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Espagne: L’effondrement de Rajoy et l’alternative des gauches
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Par Gustavo Buster
Finalement, M punto Rajoy [nom donné à l’ex-président étant donné sa liaison avec les dites affaires de corruption minant le PP] a vu son visage se refléter dans le miroir de la motion de défiance présentée par Pedro Sanchez (PSOE): c’est bien lui le monstre. Ou, pour le moins, un nombre suffisant de député·e·s de tout l’arc parlementaire le voient ainsi à la suite du jugement de l’affaire Gürtel ainsi que ceux à venir sur les nombreux cas de corruption du PP.
C’est le Parti nationaliste basque (PNV) qui a été décisif en plaçant ses cinq députés dans la balance – une semaine à peine après avoir voté en faveur du budget 2018 du PP et avoir accordé deux années supplémentaires de législature à Rajoy. Toutefois, ce retournement n’aurait pas eu lieu sans le changement de climat politique engendré par la présentation de la motion de défiance. Le PNV a adopté la même logique du moindre mal, dans des circonstances nouvelles: il ne souhaite en aucun cas de nouvelles élections générales qui permettraient à Ciudadanos d’engranger dans un nouveau parlement sa montée dans les sondages. L’idée que Rivera [le dirigeant de Ciudadanos] soit président ou vice-président d’un gouvernement de coalition aux côtés du PP est un cauchemar pour le bilatéralisme autonomique, pour le concert économique basque [terme qui désigne un ensemble de règles économiques et fiscales propres au seul Pays basque – longtemps modèle à atteindre d’une certaine droite catalaniste], ainsi que pour la négociation d’un nouveau statut [de la communauté autonome] avec EH Bildu [coalition de gauche «abertzale», c’est-à-dire «patriotique»].
Il n’était pas nécessaire d’attendre l’intervention de Rivera lors du débat sur la motion de défiance, jeudi après-midi [31 mai], dont certains éléments ont été qualifiés par le secrétaire général de Podemos, Pablo Iglesias, comme étant fascistoïdes. Dans la matinée, le PNV a négocié avec le PSOE le maintien du budget adopté la semaine précédente – lequel est critiqué par l’UE, qui ne pense pas que les accords sur le déficit puissent être respectés –, remportant ainsi son second «lot», «bon d’achat» [cuponazo] en échange de ses cinq voix. Pedro Sánchez a accepté et s’est publiquement engagé sur ce point à la tribune du Congrès des députés. Rajoy a compris à ce moment, malgré les sarcasmes naïfs de son groupe parlementaire, qu’il venait de perdre le débat sur la motion de défiance.
Ce n’était pas le seul. La porte-parole de Coalición Canaria, Ana Oramas, a réalisé une nouvelle pirouette pour placer sa girouette dans le sens du vent, annonçant son abstention lors de l’une des premières interventions de l’après-midi du jeudi, avant que Aitor Esteban, le porte-parole du PNV rende son soutien à la motion public [la direction du PNV avait annoncé plus tôt dans la journée son soutien]. Rajoy ne faisait déjà plus acte de présence, assistant à l’hécatombe de son gouvernement en prolongeant la sobremesa dans un restaurant proche [«après le repas, le moment où l’on sert le café et les digestifs et où les convives s’attardent à table, bavardent ou regardent la télévision est appelé sobremesa»]. C’était là sa dernière et originale contribution à la démocratie parlementaire du royaume!
Un mépris mutuel assuré
Le commencement des débats, avec la présentation de la motion par le secrétaire de l’organisation du PSOE [Pedro Sánchez n’étant pas député], José Luis Ábalos [député de Valence, il a été nommé ministre de l’équipement du nouveau gouvernement le 7 juin], et la réponse de Rajoy, a consisté en un échange d’aménités. De Rajoy, comme responsable de la corruption du PP, de laquelle il n’est pas pénalement responsable car la loi applicable à ce moment n’envisage que la responsabilité civile. Et du PSOE de la part de Rajoy, accusé de s’être laissé entraîner par l’ambition personnelle de son secrétaire général, en prétendant ignorer la corruption existant dans ses propres rangs, ainsi que l’illustre l’affaire des ERE [1] d’Andalousie. L’opportunisme de Sánchez conduirait le royaume d’Espagne dans une impasse, mettant en péril la stabilité économique atteinte par l’accord budgétaire et la solidité du front «constitutionnaliste» autour de l’application de l’article 155 en Catalogne, puisqu’il dépendrait des suffrages des indépendantistes catalans. Le spectre de la «coalition Frankenstein» a été évoqué, sans tenir compte de la négociation qui se tenait dans son dos pour éviter précisément un autre monstre: celui de la «coalition Golem» entre le PP et Ciudadanos au bout du chemin.
