[RSS] Twitter Youtube Page Facebook de la TC Articles traduits en castillan Articles traduits en anglais Articles traduits en allemand Articles traduits en portugais

Agenda militant

    Newsletter

    Ailleurs sur le Web [RSS]

    Lire plus...

    Twitter

    Grenoble, l’université (dés)intégrée

    Université

    Lien publiée le 14 mai 2018

    Tweeter Facebook

    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    https://lundi.am/Grenoble-l-universite-des-integree

    Il y a deux ans, nous publiions une « petite histoire du génie et des ingénieurs » de Jacques Fradin, généalogie idéologique des grandes entreprises françaises et de leurs dirigeants.

    Cette semaine, nous publions cette longue enquête sur le « modèle grenoblois » qu’un lecteur nous a transmise. À partir du grand projet d’« université intégrée », l’auteur décortique l’articulation de l’industrie, de la recherche et de l’armée qui fait de la région Rhône-Alpes l’un des « pôles » les plus « dynamiques » de France dans plusieurs domaines, en particulier les nano-technologies. La présente enquête a l’avantage de retrouver les hommes derrière les acronymes infinis qui agissent comme autant d’écrans qui nous empêchent d’y voir clair et donc, aussi, d’appréhender ces institutions.

    Si la conclusion de l’article fait usage de conceptualisations qui nous paraissent quelques peu datées et difficilement opérantes, le travail de recherche est méticuleux et précieux pour qui tente de mettre à nu les structures qui soutiennent le présent.

    Depuis deux siècles Grenoble mène le tempo dans le domaine des techniques et des technologies de pointe. Grâce à la Houille Blanche, à l’implantation de l’armée, à la bourgeoisie industrielle locale et à l’apport de scientifiques redoutables, elle prit très tôt une longueur d’avance dans l’acquisition d’infrastructures modernes dans les domaines du nucléaire, du magnétisme, de l’électronique et de l’informatique.
    Le campus de Grenoble s’inscrit dans cette « tradition » à la grenobloise où les secteurs de l’industrie des matériaux, de la défense et de la recherche en informatique sont étroitement imbriqués depuis bien longtemps, c’est le fameux « modèle grenoblois » tant vanté par les élites locales. La nouveauté, l’« innovation » comme ils disent, fût bien réelle concernant les méthodes de maximisation des profits à partir de connaissances nouvelles : transdisciplinarité brevetabilité et création de start-up arrivèrent dans la cuvette directement importé des USA.
    Louis Néel, Louis Weil, Félix Esclangon et leur clique sont la première génération de cette nouvelle classe d’ingénieur ondulaire, à la fois scientifique, militaire et politicien. Ils ont développé Grenoble dans le sens de l’expansion technologique comme jamais.

    La tradition s’est bien maintenue jusqu’à nos jours, elle s’est même renforcée, et c’est avec les noms de Destot, de Piolle, de Fioraso et maintenant de Lévy que nous abordons la deuxième décennie du XXIesiècle.

    Dans tout ce fatras de start-up, de pôles d’excellence, de clusters, ces encravatés nous complexifient nos vies dans le sens d’encore plus de nuisances invisibles, une gestion accrue de nos quotidiens digitalisés, une centralisations des pouvoirs, une dépossession de nos futurs, et espèrent faire de nos cerveaux d’étudiant.e.s, de la chair à labo.

    Patrick Lévy, le Cohn-Bendit grenoblois, ancien gauchiste fougueux, est ce que Michel Clouscard avait bien vu dans cette jeunesse blanche et rebelle des années 70, la future élite du pays. Non plus les bébés de Normal Sup et de l’ENA, mais les rejetons des écoles d’ingénieurs et des facs de sciences. Car voyez-vous, il ne suffit plus de gouverner les masses, il faut maintenant ingénier le monde et l’on apprend cela à « Gre ». (et le vendre pardi !)

    Ils sont comme des poissons dans l’eau dans cette complexité des flux et des structures capitalistes, ce sont eux cette classe qui s’enrichit en capital cognitif et financier avec l’aval de l’État et l’injection de ses deniers. Il n’y a pas vraiment « d’interventionnisme » ou de « laisser-faire » mais simplement un État qui joue son rôle de guide et d’assise pour le développement de la croissance du profit et l’expansion de la puissance de calcul (contrôle). Son règne est à ce prix.

    Ce texte est une enquête sur les structures de base qui détermine les directives en matière de recherche et d’enseignement à Grenoble, elle n’est pas exhaustive. Elle se focalise sur quelques personnages intelligents (adaptés) qui ont tout fait, par idéal scientifique ou goût du pouvoir, pour développer et accélérer l’accroissement de la Bête à trois pattes : industrie-recherche-armée.

    « L’université intégrée naîtra au 1er janvier 2020 »
    Patrick Lévy lors d’une interview à l’Essor du 5 mars 2018

    L’Université (dés) intégrée, industrie-recherche-armée.
    (ou comment Patrick Lévy veut devenir le chef à Grenoble)
    Bienvenue dans la Technopiolle n°2.
    Brochure écrite et éditée en mai 2018.

    INTRODUCTION : GRENOBLE EST MAGIQUE (POUR LES INDUSTRIELS)

    « Ce que montrent la plupart des études, c’est qu’un véritable complexe de recherche développement existe alors dans le pays, que la période gaullienne est celle de l’enchantement pour une science fondamentale devant féconder directement l’économie nationale, qu’elle est celle des grands programmes pilotés par l’État et qui visent à combler le « fossé scientifique et technologique » qui sépare l’Europe des États-Unis. L’idée est d’investir les domaines essentiels à l’affirmation de la puissance (nucléaire, espace, électronique, informatique) car ils sont ceux de la modernité, et, car les « retombées » seront de toute façon bonnes pour l’industrie civile dans son ensemble. Le financement public est donc très concentré et destiné à des secteurs à marché protégé dans lesquels le poids des commandes militaires est essentiel. »

    Cahier pour l’histoire de CNRS. 1990-8, Louis Neil, le magnétisme et Grenoble. Récit de la création d’un empire physicien dans la province française. 1940-1965. D Pestre éd de CNRS, 1990.

    L’année universitaire prochaine, l’université de Grenoble dénommée l’UGA (Université Grenoble Alpes) devient l’ « Université intégrée ». Après la fusion des universités Stendhal, Joseph Fourier et Pierre Mendès-France en 2016, après l’argent de l’IDEX en 2017 (800 millions d’euros de dotation d’État), une nouvelle étape sera franchie dans ce modèle de l’Université comme entreprise compétitive d’ici 2020. C’est un capitalisme effréné où ce qui compte ce sont les classements mondiaux, l’écrasement des autres campus pour attirer le plus de clients-étudiant·e·s et le transfert de la matière grise vers l’industrie et les labos de l’armée.
    Pour l’étudiant·e qui fréquente le campus de Grenoble, les phénomènes visibles de ce massacre organisé sont bien sûr la disparition programmée des livres et des petites bibliothèques dites « de composante », la destruction de bâtiments puis leurs reconstructions en partenariat public-privé, la bétonisation du campus et sa digitalisation à foison. Ce sont les vigiles qui se multiplient comme des petits pains, la présence policière systématique, la venue d’industriels dans le CA de la fac, des laboratoires travaillant sans vergogne pour la fabrication d’armes et de drones, ce sont les caméras, les bornes de payement, les contrôles dans les résidences qui d’ailleurs se privatisent. Bref des phénomènes disparates mais qui procèdent d’une même logique à l’œuvre.

    On vous propose ici d’y voir un peu plus clair sur les forces agissantes du campus et les choix fait par la présidence.

    Pour ce faire on replacera la fac de Grenoble dans le contexte historique local. Grenoble, cible privilégiée des politiques publiques en matière de recherche, a su tirer avantages des ressources naturelles, de l’apport de hauts-ingénieurs tel que Louis Néel, Félix Esclangon, ou Louis Weil et d’une bourgeoisie industrielle bien implantée. C’est le triangle : recherche - écoles d’ingénieurs - industrie qui permit le développement des moyens de production (matières grises, machines, brevets…) et de l’« écosystème » politique et financier autour des hautes technologies dans ce que l’on nommera plus tard le modèle grenoblois. Ce modèle prit réellement son essor avec la création du campus dans les années 60. La stratégie consistait à recruter des enseignants-chercheurs pointus et de renom (Soutif, Kuntzmann) dont les enseignements étaient tournés vers des applications industrielles et militaires bénéfiques (« valorisables ») pour le bassin capitalo grenoblois. L’exemple de la création du département d’informatique et mathématiques appliqués (le premier en France), tout entier voué à l’industrie des barrages, est flagrant. Cette stratégie est ce qui se cache derrière le mot qu’ils ont tout le temps à la bouche, le mot « innovation » : un transfert de l’intelligence collective au profit du renouvellement des moyens de production capitaliste.

