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Radicalisation express - Du gaullisme au black bloc

Lien publiée le 2 octobre 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://lundi.am/Radicalisation-express-Du-Gaullisme-au-Black-bloc

Entretien avec Nicolas Fensch

Tout le monde se souvient de l’affaire du quai de Valmy [1]

[1] Lundimatin avait notamment couvert le procès. Vous...

. Le 18 mai 2016, en plein mouvement contre la loi travail, le syndicat de police Alliance ravissait la place de la République au mouvement Nuit Debout. Il s’agissait alors, pour les policiers, de mettre en scène une réconciliation avec la population en s’affichant avec quelques bonnes âmes d’extrême-droite. Le contre-rassemblement fut rapidement gazé par les forces de l’ordre puis repoussé des abords de la place pour s’improviser en manifestation sauvage. Sur son chemin, une voiture de police restait bloquée dans la circulation et était prise à partie par la foule. Elle prit feu après qu’un fumigène eut atterri sur sa plage arrière. S’ensuivirent des déclarations tonitruantes du ministre de l’Intérieur qui promettait de punir tant d’audace. Quelques heures plus tard, 4 militants étaient interpelés pour "tentative d’homicide volontaire" sur la base de déclarations d’un mystérieux témoin anonyme qui ne s’avéra être autre qu’un policier du renseignement de la préfecture de Paris. Dans les mois suivants, d’autres manifestants furent eux aussi interpelés et incarcérés pour leur participation à, ce qui fut partiellement requalifié de « groupement violent ».

Parmi eux, Nicolas Fensch, identifié comme la personne cagoulée ayant donné 4 coups de tige en plastique au "policier ninja". Cette semaine les éditions Divergences font paraître Radicalisation Express, livre d’entretien dans lequel M. Fensch raconte le parcours singulier qui l’a mené d’une vie d’informaticien gaulliste jusqu’au coeur du cortège de tête et dans l’une des affaires judiciaire les plus médiatisée de ces dernières années.

Lundimatin : Le 08 juin 2016 vous êtes interpelé à la fin d’une manifestation et êtes mis en examen pour : 
— Tentative d’homicide volontaire sur personne dépositaire de l’autorité publique 
— Destruction de bien d’autrui en bande organisé par moyen dangereux pour les personnes 
— Violences en bande organisée avec usage ou menace sur personne dépositaire de l’autorité publique suivie d’ITT supérieur à 8 jours 
— Participation de malfaiteurs en vue de commettre un crime ou délit puni de 10 ans d’emprisonnement

On vous accuse d’être la personne qui a donné 4 coups d’une tige en plastique sur un policier. Pouvez-vous nous dire ce qu’était votre vie avant cela ?

Nicolas Fensch : L’origine de ma participation au black bloc et à ce 18 mai est assez fortuite.

Ma mère est sortie de l’hôpital vers la fin du mois d’avril 2016 suite à un AVC.
Le médecin me dit que la meilleure manière d’éviter un nouvel AVC c’est qu’elle marche tous les jours.
Je ne vais pas nécessairement à cette manifestation contre la loi travail avec la conviction que cela empêchera le gouvernement de la faire passer… Aussi suspect que cela puisse être, j’y vais d’abord pour faire marcher ma mère et parce que les manifs sandwich-merguez-carnaval, c’est sympa.

Je rejoins donc la manif du 28 avril 2016 sur le pont d’Austerlitz, avant même que le cortège arrive, je vois un énorme déploiement de CRS, ce que nous trouvons très étrange et en nous demandant si les policiers se préparent à quelque chose. Le cortège arrive enfin sur le pont d’Austerlitz, il est stoppé par les CRS qui encadrent le début de la manif, et là en quelques minutes la place Valhubert se remplit de gaz lacrymo et ça devient en quelques minutes le chaos. Je vois des femmes sortire des nuages de gaz lacrymo paniquées avec leurs poussettes et leurs enfants en pleurs.

