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Nicaragua: D’où vient le régime de Daniel Ortega et de Rosario Murillo

Nicaragua

Lien publiée le 22 juillet 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.cadtm.org/Nicaragua-D-ou-vient-le-regime-de-Daniel-Ortega-et-de-Rosario-Murillo

La répression exercée par le régime à l’encontre de ceux et celles qui protestent dans la rue contre ses politiques néolibérales brutales constitue une des raisons qui amènent différents mouvements sociaux à la condamnation du régime du président Daniel Ortega et de la vice-présidente Rosario Murillo.

La gauche a de multiples raisons supplémentaires de dénoncer ce régime et la politique qu’il mène. Pour comprendre cela, il est nécessaire de résumer ce qui s’est passé depuis 1979.

Une authentique révolution en 1979
Le 19 juillet 1979, une authentique révolution populaire a triomphé au Nicaragua et a mis fin au régime de la dynastie dictatoriale des Somoza. Le Front sandiniste de libération nationale (FSLN) a joué un rôle fondamental dans la victoire grâce à son rôle dans la lutte armée, à ses initiatives politiques et à sa capacité à représenter les aspirations du peuple. Néanmoins, le FSLN n’aurait jamais pu vaincre la dictature sans la mobilisation extraordinaire d’une majorité du peuple nicaraguayen. Sans le courage et l’abnégation de ce peuple, la dictature somoziste, soutenue depuis des décennies par Washington, n’aurait pu être durablement vaincue. Le soutien de Cuba a également joué un rôle positif.

Dans les années qui ont suivi la victoire, une partie importante des couches populaires a vu ses conditions de vie s’améliorer pour ce qui concerne la santé, de l’éducation, du logement, du droit d’expression et d’organisation, des droits des travailleurs et des travailleuses des villes et des campagnes. Les banques ont été nationalisées ainsi qu’une série d’entreprises industrielles et de l’agrobusiness. Cela a provoqué un grand enthousiasme, tant à l’intérieur du pays qu’au niveau de la solidarité internationale qui a été réellement importante. Des dizaines de milliers d’activistes des quatre coins de la planète (principalement d’Amérique latine, d’Amérique du Nord et d’Europe) se sont rendus au Nicaragua pour y apporter de l’aide, pour participer à des brigades de travail volontaire, pour contribuer à l’amélioration de la santé, de l’éducation et du logement, pour empêcher l’isolement de la révolution.

Au début des années 1980, le grand capital nicaraguayen, de grandes sociétés privées transnationales présentes en Amérique centrale (dans l’agrobusiness, dans l’extraction minière, etc.), l’impérialisme étatsunien et ses vassaux (comme le régime du « socialiste » Carlos Andrès Perez au Venezuela ou les dictatures comme celle du Honduras) se sont coalisés pour tenter de mettre fin à cette extraordinaire expérience de libération sociale et de récupération de la dignité nationale. Il s’agissait aussi d’empêcher une extension de la révolution qui était réellement à la portée de la main dans la décennie 1990. En effet, la révolte sociale grondait dans la région, en particulier au Salvador et au Guatemala où des forces révolutionnaires proches des sandinistes luttaient depuis des décennies. Et Cuba n’hésitait pas à défier Washington et les classes dominantes d’Amérique centrale en apportant son soutien à la révolution centraméricaine.


La contra
Les ennemis intérieurs et extérieurs ont mis en place la contra, une armée contre-révolutionnaire qui visait à renverser le régime sandiniste. Celle-ci a acquis une puissance de feu telle qu’elle a pu porter des coups très durs à la révolution et faire durer le conflit jusqu’en 1989. Washington l’a financée, l’a entraînée, a envoyé des conseillers et l’a présentée internationalement comme une armée de libération. De plus, l’armée américaine a miné des ports, ce qui a été condamné en 1986 par la Cour internationale de Justice de La Haye [1]. Pour toute réponse, le gouvernement des États-Unis a annoncé qu’il ne reconnaissait plus la compétence de cette cour de justice.

Malgré les réussites sociales et démocratiques, la politique suivie par la direction sandiniste a montré rapidement de graves limites. La réforme agraire, tant attendue par une grande partie de la population rurale, a été menée de manière tout à fait insuffisante : le gouvernement a trop tardé à distribuer massivement des terres et des titres de propriété en faveur des petits paysans. La contra a trouvé une base sociale parmi une partie importante de la paysannerie déçue par la réticence des dirigeants sandinistes à organiser la redistribution des terres. Une majorité du peuple dans les zones urbaines participait à la révolution tandis qu’à la campagne, la situation était beaucoup plus contrastée. Les partisans enthousiastes de la révolution en cours y étaient moins nombreux.


