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Lundi matin contre la start-up nation

Lien publiée le 3 août 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.zones-subversives.com/2018/07/lundi-matin-contre-la-start-up-nation.html

Lundi matin contre la start-up nation

Face à la vulgarité d'un gouvernement de managers, de nouvelles luttes sociales peuvent éclater pour réinventer l'imaginaire de la contestation. 

L’ère Macron incarne l’insignifiance du management comme forme de vie idéale. Il semble important de jeter un regard critique sur notre époque, au-delà du flux de l’actualité. Le journal en ligne lundi matin propose des articles de fond sur des sujets très diversifiés. La revue papier compile des textes critiques.

La réflexion se mêle aussi à l’action puisque lundi matin prétend impulser des dynamiques politiques, comme la génération ingouvernable par exemple. La revue papier n°1 compile divers articles sur la période « Septembre 2016 / Juillet 2017 ».

                      

Imaginaires révolutionnaires

« Nocturama : la lutte armée OKLM » présente le film de Bertrand Bonello. Il montre une bande de jeunes bourgeois qui décident de commettre des attentats. Même si les raisons politiques de ce passage à l’acte ne sont pas évoquées, le film s’apparente à un cri. Il dresse le constat d’une civilisation en décomposition. « Les attentats de Nocturama prouvent par leur seule advenue que, au moins pour ceux qui les fomentent, ce monde est devenu insupportable. Sinon, ils ne poseraient pas de bombe », observe la revue. Le film laisse alors au spectateur imaginer pourquoi ce monde leur est insupportable. Ce n’est pas un film de propagande qui porte un discours politique. Il laisse au contraire le public faire cheminer sa propre réflexion.

« Faire des gâteaux avec Nathalie Quintane » propose un entretien sur la littérature. L’écrivain évoque son livre sur les classes moyennes. Elle-même confie sortir tardivement du conformisme de la petite bourgeoisie intellectuelle. Elle évoque également son style littéraire direct qui jette un regard critique sur la société. Elle refuse pourtant les romans de gauche englués dans les bons sentiments. « Mais la littérature n’est pas un charity business, et celles et ceux qui pensent qu’écrire pour les pauvres, c’est écrire un peu comme ils parlent en parlant à leur place à l’adresse de ceux qui leur donnent l’aumône, ne leur sont pas spécialement secourables, me semble t-il », souligne Nathalie Quintane.

Elle ironise également sur le bénévolat humanitaire qui permet surtout aux classes moyennes de se donner bonne conscience en apportant des gâteux aux migrants. Nathalie Quintane se moque également de la posture larmoyante qui se garde bien de passer à l’action. La sociologie critique comme les romans d’Annie Ernaux se contentent de dresser un constat sans évoquer la moindre sortie ou perspective de lutte. Nathalie Quintane s’appuie également sur l’humour pour prendre du recul avec une ironie critique.

Une discussion avec Myrtille Gonzalbo revient sur les origines du communisme libertaire en Espagne. Après l’écrasement de la Commune de Paris, en 1871, l’espoir révolutionnaire perdure. Les débats deviennent intenses au sein del’Association internationale des travailleurs (AIT). « Ils approuvent toujours la socialisation des moyens de production à opérer dès le premier jour de la révolution, mais divergent sur les conditions de la redistribution des biens produits », décrit Myrtille Gonzalbo. Les collectivistes veulent redistribuer selon le travail de chacun. Ils veulent maintenir une comptabilité pour maintenir la valeur des biens et du travail, au risque de retomber dans des rapports sociaux capitalistes. Au contraire, les communistes libertaires proposent une mise en commun totale et égalitaire de toute la production. Ils veulent supprimer le salariat, la valeur d’échange et la propriété privée sous toutes leurs formes. « A chacun selon ses besoins » devient leur mot d’ordre.

Des débats resurgissent au sein de la Confédération nationale du travail (CNT) dans les années 1930. Des insurrections urbaines éclatent à Barcelone. Des chômeurs prennent la rue. Les anarcho-syndicalistes rejettent ces luttes. Ils estiment même que les chômeurs sont « indignes des travailleurs ». Ils défendent une morale du travail. « Ealham conclut que la conception anarcho-syndicaliste de la dignité prolétaire était devenue une version radicale de la conception bourgeoise du "bon ouvrier" qui vit exclusivement de son travail », souligne Myrtille Gonzalbo. Ces divergences et débats stratégiques qui traversent la CNT peuvent expliquer l’échec de la révolution de 1936.