Dans ces conditions, je décide de raccompagner ma mère. Je suis extrêmement choqué de ce que je viens de voir et je me dis que ce sont des images que l’on voit uniquement dans les régimes répressifs et autoritaires.
En arrivant chez moi, j’allume la télé sur une chaîne d’information continue. Et je découvre éberlué que l’on ne parle que de la supposée violence des manifestants qui est arrivée après les événements du pont d’Austerlitz… Je me souviens avoir été tellement choqué que j’ai appelé des amis en leur disant que ce que j’avais vu et que la manière de la raconter par certains médias étaient proprement scandaleuses et que je ne m’attendais pas à ce genre de chose dans un pays comme la France.

Le 1er mai je retourne donc en manifestation pour confirmer ou non ce que j’ai vu le 28 avril. Et c’est pire…
Nasse de 1500 personnes, matraquage à outrance, gazage, je me prends pour la première fois de ma vie un grand coup de jet poivré irritant d’une gazeuse en plein visage alors que je n’ai strictement rien fait sauf celui de demander à un CRS pourquoi nous sommes nassés.
Le soir idem dans certains médias, seule la violence des manifestants est relatée.
Je continue d’aller en manifestations mais devant, et je rejoins le black bloc. Cela peut faire sourire, mais à ce moment je crois encore qu’affronter la police c’est défendre la démocratie.
Faire reculer la police pour moi à ce moment-là, c’est exprimer sa colère face aux méthodes du gouvernement (49.3 etc).

En fait c’est quelques temps après, en prison, que je réaliserai que la méthode de provocation par la violence sous ce mot abject de « maintien de l’ordre » et qui a été utilisé dans les manifestations est strictement la même que celle utilisée dans les quartiers où vivent les pauvres depuis plusieurs dizaines d’années (en fait depuis toujours). Je prends conscience que ce n’est pas la police qui a dérapée mais que ces méthodes sont celles de la police depuis toujours. Et qu’elles sont confirmées par le code pénal sous les accusations de rébellion, outrage etc.

L’attaque et l’incendie de la voiture de police quai de Valmy ont provoqué une très grande stupeur dans la classe politique. Dans l’après-midi, le ministre de l’Intérieur parlait de tentative d’homicide. Comment avez-vous, de votre côté, vécu ce moment ?

Il faut revenir sur les faits eux-mêmes et le contexte de cette période.

Les images de la voiture tournent en boucle dans les médias. Moi en train de frapper le policier avec la tige en plastique. Le préfet de l’époque donne comme à son habitude une conférence de presse versant dans le dramatique : « scène de violence rarement atteinte et extrêmement choquante » et conformément à ce qu’il demande, la plupart des médias relaie.

Le premier ministre de l’époque enchérit déclarant qu’il souhaite « des sanctions implacables contre ceux qui veulent se payer un flic, qui veulent tuer un policier ».

Sauf que le contexte que je découvre quelques jours avant dans les manifestations sur la loi travail, c’est des crânes en sang, des arcades sourcilières ouvertes, des gens dans le coma, quelques-uns perdent l’usage de leurs yeux, ou meurent, étouffent et croient mourir parce que leurs poumons se bloquent à cause des gaz, les coups de matraques qui pleuvent sur n’importe qui, les nasses, et j’en passe.

En regardant ce spectacle qui occupe les chaînes d’information en continu, avec ma naïveté, je me dis que tout ce cirque autour de la voiture de police va bien s’arrêter, conformément au rythme médiatique et qu’une information va en remplacer une autre, que ce n’est pas si grave comparé à ce que j’ai vu en manifestation.

Sur la « tentative d’homicide » je trouve ça tellement outrancier que je me rappelle l’adage « tout ce qui est outrancier est insignifiant ».

L’anecdote est que je découvre Guy Debord après ma sortie de prison avec sa Société du spectacle pour avoir été spectateur et acteur de ce spectacle son et lumière, je dois lui reconnaitre un vrai talent prophétique.

Lorsque vous êtes interpelé, que pensez-vous qu’il va vous arriver ?

Juste après mon interpellation, je me retrouve menotté, les bras dans le dos entre 2 flics de la PJ à l’arrière d’un véhicule et l’une me tend un papier (que je ne peux pas prendre puisque menotté) en me disant que je suis en garde à vue pour tentative d’homicide volontaire avec toutes les autres qualifications qui ont pour objectif de vous faire passer pour le plus barbare des barbares.