Dans sa seconde réplique au candidat socialiste, Rajoy a tenté de calmer les craintes face à la transformation en train de se faire à la tribune, encourageant les députés du PP: «je resterai espagnol». En effet, il faisait déjà partie de la «triste histoire de l’Espagne».
La gestion bonapartiste d’un projet contradictoire
Lors de sa première intervention en tant que candidat [à la présidence du gouvernement], Sánchez n’a eu qu’à passer sur l’échange d’aménités et a pu se centrer sur la gestion des contradictions de sa motion de censure. Il a réitéré qu’il se présentait «sans conditions ni négociations», car la motion répondait à une question de salubrité démocratique. Une fois résolue la question de la chute de Rajoy, il offrait l’ouverture de négociations avec toutes les forces politiques en vue de l’établissement de la date des élections, une fois que la «normalité démocratique» aura été rétablie et qu’un programme social d’urgence aura été mis en route, sur la base des propositions socialistes bloquées par le bureau du Congrès des députés.
L’ambiguïté a oscillé d’un pôle à l’autre: entre ceux qui ne voulaient pas d’élection avant que le blocage de Ciudadanos n’ait été assuré (et que le PP ait pu récupérer suffisamment de forces à cette fin), comme c’est le cas du PNV et des indépendantistes catalans (qui, au même moment, rendaient possible la formation d’un «govern viable» avec lequel il serait possible de négocier); et ceux qui auraient préféré des élections aussi vite que possible afin de refléter sur la scène parlementaire le nouveau rapport de forces, dans la mesure où la réalité parlementaire allait se traduire, sur le tas, avec un gouvernement soutenu non par les seuls 84 députés PSOE mais par 152, additionnant au PSOE Unidos Podemos et Compromís [alliance électorale du Pays valencien, associée à Unidos Podemos – voir aussi article en date du 4 juin sur le site alencontre.org].
Les répliques successives que Pedro Sánchez a faites aux divers groupes parlementaires, mais en particulier à celui du PNV et d’Unidos Podemos, ont rendu clair que son objectif est de retarder la convocation d’élections autant que possible. Bien qu’il ne comptera que sur un gouvernement exclusivement PSOE [2] – afin d’éviter l’opposition interne des barons socialistes rejetant Podemos – et qu’il devra négocier en permanence. Sans même jouir, comme point de départ, d’un accord minimum «à la portugaise» ou pouvoir arborer de manière crédible la menace d’aboutir à des accords avec Ciudadanos et même le PP sur les «thèmes d’Etat». C’est-à-dire sur la gestion du budget du PP et de la crise constitutionnelle en Catalogne après la levée de l’article 155, suite à l’entrée en fonction du nouveau govern présidé par Quim Torra [Sánchez s’est toutefois empressé d’indiquer que les comptes de la Generalitat restent sous surveillance].
Albert Rivera, avant la motion de défiance, n’acceptait une rencontre avec Rajoy que si le jour et l’heure des élections étaient fixés
L’une des premiers problèmes auquel devra faire face le gouvernement Sánchez, avec une minorité de seulement 84 députés [sur 350], est que la menace d’aboutir à des accords avec le PP [134 députés] ou Ciudadanos [32] manque pour l’heure de crédibilité. Au vu de la réaction des députés du PP face à la victoire de la motion de défiance et de la réaction de son porte-parole Rafael Hernando, il est évident qu’il n’y aura – une fois qu’il aura été possible de replacer les plus de 1500 hauts fonctionnaires délogés de l’administration et l’ouverture du débat sur la succession, sous contrôle, de Rajoy [qui a quitté également la présidence du PP] – ni le temps ni l’envie de faire autre chose qu’adopter une opposition féroce. Ce qui, au passage, remettra Ciudadanos (C’s) – le deuxième «juda» selon Rafael Hernando – à sa place. En ce qui concerne Ciudadanos, à voir également l’accès de colère de Rivera devant la route barrée de son ascension promisse en cas d’élections rapides – tel qu’il le proposait avec sa «motion instrumentale» – en raison d’une majorité encore plus grande que celle qui a provoqué la chute de Rajoy, il ne lui reste qu’à dériver vers la droite, si cela est possible suite au lancement d’España ciudadana [3], pour attirer aux électeurs mécontents appartenant à la droite de toujours.
