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Brésil: bilan de la greve des routiers et de la situation
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://esquerdaonline.com.br/2018/05/31/
Boris nous a traduit l’édito de Valério Arcary et Gabriel Casoni deux dirigeants de « Résistencia » courante du PSOL. Résistencia est formée par des organisations trotskystes dont le MAIS (Mouvement pour une alternative indépendante et socialiste, secteur qui a rompu récemment avec le PSTU), la NOS (Nouvelle organisation socialiste, dont une partie des membres venaient également du PSTU), le M-LPS (Mouvement Lutte pour le socialisme, issue du courant Militant) et le MLT (Mouvement de lutte des travailleurs, formé de jeunes militants ouvriers et étudiants de Sao Paulo). Virginia
Après dix jours de paralysie des routes (à cause de la grève nationale des routiers, NdT), la crise politique et sociale s’est installée dans le pays. Même si la grève des routiers s’est sensiblement réduite, avec une fin prévue suite à la forte répression par l’armée et la police, le scénario est d’énorme instabilité et imprévisibilité.
Dans ce contexte, a débuté le mercredi 30 mai la grève nationale des travailleurs du pétrole. Avec la décision provisoire du Tribunal Supérieur du Travail, qui a déclaré la grève « abusive » et la présence des troupes de l’armée dans les raffineries et terminaux de distribution, il est possible que le mouvement recule momentanément. Les travailleurs exigent la réduction du prix du gaz de cuisine et des combustibles, la démission de Pedro Parente, président de la compagnie et la fin du processus de privatisation de la compagnie publique. La lutte des travailleurs du pétrole peut influencer positivement la conjoncture. Elle mérite ainsi la plus active des solidarités pour vaincre.
Un gouvernement sur les cordes et raffermissement de l’extrême droite
Comme conséquence de la grève des routiers Le gouvernement Temer se trouve encore plus affaibli. La crise politique est très profonde. Nous sommes face à une crise de gouvernement, l’institution la plus importante du régime présidentialiste. L’incapacité face à une menace annoncée, le tableau général de difficultés d’approvisionnement, l’option pour des mesures improvisées, des concessions qui divisent les classes dominantes montrent, entre autres éléments, la confusion et les disputes qui existent au sommet du pouvoir.
D’autre part, l’on aperçoit que l’extrême-droite exerce une forte pression sur la conjoncture et promue des actions importantes. Le 28 mai il y a eu des marches à Brasilia, à São Paulo, dans des villes de l’intérieur du pays et même dans des régions périphériques. Jair Bolsonaro (dirigeant national d’extrême droite et candidat à la présidence, NdT) a déclaré son appui à la grève des routiers. Néanmoins, sous pression de secteurs des employeurs il a fini par demander la cessation du mouvement. Ainsi, l’extrême droite, qui a commencé par soutenir la grève, a fini par demander sa fin. Par ailleurs, les Forces Armées et la Police Fédérale (qui se sont déplacées dans les routes pour réprimer la grève des routiers, jouant ainsi un rôle fondamental pour défaire les blocages) menacent maintenant de faire de même avec la grève des travailleurs de pétrole. Cela veut dire que « l’intervention » militaire ordonnée par Temer a réussi à faire reculer le mouvement des routiers.
Temer préside un gouvernement “mort-vivant”, extrêmement affaibli. Mais les institutions du régime continuent fortes et actives, comme on peut le voir à travers les actions du pouvoir judiciaire et des forces de répression (les Forces Armées et la Police Fédérale) dans les grèves. Cette crise de gouvernement a lieu quand les travailleurs sont dans une situation défensive, et ce sont les éléments réactionnaires qui dominent. Il y a des pressions bonapartistes, autoritaires, comme le montre l’a montée de discours en faveur d’une intervention militaire. Néanmoins, face à la dégradation dramatique de ses conditions de vie, les travailleurs et les opprimés sont prêts à résister aux attaques et à lutter pour défendre ses droits acquis. La combinaison de ces deux éléments produit un scénario de très grande instabilité.
Il n’y a pas de coup militaire en marche, mais le discours d’intervention est dangereux.