 De gauche à droite : Samir, Tarek, Abdennour, Pierre Didier et Mognis

Nouvelles luttes sociales

« Nos quartiers ne sont pas des déserts politiques » propose un entretien avec Samir du Mouvement de l’immigration et des banlieues (MIB). C’est la mort d’Abdelkader Bouziane, tué par la brigade anti criminalité en 1997, qui lui permet de se politiser. Des émeutes éclatent. Il rencontre des personnes du MIB qui insistent sur l’organisation des habitants au-delà de l’émeute. « Ils nous parlaient de l’autonomie et de l’auto-organisation : les meilleurs moyens selon eux de parvenir à rétablir la vérité sur des crimes policiers sans laisser "les Arabes et les Noirs de service" (qui étaient à l’époque SOS Racisme) faire leur sale travail », décrit Samir. Le MIB dénonce la récupération et incite les habitants à se saisir eux-mêmes de leurs problèmes comme le racisme, les violences policières et la rénovation urbaine. « Nos quartiers ne sont pas des déserts politiques, il y a toujours eu des luttes et des mouvements autonomes, mais toujours étouffés par les supplétifs du Parti socialiste et de la droite », observe Samir.

Il évoque les problèmes actuels qui traversent les quartiers populaires. La police s’apparente à une milice violente qui peut agir en toute impunité. Ensuite, la misère et les problèmes sociaux restent centraux. « Ce qui est aussi très clair aujourd’hui, c’est que, au-delà des Arabes et des Noirs qui subissent le racisme, c’est toute une population qui ici subit la précarité », analyse Samir. Il soutient également la famille d’Adama Traoré. Cette lutte repose sur l’autonomie et l’auto-organisation. La famille a décidé de s’appuyer sur ses amis, ses proches et sur la population de Beaumont. « C’est ce qui fait leur force aujourd’hui car personne ne leur dit ce qu’ils doivent faire, mais ils décident ensemble de la manière dont ils veulent organiser leur lutte », précise Samir. Ils sont a parvenu à construire un rapport de force face à la mairie, la préfecture et le ministère de l’Intérieur.

  

« Le CLAP : les livreurs à vélos parisiens contre-attaquent » revient sur les nouvelles formes de travail et de lutte. Le président Macron, à la tête de la start-up Nation, valorise l’ubérisation et le statut d’auto-entrepreneur. Mais des livreurs à vélo décident de s’organiser pour défendre leurs conditions matérielles. « Avec deux, trois potes, on allait souvent se plaindre de la baisse des tarifs au QG de Deliveroo. Mais ils nous envoyaient chier en se disant que de toute façon, si on n’était pas contents, de nouvelles têtes nous remplaceraient », raconte un étudiant de 20 ans qui vit à une heure de Paris.

Le CLAP permet de s’organiser dans un collectif. Ce mouvement s’appuie sur la contestation et les manifestations du Front social pour devenir visible. Il semble pourtant difficile de s’organiser collectivement dans une profession aussi éclatée et dématérialisée. Mais de nouvelles formes de lutte émergent. A Marseille, les grévistes arrêtent de prendre les courses et bloquent les restaurants pour empêcher les autres livreurs de prendre les commandes. Les actions de rue relayées sur les réseaux sociaux permettent d’arracher des victoires, comme à Turin ou à Londres.

   ⇒Plateformes et luttes de classe Par Hadrien (Octobre 2017)

Renouveler la contestation

La revue papier de Lundi matin comprend différents articles sur des sujets très différents. Ce numéro 1 montre bien les forces et les limites de cette revue en ligne. Lundi matin, malgré une ligne politique cohérente, embrasse différents sujets. Les entretiens avec des acteurs des luttes sociales se révèlent très intéressants. Ils permettent d’évoquer un mouvement de révolte. Ils analysent la situation actuelle mais proposent aussi des pistes pour la modifier. Ces entretiens permettent de casser la figure de l’expert pour proposer un point de vue de la part des personnes qui vivent directement la misère et l’exploitation. Ils rappellent que les luttes sociales sont aussi des espaces de réflexion et de débats.

Lundi matin est une des rares revues gauchistes a accorder une place à l’imaginaire. Elle sort de l’économisme et du structuralisme pour évoquer le cinéma ou la littérature. Surtout, elle montre la dimension politique de la créativité et de ces formes d’expression artistique. Ce regard critique sur la culture permet de sortir de l’élitisme surplombant. Il permet également de puiser dans l’imaginaire collectif des outils pour contester l’ordre existant. Lundi matin estime que la révolte n’est pas pure rationalité, mais aussi une question d’affects, de désirs et même d’humour.