A ce moment-là, dans la voiture, je suis frappé par une forme d’étonnement, une espèce de parfait détachement. Ensuite je suis pris par une multitude de pensées du type : « bon là je suis parti dans une aventure » et « garder le silence ».

C’est quelques temps après que j’ai réalisé que cette histoire me dépassait. Elle ne m’appartenait plus. La médiatisation de l’affaire, les images qui tournent en boucle vous donnent ce sentiment d’être dépossédé de sa propre histoire, on est spectateur de soi-même. C’est un sentiment très étrange.

Placé en garde à vue, je me dis qu’il faut donc que je garde le silence et ne rien signer.

Tout se passe de seconde en seconde, je suis incapable de me projeter et je ne sais vraiment pas ce qui va m’arriver.
Mais je continue à me dire que 4 coups de tige en plastique ce n’est pas si grave. Je ne comprends pas encore la dimension politique et la symbolique du geste qui m’est reproché. Surtout ce à quoi je ne m’attends pas c’est la dimension vengeresse des institutions contre celui qui les a défiées.

Pas à un seul moment je me dis que je vais aller en prison. Naïvement une fois de plus je me dis qu’après la garde à vue, je vais sortir. La détention provisoire pour moi, c’est pour les criminels au sens strict du terme ! J’ai n’ai pas encore conscience que juridiquement et surtout médiatiquement je suis un criminel.

On comprend à la lecture de votre livre que c’était la première fois que vous aviez affaire à la police et à la justice, par-delà le caractère extrêmement médiatique de votre affaire, qu’est-ce qui vous a le plus marqué lorsque vous découvrez ces institutions ?

Avant les faits j’avais confiance dans les institutions ou en tous les cas, je ne m’y intéressais peu voire pas du tout. Tant que l’on n’a pas à faire à la police et à la justice, on a confiance dans ces deux institutions. Je buvais cette soupe qui nous est servie : la police nous protège, la justice rend la justice !

Plus précisément concernant la police, en restant le plus impartial possible, le slogan de « la police nous protège » est une œuvre de communication et de prestidigitation extraordinaire puisque le citoyen ne va voir la police qu’après le délit ou le crime. Factuellement, ils ne nous protègent pas puisque le crime ou le délit est déjà commis. 
Le travail de la police c’est la répression, c’est l’ordre public.

Je me souviendrai toujours de cet article suite à l’affaire Theo où le commissaire d’Aulnay disait clairement à ses troupes que les gros trafiquants de stupéfiants, il n’en avait rien à faire et qu’il préférait arrêter les petits vendeurs pour que l’ordre règne dans l’espace public.
Ça en dit tellement sur le rôle de la police.

Le fantasme d’une police protégeant la population avant que les délits ou les crimes ne soient commis est encore aujourd’hui curieusement efficient.

Pour la justice, c’est en découvrant l’article 144 du code de procédure pénale (article qui liste les raisons pour lesquelles la détention provisoire s’applique) que j’ai réalisé le rôle réel de la justice. 
Elle n’a pas d’autres fonctions que de venir confirmer le travail des policiers.
Par exemple l’article 144 indique que quelqu’un peut être placé en détention provisoire afin de faire cesser le trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public. 
Je me suis rendu compte que derrière le terme ordre public, chaque magistrat peut y mettre à peu près ce qu’il veut, c’est un concept sans définition stricte.
Lorsqu’un magistrat veut garder quelqu’un en détention provisoire, il procède de cet article et il n’y a rien à faire, à moins de faire Appel à la Chambre de l’instruction, puis à la Chambre de cassation puis enfin à la Cour européenne des droits de l’homme. En attendant vous êtes toujours en détention provisoire.
C’est ce qui me sera opposé lorsque je formulerai une demande de mise en liberté en prétextant que me libérer serait un trouble à l’ordre public étant donné le contexte de l’attaque d’un véhicule de police à Viry-Chatillon (lundi 10 octobre 2016). Evénement avec lequel je n’ai évidemment rien à voir.

Il semble évident que le nombre d’incarcérés est directement associé aux politiques libérales appliquées depuis plus de 40 ans.

