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Congrès de la CFDT: ce que les militants veulent faire entendre
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
A partir du 4 juin, Laurent Berger accueillera des militants inquiets du déchirement social du pays, des syndiqués qui refusent que les « invisibles » soient laissés de côté. Sa centrale devra épauler des délégués d’entreprise et des fonctionnaires sous pression.
Le 29 mai, après avoir été reçu à l’Elysée par Emmanuel Macron, Laurent Berger était accueilli par le groupe La République en Marche (LREM). L’occasion, après une année de bras de fer avec l’exécutif de mettre en scène sa volonté de replacer la CFDT au centre du jeu, alors qu’il appelle de ses vœux une sortie de conflit à la SNCF. Mais ce lundi 4 juin, l’ancien travailleur social accueillera à Rennes des militants inquiets du déchirement du tissu social du pays, des syndiqués qui refusent que les « invisibles » soient laissés de côté, si reprise il y a.
Il devra aussi épauler des délégués d’entreprise sous pression, à mesure que les employeurs se saisissent des différentes ordonnances travail. Et des fonctionnaires sur le qui-vive... à quelques jours de la publication du rapport des experts du Comité d’Action Publique (CAP 2022) qui doit inspirer des réformes visant à moderniser les administrations en générant de substantielles économies. Car le gouvernement a prévu de diminuer les dépenses publiques de trois points de PIB sur le quinquennat, soit près de 70 milliards d’euros répartis entre Etat, sécurité sociale, assurance chômage et collectivités locales…
Un enterrement du plan Borloo qui passe mal
Secrétaire général du SYNAMI, qui fédère les militants CFDT de l’insertion (secteur dans lequel Berger avait commencé à travailler), Michel Mourouvin est encore atterré par l’enterrement du plan républicain pour les banlieues de Jean-Louis Borloo, plan que sa centrale avait contribué à élaborer dans l’espoir de replacer l’humain au cœur de la politique de la ville. « On s’étonne que des jeunes dérivent dans la radicalité, le trafic de drogues, de pièces automobiles ou autres ? Mais le message d’Emmanuel Macron, c’est à l’américaine : 'débrouille- toi on verra ensuite ce qu’on peut faire pour toi'. C’est inaudible par les jeunes auxquels on ne donne plus, dans des territoires les moyens de leur émancipation. Tous ne peuvent devenir des startuppers ! s’emporte-t-il. Le Comité présidentiel des villes, ça va servir à quoi ? A faire des photos avec le président ? »
Abandon des missions locales
Plus avant, ce syndicaliste ne supporte plus que certains conseillers d’insertion des missions locales n'aient plus les moyens de verser, depuis janvier 2018, les allocations promises aux jeunes qui s’engagent dans un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, PACEA, (au maximum trois RSA sur l’année, environ 1500 euros), parce que cette dépense a été sous-budgétée : « On nous fait miroiter les fonds du plan d’investissement dans les compétences (PIC) mais en Bretagne, certains de nos collègues en sont réduits à leur verser 11 euros par mois. Quelle crédibilité pour l’Etat qui ne remplit pas son contrat ? L’institution, le conseiller qui ne peuvent compléter leur formation et même les aider à décrocher leur permis de conduire ? Aucune ! » Educateurs, conseillers redoutent que ces jeunes adultes disparaissent des radars des missions locales, d’autant plus facilement que ces dernières seront en 2018 affaiblies de mille postes par la suppression des emplois aidés. Ses collègues CFDT s’attendent déjà à des flambées de violence : « Parce que comme d’habitude, là où ça gueule, l’Etat, les collectivités réduiront moins leurs engagements que là où les jeunes, les adultes laissés pour compte, se tairont. » Un engrenage délétère...