« Direction : Ordonne » 
Bien sûr, les principaux responsables de la situation difficile dans laquelle se trouvait la société nicaraguayenne étaient l’impérialisme nord-américain et les classes dominantes locales voulant protéger leurs privilèges et continuer à exploiter le peuple. Mais l’orientation de la direction sandiniste a également joué un rôle dans l’échec de l’extension, la consolidation et l’approfondissement de la révolution. Parmi les responsabilités de cette direction, il y avait sa tendance autoritaire, exprimée par le slogan qu’elle avait lancé, « Direction : Ordonne ». Cela voulait dire que les masses devaient attendre de la direction sandiniste des consignes à appliquer. Cela réduisait la dynamique d’auto-organisation du peuple.

La manière adoptée pour conduire la guerre a également produit des effets inquiétants. La gauche du FSLN (notamment via la revue Nicaragua Desde Adentro) a reproché à Humberto Ortega, général en chef de l’armée, frère de Daniel Ortega, d’avoir développé une armée « classique » sur le plan de l’armement en la dotant de tanks lourds, ce qui était coûteux et n’était pas approprié dans la lutte contre la contra qui utilisait des méthodes de guérilla [2]. La conscription obligatoire de la jeunesse afin de renforcer l’armée a également été mal perçue par une partie importante de la population.


Un plan d’ajustement structurel sous le gouvernement sandiniste
De plus, à partir de 1988, la direction sandiniste a commencé à appliquer un plan d’ajustement structurel qui a dégradé les conditions de vie de la majorité la plus pauvre de la population et n’a pas affecté les riches [3]. Ce plan d’ajustement structurel était assez proche de ceux dictés par le FMI et la Banque mondiale même si ces deux institutions, sous l’influence de Washington, avaient suspendu leur assistance aux autorités sandinistes [4]. Cette politique d’ajustement a été critiquée par un courant au sein du FSLN car elle faisait porter l’effort de l’ajustement sur les secteurs populaires.

Je me souviens très bien de la réponse que nous a donnée en public Omar Cabezas [5], commandant guérillero, membre de l’assemblée sandiniste, quand on lui a demandé en 1989 comment il était possible que le gouvernement sandiniste applique un plan d’ajustement structurel ressemblant à ceux du FMI. Il a répondu en substance qu’un plan d’ajustement structurel, c’est comme une kalachnikov ou un fusil FAL, cela dépend de qui s’en sert. Si ce sont des révolutionnaires qui s’en servent, c’est bon. Evidemment c’est impossible de se satisfaire d’une telle réponse.


Maintien du modèle extractiviste exportateur avec bas salaires
En réalité, la direction sandiniste a fait beaucoup de concessions au patronat, surtout au niveau des salaires qui restaient très bas. L’argument utilisé pour justifier cette politique était que le Nicaragua devait exporter au maximum sur le marché mondial, et pour rester compétitif, devait comprimer les salaires. Peu de mesures ont été prises pour sortir progressivement du modèle extractiviste exportateur à bas coûts. Pour rompre avec ce modèle strictement dépendant de la compétitivité sur le marché mondial, il fallait aller à l’encontre des intérêts des capitalistes qui dominaient encore le secteur extractiviste exportateur. Il aurait fallu bien plus renforcer les petits et moyens producteurs approvisionnant le marché intérieur.

En 1989, le gouvernement FSLN est arrivé à un accord avec la contra afin de mettre fin aux hostilités, ce qui était bien sûr une bonne chose. Cela a été présenté comme une victoire de la stratégie suivie. C’était en fait une victoire à la Pyrrhus. Sûre de les gagner, la direction sandiniste a convoqué des élections générales pour avril 1990. Le résultat de celles-ci a frappé de stupeur et de panique la direction sandiniste : la droite a été victorieuse car elle annonçait au peuple que si le FSLN remportait les élections, les hostilités armées reprendraient. La majorité du peuple qui voulait éviter la reprise du bain de sang [6]a voté sans aucun enthousiasme pour la droite. Elle espérait la fin définitive de la guerre. Certains secteurs populaires étaient également déçus par les politiques menées par le gouvernement FSLN dans les zones rurales (insuffisance de la réforme agraire) et dans les zones urbaines (effets négatifs de l’austérité imposée par le plan d’ajustement structurel démarré en 1988) même si les organisations sandinistes bénéficiaient encore d’une grande sympathie dans une partie importante de la jeunesse, de la classe ouvrière et des fonctionnaires publics et dans une partie significative des travailleurs ruraux.