Sur l’insurrection parce que ça en dit beaucoup sur l’Etat - ceux qui font les lois et ceux qui les font appliquer. 
L’insurrection est partie intégrante des déclarations universelles des droits de l’homme de 1789 et 1793… plus maintenant… c’est désormais dans les articles 412-3 à 412-6 du code pénal et c’est puni de 15 ans de prison ferme jusqu’à la perpétuité. Etonnant non ?

Aujourd’hui, je constate que l’Etat se comporte comme une bête blessée. Des foyers de révolte naissent sur l’ensemble du territoire, des maires brûlent leur écharpe bariolée bleu-blanc-rouge, les quartiers sont à deux doigts de l’émeute insurrectionnelle, des ZAD naissent de tout côté, les burn-out, les bore-out, les brown-out se multiplient. L’Etat n’a comme seule réponse que d’envoyer sa police et sa justice parce que ce sont les seuls organes qu’il arrive tant bien que mal à contrôler car tout le reste lui échappe.

Comment se passe une journée lambda en prison ?

Assez facile d’expliquer une journée lambda en prison, mais très difficile d’expliquer l’ambiance et les conséquences psychiques et physiques.

Mais voilà une journée type :
07h00 : Réveil à coups de portes qui claquent, en fonction du surveillant dire : bonjour peut être nécessaire.
3 fois par semaine, on a le droit à un « préparez-vous pour la douche ».
7H30 : Passage de l’auxiliaire (un détenu) pour la distribution du petit-déjeuner (une baguette pour la journée, un sachet de Ricoré, un sachet de sucre, un sachet de lait en poudre.
08h00 : Les surveillants viennent chercher les détenus qui ont des activités (scolaire, sport, parloirs avocats) ceux qui vont en activités prennent leur douche à leur retour vers 10 ou 11h.
09h00 : Les surveillants ouvrent les portes pour ceux qui veulent aller en promenade.
Descente les uns derrière les autres en cours de promenade, 10 par 10 (question de sécurité d’après eux) veste fermée jusqu’en haut, mains dans les poches interdites, short interdit, passage sous un portique de sécurité pour détecter les métaux. Passage au milieu d’une centaine de rats qui dévore la nourriture laissée à l’extérieur entre la sortie du bâtiment et l’entrée des promenades.
Cours de promenade : Une fois sur deux un espace de 80 m² bétonné entouré de barbelés et l’autre de 40 m².
11h00 : Retour de promenade… 10 par 10 et re-passage sous le portique.
Avec un peu de chance suivant le surveillant, passage sous la douche après la promenade.
Si les détenus ont fait du sport pendant la promenade, ils ont transpiré et c’est plutôt agréable de prendre une douche après. Mais ça dépend du surveillant. Risque à prendre, si le surveillant refuse la douche parce qu’il l’a déjà proposé plus tôt dans la matinée, il faudra attendre deux jours pour prendre une douche.
11h30 : distribution du repas du midi (une entrée dans une petite barquette, un plat dans une barquette un peu plus grande, un fromage, un dessert mais le fromage et le dessert en fait, ça dépend s’il y’en a suffisamment, des fois y’en a pas).
13h30 : Un auxiliaire avec un surveillant ouvre la porte pour récupérer la poubelle. Attention le sac poubelle doit être fermé et placé juste derrière la porte.
14h00 : Un surveillant vient chercher les détenus pour le parloir (familles) ou une activité.
15h00 : Un surveillant vient chercher les détenus pour les promenades… 10 par 10.
16h30 : Retour des détenus du parloir
17h00 : Retour de promenade des détenus.
17h30 : Distribution du repas du soir : barquettes et fermeture définitive de la cellule jusqu’au lendemain.

Tout cela dans le bruit permanent des portes qui claquent, des surveillants qui crient, dans l’oppression d’une prison puisque son premier but c’est l’oppression la répression et la soumission, ou comme le disait un procureur : « le but de la prison c’est d’attendrir la viande ».
J’ajoute que Fresnes est l’une des plus vieilles prisons de France, la plus vieille peut-être, qu’elle a été la prison de la gestapo pendant la guerre, que c’est dans ces murs il y a eu des condamnés à morts, des déportés, des guillotinés etc. Difficile de se dire que l’on est dans un hôtel comme certains connards le prétendent.

