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Le FMI met le feu en Haïti, en Guinée, en Égypte…
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://npa29.unblog.fr/2018/08/10/fmi-cadtm/
Les prémices d’une nouvelle crise de la dette se précise pour un certain nombre de pays du Sud
Le FMI et la Banque mondiale ont repris peu à peu le rôle qui avait été le leur durant la crise de la dette des années 1980. Ils imposent, en effet, de nouveaux plans d’ajustement structurel (le mot est d’ailleurs réapparu largement) aux pays qui se tournent vers eux, confrontés à une baisse des ressources et/ou à une hausse du service de la dette.
Les années qui ont suivi la mise en place des allègements de dettes (les années 2000) ont vu ces pays profiter de cette période pour investir massivement dans des infrastructures (énergie, transports…), en s’appuyant sur des prêts bilatéraux avec de nouveaux partenaires: Chine, In-de, pays du Golfe, sur une hausse des ressources tirées de l’exportation de matières premiè-res dont le cours a alors repris une courbe ascendante, sur l’accès à de nouveaux modes de financements (eurobonds, finance islamique, bons et obligations du trésor émis en monnaie locale).
Las, la tendance s’est retournée brutalement.
Un grand nombre de matières premières ont vu leur cours baisser fortement, même si elles ont connu sur les deux dernières années, un rebond. Les taux d’intérêt sont repartis à la hausse et les eurobonds émis au début des années 2010 arrivent à maturité entre 2018 et 2020.
Le scénario ressemble comme deux gouttes d’eau à celui du début des années 1980.
Au point que les acteurs essentiels de la période sont de retour. Fonds monétaire international, groupe Banque mondiale, Club de Paris, Institut de la finance internationale (qui a pris de facto la place du Club de Londres pour les créanciers privés), tout ce petit monde est à la manœu-vre pour imposer de nouveau ses règles, en tenant compte de la situation nouvelle. C’est ainsi, par exemple, que le Club de Paris essaie de s’élargir aux nouveaux bailleurs internationaux: Chine, pays du Golfe, Afrique du Sud. L’affaire de la ‘dette cachée’ mozambicaine permet à ces institutions de faire front pour imposer leur méthode.
Mêmes interprètes donc, et même partition : ajustement, austérité, rigueur, libéralisme, libre-échange…
Les conditionnalités sont ainsi de retour. Vous voulez renouer avec les institutions financières internationales (IFI) comme prêteurs en dernier ressort, bien ! Voila le programme, notre pro-gramme [1]. À prendre ou à laisser. La République du Congo, pour avoir tergiversé, voit de mois en mois repoussé le déblocage d’un prêt du FMI pour faire face à une dette qui explose (entre 117 % et 130 % du PIB selon les calculs). Les ‘bons élèves’ voient débloquées les tranches successives de prêts.
Parmi ces conditionnalités, on retrouve toujours l’abandon des mesures sociales, telles que subventions, compensations… qui permettent aux populations d’avoir accès à des services publics, même dégradés. Elles seraient, selon les IFI, trop lourdes pour le budget d’États qui doivent faire face à un service de la dette majoré et donc doivent diminuer leur déficit budgétaire.
Trois exemples d’actualité permettent de comprendre les enjeux sociaux, économiques et politiques de telles mesures.
Le FMI, depuis le début 2018, a imposé à Haïti, à la Guinée et à l’Égypte, l’abandon des subventions aux produits pétroliers.
Haïti
En juin 2018, l’équipe du FMI émet ses recommandations à Haïti [2]. On y voit combien ces techniciens ne tiennent aucunement compte des réalités sociales vécues par l’immense majo-rité de la population. Afin de privilégier ‘la création d’un espace budgétaire nécessaire au financement des programmes sociaux et d’accroître les investissements publics’, le FMI se félicite de l’élimination des subventions au prix des carburants, initiée par le gouvernement fin juin. C’est oublier rapidement l’effet immédiat sur le coût de la vie d’un hausse brusque des transports publics, dans un pays à l‘urbanisation anarchique, ou l’essentiel de ce qui est consommé est importé, où la production agricole doit être transportée vers la mégapole de Port-au-Prince.
La population, elle, ne s’y est pas trompée.
Aussitôt annoncée la hausse, début juillet, des émeutes éclataient dans les quartiers popu-laires. La gazoline devait, en effet, passer de 224 gourdes à 309 gourdes (1 dollar = 69 gourdes, 1 euro = 85 gourdes) le gallon, le gas-oil de 179 gourdes à 264 gourdes pour un gallon, le kérosène, très utilisé par la plupart des ménages en Haïti, de 173 à 262 gourdes.