Ne pas oublier les invisibles
Les militants CFDT, et c’est le message qu’ils portent au Congrès de Rennes qui commence ce 4 juin, souhaitent donc haut et fort que leur confédération défende l’intérêt général qui veut que « les invisibles ne soient pas écartés de la reprise économique si elle se confirme. » Ils sont d’ailleurs outrés que la ministre du travail Muriel Pénicaud leur ait dénié ce droit le 22 mars, pour aligner ses propos sur le chef de l’Etat. « On est déçu depuis l’élection d’ Emmanuel Macron parce qu’on avait envie de bouger, confie Mathieu, salarié de la CFDT, branche info-com. Un an après son installation à l’Elysée, la fracture sociale s’agrandit, les riches se renforcent. Les corps intermédiaires que le président méprise transmettent pourtant les attentes du corps social ! » Au fil de cette semaine de congrès, Mathieu aura donc à cœur de contribuer à faire avancer le débat de société porté par la CFDT, tout particulièrement les contrats de transition environnementale et numérique sur lesquels sa centrale phosphore.
L'inquiétant rapport CAP 2022
Les militants fonctionnaires s'inquiètent eux du contenu du rapport CAP 2022,qui doit inspirer la modernisation des administrations en générant des économies. Car le gouvernement a beau marteler qu’il n'est pas tenu par ces propositions, leur chiffrage minutieux en reporte semaine après semaine, la révélation... S'il ne rechigne pas à travailler 45 heures par semaine en période de classe, Alain Rey, directeur de l’école primaire Paul Eluard à Roquefort la Bédoule (Boûches du Rhône) s’émeut du discours politique ambiant qui n’envisage la fonction publique que comme un coût. « Ce mépris, ce manque de considération de notre ministère alors que l’on a le soutien du public c’est consternant ! », cingle-t-il.
Le plus désemparé de tous, Sylvain (prénom modifié) officie à Bercy au ministère de l’Economie. Et il flingue « ces experts en tous genres, abreuvés de théories dogmatiques, piètres managers qui accablent leurs cadres, leurs agents, de leur supériorité, en désorganisant le cas échéant leur travail. » Il dénonce ces services minés par le turn over, depuis que des fonctionnaires auxquels on avait promis la lune, las de ramer sur des postes de couteau-suisse dans lesquels on leur demande de faire tout puis son contraire, réclament leur mutation...
La fusion prochaine des instances de représentation
Dans les entreprises privées, où la CFDT s’est hissée à la première place devant la CGT, la grogne monte également en flèche. Parce que ces syndiqués devront remporter partout, sous deux ans, les élections visant à désigner les nouveaux représentants du Conseil social économique (CSE) qui concentre toutes les anciennes responsabilités (CE, CHSCT, DP) sur des élus moins nombreux qui devront donc être compétents sur tous les sujets. Un sérieux investissement de formation alors qu’ils seront limités à trois mandats, suppléant inclus, soit une prise de risque de carrière pour entre 9 et 12 ans de représentation ! « Au sein d’IBM France dont les effectifs ont fondu en 37 ans de 25 000 à 10 500 salariés, nous allons passer de 7 comités d’entreprise à 3 CSE », déplore Jérôme Baudin qui estime Laurent Berger encore « trop gentil", envers « un gouvernement qui ne nous respecte pas ».
Maillé d’associations de moins de cinquante salariés, le secteur associatif trinque aussi. Les élus locaux qui siègent dans leurs conseils d’administration, et auxquels l’Etat demande des économies, répercutent cette pression sur les salariés. « Cette loi issue des ordonnances Travail devait renforcer le dialogue social dans les petites entreprises, nous observons le contraire. Les employeurs qui se sentent les mains libres limitent les discussions aux seules contraintes légales, cingle Mourouvin. Nous avons le plus grand mal à négocier des accords améliorant la santé au travail ou l’organisation du temps actif. En 2019, nous redoutons même que cette loi tue nombre d’accords d’entreprise qui seront dénoncés. »
Grève ou pas grève à la SNCF ?
Dans le palais des Congrès de Rennes, il y aura aussi des représentants des cheminots. A moult reprises, Laurent Berger a annoncé son envie de trouver une issue au conflit de la SNCF. Mais ces syndiqués suivent jusqu'ici toutes les décisions prises en intersyndicale... et du côté de cette dernière justement, si on relève « ce vent d'optimisme qui peut souffler sur des confédérations », on entend maintenir la pression par le grève. En tout cas au moins jusqu’au 13 juin, date d’une importante table ronde au cours de laquelle Etat, employeurs du ferroviaire et syndicats discuteront de la future convention collective du secteur. Enfin !