En revanche, d’autres aspects de lundi matin se révèlent agaçants. Le triomphalisme permanent devient une marque de fabrique depuis que le trotskisme s’enferme dans le ronronnement militant. Les articles sur la démission imminente de Macron, ou de l'élection qui n'aura pas lieu, peuvent faire sourire avec le recul. Mais d’autres aspects se révèlent plus problématiques.

Le rôle accordé aux intellectuels reproduit la séparation entre la théorie et la pratique. D’autant plus que leurs articles sont franchement mauvais. Les signatures de Sénat, Lordon ou Fradin permettent d’obtenir une petite reconnaissance dans la petite bourgeoisie intellectuelle parisienne. Mais ces articles n’apportent rien à la réflexion critique. L’analyse du capitalisme par Lordon ou Fradin pourrait même relever du gag. Aucune analyse de classe ne transparaît. L’exploitation n’est jamais évoquée. Les catégories du capital comme le travail, la valeur ou la marchandise ne sont jamais critiquées. Ces économistes de pacotille tendent vers un capitalisme régulé ou autogéré. C’est même difficile de savoir quelle perspective ils ouvrent en dehors de pleurnicheries vaguement altermondialistes.

L’analyse de classe reste absente de la majorité des articles. Certes, les luttes sociales ne sont pas gommées. Mais les rapports sociaux d’exploitation ne sont pas mis en avant. Pire, les perspectives de changement social ne font pas rêver. Elles évoquent moins l’auto-émancipation du prolétariat que des fils de bonne famille en quête de frisson. L’article sur Nocturama illustre cette apologie d’une révolte interclassiste. Celui sur le Rojava valorise les camps d’entrainement pour justifier le militarisme et l’élitisme guerrier. La Zone à défendre n'est pas présentée comme une lutte mais comme un mode de vie alternatif. Des textes semblent valoriser le dépassement de soi pour s’extraire de la vie matérielle et de son confort. Des thèmes qui peuvent devenir très glissants. Les luttes sociales ne sont pas qu'un ornement esthétique. Ce sont surtout des moyens indispensables pour inventer une société sans classe et sans Etat.

Source : Revue Lundi matin n°1, « Septembre 2016 / Juillet 2017 », La découverte 2017

Extraits publiés sur le site Lundi matin

Articles liés :

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Les nouveaux imaginaires politiques

Une critique des élections présidentielles

Les nouveaux mouvements contestataires

Penser le processus révolutionnaire

Pour aller plus loin :

LUNDIMATIN PAPIER #1 - Septembre 2016/Juillet 2017, publié sur le site de la Bibliothèque Farhenheit le 4 novembre 2017

Vidéo : "Nocturama" : Entretien avec Bertrand Bonello, diffusée sur Arte en 2016

Radio : émissions sur le film Nocturama diffusées sur France culture

Vidéo : Rencontre avec Jacques Rancière et Nathalie Quintane enregistrée en mars 2018

Vidéo : Comment réarmer l'idée de progrès, publié sur Mediapart le 30 avril 2016

Vidéo : Que faire des classes moyennes ? Lecture et entretien avec Nathalie Quintane enregistrés à la Comédie du livre de 2017

Vidéo : Nathalie Quintane, Que faire des classes moyennes ?, publiée le 2 novembre 2016

Radio : émissions avec Nathalie Quintane diffusées sur France culture

Vidéo : Mouvement de l'Immigration et des Banlieues - Chronique 2001-2002

Interview Samir Elyes : mémoire vivante des quartiers, publié sur le site de Hustle Mag le 15 janvier 2018

Samir Elyes, Affaire Théo : militant depuis 1997, je vois les violences policières s'intensifier, publié sur le site de L'Obs le 14 février 2017

Nadia Sweeny, Le MIB, les voix des banlieues !, publié sur le site Saphir News le 19 avril 2006

« S’il y a toujours reproduction du racisme policier, la muraille de l’arbitraire s’est fissurée ». Entretien avec Tarik Kawtari, publié sur le site Quartier XXI le 19 mai 2015

Gilles Lucas, 1983 : la Marche pour l’égalité « Nous étions modestes et déterminés », publié dans le journal CQFD n°115 en octobre 2013

Le CLAP, en lutte contre la Start Up Nation !, publié sur le site Paris-luttes.info le 4 septembre 2017

Paris : nouvelle grève des livreurs à vélo à Partir du 8 juillet, publié sur le site Paris-luttes.info le 6 juillet 2018

Stéphane Ortega, Livreurs à vélo : pas de pizzas pour la fin du Mondial, publié sur le site Rapports de force le 8 juillet 2018