La droite, surtout le PP, dispose de nombreux instruments lui permettant de harceler le nouveau gouvernement socialiste. Il suffit de rappeler l’analyse du constitutionnaliste Javier Pérez Royo: l’addition du PP et de C’s (166 députés) dispose d’une majorité au bureau du Congrès des députés et, au Sénat, le PP jouit d’une majorité à même de bloquer les initiatives de la gauche [146 sur 266, 62 socialistes, 20 Podemos]. Le point d’équilibre de la balance est aux mains des nationalistes basques et des indépendantistes catalans, dont les priorités sont évidentes. Comme tout gouvernement minoritaire, il devra s’appuyer sur des décrets qui devront être ratifiés par une majorité similaire à celle qui a soutenu la motion de défiance.
La marge de manœuvre est donc très faible. Ce d’autant plus si l’on tient compte du fait que la conjoncture économique peut à nouveau s’assombrir en raison des taux d’intérêt de la BCE, de la hausse des prix de l’énergie et des disputes commerciales entre les Etats-Unis et l’UE. Cette faible marge dépendra également de la capacité à contrer la pression «normalisatrice» de l’UE, que nous avons vu en pleine action ces derniers jours en Italie, et, dans cette tâche, chercher des alliances avec les pays du sud de l’Europe, en particulier avec le Portugal. La gestion des déficits publics sera essentielle sur deux points: 1° sur la négociation immédiate de la crise budgétaire des communautés autonomes – qui, dans une large mesure, devra être bilatérale, l’une après l’autre puisque le ministre des Finances du PP, Cristóbal Montoro, a dynamité la déjà oubliée conférence des présidents des communautés autonomes par ses accords budgétaires – 2° et sur les négociations pour le budget 2019, en vue du long cycle électoral qui se tiendra cette année, avec Unidos Podemos, négociations qui se dérouleront entre octobre et décembre.
Le Parti populaire pourrait être tenté de se venger en menant la vie dure à ces processus parallèles. Pour commencer, en gagnant du temps et les gros titres en réalisant des amendements à son propre budget au Sénat, attisé au Congrès des députés par un Ciudadanos en pleine ferveur centraliste et espagnoliste. Un budget qui a réuni contre lui cinq des forces politiques qui ont soutenu la motion de défiance.
Zapatero et Sanchez
La nostalgie de Zapatero
Ce qu’il reste, finalement, c’est une remobilisation de l’électorat du PSOE en vue du cycle électoral en prenant une série de mesures symboliques traduisant le changement du rapport de forces qui s’ouvre à l’horizon, mais qui doit encore se matérialiser. Pedro Sánchez en a annoncé certaines: réforme de la loi muselière (et non sa suppression), modification de la réforme de la législation du travail du PP (mais pas celle du PSOE), la réforme du conseil de la RTVE (télévision) et le rétablissement de l’universalité d’un système de soins publics lequel, après des années de coupes budgétaires, est saturé et dysfonctionne en dépit de l’effort presque héroïque de ceux qui y travaillent. La nostalgie pour la première législature Zapatero [2004-2008], suite à la captation des mobilisations de 2003-2004, inspire ce nouveau «Zapatero».
Beaucoup d’eau a toutefois coulé sous les ponts depuis le virage néolibéral brutal de Zapatero en mai 2010. Les conséquences sociales de la gestion néolibérale de la crise ont été dévastatrices et la crise politique et territoriale du régime de 1978 ne permet pas un retour au supposé «âge d’or» de l’arbitrage zapateriste. Le test définitif des prochains mois sera la gestion de la crise constitutionnelle en Catalogne. Il est évident que le seul changement du délégué du gouvernement à Barcelone [représentant du gouvernement central, charge tenue par Enric Millo, lequel a joué un rôle clé dans la répression] et une modification de l’orientation judiciaire suite à la levée de l’article 155, après la formation d’un «govern viable», devrait permettre de relancer un dialogue institutionnel et d’apaiser les tensions.
