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La pornographie est plus que de simples fantasmes sexuels. C’est de la violence culturelle
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
En mars 2016, le gouvernement du Royaume-Uni a publié la deuxième édition de sa Stratégie nationale pour mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles. C’est un levier extrêmement important pour les militantes britanniques qui luttent contre la pornographie et ses méfaits, car elle reconnaît que les jeunes en particulier ont un accès sans précédent au contenu en ligne et qu’une partie de ce contenu peut bien sûr être nuisible. Une enquête gouvernementale en cours sur le harcèlement sexuel dans les écoles et une nouvelle campagne multipartite pour lutter contre la misogynie sur Internet ont toutes deux mis en évidence la manière dont la pornographie attise et légitime les attitudes négatives, en ayant des impacts très réels sur la vie des femmes et des jeunes filles.
Il est essentiel de comprendre la pornographie comme une forme de violence infligée aux femmes. La plupart du temps, son contenu est produit et consommé par des hommes, avec des thèmes étonnamment cohérents. Les catégories de contenu de deux des sites de vidéos en ligne les plus fréquentés – XHamster et Pornhub – révèlent un schéma lamentable de scénarios sans fin de domination masculine et de subordination féminine, classés par actes spécifiques, parties du corps féminin, race et âge.
On n’a pas besoin d’être très au fait de la théorie culturelle pour saisir la signification sociale d’images de femmes pénétrées de manière répétée par tous les orifices pendant qu’on les traite de « salopes », de « chiennes » et de « putes ». On doit toutefois réfléchir au-delà de la rhétorique du « libre choix », de « l’autonomisation » et de la « liberté d’expression », invariablement utilisée par les porte-parole de cette industrie pour justifier de tels contenus. Cette rhétorique tente de détourner l’attention de la nature de la pornographie généralisée et de dépeindre celles et ceux qui s’opposent à ses méfaits comme étant des censeures, des conservatrices et, bien sûr – insulte traditionnelle – des « frustrées ». Toutefois l’examen des contenus de la pornographie généralisée révèle que ces arguments ne sont rien de plus qu’une défense d’intérêts lucratifs.
En premier lieu, la pornographie habituelle consiste en actes de violence directe contre les femmes, sanctionnés par la société. Ce qui serait considéré comme des violences sexuelles et de la brutalité dans d’autres contextes devient la norme dans la pornographie, comme en témoignent des survivantes. Cependant, la pornographie ne fonctionne pas simplement comme un domaine où des violences directes sont autorisées et routinières. Elle constitue également une forme de ce que le sociologue norvégien Johan Galtung appelle la « violence culturelle ». Exercée dans les récits qu’une culture se raconte – dans ses textes, ses images – c’est « un aspect de la sphère symbolique qui peut servir à justifier ou légitimer la violence directe ou structurelle ». Une des choses que la pornographie fait extrêmement efficacement est de fournir un flot ininterrompu de récits de femmes traitées comme des objets, violées ou sur lesquelles on « agit ».
Une violence culturelle
Il existe de plus en plus de preuves impliquant la consommation de pornographie extrême dans certains des cas les plus odieux de violences sexuelles, de viols et de meurtres. Mais la violence culturelle de la pornographie est habituellement beaucoup plus banale. Les récits pornographiques ne sont pas simplement ceux auxquels les utilisateurs ont accès ; ils se taillent également une place dans les images culturelles traditionnelles : la publicité de jeans qui reproduit un scénario de viol collectif ; l’annonce de parfum suggérant la pénétration d’une vulve rasée ; la réclame de sous-vêtements qui adopte le format d’une photo volée sous une jupe. Ce que font de telles images, qui foisonnent sur les panneaux d’affichage, dans les magazines et sur Internet, c’est cumulativement nous dire ce que sont les femmes : leur message est que les corps des femmes sont disponibles et violables. Non seulement la pornographie entraîne-t-elle des formes très directes de violence dans sa production, mais dans un monde où la violence à l’égard des femmes est endémique, elle sert également à naturaliser et à normaliser cette violence. Comme le dit Galtung, « la violence culturelle fait apparaître, voire ressentir, la violence directe et structurelle comme appropriée – ou, du moins, non répréhensible ».
Ceux qui prétendent que la pornographie est simplement de l’ordre du « fantasme » sans incidence sur la réalité, auront du mal à expliquer la prévalence de l’épilation du pubis chez les jeunes femmes des cultures occidentales ; l’augmentation spectaculaire de la demande de labiaplasties ; ou le fait que la pénétration anale fait de plus en plus partie du répertoire hétérosexuel, même si les jeunes hommes et les jeunes femmes s’attendent à ce qu’elle soit douloureuse et désagréable pour la femme. Il est singulièrement peu convaincant d’affirmer que la pornographie n’influence pas les normes sexuelles actuelles et que ces normes n’impliquent pas principalement l’objetisation et la violation du corps des femmes. Étant donné la prévalence de la pornographie et des images à thématique porno dans notre culture saturée d’images, on pourrait aussi bien prétendre que le fait d’être élevé dans un pays anglophone n’a aucune incidence sur l’apprentissage ou non de cette langue.
Alors, que devons-nous faire à ce sujet ? Au Royaume-Uni, il est essentiel que nous utilisions les méthodes actuelles de lutte contre la violence faite aux femmes pour réclamer beaucoup plus de mesures visant à contrer la prévalence et l’accessibilité de la pornographie. La Stratégie nationale est un début important, mais ses propositions actuelles sont loin d’être adéquates. Par exemple, elles visent uniquement à renforcer la « résilience » chez les jeunes en améliorant l’éducation sexuelle et relationnelle dans les écoles, plutôt que de restreindre ou réglementer sérieusement l’industrie. Elles s’abstiennent également de reconnaître comme problématique la consommation de pornographie par les hommes adultes. Les groupes mobilisés sur cet enjeu doivent participer à des consultations sur les violences sexuelles et mettre en lumière la manière dont la violence culturelle de la pornographie nuit à toutes les femmes et à toutes les filles.
Résurgence du féminisme lesbien
Il reste qu’en fin de compte, les démarches politiques et les solutions techniques ne peuvent aller que jusqu’à un certain point. Il est fascinant de constater, ici au Royaume-Uni, des indices d’un mouvement féministe radical, en pleine expansion et revitalisé, et de réponses nettement plus révolutionnaires à la culture du porno. Une minorité restreinte, mais perceptible, de jeunes femmes en a assez de négocier le harcèlement sexuel, la « culture des garçons » (lad culture) et les relations avec des hommes qui ne voient rien de mal à se masturber devant des images de dégradation des femmes. Elles commencent en fait à rejeter complètement les relations avec les hommes, en faveur de relations avec des femmes. Il se peut que la résurgence d’un mouvement féministe lesbien s’avère la voie de la libération de la culture pornographique pour une nouvelle génération de femmes.
Julia Long
Julia Long, Ph. D., enseigne la sociologie à l’Université Anglia Ruskin, à Cambridge. Elle est militante, féministe et autrice du livre Anti-Porn: The Resurgence of Anti-Pornography Feminism (Anti-Porno : La résurgence du féminisme anti-pornographie).
Version originale : https://www.washingtonpost.com/news/in-theory/wp/2016/05/27/pornography-is-more-than-just-sexual-fantasy-its-cultural-violence/?noredirect=on
Traduction : TRADFEM