La direction sandiniste, qui s’attendait à obtenir 70 % des voix au cours des élections d’avril 1990, était stupéfaite car elle ne s’était pas rendu compte de l’état d’esprit dans lequel se trouvait une partie importante du peuple. Cela montre la distance qui s’était créée entre la direction qui avait pris l’habitude de lancer des consignes et la majorité du peuple.

L’orientation de la direction sandiniste était principalement déterminée par Daniel Ortega et son frère Humberto.


La piñata
Après la victoire de la droite, une partie importante des biens immobiliers qui avaient été expropriés aux somozistes après la victoire de 1979 a été répartie entre les principaux dirigeants sandinistes qui se sont en conséquence fortement enrichis. Une partie des dirigeants a participé à ce processus, connu au Nicaragua comme la piñata. Ceux des dirigeants sandinistes qui ont organisé la piñata l’ont justifié par la nécessité de sécuriser un patrimoine en faveur du FSLN face à un nouveau gouvernement qui risquait de confisquer les biens du parti.

Selon eux, il valait mieux les attribuer sous la forme de la propriété privée à des personnes de confiance comme eux. En pratique, une partie importante des dirigeants s’est transformée en nouveaux riches et leur mentalité a changé.


L’armée sandiniste après la défaite électorale d’avril 1990
La direction sandiniste, sous le leadership de Daniel et d’Humberto Ortega, a négocié avec le nouveau gouvernement de Violetta Chamorro la transition. Humberto est resté le général en chef de l’armée qui a été fortement réduite. Une partie du secteur le plus à gauche de l’armée a été écartée, notamment sous le prétexte qu’elle avait fourni des missiles au Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) qui tentait encore à cette époque de provoquer une insurrection générale au Salvador. Les autorités soviétiques, dans le cadre du rapprochement entre les présidents M. Gorbatchev [7] et G. Bush [8], avaient dénoncé le fait que des missiles SAM 7 et SAM 14 livrés par l’URSS [9] aux sandinistes étaient passé aux mains du FMLN et avaient servi à abattre des hélicoptères de l’armée US opérant au Salvador [10]. Quatre officiers sandinistes ont été emprisonnés sur ordre d’Humberto Ortega avec la justification suivante : « Ce petit groupe d’officiers, aveuglés par leur passion politique et guidés par des arguments extrémistes, portèrent atteinte à l’honneur militaire et à la loyauté de l’Institution et du Commandement militaires, ce qui équivaut à porter atteinte aux intérêts sacrés, patriotiques et révolutionnaires du Nicaragua » [11]. 
Cela avait provoqué des critiques très fortes de la part du Front national des travailleurs (qui regroupaient les organisations syndicales sandinistes), de la part de la Jeunesse sandiniste ainsi que d’une série de militants du FSLN. De plus, un secteur de la gauche du FSLN a reproché à Humberto Ortega d’avoir choisi de rester chef de l’armée sous la présidence de la droite au lieu de participer à l’opposition politique au nouveau régime en laissant la direction de l’armée à son second, lui aussi membre du FSLN.


Le FSLN et le gouvernement de Violetta Chamorro
Quelques mois après le début du mandat de la présidente Violetta Chamorro, un mouvement massif de protestation s’est étendu à tout le pays en juillet 1990. Managua et d’autres villes se sont couvertes de barricades sandinistes et les syndicats ont décrété une grève générale. Cela a abouti à un compromis avec le gouvernement de Violetta Chamorro qui a reculé sur certaines mesures, mais l’arrêt du mouvement décrété par la direction du FSLN a provoqué un mécontentement certain du côté de la base sandiniste. Par la suite, la direction du Front a progressivement concédé des concessions à Chamorro en acceptant le démantèlement du secteur bancaire public, la réduction du secteur public dans l’agriculture et l’industrie, l’abandon du monopole de l’État sur le commerce extérieur. Chamorro a aussi organisé l’épuration de la police et y a fait rentrer d’ex-contras. C’est cette police qui est en première ligne dans la répression de la protestation sociale en 2018, aux côtés de milices paramilitaires dont on reparlera plus loin. Chamorro ne s’est pas attaquée directement à l’armée dans le cadre du pacte de coexistence avec la direction du FSLN. Les sandinistes, dans l’opposition, se sont engagés à collaborer au désarmement de la population.

