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    Doux : l’escroc, les poulets et les ouvriers

    Lien publiée le 12 août 2012

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    Le Canard Enchaîné N° 4788 du 1er août 2012

    1 million de volailles abattues chaque jour, un chiffre d’affaire de 1,4 milliard d’euros .

    Le poulet industriel vit quarante jours, pas un de plus, car il est issu d’une souche sélectionnée pour pousser à la vitesse grand V, presque deux fois plus vite qu’une souche rustique.

    Il vit serré comme une sardine, à 25 par mètre carré, dans un poulailler géant éclairé 23h30 sur 24 et qui peut contenir jusqu’à 20 000 volailles. À force de piétiner dans ses fientes, il fait le plein de bactéries du genre E. coli, qui lui infligent des diarrhées à répétition. Son squelette est mal fichu, avec des défauts d’aplomb et des pattes tordues, tout ça aggravé par l’impossibilité de se dégourdir les serres.

    La surpopulation le rend agressif : souvent on l’ébecque et on lui pose des lunettes (des petits rectangles en plastique fixés sur son bec) pour l’empêcher d’attaquer ses congénères.

    Ajoutez-y l’air saturé de poussière et d’ammoniaque qui martyrise les bronches et les yeux, et les défaillances cardiaques dues au manque d’exercice physique. Au total, jusqu’à 6 % des poulets passent l’arme à gauche dans le poulailler.

    Avec les fientes de ses méga-poulaillers, Doux participe joyeusement à l’enrichissement de la flotte bretonne en nitrates et en azote, l’aliment préféré des algues vertes qui s’échouent l’été sur les plages. Sachant qu’un poulet industriel génère quotidiennement 38 grammes d’azote et que le groupe en zigouille 1 million par jour, ça vous donne sur un an près de 14 000 tonnes d’azote. Soit 20 % de l’azote d’origine agricole rejeté chaque année dans la mer en Bretagne.

    Non seulement Doux pollue, mais il a été pris la main dans le sac, en train de tricher. Il y a cinq ans, le roi du poulet industriel s’est fait voler dans les plumes par la Cour d’appel de Rennes, dans une affaire où l’association Eau et Rivières de Bretagne, qui ferraille contre les pollueurs, s’était portée partie civile. Les services vétérinaires avaient découvert dans 10 élevages d’Ille-et-Vilaine travaillant pour la famille Doux des milliers de poulets clandestins. Dans l’un de ces bâtiments autorisés pour accueillir 20 000 bestioles, s’entassaient jusqu’à 28 800 volailles ! Et tant pis si les installations n’étaient pas prévues pour traiter les fientes des pensionnaires en surplus.

    Les forêts sont rasées

    Pour nourrir le poulet industriel, surtout depuis que les farines animales sont interdites, rien de plus efficace que le soja, très riche en protéines. Et surtout produit au Brésil, dans des fermes tellement rentables qu’on y déboise à tout-va (2,4 millions d’hectares disparaissent chaque année en Amérique du Sud, directement ou indirectement à cause du soja). Grâce au poulet, adieu la forêt amazonienne !

    La planète se réchauffe

    Le poulet industriel ingurgite du soja qui a parcouru des milliers de kilomètres. Et il repart congelé à l’exportation, parcourant des milliers de kilomètres. Bravo le bilan carbone… Récapitulons : le modèle Doux est une catastrophe pour le consommateur, le vacancier, les pays en développement, le contribuable, le salarié, l’éleveur, la planète, et même pour le poulet. Mais, qu’on se rassure, la famille Doux, 146ème fortune de France, garde toutes ses plumes. On applaudit des deux ailes ?

    Le Canard Enchaîné N° 4789 du 8 août 2012

    N’en déplaise au groupe Doux, qui n’en finit plus de battre de l’aile, des éleveurs de volailles qui gagnent leur vie en faisant du poulet heureux et goûteux, ça existe. Ça se passe dans un monde parallèle où le fermier élève avec amour des gallinacés qui lui appartiennent et dont il remplit la gamelle avec de la nourriture produite en partie sur sa ferme.

    Des exemples ? On en trouve à foison dans « La bio : entre business et projet de société », un livre-enquête tout chaud (Éditions Agone). Ainsi cet éleveur du Gers, qui produit 12 000 poulets bio par an, abat ses volailles dans un abattoir local puis écoule directement sa marchandise sur sa ferme et dans les Amap (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) du coin.

    Avec un coût de production au kilo de 2,8 euros, un coût de mise en marché de 1,3 euro, et un prix de vente de 7,5 euros, notre paysan bio du Gers empoche 3,4 euros par poulet vendu. Alors qu’un éleveur industriel qui fait 14 000 poulets par an en « contrat d’intégration », comme ça se faisait chez Doux, doit se contenter d’un revenu de 0,6 euro par kilo. En effet, le prix de vente au kilo est de 5,5 euros, le coût de production de 2,7 euros, et l’intégrateur, la société ou la coopérative qui lui fournit les poulets à engraisser, les granulés qui vont avec et les conseillers techniques, se taille une marge de 2,2 euros.

    « Ceux qui ont tourné le dos au système intensif s’en sortent mieux. L’enjeu, c’est de se réapproprier le métier », expliquent Daniel et Réjane Durand, qui élèvent chaque année, à La Meilleraye-de-Bretagne, en Loire-Atlantique, 6 000 poulets de chair, pintades, et canettes. « On a notre propre abattoir et on vend en circuit court ». Ce qui permet de zapper la ribambelle d’intermédiaires qui se sucrent sur le dos du paysan. « Sur nos 55 hectares, on a l’une des meilleures performances économiques du département ! »

    Il est vrai que la marge de 50 % empochée sur chaque volaille a de quoi faire saliver les stakhanovistes du poulet industriel. Vous vous dites : c’est bien joli, mais un poulet fermier qui mange bio, ça coûte quand même plus cher dans le Caddie qu’une volaille élevée en intensif. Un argument qui hérisse Daniel Durand : « Lorsque le consommateur achète un poulet industriel, non seulement le goût n’a rien à voir, mais le prix sur l’étiquette n’est pas le prix réel. Il faut rajouter tout ce qu’il a payé en tant que contribuable, via les subventions. Sans parler du coût écologique du mode de production intensif ».

    Ajoutez-y qu’une partie du prix inscrit sur l’étiquette c’est de la flotte, parce qu’un gallinacé industriel contient plus d’eau qu’une volaille qui a eu du temps et de l’espace pour faire du muscle. Cot, cot…

    « La bio : entre business et projet de société » Ce livre vient de paraître aux Editions AGONE ! (un coopérateur d’Andines est l’un des auteurs). 352 pages - 22 € - En vente chez Andines et dans les librairies.