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La gauche au pouvoir en Espagne : pourquoi la détente en Catalogne est loin d’être gagnée
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le renversement de Mariano Rajoy laisse entrevoir de nouvelles bases de discussion entre Madrid et Barcelone. Mais la méfiance reste de mise.
Ils viennent de prêter serment le même jour : les destins du socialiste Pedro Sanchez, nouveau chef du gouvernement espagnol, et de l'indépendantiste "ligne dure" Quim Torra, nouveau président de la région Catalogne, devraient se mêler encore dans les prochains mois, dans un contexte renouvelé après le renversement de Mariano Rajoy, vendredi.
Il n'aura d'ailleurs fallu que quelques minutes au Catalan pour lancer un appel solennel au nouveau président du gouvernement :
"Premier ministre Pedro Sanchez, parlons, occupons-nous du problème, prenons des risques, vous et moi. Nous devons nous asseoir à la même table et négocier, de gouvernement à gouvernement. La situation dans laquelle nous nous trouvons ne peut continuer, même pas un jour de plus".
Ces derniers développements sont un bouleversement dans le rapport de forces entre Madrid et Barcelone. D'abord parce que les députés indépendantistes catalans (avec les nationalistes basques) ont apporté des voix décisives pour la motion de censure contre un Mariano Rajoy usé par les scandales. Ensuite, parce que la prise de fonctions du nouveau gouvernement catalan de Quim Torra lève automatiquement la tutelle imposée par Madrid sur la région lors de sa tentative de sécession le 27 octobre dernier.
Pedro Sanchez, économiste et chef de file du PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) allié pour la circonstance à Podemos, a critiqué cette tentative d'indépendance mais a promis de "construire des ponts" avec le gouvernement Torra. Son parti est historiquement plus sensible aux revendications catalanes que le Parti populaire et propose depuis 2013 une réforme fédéraliste de l'Espagne pour accroître les compétences des régions autonomes. Sanchez lui-même reconnaît la Catalogne comme une "nation" au sein de la nation espagnole.
Rapports tendus
Pour autant, ses rapports personnels avec Quim Torra, nouveau venu en politique et proche du président destitué Carles Puigdemont, sont froids. Et si les séparatistes catalans se satisfont évidemment de l'éjection du honni Mariano Rajoy, ils restent méfiants envers le nouveau chef du gouvernement.
Côté madrilène, Quim Torra est très critiqué pour des déclarations et écrits offensants envers "les Espagnols". "Les Espagnols viennent ici pour nous surveiller. Qu'ils s'en aillent une fois pour toutes !", tweetait-il par exemple en 2012. Dans des déclarations publiques, il avait également qualifié l'Espagne de "pays exportateur de misères" et traité de "charognards, vipères et hyènes" ceux qui ne s'engageaient pas pour la défense de la culture et de la langue catalanes.
"Je regrette, cela ne se reproduira plus", a-t-il assuré lundi dernier devant le parlement catalan.
Il y a deux semaines, Pedro Sanchez traitait Quim Torra de "raciste" et de "suprémaciste", le comparant même à Jean-Marie Le Pen.
"Les pires insultes sont venues de lui et de son parti", souligne un membre de l'entourage de Quim Torra auprès de l'AFP.
"Nous n'en avons pas une bonne opinion mais Rajoy était manifestement pire. Au moins c'est un nouveau venu, qui peut désamorcer la situation et faciliter une certaine détente".
Gouvernement éclaté
Depuis l'arrivée de Rajoy au pouvoir en 2011, les relations entre Madrid et Barcelone, la métropole catalane, n'avaient fait qu'empirer. Elles ont atteint leur comble avec la violence policière lors du référendum d'autodétermination interdit par la justice le 1er octobre dernier et la déclaration d'indépendance par le parlement catalan le 27 du même mois.
La suite des événements dépendra beaucoup des luttes internes qui vont s'engager au sein d'un gouvernement et d'un Parlement éclatés. Le principal appui des socialistes, qui ne comptent que 84 députés sur 350 à la Chambre, sera la gauche radicale Podemos... le seul parti national à soutenir un référendum d'autodétermination en Catalogne.
Néanmoins, toute concession aux séparatistes sera combattue avec acharnement par le Parti Populaire, les libéraux de Ciudadanos qui grimpent dans les sondages avec un discours anti-indépendantiste, et au sein même du PSOE qui avait contraint Pedro Sanchez à abandonner la direction du parti il y a deux ans.
"L'opposition sera très dure, reconnaît Berta Barbet, éditrice du site d'analyse politique Politikon, auprès de l'AFP.
"Il peut y avoir un changement dans la forme sinon sur le fond, avec une offre de dialogue, une volonté de rouvrir la porte à la recherche d'une solution du conflit. [...] Arrive un moment où le PSOE pourrait faire une offre différente pour parvenir à une désescalade parce qu'une partie de la société espagnole a compris l'importance de résoudre la question catalane".