Les six premiers mois de 1991 se traduisent par une radicalisation de la direction du FSLN en partie sous la pression des dirigeants des organisations sociales sandinistes et de l’auto-activité des masses qui veulent défendre autant que faire se peut les conquêtes de la révolution. On ne peut qu’être admiratif devant le niveau d’auto-activité des masses populaires qui veulent résister et adoptent des formes variées de luttes : occupations de terres, occupations d’entreprises, relance de la production sous contrôle des travailleurs, luttes générales (grèves, marches, barricades) mettant en action différents secteurs. La jeunesse joue un rôle très dynamique.

Agissant dans un sens contraire, une partie des dirigeants sandinistes (pas les membres de la direction nationale mais surtout des anciens ministres sandinistes comme Alejandro Martinez-Cuenca) parlent ouvertement de la nécessité d’un « co-gobierno », une sorte d’appui externe conditionnel au gouvernement de Violetta Chamorro, et soutiennent la politique dictée par le Fonds monétaire international car elle est en partie le prolongement de la politique adoptée par le gouvernement sandiniste à partir de 1988 [12].


Le premier congrès du FSLN de juillet 1991
A l’occasion du premier congrès du FSLN qui a lieu en juillet 1991, on constate que celui-ci fait preuve malgré tout d’une grande vitalité et la direction présente un document où elle fait une autocritique à propos des insuffisances de la politique agraire dans les années 1980 et de la verticalité dans le fonctionnement [13]. Signe de cette radicalisation : pour protester contre les réformes néolibérales et l’offensive de la droite, le groupe parlementaire sandiniste quitte le parlement pour une durée illimitée.

Un tournant à droite va ensuite s’opérer sous la conduite de Daniel Ortega en préparation des élections de 1996.


Tournant à droite de Daniel Ortega en 1996
Au cours de la campagne électorale de 1996, Daniel Ortega ne ménage pas ses efforts pour tendre la main en direction de la grande bourgeoisie, pour indiquer une conversion en faveur des bienfaits de l’économie de marché, pour modérer son discours à l’égard de Washington. Le candidat de la droite Arnoldo Alemán remporte les élections avec 51 % des voix tandis que Daniel Ortega recueille 38 % des suffrages. Sergio Ramirez, ex-membre de la direction nationale qui a rompu avec le FSLN pour lancer le Mouvement de rénovation sandiniste, ne recueille que 0,44 % des voix.

Selon Monica Baltodano, ex-militante du FSLN : « L’affrontement au sein du Front sandiniste entre 1993-1995 [qui a abouti notamment à la création du Mouvement de rénovation sandiniste, ET] a persuadé Ortega et sa garde rapprochée de l’importance de contrôler l’appareil partidaire. Et ça s’est concrétisé plus précisément lors du congrès du Front en 1998, où ont commencé à se diluer totalement ce qu’étaient les restes de la Direction nationale, de l’Assemblée sandiniste et du Congrès du Front : ils furent remplacés par une assemblée à laquelle participaient principalement les dirigeants des organisations populaires fidèles à Ortega. Peu à peu, même cette assemblée a cessé de se réunir. À ce moment, une rupture importante eut lieu. Il était alors évident que Ortega s’éloignait toujours plus des positions de la gauche et centrait sa stratégie sur l’élargissement de son pouvoir. Il mettait l’accent sur le pouvoir pour le pouvoir.

Dès lors, pour accroître son pouvoir, il a commencé des processus successifs d’alliances. La première avec le président Arnoldo Alemán produisit les réformes constitutionnelles de 1999-2000. La proposition centrale de l’alliance avec Alemán consista à réduire à 35 % le pourcentage nécessaire pour gagner les élections, répartir entre les deux partis les postes de toutes les institutions de l’État et garantir la sécurité des propriétés et des entreprises personnelles des dirigeants du FSLN. En échange, Ortega a garanti à Alemán la « gouvernabilité » : les grèves et les luttes revendicatives prirent fin. Le Front sandiniste cessa de s’opposer aux politiques néolibérales. Les organisations dont les principaux dirigeants sont devenus députés dans les années suivantes ou se sont intégrés aux structures du cercle de pouvoir de Ortega cessèrent de résister et de lutter. » [14]

En résumé, à la fin du mandat d’Arnoldo Alemán, celui-ci fit un pacte avec Daniel Ortega afin de faire entrer dans les institutions plus de représentants qui leur seraient fidèles par la suite. En conséquence, ils élargissent leur présence dans des institutions comme le conseil électoral, la cour des comptes et la cour suprême.