    On essayera ensuite d’établir une cartographie des instances et des groupes d’influence actuels du campus grenoblois et enfin on gardera une large place au nouveau mandarin de la fac, le maintenant célèbre Patrick Lévy, son réseau, son œuvre, sa stratégie. Ceux-ci s’inscrivent dans une tradition politique depuis les années 60 : faire un campus de prestige, subordonné à la demande en main d’œuvre qualifiée de l’industrie locale.

    Attention, ce long texte part du présupposé (parti prit subjectif) qu’on ne peut pas combattre les structures du pouvoir et les systèmes de domination sans connaître avec précision les rouages et les acteurs principaux de ses structures. Aucune naturalisation derrière la violence et la coercition, seulement des Hommes (surtout des hommes) aux manettes et des imaginaires-colons, broyant nos pouvoirs d’agir. La complexité de la méga-machine et le spectacle partout présent font qu’on n’y comprend pas grand-chose à tout ce bordel. Les contre-feux et les captations des énergies révoltées vers d’épuisantes routines et des impasses de l’esprit nous détournent souvent des enjeux globaux et nous auto-affaiblissent.

    Les questions : qui commande ? Avec quels moyens ? Dans quels buts ? Et avec quels soutiens ? ont jalonné l’écriture de ce texte.

    LOUIS NÉEL, ARTISAN DU « MODÈLE GRENOBLOIS 

    « Je ne désirais pas rester à Grenoble pour en faire le marchepied d’une carrière parisienne mais bien avec l’intention de créer un centre de recherche suffisamment important pour en retenir les cadres »
    Louis Néel, Un siècle de physique, éditions Odile Jacob, 1991. [1]

    « Il a su attirer les industriels par le dialogue ou le transfert des connaissances, valorisant ainsi les travaux scientifiques de son équipe par des applications, tout en communiquant aux chercheurs et professeurs le goût d’innover et d’entreprendre. Basée sur la pluridisciplinarité et l’ouverture, la stratégie de Louis Néel : Université- Recherche- Industrie s’est révélée remarquablement féconde. »

    Louis Néel, un prix Nobel de Physique exceptionnel, Nguyen Khac Nhan, mai 2011 [2]

    Après la Seconde Guerre mondiale, Grenoble est déjà bien installé comme un centre scientifique majeur de la France. Sa force c’est ce que l’on a appelé la Houille Blanche, la force hydro-électrique produite grâce aux nombreux torrents et rivières de la région. C’est Aristide Bergès qui l’a forgé, en 1889, lui pour qui « le moindre filet d’eau dans les grandes hauteurs n’est plus de l’eau, mais de la houille noire, qui sourdit (sic) automatiquement du sol » [3]. L’énergie quasi-illimitée qui sort des turbines pourra servir à alimenter les besoins gargantuesques des usines de la région : papeterie, chimie et électrolyse de l’aluminium, tissage, puis synchrotron, puce à silicium et nanotech. Comme le souligne le géographe Armand Frémont :

    « De cette époque, date la mise en place d’un système triangulaire typiquement grenoblois, associant fortement l’université, la recherche et l’industrie. »

    Ce système favorise également l’émergence des premiers grands établissements scientifiques grenoblois, comme l’Institut électrotechnique en 1901 (devenu Institut Polytechnique de Grenoble, IPG) et l’École de papeterie. Mais laissons à Louis Néel le soin d’exposer la tradition grenobloise de liaison industrie-recherche :

    « Bien sûr, cette tradition remontait d’ailleurs fort loin. Le premier comité d’accueil pour les étudiants étrangers avait été fondé dès 1895 par des industriels grenoblois. C’était également eux qui avaient cédé les terrains pour construire l’Institut polytechnique. Leurs mobiles n’étaient d’ailleurs pas désintéressés. (…) On sait que c’est à Grenoble qu’à été créée la première école d’électricité à la suite du développement de la houille blanche. L’initiateur en fut Paul Janet qui avait fondé l’Institut électrotechnique de Grenoble avant de faire l’École supérieur d’électricité de Paris (Sup’élec). C’est l’hydro-électricité qui a assuré le développement d’industries comme la papeterie, grosse consommatrice d’énergie, ou l’électrochimie avec Ugine (Société d’électrochimie, d’électrométallurgie et des Aciéries électriques d’Ugine), une firme dirigée par des gens comme George Painvin, un type brillant qui avait d’excellentes relations avec l’Université. [4]] »

    Après la guerre tout est déjà bien en place à Grenoble pour lancer la machine de l’innovation : l’Université, les Écoles d’Ingénieurs (Institut Polytechnique de Grenoble), les industries locales (Merlin-Vérin Neyrpic, Sogreah, Bouchayer-Viallet, Ugine ... ). Tout ce petit monde est en lien grâce à des hommes d’un nouveau type, émergeant dans une période où la science et ses applications commencent à prendre le pas sur l’idéologie pure, tout à la fois chercheurs, hommes d’affaires et politiciens. Louis Néel est l’archétype en la matière. Chercheur-ingénieur-militaire en magnétisme pour les sous-marins de la Marine, envoyé pendant la guerre à Grenoble en zone libre pour développer les recherches militaires et industrielles avec son assistant Louis Weil. Après guerre, il sera le pilier du lien entre industriels, militaires et université. D’un tempérament pragmatique, ses interlocuteurs industriels ne verront que des avantages à ce qu’il prenne en compte les questions de rentabilité et de débouché. Il empochera des brevets de l’usine Ugine et aura pour ami les gros industriels du coin comme :

    « P.L. Merlin, le créateur de la plus grosse entreprise d’équipement électrique de la région […] C’est ainsi que peu de temps après mon arrivée, j’étais déjà bien introduit auprès des universitaires, des industriels et des professions libérales » [5]

    C’est Félix Esclangon, remplaçant à la tête de l’Institut Polytechnique de Grenoble M. Gosse sous Vichy qui permet à Louis Néel de rencontrer les industriels. En 1942, Esclangon confie à Néel le réputé Laboratoire d’Essais et Mécanique (LEM) fondé en 1919 sous l’impulsion du plus gros industriel grenoblois, Aimé Bouchayer et dont l’histoire illustre les relations privilégiées qui ont toujours existé entre les milieux industriels grenoblois et l’Université. Louis Néel profite de ce poste privilégié pour nouer des contacts intéressants avec les industriels de la région. Ces liens sont renforcés grâce à la "Société des Amis du LEM" créée en 1929 et qui rassemble des cimentiers (Vicat), des métallurgistes, des chimistes (Kuntzmann, Progyl), des entreprises de mécanique et d’hydraulique, des papetiers. Cette société a permis à Louis Néel d’approfondir ses relations avec un allié d’envergure pour le développement économique de Grenoble, Paul-Louis Merlin (PDG de Merlin Gérin).
    Louis Néel crée en effet en 1949 le Laboratoire de Magnétisme du Navire (LMN) sous la demande et impulsion de l’armée afin d’aider les constructions navales. C’est lui qui le dirige jusqu’en 1956. C’est ainsi que furent étudiés à Grenoble, sur le plan du magnétisme, la plupart des navires français conçus à partir des années 1950. En 1954, Louis Néel devient Directeur de l’IPG en remplacement de Félix Esclangon, nommé Professeur à la Sorbonne et obtient la création en 1970 des trois Instituts Nationaux Polytechniques de Grenoble, Toulouse et Nancy. Louis Néel crée aussi en 1956 le Centre d’études nucléaires de Grenoble (CEN-G, branche provinciale du CEA), dont il devient le président, avec le soutien de Francis Perrin. Pour la construction du CEN-G, Louis Néel fait appel à des officiers et ingénieurs de la Marine en raison de leur compétence. Il s’agit de Bernard Delapalme (un polytechnicien devenu son adjoint), Paul Roussillon, Guy Denielou, Michel Cordelle, Robert Gerbier, Henri Mondin et Hubert Dubedout (élu plus tard Maire de Grenoble). Dans les années qui suivent, le CEN-G se développe rapidement notamment avec la création d’unités mixtes université-CEA Grenoble. L’extension des activités de recherche se poursuit avec la création du Service National des Champs Intenses (SNCI) par Louis Néel et René Pauthenet (qui a travaillé en 1958 au laboratoire d’IBM à Poughkeepsie) à la fin des années 50. C’est au sein de ce laboratoire que sera découvert l’Effet Hall. Et donnera aujourd’hui le Laboratoire National des Champs Magnétiques Intenses (LNCMI) [6]. En 1967, grâce aux progrès réalisés en techniques neutroniques, Louis Néel propose et obtient la création de l’Institut Laue Langevin (l’ILL). Ce réacteur nucléaire à haut flux, financé par 11 pays dont les trois partenaires Allemagne, France et Royaume-Uni, exploite la source de neutrons la plus intense au monde. C’est le gros dôme bleu sur la presqu’île scientifique que tous les grenoblois et grenobloise connaissent. La dernière grande contribution de Louis Néel à l’expansion de la recherche à Grenoble est certainement la création de l’European Synchrotron Radiation Facility (ESRF).

