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A la Fête de LO, l’extrême gauche dialogue mais ne s’entend pas
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Ce 20 mai lors du traditionnel débat entre LO et le NPA à la Fête de Lutte ouvrière, d’importantes divergences sont apparues quant à l’attitude à adopter en “communistes révolutionnaires” face à Macron.
Dans le grand mix d’une “manif pot-au-feu” le 5 mai, comme dans le tumulte d’une “marée populaire” le 26, comment “faire entendre le camp des travailleurs”, selon le slogan de Lutte ouvrière (LO) ? C’est la difficulté devant laquelle se trouve l’Union communiste – le vrai nom de LO –, qui revendique 8 000 adhérents, depuis le début de ce printemps 2018. Convaincue que, selon la doxa marxiste, l’émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes, l’organisation trotskiste voit d’un œil méfiant l’action des leaders de la France insoumise dans le mouvement social. Et elle n’embrasse pas plus la stratégie de l’unité des organisations politiques – allant de Hamon au NPA – mise sur pied par Olivier Besancenot depuis le 22 mars pour soutenir la lutte des cheminots. Nathalie Arthaud, porte-parole de LO, l’a réaffirmé le 20 mai à la Fête de Lutte Ouvrière, qui s'est tenue comme chaque année dans le parc du château de Bellevue, à Presles (Val d’Oise) : si elle participera bien à la manifestation du 26, elle “ne signera pas l’appel commun et ne participera pas au cadre unitaire”, dans lequel elle ne voit qu’une “opération politicienne de la gauche de gouvernement”.
LO ne “jouera pas les marieuses”
Le traditionnel débat entre LO et le NPA, les deux principales formations trotskistes de France, moment fort de la fête, promettait donc d’être tendu. Et ça n’a pas loupé. Dimanche, sous le chapiteau Karl Marx, le clivage n’a cessé de s’agrandir entre les représentants de deux partis. Geneviève Reimeringer et Anne Zanditénas pour LO ont martelé leur opposition au “collectif unitaire” auquel s’est associé le NPA avec le PCF, Génération.s ou encore la France insoumise : autant d’“ennemis patentés des travailleurs”. Qualifiant les déclarations communes de ce collectif d’“insipides”, et rappelant que Benoît Hamon s’était “opposé” à la grève de la SNCF quand il était ministre en 2014 (il la jugeait “en décalage”), Anne Zanditénas affirme que LO ne “jouera pas les marieuses” entre le mouvement social et ceux qu’elle soupçonne de vouloir l’“exploiter”. “Que visent-ils [ces partis, ndlr] ? Une place, le suffrage des travailleurs. Ça n’a aucun sens, pourquoi remettre en scelle ces gens là ? A partir du moment où on prône l’unité des organisations, et pas celle des travailleurs, on voit où ça nous mène. Je ne comprends pas pourquoi on se battrait pour ça. Ça favorise des courants bourgeois qui vont ensuite tromper les travailleurs”, assène-t-elle.
“Attirer les réformistes hors de leurs repaires”
En réponse, Antoine Pelletier et Mimosa Effe, du NPA ont défendu la ligne de leur parti, selon laquelle il faut essayer de “relier des secteurs radicaux et mous pour entraîner les masses”, tout en précisant qu’en aucun cas il n’était question d’accords électoraux. Comme nous le confiait Olivier Besancenot : “On sait ce qui nous sépare, mais on a besoin de se serrer les coudes pour frapper ensemble”. Pour Antoine Pelletier, cette unité d’action est pragmatique, tout comme l’était la stratégie du front unique théorisée par Trotski, qu’il cite en argument d’autorité : “Le front unique s'étend-il seulement aux masses ouvrières ou inclut-il également les chefs opportunistes ? […] Si nous pouvions rassembler simplement les masses ouvrières autour de notre drapeau sans passer par les organisations réformistes, partis ou syndicats, ce serait mieux évidemment. Mais alors, la question même du front unique ne se poserait pas sous sa forme actuelle. En dehors de toutes autres considérations, nous avons intérêt à attirer les réformistes hors de leurs repaires et à les placer à côté de nous, face aux masses combattantes.”
“Ce sont les travailleurs qui peuvent changer le rapport de force, pas les révolutionnaires”
Seulement voilà, aux yeux de LO, la situation est loin d’être mure, et les rangs des “masses combattantes” sont encore trop clairsemés pour envisager une grève générale, même si la grève des cheminots est une occasion de renforcer la conscience de classe. “La politique des révolutionnaires est de militer pour que les travailleurs apprennent à prendre la direction de leur lutte. Il n’y a pas de raccourci. Ce sont les travailleurs qui peuvent changer le rapport de force, pas les révolutionnaires. Ce n’est pas défaitiste, c’est l’idée la plus porteuse d’avenir”, défend Geneviève Reimeringer.
En contrepoint à la rhétorique très ouvriériste de LO, qui aspire toujours à la construction d’un “parti bolchevique”, le NPA insiste sur le rôle déclencheur que peut avoir le mouvement étudiant, qui s’est “massifié” et “radicalisé” rapidement contre la loi ORE (Orientation et réussite des étudiants). Mais, comme au temps de Mai 68, LO privilégie l’implantation dans les usines, et ne croit pas à l’action des minorités agissantes : “Vous ne pouvez pas vous empêcher, dès qu’il y a un mouvement, de mettre des lunettes roses et de vous raconter des histoires sur la radicalité. On a une autre boussole : l’indépendance des travailleurs”, tacle Geneviève Reimeringer. Il est loin le temps où, dans le sillage des “événements” de mai-juin 1968, Voie ouvrière (l’ancêtre de LO) proposait aux autres organisations gauchistes de construire un seul grand parti révolutionnaire, avec droit de tendance. Mais, déjà à l’époque, ce fut une occasion manquée.