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"Allez dire à aux Antillais que Napoléon est un grand héros national !"
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Alors qu'Edouard Philippe a présidé ce jeudi la cérémonie parisienne pour la Journée commémorative du souvenir de l'esclavage et de son abolition, François Durpaire, spécialiste de l'histoire de l'esclavage, évoque cet enjeu mémoriel majeur.
Cette année, exceptionnellement, la cérémonie pour la Journée commémorative du souvenir de l’esclavage et de son abolition a été présidée par le Premier ministre. Ce jeudi matin au Jardin du Luxembourg, Edouard Philippe a souligné la «dette» de la France et le devoir d'«entretenir la mémoire des blessures, mais aussi celle des résistances». Il a ensuite remis à trois classes (primaire, collège, lycée) «La Flamme de l’égalité», qui récompense chaque année l’investissement des élèves dans des projets autour de la mémoire de l’esclavage. Edouard Philippe a également confirmé qu’un mémorial verra bien le jour à Paris. Alors qu’Emmanuel Macron s’était, lui, exprimé le 27 avril, François Durpaire, spécialiste de l’histoire de l’esclavage, évoque cet enjeu mémorial majeur.
Pourquoi cette célébration du 10 mai est-elle importante alors que l’abolition de l’esclavage date en France du 27 avril 1848 ?
Cette journée se tient en référence à l’adoption de la loi du 10 mai 2001, la loi Taubira, l’unique loi au monde qui reconnaît la traite et l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. C’est un moment fort dans l’histoire de notre pays. Commémorer, ça veut dire se souvenir ensemble et notre société a besoin de se souvenir, de penser ensemble son histoire pour créer l’avenir.
Cette mémoire est célébrée à d’autres dates dans certains départements, notamment aux Antilles ? Pourquoi arrêter cette date plutôt qu’une autre ?
Les départements des Antilles célèbrent la mise en application du décret de 1848 abolissant l’esclavage dans leur département. Mais ce qui fait du 10 mai une journée particulière c’est qu’elle s’inscrit dans un contexte particulier. Le 23 mai 1998, alors que le président Jacques Chirac commémorait le 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage, près de 40 000 personnes ont marché en silence dans les rues de Paris, toutes rassemblées sous le slogan «Pensez à nos parents qui ont vécu le martyr de la traite et de l’esclavage colonial». Pour la première fois, il y a eu une appropriation de cette mémoire collective par les descendants d’esclaves. C’était un vrai moment de rupture avec la manière dont on perpétuait l’évènement depuis 1848.
Il est de coutume que le Président soit présent lors de la cérémonie. Cette année, il a choisi le 27 avril pour rendre un hommage aux pères de l’abolition de l’esclavage, Toussaint Louverture et Victor Schoelcher. Pourquoi ?
C’est la mise en application du «en même temps» macronien. En plaçant son Premier ministre le 10 mai, il avait décidé d’englober l’évènement. Et puis ça lui permettait de se distinguer de ses prédécesseurs. D’un autre côté, cela faisait sens. N’oublions que le 27 avril était jour pour jour le 170e anniversaire de l’abolition de l’esclavage. Il se devait d’être présent.
Dans son discours prononcé à la fête de Jeanne d’Arc en 2016, Emmanuel Macron tordait Leibniz en disant : «Le passé, toujours, brûle notre époque et le présent est gros de ce qui a été.» Que vous inspire cette phrase ?
Le devoir de mémoire n’est pas un tour de magie. La douleur des familles meurtries par l’esclavage est encore vive aujourd’hui. Allez dire à aux Antillais que Napoléon est un grand héros national ! Mais la société française avance, et se transforme culturellement. Cela entraîne des résistances, qui se cristallisent autour du récit de l’histoire de France. La polémique autour de la jeune Jeanne d’Arc métisse en est un triste exemple. L’enjeu, aujourd’hui, est d’enseigner une histoire qui prend en compte la diversité et la pluralité de l’héritage français. Il est nécessaire de ne pas occulter l’histoire de son temps. La pire erreur serait de croire que l’esclavage appartient au passé.