    Il recevra le prix Nobel en 1970 et sa double casquette de militaire et de scientifique lui permettra d’être le représentant de la France au Comité Scientifique de l’OTAN entre 1956 – 1980 (interruption entre 1957 et 1960).

    LOUIS WEIL IMAGINE UN CAMPUS À L’AMÉRICAINE

    L’Essor : « Justement, le programme de la future UGA, c’est « l’université intégrée », avec un fort poids à l’international. C’est une sorte de grand campus à l’américaine ? »
    Patrick L : « C’est un établissement géant qui n’inclue pas que les trois anciennes universités, mais aussi les structures comme Grenoble-INP. On gomme les frontières pour plus de simplification, mais les instituts qui le souhaitent peuvent garder une indépendance en conservant une personne morale à leur tête. Ce ne sera pas une fusion, mais une intégration ! » [7]

    Le 2 décembre 1961, afin d’accueillir un nombre croissant d’étudiantes et d’étudiants, et de disposer de constructions modernes favorables au développement des laboratoires de recherche, la première pierre du campus à l’américaine est posée. Le « domaine universitaire », se développe alors sur une zone de culture maraîchère de 186 hectares à cheval sur les communes de Saint-Martin-d’Hères et de Gières. Louis Néel en collaboration avec Louis Weil prennent une part essentielle à la création de ce campus.
    L’informatique (on disait télématique à l’époque) conjugué aux mathématiques arriva à point nommé, ce fût la création des mathématiques appliqués. Les industriels s’en servir pour la modélisation des forces s’exerçant sur les chutes d’eau et les barrages hydroélectriques abondamment présent dans la région.
    Jean Kuntzmann, à peine arrivé à Grenoble, est sollicité par Félix Esclangon, professeur de physique à la Faculté des Sciences et directeur de l’Institut Polytechnique, pour développer un enseignement de mathématiques à l’usage des ingénieurs. Cet enseignement démarre dès l’année universitaire 1945-46 et sera le premier enseignement d’analyse appliquée dans une université française, avec des travaux pratiques sur machines à calculer de bureau. Il aura un immense succès. Grâce au relation d’Esclangon, Kuntzmann signe un contrat avec le Service Technique des Armées (STAE), qui permet à son laboratoire de survivre aux premières années difficiles. C’est le lancement de l’informatique militaire en France. Au sortir de la guerre, un autre laboratoire est à la pointe de l’innovation. C’est le LEMP, le Laboratoire d’électrostatique et de physique du métal, porté encore une fois par Néel et un scientifique-ingénieur très doué pour la construction de bobine électrostatique, Noël Felici. Sa création est appuyée à la fois par Frédéric Joillot-Curie, le boss du CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique) pour leurs applications dans le nucléaire, et à la fois par les industriels de la région qui y voient des nouvelles machines pour produire à moindre coût de l’électricité. C’est le premier laboratoire du CNRS en province et nouveauté supplémentaire, il est logé par l’Université, doté par elle de sept collaborateurs, tandis que le CNRS fournit ses budgets ainsi que nombre de chercheurs, boursiers et techniciens. Ils construira des nouveaux prototypes puissants. C’est tout bénef pour Néel qui en profite avec son ami Felici pour créer la SAMES (Société Anonyme des Machines Électrostatique). Au début, cette « start-up » s’installe dans les locaux même de l’IPG pour profiter de son atelier central :

    « A la suite d’un accord passé avec l’Université de Grenoble et une prise de brevet, Felici et moi avons créé la Sames, une affaire absolument magnifique pour le LEPM, surtout qu’après s’est développé le Centre d’étude nucléaire de Grenoble (CENG) pour lequel elle a construit beaucoup de générateurs électrostatiques. »1 [8]

    EDF et le CNRS comptent parmi ses clients célèbres. Georges Truffaut, PDG des Établissements et Laboratoires Truffaut demande aussi à Louis Néel et Felici de lui fournir des machines électrostatiques capables d’alimenter des poudreuses agricoles. C’est en collaboration avec la Sames que Louis Weil, avec l’aide d’ingénieurs allemands prisonniers travaillant à l’IPG, signe un contrat avec la marine pour l’étude et le développement de peintures électrostatique sous-marinier anti-radar. Le LEPM et le laboratoire des essais mécaniques de l’IPG recevrons 500 000F en 1947, un million par an de 1948 à 1951 et deux millions par an par la suite en subside militaire. 
    Louis Weil, adjoint et ami de Néel, signe un contrat avec Air Liquide au début de 1956 puis crée la Société d’Études et de Construction d’Appareillages pour Très Basses Températures (TBT). Les liquéfacteurs se vendent bien et TBT produit également des instruments de mesure à très basses températures. L’Air Liquide rachète TBT et en 1961 prend la décision de créer à Sassenage, banlieue de Grenoble, un Centre Technique des Applications des Basses Températures. Des centaines d’ingénieurs et techniciens travaillent ici sur les supraconducteurs, la propulsion des fusées, la congélation des tissus vivants.
    En 1957, Néel et Weil créent une section électronique au sein du CEN-G, à partir d’un détachement du laboratoire de radio-radar de la Marine, les mêmes qui bossaient sur les peintures (notamment l’ingé Delapalme). Cette section est dirigée par Michel Cordelle, marin, ingénieur Sup’élec. En 1960 elle compte une quarantaine de personnes, la plupart issu de la Marine. Embryon du futur CEA-LETI, Laboratoire d’électronique et de technologie informatique (ou instrumentation) créé en 1967, dont la devise actuelle est « servir l’industrie dans la préparation de l’avenir ». Ce laboratoire utilisera les compétences de la Marine et des ingénieurs en électronique pour créer une électronique de pointe capable de supporter la radioactivité à l’intérieur des centrales nucléaires. Aujourd’hui le LETI développe entre autre la nano-électronique notamment pour les fantassins du futur. On peut citer aussi l’entreprise SOITEC, tout droit sortie du LETI, leader dans la fabrication des puces à silicium hautement résistante notamment pour l’armée et le nucléaire.
    En 1947, l’Association des Amis de l’Université de Grenoble est créée et deviendra en 2001 l’Alliance Université-Entreprise de Grenoble (AUEG). Présidée à son commencement par l’industriel Paul-Louis Merlin, son but était de favoriser les liens unissant l’université, l’industrie et les grands organismes de recherche qui s’implanteront à Grenoble dès l’année 1955 (CEA puis CNRS notamment). Michel Soutif, son président d’honneur, ancien nucléocrate grenoblois s’y connaît en « modèle grenoblois » :

    « Grenoble est une ville qui fabrique des ingénieurs.(…) Le génie de Weil, je peux dire, est d’avoir convaincu les paysans d’accepter d’être expropriés. » en parlant de l’implantation du campus et il poursuit « Je vous rappelle, que le CEA a conquis la mairie. Ça n’a pas été innocent »[[Contes et légende de la technopole, O. Serre, 8 juin 2010 dispo sur le site de Pièces et Main d’œuvre]]

    L’AUEG est un lobby politique (on dit « think tank ») qui s’est donné pour mission de « contribuer au développement des échanges entre le milieu universitaire et l’environnement économique et culturel, dans le cadre de la vie régionale, nationale et internationale » en gros pour foutre la pression au milieu universitaire afin d’orienter les recherches et les formations. Malek Bouhaouala en est l’actuel président.
    La décision d’ouvrir l’université hors la ville est annoncée le 14 octobre 1960 par le recteur Robert Trehin. Le 2 décembre 1961, afin d’accueillir un nombre croissant d’étudiantes et d’étudiant et de disposer de constructions modernes favorables au développement des laboratoires de recherche, la première pierre du campus à l’américaine est posée en présence du ministre Lucien Paye. Cette première pierre toute symbolique est destinée au bâtiment de l’Institut des Mathématiques Appliquées (IMAG qui sera associé au CNRS avec le numéro 7 (LA7), puis s’appellera Laboratoire d’Informatique et de Mathématiques Appliquées de Grenoble (Laboratoire IMAG) et enfin Institut IMAG), mais se pose en réalité à l’extrémité de la rue Barnave afin d’éviter aux officiels d’avoir à marcher dans la boue des champs. Elle disparaît très vite par la construction de la rue des Résidences sur son emplacement. Première pierre destinée non à un bâtiment dispensant connaissances et savoirs désintéressés mais pour un lieu qui servira à la formation d’ingénieurs et d’informaticiens facilement corvéable chez Merlin-Gérin, archétype de l’étudiant-type à Grenoble. Le domaine universitaire, dénomination locale, se développe alors sur une zone de culture maraîchères de 186 hectares située à cheval sur les communes de Saint-Martin-d’Hères et de Gières, ce qui est inédit en France.
    Louis Weil prend une part essentielle à la création de ce campus. Il est élu doyen de la faculté des sciences en 1961. Souhaitant associer le plus possible l’industrie locale des travaux publics à cet immense chantier, il parvient à convaincre l’administration centrale de faire travailler des architectes de la région. La mise en service du bâtiment de l’Institut des mathématiques appliquées a lieu en octobre 1963, et se voit équipé pour l’occasion d’un ordinateur dernier cri de deuxièmegénération, l’IBM 7044. Louis Bolliet, élève de Jean Kuntzmann est le premier chercheur à l’utiliser.