Rappelons que 58 % de la population haïtienne vit avec moins de 2 dollars par jour, selon les chiffres du PNUD.
Depuis la mi-2017, des fortes mobilisations sociales exigeaient le passage du salaire minimum dans les zones franches à 800 gourdes par jour, pour faire face aux nécessités quotidiennes, montant porté à 1 000 gourdes en 2018, face à une inflation de 14%. La hausse de ce salaire minimum à 350 gourdes à l’été 2017 a été vécu, par les travailleu(rse)s comme une provoca-tion et du mépris. « On nous paie le samedi, le lundi on recommence à s’endetter » disait une des manifestantes. Ils exigent l’abandon de ces politiques antisociales, de véritables mesures économiques, en particulier la restitution des 5 milliards de dollars US détournés des fonds Petro-Caribe par l‘oligarchie locale.
En annonçant la hausse des prix des carburants en plein coupe du monde de football, et plus précisément pendant le match Belgique-Brésil, équipe préférée des Haïtiens, le 6 juillet, les autorités pensaient atténuer le choc. Aussitôt le match fini (et le choc accentué par l’élimination brésilienne ?), les rues étaient bloquées, des supermarchés pillés, un commissariat incendié… Bilan : 20 morts, des immeubles calcinés…
Et la démission du gouvernement de Jack Guy Lafontant, réclamée y compris par le patronat local, accompagnant le gel des hausses annoncées, n’a pas calmé les ardeurs. Quant au représentant du FMI, il se contente de dire que, peut-être il eut fallu étaler les hausses. Sa nouvelle bataille est la restructuration d’Électricité d’Haïti (ÉdH), qu’il réclame depuis des années. Par restructuration, tout le monde comprend, à juste titre, privatisation. Le bilan des privatisations imposées depuis les années 1980 (télécoms…) ne semble pas avoir été tiré.
Guinée
Juin 2018, toujours, le gouvernement guinéen annonce l’abandon des subventions aux carbu-rants, faisant ainsi passer de 8 000 francs guinéens (GNF) à 10 000 GNF le litre d’essence (de 76 à 95 centimes d’euro). Depuis 2016, le gouvernement, sous pression du FMI essaie de faire passer l’abandon de ces subventions. L’institution de Washington en fait une condition de la signature d’un accord de Facilité élargie de crédit FEC).
Une nouvelle fois, elle préconise des solutions les moins équitables, les plus injustes sociale-ment [3]. Le mois de juillet va voir se succéder manifestations, grèves, journées ‘ville morte’. Les syndicats et mouvements sociaux impliqués mettent en avant la hausse des exportations de bauxite (multipliées par trois en un an), dont le pays possède les principales réserves au monde. Ils montrent également du doigt les conditions d’octroi des passations de marché, essentiellement de gré à gré, permettant tous les petits ‘arrangements entre amis’.
Au tour de l’Égypte
21 juillet 2018, c’est au tour de l’Égypte d’annoncer une hausse des tarifs de gaz naturel de 75 %. Le prix de la consommation d’un maximum de 30 m3 a été fixé à 0,175 livre égyptienne (0,098 dollar US) à partir du 1er août contre 0,100 livre précédemment. Cette augmentation du gaz s’ajoute à celles, réalisées en 2016, du carburant, de l’électricité et des transports publics, en contrepartie d’un accord de prêt de 12 milliards de dollars US du FMI. Une nouvelle fois, ce sont donc les couches les plus défavorisées, déjà touchées, par une inflation galopante, une dévaluation de la monnaie, entraînant une hausse de tous les produits importés, qui vont faire les frais de ces politiques. [4]
D’autres pays suivront, si on n’arrête pas la machine infernale. L’Argentine, le Nicaragua ont été touchés récemment, en attendant de nombreux autres pays.
Ces mesures ne restent pas sans réaction. On peut, comme en Haïti, repousser l’échéance pays par pays. Bien sûr, la solidarité la plus large doit s’exercer avec les mobilisations en cours.
Mais la question posée est d’en finir avec ces politiques d’austérité qui font les payer les classes populaires pour les cadeaux faits aux transnationales, aux industries extractives, aux créanciers privés. Les mobilisations dette doivent reprendre le chemin qu’elles avaient emprunté ensemble après la crise des années 1980, mobilisations qui avaient entraîné une remise en cause du poids des institutions financières.
8 août Claude Quémar
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