Daniel Ortega perd les élections présidentielles de 2001 avec 42 % des suffrages face à Enrique Bolaños, ex-vice-président de Arnoldo Alemán, qui obtient 56 % des voix.


Daniel Ortega fait un pacte avec Arnoldo Alemán un des principaux leader de la droite
Le pacte Alemán – Ortega a été activé lorsque Enrique Bolaños, devenu président, décide de s’en prendre à son ex-coéquipier Alemán en soutenant son inculpation pour corruption et sa condamnation à 20 ans de prison. En 2003, Daniel Ortega fera intervenir les hommes qu’il a placé dans l’appareil judiciaire afin qu’Alemán bénéficie d’un régime de faveur et puisse purger sa peine à son domicile.

Plus tard en 2009, deux ans après avoir été élu président du Nicaragua, Daniel Ortega soutiendra la décision de la cour suprême de casser la condamnation d’Alemán, qui retrouvera une liberté complète de mouvement. Quelques jours plus tard, en échange, le groupe parlementaire du Parti libéral conduit par Alemán apporta ses voix à l’élection d’un sandiniste à la tête de l’Assemblée nationale.


En 2005, Daniel Ortega se rapproche du cardinal ultra-conservateur Miguel Obando y Bravo : conversion au catholicisme et mariage à l’église
Daniel Ortega avait en 2007 gagné les élections présidentielles en donnant des gages à une série d’ennemis du sandinisme. Daniel Ortega avait réussi à obtenir les faveurs du Cardinal Miguel Obando y Bravo, qui l’avait combattu très durement comme il combattait très durement la révolution sandiniste tout au long des années 1980 et 1990, au point de soutenir quasi ouvertement la contra. Pour obtenir une amélioration des relations avec le Cardinal réactionnaire, Daniel Ortega a présenté des excuses pour le traitement subi par l’Église au cours du processus révolutionnaire. Il s’est converti au catholicisme et a demandé à Miguel Obando y Bravo de prononcer son mariage avec sa compagne Rosario Murillo en septembre 2005 [15].

En 2006, Daniel Ortega en faveur de l’interdiction totale de l’avortement
En 2006, quelques mois avant les élections, le groupe parlementaire du FSLN, sous la conduite de Daniel Ortega, a apporté son soutien à l’adoption d’une loi ultra-réactionnaire interdisant totalement l’avortement, y compris en cas de danger pour la santé ou pour la vie de la femme enceinte, ou en cas de grossesse suite à un viol. Cette législation est appliquée avec l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal, en juillet 2008, sous la présidence de Daniel Ortega. Avant cela, l’avortement « thérapeutique » (en cas de danger pour la santé de la femme enceinte ou en cas de grossesse suite à un viol) était autorisé dans le pays depuis 1837 [16].


 

La deuxième partie portera sur la période ouverte par l’élection de Daniel Ortega comme président du Nicaragua en octobre 2006.

L’auteur a réalisé une douzaine de séjours au Nicaragua et dans le reste de l’Amérique centrale entre 1984 et 1992. Il a participé à l’organisation de brigades de travail volontaire de syndicalistes et d’autres militants de la solidarité internationale qui partaient de Belgique et se rendaient au Nicaragua dans les années 1985-1989. Il était un des animateurs des FGTBistes pour le Nicaragua. Il a eu des rencontres avec différents membres de la direction sandiniste : Tomas Borge, Henry Ruiz, Luis Carrion, Victor Tirado Lopez au cours de la période 1984 – 1992. Il a été en contact étroit avec l’ATC, l’organisation sandiniste des travailleurs agricoles. Il a été invité au 1er congrès du FSLN en juillet 1991 et au 3eForum de Sao Paulo tenu à Managua en juillet 1993. A l’International Institute for Research and Education d’Amsterdam, il a donné des formations dans les années 1980 sur la stratégie révolutionnaire du FSLN avant la prise du pouvoir et sur la période post – 1979. 
L’auteur remercie Nathan Legrand pour la relecture et pour l’aide à la recherche des documents. Il remercie Claude Quémar et Brigitte Ponet pour la relecture et Joaldo Dominguez pour la mise en ligne.