    « Au tournant des années 1950-60, Weil est en fait devenu un personnage essentiel de la scène grenobloise. (…) Il est en 1957 l’organisateur du grand colloque de Grenoble sur les relations Université-Industrie(…) ; il conçoit l’année suivante, l’association pour le développement des recherches de Grenoble, un organisme regroupant les industriels et des universitaires, et permettant la passation de toutes sortes de contrats à destination des laboratoires de l’Université. (…) Il est aussi celui qui prend en charge localement, la question de la nouvelle Faculté des Sciences à construire en dehors de la ville, celui qui négocie l’achat des terrains, et qui réalise le premier plan de masse(…). La ville scientifique « appartient » donc maintenant à Néel au nord-ouest, là où se trouvent l’Institut polytechnique, le LEPM du CNRS et le CENG en construction – toutes institutions qu’il dirige – et Weil à l’est, là où s’édifient les locaux de la nouvelle Faculté – et où Soutif nommé professeur de physique générale lors du départ en retraite de Fortrat décide de déménager. » [9]

    En 1958, la Société des Amis du LEM s’est ouverte à tous les laboratoires de l’Université et sous la présidence de Paul-Louis Merlin, l’Association pour le Développement de la Recherche (ADR) auprès de l’Université de Grenoble fut créée avec mission de fournir à l’Université une infrastructure pour la gestion et l’exécution des contrats avec les industriels. La plupart des Universités françaises ont progressivement suivi l’exemple de Grenoble. 
    l’ADR existe toujours et s’est renommé l’Association pour le développement des recherches auprès des établissements d’enseignement supérieur et de recherche (de l’académie de Grenoble). C’est un organisme « de liaison entre industriels et universitaires qui gère des contrats ». Où comment faire transiter de l’argent des industriels vers les universitaires sans penser à mal. Le Conseil d’Administration est composé pour moitié à l’époque de membre de l’Association des producteurs des Alpes françaises, le syndicat patronal local. En revanche les adhérents à l’association sont les labos de l’Université qui le demandent. L’enjeu consiste pour la recherche publique à capter des financements privés, et pour l’entreprise privée à asservir la recherche publique.
    Il y a une sorte de « symbiose » dans cet « écosystème » entre le complexe militaire et les organismes d’État. Ces partenariats font partie d’une lame de fond, un processus long et coûteux au départ (les année 50-60) mais qui portent aujourd’hui ses fruits et ses partenariats sont bien sûr toujours actifs. Le LETI fait partie de ces gros laboratoires qui ont toujours su profiter des deniers publics pour enrichir les industriels et être un partenaire actif d’un complexe militaro-industriel maintenant en place.
    Mais revenons au campus.
    Dès les premières années, les résidences d’étudiants sont construites grâce à une avance de la société Merlin-Gérin gérée par l’Alliance universitaire de Grenoble. Les chantiers se suivent, la bibliothèque Droit-Lettres comportant 500 places assises est ouverte en 1966 et celle des Sciences en 1967 sur une surface de 13 218 m2 compte 2 100 places assises.
    Aujourd’hui les liens entre le campus, les industriels et l’armée sont d’autant plus fort qu’à Grenoble domine la recherche sur les technologies de pointe et nano- et micro-électronique embarquée, chose dont l’armée raffole.
    Une tripoté de laboratoire retient particulièrement notre attention, il sont tous regroupés sous le Labex Persival-Lab (laboratoire LIG, Verimag, LJK, G.Scop...) ayant reçut de l’argent spécifique de l’IDEX). Par exemple Verimag a comme partenaire Air Bus Defense and Space et Air Bus Helicopters, Ellidiss, Thales (ancienne collaboration)… Les articles et les thèses effectuées dans ce laboratoire sont des recherches en physique des matériaux associées à des débouchés militaires ou des recherches en informatique .
    Si vous désirez rencontrer ces morgues personnages pourvoyeurs de technologies de la mort, vous pouvez aller prendre un petit dèj’ avec eux :

    « Petits-Déjeuners Persyval-Minalogic mieux comprendre les problématiques de R&D : Le LabEx PERSYVAL-Lab et Minalogic lancent des rencontres régulières entre académiques et industriels sur des thématiques à fort impact sociétal dans le champ de compétences de PERSYVAL-Lab ».

    Le prochain c’est le 15 mai sur le campus dans le bâtiment F de l’UFRIM2AG, 60 rue de la chimie.
    D’autres laboratoires sont tendancieux et flirtent allègrement avec les recherches militaires ou de contrôle des populations. Le Gipsa-Lab, qui proposait des thèses comme « ACCROSH - Acceptabilité de la Robotique Sociale Humanoïde », « Localisation de cible en sonar actif » ou encore « Extraction et fusion d’informations pour la mesure de déplacement en Imagerie Radar »  [10]
    Les financements des industriels de l’armement et de la DAM (Direction des Applications Militaire) du CEA transitent spécifiquement par les Instituts Carnot.

    « Le dispositif Carnot s’inscrit dans le Pacte pour la recherche, dont l’un des objectifs est de favoriser le transfert de technologie, le partenariat entre laboratoires publics et entreprises et le développement de l’innovation » [11]

    En 2017, 57 M€ sont consacrés au dispositif Carnot. Dans les partenaires privés nous trouvons Dassault System et Airbus Air Space and Defense, de constructeur d’arme et d’engins de guerre. Il y a 38 Instituts Carnot dont 4 à Grenoble : 
    —  Institut Carnot Énergie du futur qui se trouve dans le bâtiment GreEN-er [12]sur le polygone scientifique. 
    —  Institut Carnot Leti (Laboratoire d’électronique et des technologies de l’information) dépendant du CEA et se trouvant dans le bâtiment Minatec Campus dédié au nano vers le polygone. 
    —  Institut Carnot LSI (L’institut Carnot LSI regroupe 10 laboratoires et équipe les universitaires de l’académie de Grenoble, dans le secteur du Numérique).

    « L’institut coopère étroitement avec les acteurs locaux ; il possède une interface recherche-industrie et un pôle de développement permettant de répondre efficacement aux attentes des PME et ETI. Centre des Technologies du Logiciel (CTL). » [12]

    Le Président est Farid Ouabdesselam ancien président de l’Université Grenoble I.

    « L’institut Carnot LSI participe au développement de la filière numérique en s’impliquant dans les dispositifs Ambition Logicielle et French Tech et via des partenariats forts avec les pôles de compétitivité mondial Minalogic et Imaginove, le Clust’R Numérique en Auvergne Rhône-Alpes et Bpifrance. LSI participe au programme EasyTech de l’IRT NanoElec. » [13]

    Le LSI se trouve dans le bâtiment PILSI renommé « IMAG » sur le campus universitaire. Lieu où s’est déroulé la conférence « de Frontex à Frontex » du 22 Mars dernier. La police à délogé des manifestants et manifestantes à coup de matraque et d’insulte, on ne rentre pas dans un bâtiment militaire pour foutre le zbeul comme on occupe’ un amphi de langue vivante ! [14] Ce bâtiment abrite des laboratoires et des recherches protégés de type ZRR (Zone de recherche restrictive) dont certaines sont de type militaire et affiliée [15]et un data-center de 200m2 au sous-sol [16] Les entrées y sont hautement surveillées (bornes, sas, caméra).