Malgré le fait que la forte agitation en faveur de l’intervention militaire a le soutien des secteurs des masses, il n’y a pas de danger à court terme de soulèvement militaire. Ni l’impérialisme ni la classe dominante nationale n’ont cette politique pour le moment. On n’improvise pas une insurrection militaire. On a besoin de la combinaison de nombreux facteurs qui, pour l’instant, n’y sont pas : l’unification de la majeure partie de la classe dominante, qui n’existe pas jusqu’ici ; le soutien majoritaire de la classe moyenne, l’incapacité des travailleurs à y résister, la volonté insurrectionnelle des forces armées, une situation internationale favorable au coup militaire dans la première économie latino-américaine, une agitation préalable dans la population avec la complicité des médias, un plan de gouvernement, un projet stratégique. Aucun de ces éléments est présent actuellement, même s’ils pourraient se développer plus tard, se la crise s’aggravait qualitativement dans le moyen terme.
Il est nécessaire de préciser que la grève des routiers n’a pas été un lock-out patronal appuyé par les États-Unis avec l’objectif d’imposer un coup militaire. Ceux qui font une telle lecture du processus ce sont complètement trompés.
Il y a un secteur croissant de l’opinion publique, qui a encore un poids minoritaire dans les masses, qui défend l’intervention militaire et qui a eu une influence certaine dans la grève. Pour cette raison, elle doit être vivement combattue. De même, il existe un dangereux processus de renforcement des Forces Armées, qui sont de retour dans la scène politique, y compris à travers de la présence de ministres militaires dans le gouvernement Temer. Il est nécessaire de se battre énergiquement contre l’extrême-droite et contre Jair Bolsonaro, mais ce si ne doit pas se confondre avec sonner l’alarme d’un imminent soulèvement militaire.
Un coup dans le coup ?
Mais, est qu’il y a une menace d’un “coup dans le coup” pour forcer la formation, avec ou sans Temer, d’un gouvernement plus autoritaire ? Ce n’est non plus l’hypothèse la plus probable. Il y a ceux qui spéculent sur des pressions qui sont exercées pour provoquer la convocation du Conseil de la République, l’état d’urgence ou l’état de siège. Ces pressions proviendraient d’une fraction de la bourgeoisie (des secteurs comme les transports ou l’agro-business). Dans l’hypothèse d’un gouvernement de transition, Rodrigo Maia (président de la chambre fédérale des députés, NdT) est considéré comme le possible remplaçant de Temer, après que des pressions éventuelles pour son départ soient exercées, ou que la chambre des députés vote son éloignement. En ce moment, il semble peu probable que Temer soit démis par un coup de palais. On est seulement a quelques mois des élections (à président, gouverneur d’état, députés nationales et de chaque état et sénateurs, NdT), donc la classe dominante préfère attendre la mort du gouvernement moribond à courir le risque d’une instabilité additionnelle comme conséquence d’un nouvel changement de président. Ils ne seront prêts à courir le risque d’une chute de Temer que si la crise s’aggravait et deviendrait hors contrôle.
La gauche et la crise politique : il faut agir
Les aspects contradictoires de la révolte des routiers, qui a combiné l’action des travailleurs autonomes, les intérêts des patrons et le poids politique de l’extrême droite, a provoqué beaucoup de confusion et de paralysie dans la majeure partie de la gauche et dans le mouvement syndical. Sans reconnaître le caractère progressif de la grève, qui a soulevé une tendance populaire et a catalysé le mal-être social, les centrales syndicales et le PT sont restés paralysés pendant la dernière semaine, n’étant pas capables de proposer une ligne d’action effective ni même de soutenir activement la grève des travailleurs du pétrole. Ainsi, ils ont facilité l’influence de l’extrême droite parmi les routiers et le people.
Avec la lutte des travailleurs du pétrole surgit une nouvelle opportunité pour la gauche, les centrales syndicales et les mouvements sociaux. Il faut assurer la grève avec la même disposition et énergie que les suiveurs de Bolsonaro sont intervenus dans la rue pour paralyser le pays, même si elle subissait un reflux ce vendredi (1/06). La convocation unifiée le plus tôt possible, d’une journée nationale de protestation et de grèves a une grande importance. Les manifestations organisés par les Fronts Brésil Populaire (soutenu par le PT, NdT) et Peuple sans Peur (soutenu par le Mouvements des Travailleurs sans Toit dirigé par G. Boulos et par “Resistência”, formé de trotskistes des anciens mouvements MAIS et NOS, NdT) pour mercredi 30/05 ont constitué un premier pas positif, mas encore insuffisant. L’unité des travailleurs et de la gauche pourrait faire la différence. La gauche a encore du temps pour disputer la conjoncture, mais ce temps est court. Il faut du courage.