Notes

[1] Monique Chemillier-Gendreau, « Comment la Cour de La Haye a condamné les États-Unis pour leurs actions en Amérique centrale », Le Monde diplomatique, août 1986 : https://www.monde-diplomatique.fr/1986/08/CHEMILLIER_GENDREAU/39416

[2] Voir Inprecor numéro 328, avril 1991

[3] Voir la revue nicaraguayenne Envio, août 1988 dont des extraits ont été publiés par la revue Inprecor, n°273 octobre 1988 sous le titre « Nicaragua : Traitement de choc »

[4] Voir Éric Toussaint, Banque mondiale, le coup d’Etat permanent, chapitre 5, p. 68-69.

[5] Pour des infos sur Omar Cabezas : https://es.wikipedia.org/wiki/Omar_Cabezas

[6] La comparaison suivante permet de donner une idée des pertes en vies humaines durant la lutte contre la contra : si on extrapolait ces pertes proportionnellement à la population des États-Unis, cela représenterait 2 millions de morts.

[7] Mikhaïl Gorbatchev, né en 1931, a dirigé l’URSS entre 1985 et 1991.

[8] George Bush, né en 1924, a été le 41e président des États-Unis pour un unique mandat de janvier 1989 à janvier 1993. Il est le père de George W. Bush, né en 1946, qui a été le 43e président des États-Unis, en fonction de janvier 2001 à janvier 2009.

[9] En 1990 l’URSS existait encore, elle était dirigée par Mikhaïl Gorbatchev. Elle a traversé un processus de dislocation entre mars 1990 et décembre 1991, donnant naissance à la fédération de Russie, à la Lituanie, à la Lettonie, à l’Estonie, à l’Ukraine, à la Biélorussie, à la Moldavie, au Kazakhstan, au Kirghizistan, à l’Ouzbékistan, au Tadjikistan, au Turkménistan, à l’Azerbaïdjan, à l’Arménie, et à la Géorgie.

[10] Voir Éric Toussaint, « Le dilemme de l’armée sandiniste », Inprecor n° 328, 12 avril 1991.

[11] Cité dans Éric Toussaint, « Le dilemme de l’armée sandiniste », Inprecor n° 328, 12 avril 1991

[12] Voir Éric Toussaint, « Front ou parti : que choisir ? », Inprecor n° 329, 26 avril 1991.

[13] Voir Éric Toussaint, « Renouvellement du Front sandiniste », Inprecor n° 337, 27 septembre 1991.

[14] Monica Baltodano, « Qu’est-ce que ce régime ? Quelles ont été les mutations le FSLN pour arriver à ce qu’il est aujourd’hui ? », Inprecor n° 651/652, mai-juin 2018 (ou ici : http://www.inprecor.fr/article-Nicaragua-Qu’est-ce%20que%20ce%20régime%C2%A0%20%20Quelles%20ont%20été%20les%20mutations%20le%20FSLN%20pour%20arriver%20à%20ce%20qu’il%20est%20aujourd’hui%20%20?id=2144)

[15] Voir l’intéressante notice nécrologique publiée le 4 juin 2018 par un portail officiel de l’église catholique : Centre catholique des médias Cath-Info, « Nicaragua : décès du cardinal Miguel Obando Bravo à l’âge de 92 ans » https://www.cath.ch/newsf/nicaragua-deces-du-cardinal-miguel-obando-bravo-a-lage-de-92-ans/

[16] Voir Amnesty International, Interdiction totale de l’avortement au Nicaragua. La santé et la vie des femmes en danger, les professionnels de la santé passibles de sanctions pénales, 2009 : https://www.amnesty.be/IMG/pdf/AMR_43_001_2009_WEB.pdf Sur le continent américain, à part le Nicaragua, quatre pays interdisent totalement l’avortement le Salvador, le Surinam, Haïti et la République dominicaine. Trois pays autorisent sans restriction l’avortement : Cuba, l’Uruguay et le Guayana. Source : https://www.courrierinternational.com/article/societe-seuls-trois-pays-autorisent-lavortement-sans-condition-en-amerique-latine