    Contrairement aux années d’après guerre, il ne fait pas bonne presse de s’afficher en tant que labo militaire ou travaillant en collaboration pour eux à la fac, ça fait tâche avec tous les morts des armes française en Syrie, au Mali et partout dans le Sud. C’est pourquoi aujourd’hui à Grenoble il est très difficile de savoir qui fait quoi et pour qui. Tout est caché et seule une infime partie des informations sont publiées. D’ailleurs le président de l’UGA nie que son campus est un vivier de l’armée et préfère afficher sa fondation UGA et les deniers qu’elle donne pour que des jeunes réfugiées syrien puissent venir étudier :

    « À partir de la rentrée 2015, la fondation « Université Grenoble-Alpes » épaulée par un financement participatif donne la possibilité à des étudiants réfugiés de la guerre civile syrienne de suivre des cours pour apprendre le français et poursuivre leurs études. »

    L’hypocrisie n’a pas de limite quand on sait que Grenoble est depuis la Première Guerre mondiale un centre de conception et de fabrication d’arme et de gaz de combat (sur le polygone scientifique et sur le site pétrochimique de Jarry dans la banlieue de Grenoble) et qu’aujourd’hui le CEA abrite des labos en lien direct avec la DGA :

    « Dix mois plus tard [en 2002] était signé l’accord CEA / Délégation générale à l’armement (DGA) qui permet notamment"d’optimiser les moyens nécessaires à la Défense en associant la DGA aux orientations de MINATEC. Ainsi, la DGA participera au choix des sujets de thèses, aux groupes de réflexion sur l’élaboration des programmes du CEA-LETI et cofinancera certains des programmes de recherche retenus (…) L’étude CEA/Alcimed le note avec satisfaction : dans les domaines prioritaires pour l’armée (textile, capteurs, énergie), la France "possède un savoir-faire important", et occupe "une position de leader reconnue au niveau international A titre d’exemples, le CEA-Grenoble est aujourd’hui un acteur majeur des domaines des mini et micro-sources d’énergie et de la nanoélectronique." Autres exemples de "l’excellence" grenobloise : Sofradir, Apibio, Tronics, Thales (catégorie "capteurs chimiques/biologiques") et Paxitech (catégorie "micro-batteries et piles à combustible"). Notons que les quatre premiers font partie du pôle de compétitivité"mondial" de Grenoble-Isère, Minalogic [17], pour lequel la propagande locale avait omis de mentionner les débouchés militaires. ». [18]

    Encore un autre exemple plus convainquant en 2005 :

    « Témoins ces élèves-ingénieurs de l’Enserg, l’une des écoles de l’INPG, concepteurs d’un micro-drone fort apprécié des militaires lors de sa présentation en octobre 2005 au concours de la Délégation générale à l’armement. "Nous avons détecté plus de 600 applications civiles et militaires", se félicite Pascal Zunino, jeune diplômé qui a monté sa boîte (Novadem) pour vendre son invention. » [19]

    Croyez-vous vraiment que Patrick Lévy ne sait pas ce qui se trame dans les labos de son campus ?
    Qu’est-ce que c’est que la Fondation UGA ?
    C’est du « donnant-donnant », la fac empoche quelques thunes pour des enseignements hors-cadres, les étudiants ont un biscuit à manger et les grosses boîtes du coin se fond redorer le blason à peu de frais. Patrick Lévy exporte le concept des USA : c’est du caritatif universitaire. Voici un bon exemple :

    « Jeudi 7 septembre 2017, une dizaine d’étudiants du Master international "Health for life engineering" de l’Université Grenoble Alpes se sont vu remettre des bourses d’excellence de la Fondation Université Grenoble Alpes par la société bioMerieux. » [20]

    Au total 24 bourses de 4000 euros chacune, autant dire des clopinettes pour BioMerieux. Ce master en nanotechnologie et génomique a pour ambition de développer les connaissances afin de faire des diagnostics et des traitements moléculaires personnalisés. On comprend en quoi BioMerieux, leader en pharmaceutique et en diagnostique investi dans cette matière grise fraîche. C’est de la R&D à peu de frais avec des étudiant.e.s en master et en doctorat !!!
    Ohlman Anne-Catherine est la directrice générale de la fondation UGA et Patrick Lévy est le président. On ne résiste pas à vous donner quelques noms de la liste des mécènes : BioMerieux, EDF, Findus, Fondation BNP Paribas, Fondation d’entreprise Air Liquide, Fondation Petzl, Fondation Prince Albert II de Monaco, GMM, IRIS Instruments, Pfizer, Pressario, Restalliance, Sofradir, STMicroelectronics, Teledyne e2v, ThermoFisher, Scientific, Tupack Groupe, Saint-Gobain, Fondation Didier et Martine Primat, ResMed, Air Liquide.

    Attaquons-nous maintenant aux grands requins du campus.

    PATRICK LÉVY, NOUVEAU MANDARIN DE L’UNIVERSITÉ

    « Univ. Grenoble Alpes, université de l’innovation
    Univ. Grenoble Alpes, l’université intégrée rassemblant les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche de Grenoble, est un des principaux sites scientifiques français de renommée mondiale : 60 000 étudiants dont 9000 internationaux, 5 500 enseignants-chercheurs et chercheurs, 3700 doctorants, plus de 8000 chercheurs accueillis chaque année, issus de tous les horizons »  [21]

    Né le 16 juillet 1954 à Grenoble, étudiant gauchiste à la fac de médecine, il arrêta très tôt de militer pour se consacrer à sa carrière de médecin.
    Dans la droite ligne d’un Michel Destot ou d’un Éric Piolle, Patrick Lévy fait partie de la nouvelle caste des dirigeants grenoblois issus du monde des grands laboratoires et de l’industrie innovante. Formés à coup de brainstorming, de déjeuner avec les patrons de l’agglo ils sont cette nouvelle génération d’ingénieurs-politiciens, les connaissances du pouvoir acquit sur le terrain, avec un fort esprit critique et stratégique issu de leurs longues études et de leurs recherches scientifiques. Ils se prétendent de gauche, progressistes et pour le Progrès technique, c’est-à-dire qu’il se sentent bien dans cette démocratie libérale d’économie capitaliste, le verni humaniste leur suffit amplement. Ils la comprennent et manient ses rouages : créations d’entreprise, d’association, de start-up, de commission, ils sont de partout et ont de multiples casquettes. Mais comment font-il pour dormir ?
    Bien sûr ils ne font rien. Maintenant aux commandes, ils délèguent, donnent des ordres, signent des missives et des rapports et empochent le pactole des salaires, des gratifications et autres émoluments durement mérités.
    En 2012, Patrick Lévy succède à Farid Ouabdesselam à la présidence de l’université Joseph Fourier.
    Patrick Lévy est également depuis le 7 novembre 2012, le président de l’Université numérique francophone des sciences de la santé et du sport (UNF3S).
    Il a pris la responsabilité du portage du projet IDEX2 des établissements universitaires et de recherche de Grenoble. Avec 77 projets sélectionnés représentant plus d’un milliard d’euros en financement direct, Grenoble a été le site le plus doté après Paris lors du premier Programme Investissements d’Avenir (sorte de plan Marshall pour la recherche-qui-rapporte).
    Patrick Lévy a été élu président de l’Université Grenoble-Alpes le 11 janvier 2018 pour une durée de deux ans. Il a switché avec Lise Dumasy qui préside maintenant à son ancien poste à la ComUE (Communauté d’universités et établissements) Université Grenoble-Alpes, anciennement « PRES » à l’époque de Geneviève Fioraso.
    Il dirige, depuis 1988, l’exploration fonctionnelle respiratoire et le laboratoire du sommeil du CHU de Grenoble (Laboratoire Hypoxie Physiopathologie) et a commencé comme professeur des universités et praticien hospitalier (PU-PH).
    Il a été président de la Société Française de Recherche de Médecine du Sommeil, fondateur et président de l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance. Il occupe, de 2009 à 2012, le poste de vice-président de l’European Sleep Research Society. Il a également été professeur invité notamment à Harvard, et dans les universités de Pennsylvanie, Sydney, Melbourne et Hong Kong.
    Passons à ses implications capitalistes :
    Patrick Lévy est mandataire (administrateur) de la société Satt Linksium Grenoble Alpes

    « Nous sommes spécialisés dans l’accompagnement de projets innovants issus de la recherche publique ». [22]

    Les SATT sont les sociétés d’accélération du transfert de technologies créées dans le cadre des Investissements d’Avenir (encore eux) par appel à projets en 2010. Elles font partie de toute la constellation des entreprises parasites pompant la matière grise (des labos publics) pour la convertir en capital. Une SATT c’est la lubrification de la marchandisation du savoir. Il y en a une par région et pas plus. Linksium s’occupe de Rhône-Alpes. Ce sont des sociétés par actions simplifiées dont voici la liste des actionnaires pour Linksium : Université Grenoble-Alpes, CNRS, CEA Grenoble, INRIA Rhône-Alpes, Institut polytechnique de Grenoble, Université de Savoie Mont Blanc et L’État via la Caisse des Dépôts.
    Et oui désolé de vous l’apprendre, mais des établissements publics et des centres de recherche peuvent prendre des actions, miser et empocher des dividendes réinjectés par la suite. Bien sûr tout ce système est très opaque et il est à parier que quelques administrateurs en profitent pour s’octroyer quelques devises au passage. 200 M€ directement investis, 1 800 demandes de brevets déposées, 450 licences concédées à des entreprises, 150 start-up créées.
    Patrick Lévy est président de l’entreprise UGA Filiale (autrement nommée Floralis) créée en 2004. Le chiffre d’affaires de cette société en 2016 s’élève à 10 millions d’euros. C’est un peu une SATT avant l’heure made in Grenoble ! Avec la création de Linksium une partie des activités de Floralis (création de start-up issue de recherches publiques) lui a été retiré.

