirait dans un contexte totalement différent. Dans celle qui a été soldée, on voit bien que l’Assemblée est un théâtre d’ombres. Je crois que la solution est extraparlementaire d’un point de vue politique, je le crois profondément. Ce n’est pas lié à la France insoumise ou à la dernière séquence électorale : je le crois depuis longtemps. Et ça ne fait que se renforcer.
Plusieurs militants du NPA ont fait l’objet de répression, syndicale ou policière ces derniers mois : Gaël Quirante a été licencié de La Poste, Aurélie-Anne Thos (animatrice du mouvement étudiant à Toulouse) a été interpellée lors d’une manifestation le 3 avril, Victor Mendès a également arrêté lors de l'évacuation d'un amphi par les CRS à Nanterre… Vous pensez qu’il y a un durcissement policier ?
Tout à fait. On connaît le coût du militantisme depuis plusieurs années, et on n’est pas les seuls. Il y a une volonté de faire peur de la part du gouvernement. Cette politique des conseils de discipline, des procédures, des convocations et des garde-à-vue s’est systématisée. Mais dans les quartiers populaires, c’est bien pire : il n’y a qu’à voir le harcèlement réservé à la famille Traoré. La systématisation de cette politique a libéré des forces que le pouvoir central ne contrôle pas forcément, mais auxquelles il a donné le feu vert. On ne pleure pas sur notre sort, mais c’est une réalité.
Ces persécutions suscitent-elles un élan de sympathie autour de vous ?
Dans les années 70, l’équation “action - répression” était très à la mode. On pensait que la répression générait forcément de la solidarité. Je n’en ferai pas un théorème. Et en plus, on perd beaucoup de temps à faire sortir les gens de prison, de garde-à-vue, à empêcher que les conseils de discipline tranchent par des licenciements... Le bon sens voudrait que tout mouvement ouvrier, syndical, social, associatif, politique, s’unisse pour mettre en place une structure de défense, qui dise : “Vous touchez à un de nos militants, vous touchez à tout le monde”. Ce serait un signal fort, et ce serait plus que nécessaire.
L’affaire de Tarnac, qui s’est soldée le 12 avril par la relaxe des prévenus après dix ans de poursuites, s’inscrit-elle dans le même registre répressif ?
Oui, c’est pour ça que nous nous sommes solidarisés d’eux dès le départ. Derrière le procès de l’ultragauche, un message était envoyé à toute la population : militer a un coût, si tu l’ouvres, c’est ça qui t’attend. C’est aussi ce qui est arrivé à Gaël [Quirante, ndlr] : après trois avis de l’inspection du travail qui rejettent son licenciement en invoquant une discrimination syndical, la validation de ces rapports par la direction générale du travail, et une décision politique prise par Xavier Betrand de ne pas autoriser son licenciement, Muriel Pénicaud l’a finalement autorisé. C’est de l’acharnement.
“Derrière le procès de l’ultragauche dans l'affaire de Tarnac, un message était envoyé à toute la population : militer a un coût, si tu l’ouvres, voilà ce qui t’attend”
Depuis le début des années 1990, nous vivons une éclipse des grandes utopies. Vous êtes un enfant de cela, un révolutionnaire sans révolution. Qu’est-ce qui vous fait encore courir ? Y a-t-il des expériences qui vous rendent optimiste ?
Je ne pense pas que la séquence se caractérise par la fermeture de l’horizon politique. J’ai effectivement grandi politiquement dans un monde où il n’y a pas de modèle clé en main, mais j’ai l’impression que depuis quelques années, d’autres possibilités s’ouvrent, que nous sommes moins enfermés dans un rôle de résistance. Par exemple, la mobilisation actuelle est l'occasion de parler de ce que pourrait être le service public de façon alternative. Dans les ZAD, on expérimente une autre façon de vivre, un autre type d’agriculture. Quand il y a des licenciements, d’Arcelor Mittal aux Fralib, l’idée de faire une Scop surgit. Voilà pourquoi je n’intériorise pas une régression à ce niveau là.
Vous serez à la Fête de l’Huma j’imagine, pour voir NTM ?
(Sourire) Sûrement oui.
Qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ?
Juste d’être un peu plus nombreux ! (rires)
Propos recueillis par Mathieu Dejean