Mais à court plus qu’à long terme, la question essentielle pour débloquer le choc actuel est celle de la situation de détention provisoire et d’exil des anciens membres de l’exécutif catalan. C’est, en définitive, en vue d’une solution en ce sens qui explique le vote favorable à la motion de défiance des députés du PDeCAT [Parti démocrate européen catalan] et d’ERC [Gauche républicaine de Catalogne]. Ce qui implique, nous verrons bien comme cela sera justifié, un changement dans la trajectoire du PSOE en tant que participant au «front constitutionnaliste» qui appuyait la répression de la consultation du 1er octobre 2017 et la mise sous tutelle de la Generalitat.
Un gouvernement avec 152 députés?
La faiblesse d’un gouvernement disposant de 84 députés, soumis à ces contradictions, est évidente. Les mécanismes bonapartistes de gestion perceptibles, face à une confrontation sociale avec la droite (il suffit de se souvenir de la mobilisation de cette dernière entre 2004 et 2006), également.
Pablo Iglesias – qui a accepté le récit du caractère «inconditionnel» de la motion de défiance afin de passer comme chat sur braises sur son refus de soutenir l’investiture de Sánchez en 2016 –, a offert un gouvernement de coalition soutenu par 152 députés, ce qui suppose que les négociations inévitables à venir ne résident pas dans le législatif, mais dans l’exécutif et dans la phase même d’élaboration des propositions. De ce fait, il répondait à l’horizon tracé par Sánchez lui-même lors du débat de la motion: la proposition que les gauches se présentes ensembles aux prochaines élections générales.
Car il n’est pas concevable, ni même pour la droite du PSOE, qu’il soit possible, dans le contexte d’actuelle bipolarisation politique, de maintenir après les élections générales la formule d’un gouvernement monocolore minoritaire. L’argumentation même sur le caractère «exceptionnel» de la motion de défiance, centré non sur les politiques du PP mais sur son caractère corrompu, implique cela. Sánchez espère, depuis l’appareil d’Etat, renforcer la mobilisation de son électorat, confirmer son hégémonie sur l’ensemble des gauches, subordonner Unidos Podemos à son projet et, en définitive, lancer ensuite une réforme contrôlée du régime de 1978.
Ceux qui sont convaincus du caractère irréformable de ce régime peuvent opter pour la tentation de se placer en opposition frontale, faisant appel à la mélancolie du 15M [les «indignés»] face à la nostalgie du zapaterisme. Les arguments ne leur manqueront pas face aux zig-zags permanents qui sont à prévoir de la part du gouvernement Sánchez. Une autre leçon de cette période de grandes mobilisations progressivement frustrées est celle de la nécessité d’une issue politique électorale pour les mouvements sociaux, laquelle n’est possible qu’en perspective d’un gouvernement de coalition de gauche. Le contenu de son programme sera dicté par la lutte pour l’hégémonie à gauche.
Un symptôme de l’actuel rapport de forces réside dans le fait que ce gouvernement de coalition ne peut être envisagé par le PSOE sans ouvrir à nouveau la crise politique qui a provoqué la démission [à la suite d’une sorte de «coup» interne au PSOE, en octobre 2016] et la réélection de Pedro Sánchez comme secrétaire général. Pour Unidos Podemos, la question est celle de comment changer ce rapport de forces, construisant une alternative de gauche d’ici aux élections générales, par la négociation parlementaire et la mobilisation sociale, sur la base d’un programme de mesures urgentes face aux conséquences de la crise économique et du régime de 1978. Et, conjointement, défendre sans complexes la nécessité d’un processus constituant pour bâtir une alternative à cette deuxième restauration bourbonnienne [4] A une époque de Frankenstein, il convient de se souvenir des rêves prométhéens de ses créateurs: «je devrais être ton Adam, mais je suis ton ange déchu». (Article publié le 3 juin 2018 sur le site SinPermiso.info; traduction A l’Encontre)