    « L’objectif de Floralis est d’augmenter le volume de cette recherche partenariale directe au profit des laboratoires et de favoriser le transfert de résultats de recherche vers le monde socio-économique et culturel, tout en assurant son équilibre financier. Les résultats de Floralis (60 000 € en 2016) sont intégralement réinvestis dans l’activité de valorisation et développement de partenariats (…) En étroite collaboration avec l’IDEX "Université Grenoble Alpes : université de l’innovation", dans le cadre de ses six pôles scientifiques, Floralis porte un intérêt particulier à la valorisation des résultats issus des sciences humaines et sociales et reste très attentive à la création de synergies entre différentes disciplines scientifiques. De nouvelles formes de valorisation sont appliquées à de nombreux projets dans les domaines aussi variés tel que l’éducation, les langues, la sociologie, la psychologie. »1  [23]

    C’est une S.A.S. au capital de 1.5 M€. Floralis est la filiale de droit privé de l’Université Grenoble Alpes. Mariana Tsymbrovska en est la directrice générale.

    DIRIGER (PILOTER) LE CAMPUS GRENOBLOIS ?

    Les établissements grenoblois sont gérés par deux instances :
    La ComUE (Communauté d’Universités et d’Établissements) est la structure qui fédère les établissements d’enseignement supérieur et les organismes de recherche de l’académie de Grenoble dont le périmètre s’étend sur l’ensemble du « sillon alpin », de Valence à Annecy.
    Ils mettent leur budget en commun pour la gestion des services sur le campus, la construction de nouveaux bâtiments. Elle a le rôle aussi de « pilotage stratégique », ce qu’on appelait avant le « plan » pour les Investissements d’Avenir, afin de rester à la pointe du progrès. La comUE porte l’IDEX (label qui donne droit à beaucoup d’argent public) pour « produire une université de l’Innovation de rang mondial ». La ComUE est l’organisme qui porte les directives politiques de l’État et du processus néo-libéral de Bologne. Celle-ci vise une transition des universités vues comme lieu de savoir, d’apprentissage et de qualification élevée à un lieu strictement tourné vers la production rapide de main-d’oeuvre pour l’industrie et la recherche. Quoique fondamentale ou appliquée.
    Et il y a l’UGA, L’Université Grenoble Alpes qui est la fusion de l’université Joseph Fourier (Grenoble I), l’université Pierre Mendès-France (Grenoble II) et l’université Stendhal (Grenoble III) l’université de Valence et l’université de Savoie. Elle gère le patrimoine et les bâtiments du campus. Elle possède un patrimoine de plus de 500 000 m2 répartis sur une douzaine de sites implantés dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Avec le plan Campus lancé en 2008 par le gouvernement Fillon, d’autres édifices voient le jour sur le domaine universitaire comme le pôle d’innovation des logiciels et des systèmes intelligents (PILSI) maintenant renommé IMAG ouvert en mars 2016 sur une surface de 15 240 m2 ou l’institut de formation des professionnels de santé et le bâtiment pour la faculté de droit. Tous ces projets mortifères sont en partenariat public-privé et donc co-gérés avec Eiffage ou d’autre boîte de BTP.
    Patrick Lévy ne veut pas s’arrêter là, la concentration des organismes va sûrement continuer.

    « Cette "aventure", il [Patrick] compte bien la poursuivre en continuant à agréger les établissements d’enseignement supérieur en un grand ensemble. "Il faut faire une université intégrée. Mettre dans un même ensemble l’UGA, Grenoble INP, Sciences Po, peut-être également l’école d’architecture et les organismes de recherche » [24]

    La concentration des organismes de recherche et d’enseignement est issu de la même logique que la métropolisation des communes autour de Grenoble. Créer des méga-structures fonctionnant par « compétences » dont la gestion est entrepreneuriale et managériale. Ces structures agrègent un nombre faramineux de satellites (start-up, filiales, fondations, associations…) qui profitent de la manne financière et de la « visibilité » pour se développer. Patrick espère la fusion totale avant la fin de son mandat, c’est-à-dire avant janvier 2020.

    « On aura besoin que l’ordonnance avant la fin de l’année [2018]. Les décrets de création sont soumis à une modification du code de l’éducation. Nous devrons passer devant nos conseils en mars 2019 au plus tard, et les décrets de création seront pris en fin d’année 2019 pour une naissance de l’université intégrée normalement au 1er janvier 2020. » [25]

    Il y a aussi là-dessous une logique d’économie d’échelle où ce que l’on appelait avant les « services publics » deviennent petit à petit des entreprises de service et doivent dorénavant rendre des comptes dans un souci de rentabilité indéniable.

    D’ailleurs dans la même interview Patrick Lévy le dit très bien :

    « les objectifs sont multiples. Il y a d’abord les contraintes financières auxquelles on est confrontées et qu’il faudra assumer via notre plan de retour à l’équilibre. La cause de cette difficulté persiste : c’est la masse salariale. C’est la pyramide des âges qui crée cette masse salariale et elle ne s’inversera qu’en 2025. Il faut donc rester dans notre dynamique de contrôle jusqu’au retour à l’équilibre. ».

    Cette masse informe représente en réalité des personnes, des salarié.e.s et des vacataires, souvent mal payé.e.s ou pas payé.e.s du tout qui enchaînent les heures et reçoivent une pression de fou. La fac leur doit un salaire et ça lui coûte, quoi de plus normal. On comprend alors que les centaines de millions d’euros de l’IDEX n’iront pas dans les salaires des profs et des employées. C’est ce que l’on peut comprendre à demi-mot dans les propos de M. Lévy : pendant les deux ans de son mandat, il gardera une poigne de fer pour continuer la pression et ne pas remplacer certains départs à la retraite. [26]

    Il y a aussi une logique de prestance et de compétition, ce que les encravatés nomment « l’ excellence » qui est par nature toute néo-libérale : en « libéralisant » depuis la loi LRU et la loi Fioraso le marché des diplômes, ils nous font croire qu’il y a une « émulation entre les facs, qu’elles deviennent « autonomes » alors que l’on sait pertinemment que c’est plutôt une façon pour l’État de ne financer que les facs qui tiennent déjà la route pour en faire des « pôles » et supprimer les autres. L’IDEX en est la preuve ultime. Mais qu’est-ce exactement que cet IDEX ?

    Ce sont des enveloppes publiques issues des Investissements d’Avenir (autrement nommé Grand Emprunt). Quand une fac remporte l’IDEX (sur appel à projet), l’État lui ouvre un compte en banque d’État où est placé l’argent. Une petite partie est utilisable tout de suite. Pour le reste, l’université ne peut utiliser que les intérêts. Ainsi l’État prête de l’argent plus qu’il n’en donne.

    Cet argent servira au « développement de l’interdisciplinarité autour de 4 enjeux socio-économiques, au croisement des forces déjà présentes à Grenoble (planète et société durables, santé, bien-être et technologie, comprendre et soutenir l’innovation, numérique) et qui reflètent la volonté d’aborder des défis socio-économiques, en facilitant l’interdisciplinarité et en encourageant la responsabilité sociale. » [27]

    On peut citer aussi les Laboratoires d’excellence LabEx (Laboratoire d’Excellence) déjà évoqués, qui ont pour objectif

    « de doter de moyens significatifs les unités de recherche ayant une visibilité internationale, pour leur permettre de faire jeu égal avec leurs homologues étrangers, d’attirer des chercheurs et des enseignants-chercheurs de renommée internationale et de construire une politique intégrée de recherche, de formation et de valorisation de haut niveau. » [28]

    Ces labos sont la crème de la recherche, avec des équipes internationales et transdisciplinaires, travaillant sur des sujets porteurs. Les autres, les petites équipes de camarades, affiliées à des laboratoires méconnus seront balayées, leurs financements diminués, aucune gratification ni reconnaissance. C’est ça l’innovation !