Je ne m’étends pas sur l’électricité qui saute régulièrement et à plusieurs reprises dans la même soirée, je ne m’étends pas sur les rats que l’on retrouve des fois dans les coursives des étages, ni sur les provocations de certains surveillants contre certains détenus et souvent les plus jeunes, ni sur les canalisations qui sautent régulièrement dans les étages, ni sur l’état des cellules, ni sur plein de petites choses qui misent bout à bout vous font vite comprendre que la république, la démocratie et les droits de l’hommes ne sont qu’une escroquerie intellectuelle.

Au début du livre, vous expliquez n’appartenir à aucun groupe, à aucune mouvance politique, comment votre entourage, vos amis, familles, collègues ont réagi en apprenant que vous étiez cet homme cagoulé sur la vidéo qui faisait le tour du monde ?

Je distinguerai différents cercles, le premier c’est ma famille. Aucun problème de ce côté-là, ils ont vécu mon basculement progressif en même temps que moi. Ils le comprennent sans me reprocher quoi que ce soit. Il y’a mon entourage amical proche, je crois que globalement c’est pareil. Après il y’a une partie de mon ancien entourage professionnel et j’ai eu droit à toutes sortes de réactions mais globalement aucun reproche. J’ai eu une fois droit à une remarque presque enfantine j’allais dire : « ce n’est pas bien de frapper les policiers ». Je me suis dit que c’était inutile de discuter et c’en est resté là.

Vous avez été jugé coupable et condamné à 5 ans dont 2 ans et 6 mois avec sursis sans mandat de dépôt. Vous êtes donc sorti libre du tribunal. Avez-vous pu reprendre le cours de votre existence passée depuis ?

Alors il est évident que cette affaire a eu l’effet d’un tremblement de terre combiné à un tsunami. Ma vie professionnelle est évidemment réduite à néant puisqu’il m’est quasiment impossible de retrouver un travail. D’anciens collègues de travail ont présenté mon CV à plusieurs clients mais dès que mon nom a été présenté cela a été une fin de non-recevoir immédiate. Un de leur client leur a même dit qu’il refusait à l’avenir de travailler avec eux. En tous les cas c’est grâce à ces anciens collègues que j’ai pu sortir de prison, et je leur serai éternellement reconnaissant de cela, comme quoi tous les patrons ne sont pas des salauds. J’ai donc créé ma société avec l’espoir qu’un employeur, un jour, soit assez intelligent pour se dire que je ne suis pas un monstre assoiffé de violence et que ces 4 coups de tige s’inscrivaient dans une démarche politique, ni plus ni moins. La morale de cette histoire, c’est qu’il est facile pour un gouvernement et des syndicats de police de vous faire passer pour ce que vous n’êtes pas. La construction médiatique du monstre assoiffé de violence, comme celui qui est dépeint pour le black bloc ou pour les antifas (nouvelle « marque » du mangeur d’enfant), est d’une malhonnêteté intellectuelle et à des années-lumière de la réalité. Cela en dit beaucoup sur l’époque et de son rapport de plus en plus lointain à la raison. Cette histoire a eu des conséquences lourdes pour moi, ma famille et mes proches. Découvrir dans la violence la réalité de la société dans laquelle je vis a été une sorte de soulagement. Après avoir discuté avec une personne dont un membre de sa famille a été tuée par la police, alors que nous n’avons pas vécu la même histoire mais que nous avons subi une violence similaire des institutions, nous en sommes arrivés à la conclusion que finalement cela nous avait apporté la liberté. Ne plus vivre dans ses illusions, c’est dur, difficile, mais tellement libérateur. Aujourd’hui ma vie est plus difficile mais elle a beaucoup plus de sens que celle que j’avais avant.

[1] Lundimatin avait notamment couvert le procès. Vous retrouverez ici les compte-rendus de Frédéric Lordon, [Nathalie Quintane–>https://lundi.am/jour-2-Nathalie-Quintane], Alain Damasio et Serge Quadruppani.