____
[1] Un ERE, ou Expediente de regulación de empleo, est le terme qui désigne la procédure qu’une entreprise en difficultés doit engager en Espagne pour licencier des employé·e·s. Cette démarche vise, sur le papier, à garantir certains droits aux salarié·e·s. Soit, pour prendre un terme helvétique, un «plan social» doté de certaines garanties supplémentaires à ce qui existe dans le «droit du travail» suisse. Le cas des «ERE d’Andalousie» est une trame de corruption au cœur de la Junte d’Andalousie – en cours de jugement – qui consistait à consacrer une fraction des environ 800 millions d’euros destinés aux ERE sur une dizaine d’années à, entre autres, des mises à la retraite anticipée frauduleuses ou aux versements d’argent à des entreprises qui n’entraient pas dans les catégories prévues. Cela dans une communauté autonome, l’Andalousie, où le PSOE est à la tête de l’exécutif depuis 1982. (Réd. A L’Encontre)
[2] Le gouvernement PSOE strict, présenté par Sanchez le 7 juin, est le suivant. Il est constitué en grande majorité par des femmes. Elles sont 11 au total à disposer d’un portefeuille ministériel. Parmi elles, Carmen Calvo, ministre des Relations avec le Parlement et de l’Egalité, sera la seule vice-présidente du gouvernement. A l’Economie, on retrouve Nadia Calviño, jusqu’alors directrice générale du budget de la Commission européenne, preuve de l’engagement européen de ce nouveau gouvernement espagnol. Pedro Sanchez s’est entouré de son noyau dur, les fidèles parmi les fidèles qui n’avaient pas œuvré contre lui comme certains membres du Parti socialiste. Parmi les six hommes qui ont obtenu un ministère, on remarque le retour de Josep Borrell, un ancien du Parti socialiste et ancien président du Parlement européen (2004-2007) hérite du ministère des Affaires étrangères. La Catalane Meritxell Batet a été choisie pour occuper le poste de ministre des Politiques territoriales et de la Fonction publique. Un poste clé puisqu’elle aura la lourde tâche de relancer le dialogue avec les autorités catalanes qui attendent beaucoup de ce gouvernement. (Source AFP et EFE)
Le gouvernement de Pedro Sanchez
[3] Le 20 mai, Albert Rivera a présenté, devant une salle comble à Madrid, une plate-forme qui vise à rassembler au-delà de Ciudadanos en vue des prochaines échéances électorales. Il appelle tous les citoyens à «de nouveau être fier d’être espagnols» et de contribuer «à récupérer le prestige perdu par notre pays». L’ancien premier-ministre du gouvernement Hollande, Manuel Valls, qui cherche à se recycler en tant que possible candidat à la mairie de Barcelone est intervenu par vidéoconférence au meeting. Le 18 mars, il était présent physiquement à Barcelone pour un meeting en plein «constitutionnaliste» dont le contenu ne diffère pas les positions d’Albert Rivera. Lors de ce meeting, la chanteuse Marta Sánchez était présente; une chanteuse connue qui se fait entendre dernièrement en gratifiant l’hymne espagnol, exclusivement instrumental, de paroles qui se passent de tout autre commentaire que de celui de la mièvrerie nationaliste propre au genre. Rivera, qui par cette opération souhaite capitaliser sur la chute du PP et le regain de nationalisme en raison de la «crise catalane», a notamment déclaré lors de ce meeting que, «parcourant l’Espagne, je ne vois pas des rouges ni des bleus [couleurs du PSOE et du PP, mais il y a aussi une autre connotation], je vois des Espagnols; je ne vois pas des jeunes ni des vieux, je vois des Espagnols; je ne vois pas des croyants ou des agnostiques, je vois des Espagnols. Nous allons nous unir pour retrouver l’orgueil d’appartenir à cette grande nation.» La page de la plate-forme donne une idée de la tonalité et de l’imagerie de cette inquiétante opération nationaliste: www.espana-ciudadana.es . Pour la gauche, il n’est que plus temps d’engager une réflexion sur le «bilan», et surtout sur les effets, d’approches stratégiques visant à la «création discursive d’un peuple» dont Pablo Iglesias (qui, autour de la présentation, il y a plus d’une année, de sa motion de défiance prononçait des discours où les termes «patries» et «Espagne» étaient prononcés plusieurs dizaines de fois) ou Jean-Luc Mélenchon, chacun à sa manière, sont les tenants les plus connus. (Réd. A L’Encontre)
[4] La première étant celle du rétablissement de la dynastie après l’intermède d’Amédée de Savoie et après la Ire République, à partir de 1874. Les dernières décennies du XIXe siècle et les deux premières du XXe siècle ont vu ainsi la mise en place d’un système politique bipartisan, le parti conservateur et le parti libéral, alternant au gouvernement (turno); ces deux partis reposant chacun sur des réseaux de notables, ou plus exactement de caciques locaux. (Réd A l’Encontre)