    Les campus de formation et de recherche doivent attirer le chaland à haut revenu et pour ce faire, mirer les classements mondiaux. Comme on peut lire sur le Wikipédia de la fac de Grenoble : 

    « Grâce à son domaine universitaire, le journal Times Higher Education la classe en 2018 au huitième rang des plus belles universités en Europe. »

    Ce plan global d’expansion de la centralité, d’administration totale, doit s’étendre sur toutes les Alpes le long de ce que les politiciens nomment le « Sillon Alpin ». Cette ligne géographique de la croissance, partant de Valence et allant jusqu’à Annecy et Genève. Une sorte de mégalo-technopole (« Métropole du Sillon alpin [29] ») des 30 prochaines années où les flux de marchandises, de mains-d’œuvres qualifiées et d’argent doivent être le plus fluide et rapide possible et coordonnés entre les pôles spécialisés : 
    Par exemple, Grenoble sera le pôle des études et des recherches en nanotechnologie, Valence le pôle informatique, la Savoie le pôle énergie renouvelable, Genève un centre de recherche sub-atomique, Lyon un centre de santé et un pôle pour les maladies infectieuses…

    Mais Patrick a d’autres ambitions, il brigue plus haut :

    « Je suis le candidat de la France au conseil d’administration de l’EUA (l’association européenne des universités). Je présenterai donc ma candidature, et si je suis élu, j’intégrerai ce bureau en mars 2019. C’est intéressant que la France y soit représentée, et peut-être même intéressant que Grenoble soit représentée. »  [30]

    D’après Wikipédia cette association des universités

    « joue un rôle majeur dans le processus de Bologne et dans la définition des politiques de l’Union européenne en matière d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation. Grâce à ses relations avec un grand nombre d’autres organisations européennes et internationales, l’EUA garantit que la voix indépendante des universités européennes est entendue, chaque fois que sont prises des décisions ayant un impact sur leurs activités. »

    On l’aura compris, c’est un lobby de présidents de facultés en faveur des politiques néo-libérales de l’Union Européenne et nous ne nous étonnons point que M. Lévy, fort de son expérience dans le MIT à la française [31], ait envie d’y aller.

    « Dans tous les gouvernements du monde, il y a des universitaires, alors qu’en France c’est très rare. » [32]

    Ah bon ? Patrick, pourquoi tu tentes pas ta chance pour un futur mandat de ministre de l’enseignement supérieur ?

    CONCLUSION : COLLAPSE UNIVERSITAIRE V.S. RÉVOLUTIONS PROLÉTARIENNES

    Cette année encore les étudiants et les étudiantes se sont mobilisées contre le projet de Loi ORE (Orientation et Réussites Étudiants) et contre la plateforme ParcourSup [33] dont Patrick Lévy ne parle qu’en bien. Laissons-le une dernière fois parler :

    L’autre point, c’est le plan étudiant récemment présenté par le gouvernement qui vise principalement à réformer le premier cycle avec une nouvelle plateforme d’inscriptions (…) Pour en revenir à ParcourSup, l’interface "élèves” indique pour chaque filière, le taux de réussite sur la totalité de la licence et sur la première année. Et il y a des avertissements, par exemple si on vient d’un bac professionnel, pour prévenir que le taux de réussite est faible dans cette voie. Les outils d’orientation sont indispensables pour la réussite des élèves. Mais il faut aussi développer les filières professionnelles courtes.(…) Je me suis engagé en revanche à ne pas identifier de prérequis spécifiques. Les attendus que nous indiquons sont les acquis attendus au niveau national. » [34]

    On ne vous refait pas l’argumentaire selon lequel la réforme en cours vise à restreindre l’accès à l’université pour renforcer les élites et faire des économies sur le dos des parcours étudiants. D’autres articles en traitent très bien.

    S’en est suivit à Paris, Toulouse, Rennes et aussi Grenoble un rapport de force tendu où les Présidences ont fait joué la stratégie médiatique, la contre-information et la coercition (vigiles et flics en nombre) afin de calmer les ardeurs d’une jeunesse qui pense pouvoir stopper la fuite en avant des universités vers l’usine à gaz annoncée (intégrée). Malheureusement le mouvement basé uniquement contre une Loi à l’application variable selon les facs (LRU= diviser pour mieux régner), ne pouvait se réaliser pleinement parce qu’il lui manquait, contrairement au mai de l’année 68, les bases pour expliquer l’intuition du Refus global de cette société dont la fac est le pur produit. Pire, l’essence même de l’université moderne était niée, l’imaginaire en grande parti véhiculé par les profs à base de franchise universitaire, de Lumières d’émancipation et d’humanisme n’a jamais été à l’œuvre dans l’édification du modèle universitaire moderne. Celle-ci, de base gaulliste (grande infrastructure universitaire et militaro-industrielle financée par des plans d’État avec l’aide de la bourgeoisie industrielle), n’a eu aucun mal, dans un second temps, à passer le cap néo-libéral (financement public-privé, classe moyenne entrepreneuse, nébuleuse de start-up, lobbys et groupes d’intérêt et concentration accrue des pouvoirs) qui n’est que la continuation de la capitalisation du savoir sous une autre forme.
    À Grenoble aucun tracts n’expliquait en quoi Patrick Lévy était co-responsable de cette merde, en quoi la fac baigne dans en environnement néo-libéral. Comment l’armée est à l’origine du campus. Les syndicats avançaient tête baissée vers leurs manèges épuisant du blocage des partiels alors que l’énergie de zbeulisation déployée par les grévistes ne cherchaient qu’à brûler la fac, détruire ce pourquoi elle a été créée. En se mettant des bornes à la contestation, c’est partiellement qu’ils se bloquaient eux et elles-mêmes. 
    Ce texte permet d’étendre la vision du bordel à une critique plus générale de l’université en espérant que les lecteurs et lectrice aillent plus loin dans les explications sur les phénomènes d’exploitations, d’oppressions et de récupérations de l’économie capitaliste et du pouvoir mortifère de l’armée. Avons-nous au moins ces bases en commun ? Ou la résignation a-t-elle fait avaler toutes les couleuvres du « pas si mal que ça » ?
    Ce texte n’est qu’un prétexte pour tous les rhéteurs et les intellos à moustaches qui ont encore besoin de s’expliquer à eux-mêmes par des déductions logiques et des faits historiques le nœud qui sert le ventre chaque matin en descendant du tram.
    Ce mouvement continuera sous d’autres formes, les coups de matraque et les postures insultantes de l’administration ne font que prolonger la rage. À l’organisation matérielle qui a gagné en maturité, le processus en cours est encore long où nous arriverons à nous sentir une force collective autonome et prolétarienne (exploité.e.s). Cela passe par des expériences communes et des bases politiques fermes permettant une détermination chaque fois renouvelée. 
    Allez une petite dernière pour la route :

    « En ouvrant en octobre 2014 le premier mastère Big Data de France (Bac+6), Grenoble garde encore une longueur d’avance. Associant l’ENSIMAG et GEM (Grenoble École de Management), composé de 5 mois de cours et 10 mois de mission en entreprise, ce mastère formera la nouvelle génération d’entrepreneurs du numérique. » [35]

    ANNEXE 1 : ANNUAIRE MORTIFÈRE

    - AUEG 
    Tél. +33 (0)4 76 18 28 65 
    Email : aueg@wanadoo.fr
    7c, chemin des Prés 
    Inovallée - 38240 Meylan

    - Linksium
    SATT Linksium Grenoble Alpes
    Petite Halle Site Bouchayer Viallet 31 rue Gustave Eiffel 38000 Grenoble
    04 57 13 81 81
    contact@linksium.fr

    - Floralis - UGA Filiale
    7 Allée Palestine – Batiment CTL - 38610 GIERES, FRANCE
    Tél : 33 (0)4 56 52 04 30
    Fax : 33 (0)4 56 52 04 29
    gestion@floralis.fr

    - Minalogic
    Site de Grenoble
    MAISON MINATEC
    3 PARVIS LOUIS NÉEL
    38054 GRENOBLE CEDEX 9
    Tél. : +33 (0)4 38 78 19 47

    - L’UGA Université Grenoble Alpes
    621 avenue Centrale
    38400 Saint-Martin-d’Hères
    +33 (0)4 57 42 21 42 
    - Siège (directions, administration) de la Communauté Université Grenoble Alpes :
    Communauté Université Grenoble Alpes
    Maison Jean Kuntzmann
    110 rue de la Chimie
    38400 Saint-Martin-d’Hères
    Présidence Dumasy lise : 0476824399

    - Laboratoire Verimag
    Bâtiment IMAG
    Université Grenoble Alpes
    700, avenue centrale
    38401 Saint Martin d’Hères
    FRANCE
    Téléphone : +33 4 57 42 22 42
    Télécopie : +33 4 57 42 22 22
    Directeur : Florence Maraninchi

    ANNEXES 2 : PERSONNE MORALE DU CA DE L’AUEG

    - BANQUE POPULAIRE DES ALPES
    représentée par Pascal MARCHETTI et Pierre-Henri GRENIER

    - BEEBUZZINESS
    représenté par Pierre-Nicodème TASLÉ

    - BIOMERIEUX SA
    représenté par Alain MERIEUX et Paola GARDELLIN

    - CCSTI
    représenté par Patrice SENN et Laurent CHICOINEAU

    - CEA de Grenoble
    représenté par Philippe BOURGUIGNON et Frédéric TOURNEBIZE

    - CPME-Confédération des petites et moyennes entreprises
    représentée par Jérôme LOPEZ

    - CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE GRENOBLE
    représentée par Jean VAYLET

    - CHAMBRE de COMMERCE et D’INDUSTRIE de CHAMBÉRY
    représentée par Bruno GASTINNE – Didier BIC et Michel PERRIER

    - CHU Grenoble-Alpes
    représenté par Jacqueline HUBERT

    - COL’INN
    représenté par Karine POULIQUEN-CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L’ISÈRE
    représenté par Jean-Pierre BARBIER et Jean-Claude PEYRIN

    - GRENOBLE ALPES MÉTROPOLE
    représentée par Christophe FERRARI – Guy JULIEN – Claus HABFAST

    - Grenoble INP
    représenté par Brigitte PLATEAU

    - IAE – Institut d’Administration d’Entreprise
    représenté par Christian DEFELIX

    - INOVALLÉE
    représentée par Cédric PERRES

    - MAIRIE de MEYLAN
    représentée par Damien GUIGUET

    - MEDEF Isère
    représenté par Pierre STREIFF et Emmanuel BREZIAT

    - ORANGE Labs
    représenté par Hervé PROVOST
    Vice-Président

    - COMUE UGA (Université Grenoble Alpes) – PRES (Pôle de recherche et d’enseignement supérieur)
    représenté par Patrick LÉVY

    - RECTORAT
    représenté par le Recteur Catherine SCHMIDT-LAINÉ

    - SCHNEIDER ELECTRIC
    représenté par Alain BORTOLIN et Olivier RICHEBRACQUE

    - SUNVALOR
    représenté par Anas BENSLIMANE

    - UGA- Université Grenoble Alpes
    représentée par Lise DUMASY

    ANNEXE 3 : LISTE DES LABEX GRENOBLOIS

    AMIES /Développer les interactions entre les mathématiques et les entreprises 
    AE&CC / Architecture, environnement et culture constructive 
    ARCANE / Une chimie bio-inspirée et bio-ciblée 
    CAMI / Repousser les limites de la chirurgie 
    CEMAM / Un centre d’excellence pour les matériaux architecturés multifonctionnels 
    ENIGMASS / L’énigme de la masse 
    FOCUS / De meilleurs détecteurs pour l’exploration de l’univers 
    GRAL / Alliance grenobloise pour la biologie structurale et cellulaire intégrées 
    TEM / Changement social et innovation dans les territoires de montagne 
    LANEF / Laboratoire d’alliances nanosciences - Énergies du futur 
    MINOS-LAB / La miniature des composants nanoélectroniques 
    OSUG@2020 / Vers une meilleure compréhension et prédiction des systèmes naturels 
    PERSYVAL-LAB / La confluence des mondes physiques et numériques 
    TEC21 / Ingénierie de la compléxité au service de l’innovation technologique
    ÉNEPS / Une voie d’excellence pour les bacheliers professionnels 
    Innovalangues / Innover dans l’apprentissage des langues 
    Promising / L’intelligence collective de l’innovation
    Les initiatives d’excellence en formations innovantes (IDEFI), 
    Les institut de recherche technologique (IRT).

    [1] Toutes les informations récoltées dans ce texte sont public et disponible dans la presse et sur internet. La première partie est tirée en grande partie du bouquin de Pièces et main d’œuvre, Sous le soleil de l’innovation rien de nouveau !. Black Star Séditions 2012.

    [2] Disponible sur http://vietsciences.free.fr/biographie/physicists/LouisNeel.htm

    [3] Mythe noir de la houille blanche, une petite histoire de mythes industriels à Grenoble, Pierrette Rigaud, Grenoble 2011.

    [4Entretien avec Louis Néel. J.F. Picard, E. Pradoura, 4 juin 1986. Archives orales du CNRS. Site <www.histcnrs.fr> ;

    [5] Un siècle de physique. L. Néel ed Odile Jacob, 1991, op. cit.

    [6http://lncmi.cnrs.fr

    [7] Interview de Patrick Lévy à l’Essor en date du 5 Mars 2018 (dispo sur www.lessor38.fr/patrick-levy-il-n-y-a-qu-en-france-que-l-universite-est-si-peu-valorisee-21363.html)

    [8Sous le soleil de l’innovation rien de nouveau !, op. Cit.

    [9] Cahier pour le CNRS, 1990-8, cité par PMO dans l’Innovation op. cit.

    [10www.gipsa-lab.grenoble-inp.fr/formation/theses-soutenues.php

    [11] agence-nationale-recherche.fr/carnot

    [12] Site des Instituts Carnot.

    [13Ibid.

    [14] Voir par exemple l’article sur Lundi Matin :https://lundi.am/Lettre-ouverte-aux-organisateurs-du-colloque-de-Frontex-a-Frontex

    [15] C’est une zone (souvent un laboratoire) à accès réglementé dans le cadre de la protection du potentiel scientifique et technique national (PPRST), lequel comporte cinq niveaux de protection imbriqués. Le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) valide tout projet de création de ZRR.

    [16] Listes des labo dans PILSI : Agence pour les Mathématiques en Interaction avec les Entreprises et la Société (AMIES), Grenoble Alpes Recherche Infrastructure de CAlcul Intensif et de Données (GRICAD), Laboratoire d’Informatique de Grenoble (LIG), Laboratoire Jean Kuntzmann (LJK), MI2S, VERIMAG. )

    [17] Les pôles de compétitivité de la région sont : Minalogic (micro- nanotechnologies, intelligence logicielle embarquée), Tenerrdis (technologies énergies nouvelles et renouvelables), Lyonbiopôle (centre d’excellence Lyon Grenoble en diagnostic et vaccin), et nanoBio (nano-biotechnologie). Grenoble obtient le label "Pôle de compétitivité". Le bâtiment Minatec Campus vers la presqu’île abrite le pôle de compétitivité Minalogic. Parmi les partenaires de Minalogic on retrouve beaucoup d’entreprises du secteur de la Défense comme Thales, Tronics, PolySpace Technologies ou Sofradir. (voir http://www.minalogic.com/)

    [18Aujourd’hui le nanomonde, janvier 2006 sur le site de PMO (http://www.piecesetmaindoeuvre.com/)

    [19Id.

    [20] Site de l’UGA.

    [21] Site de la ComUE Grenoble Alpes https://www.communaute-univ-grenoble-alpes.fr

    [22] Site de la SATT Linksium.

    [23] site de l’UGA.

    [24] Interview à France Bleu Isère de Janvier 2018.

    [25] Précise M. Lévy dans une interview à l’Essor en date du 5 Mars 2018.

    [26] Sur ce thème de l’université pressurisée on vous conseille la lecture de La destruction de l’Université française de Christophe Granger éditions la Fabrique, 2015, même si l’auteur a une vision magnifié de l’université et de ses bases en France.

    [27] Site de l’UGA.

    [28] Voir Annexes 3 : Listes des Labex grenoblois.

    [29] Voir Wikipedia « Sillon Alpin »

    [30] Interview dans l’Essor, op. cit.

    [31] Pub des communicants du modèle grenoblois.

    [32] Interview dans l’Essor, op. cit.

    [33] Pour celles et ceux qui cherchent des infos voir : http://solidairesetudiantesp8.over-blog.com/2018/04/le-plan-etudiants-axes-de-reforme-de-la-loi-ore.html

    [34] Interview dans l’essor op. cit.

    [35https://www.communaute-univ-grenoble-alpes.fr/fr/formation/la-formation-sur-le-site-grenoble-alpes/l-enseignement-des-sciences-du-numerique-a-universite-grenoble-alpes-633920.htm