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Quelle politique d’immigration pour la gauche ?

immigration

Lien publiée le 3 octobre 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.humanite.fr/quelle-politique-dimmigration-pour-la-gauche-661494

Rappel des faits. Alors que des voix discordantes regrettent la « naïveté » du discours de gauche, il y a débat autour d’une vision de classe et des défis humains. Avec les contributions de Ian Brossat Chef de file du PCF pour les élections européennes, maire adjoint de Paris; Manuel Bompard Co-chef de file de la France insoumise aux élections européennes; Olivier Besancenot Dirigeant national du NPA.

l’accueil et la solidarité internationale

Par Ian Brossat, Chef de file du PCF pour les élections européennes, maire adjoint de Paris.

Fête de l'Humanité 2018 / dimanche 16 septembre / @ Magali Bragard / Village du Livre / Ian Brossat

Fête de l'Humanité 2018 / dimanche 16 septembre / @ Magali Bragard / Village du Livre / Ian Brossat

La question de l’immigration met au jour un clivage au sein de la gauche entre deux traditions. Celle de l’hospitalité – d’un accueil de ceux et celles qui veulent gagner nos pays sur la base du droit de vivre hors de son sol natal. Et celle qui se veut raisonnable, qui pointe le caractère utopique de la première et affirme que l’arrivée d’étrangers pèse à la baisse sur les salaires des natifs. Angélisme contre réalisme ? Pas sûr.

D’abord, parce que l’idée d’une « submersion migratoire » qui créerait les conditions d’une exacerbation de la concurrence des travailleurs entre eux et qui « pèserait sur l’infrastructure sociale », comme l’a scandaleusement déclaré l’Allemande Sarah Wagenknecht, est fausse. 60 % des migrations internationales se font de pays du Sud à pays du Sud. 40 000 migrants ont frappé à la porte de l’Europe depuis le début de l’année… pour un continent de 511 millions d’habitants ! Quant à l’ensemble des demandeurs d’asile proprement dit, il ne représente guère que 0,4 % de la population européenne en âge de travailler. Les études montrent qu’aucune baisse de salaire n’est imputable à ces arrivées.

Mais, allons plus loin. Car, si la réalité des chiffres doit ramener chacun à la raison, l’histoire nous montre que les phénomènes de migration sont inhérents au développement de l’humanité. Et nous savons pertinemment que le système capitaliste, entré en phase de décomposition, provoquera toujours plus massivement des exodes et des exils. La question n’est donc pas de savoir s’il y aura des migrations ou non dans les années à venir. C’est de savoir dans quelle proportion… et comment y faire face.

Des dizaines de milliers de migrants frapperont à la porte de l’Europe. Dès lors, la position réaliste n’est pas celle que l’on croit. Le réalisme, c’est d’organiser l’accueil de ces populations – qui viendront de toute façon, quels que soient les murs qu’on dresse et la terreur qu’on fait régner – pour qu’il se fasse dans les meilleures conditions possible. 15 milliards d’euros ont été investis depuis 2000 pour bétonner nos frontières européennes, en pure perte. Cet argent aurait pu être investi en centres de premier accueil et en structures d’hébergement.

Comment ne pas exiger en premier lieu le respect des conventions et des traités internationaux ? Quand une embarcation de sauvetage est en danger, nous avons l’obligation de lui porter secours et d’autoriser son accostage dans le port le plus proche. Il y a quelque chose de criminel dans les refus répétés d’Emmanuel Macron d’accueillir l’Aquarius. Et le même ose tenir des discours d’ouverture à la tribune de l’ONU ou devant les chefs de gouvernement d’extrême droite, alors qu’il pratique rigoureusement la même politique…

Ensuite, il faut organiser des voies légales, c’est-à-dire permettre à ceux qui veulent s’installer en Europe de le faire en leur octroyant un titre de séjour. Pour cela, il faudra une clé de répartition européenne, afin que chaque pays prenne sa part à cet accueil. Sans quoi, ce seront toujours les mêmes pays du Sud qui seront laissés seuls à gérer les arrivées. Or, ces pays premier accueil – Grèce, Italie, Chypre, Malte – sont souvent également les plus démunis.

C’est en donnant un contenu concret à l’accueil et à la solidarité internationale que nous sortirons de la crise européenne actuelle. Je n’ai qu’un seul souhait : que ce combat et ces valeurs puissent rassembler à gauche et devenir notre patrimoine commun.

Un devoir d’humanité

Par Manuel Bompard, Co-chef de file de la France insoumise aux élections européennes.

AFP PHOTO / BERTRAND LANGLOIS

AFP PHOTO / BERTRAND LANGLOIS

Les migrations sont un sujet trop sérieux pour les réduire à des surenchères et à des pulsions incontrôlées. Il nécessite une réponse globale qui interroge d’abord les causes des migrations subies. Car, partir contre son gré, laissant derrière soi sa vie, est toujours une souffrance que nous ne pouvons accepter. Non, vivre et travailler au pays n’est pas un idéal de vie réservé aux habitants des pays riches !

S’attaquer aux causes des migrations, c’est d’abord lutter contre la guerre avec son lot de morts et de déplacés. C’est donc construire la paix en réhabilitant la voix indépendante de la France et en redonnant de la force aux instruments de la légitimité internationale. C’est refuser le pillage que constituent les accords de partenariat économique (APE) que l’Union européenne impose aux pays du Sud. C’est lutter avec énergie et détermination contre le réchauffement climatique qui va jeter des centaines de millions de personnes sur les routes.

Nous refusons de considérer que ces combats sont perdus d’avance. Bien sûr, ils prendront du temps. Mais nous ne sommes pas d’accord pour ignorer, au nom de l’accueil indispensable des personnes qui arrivent sur notre territoire, les mécanismes de domination économique et politique qui sont en jeu. Ce serait oublier que la mondialisation n’est pas un phénomène naturel mais bien la résultante de choix politiques que nous pouvons remettre en cause. Ce serait ignorer la responsabilité du productivisme dans la catastrophe écologique que nous connaissons. Ce serait nier Jaurès qui rappelait que « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ».

Dans le même temps, la France doit assumer son devoir d’humanité. Le refus du président de la République d’accueillir l’Aquarius, qui erre en mer depuis maintenant plusieurs semaines, est insupportable. Notre pays s’honorerait de réparer cette forfaiture en donnant le pavillon français à ce navire menacé de ne pas pouvoir reprendre sa mission. C’est le sens de la mobilisation initiée par SOS Méditerranée, que nous soutenons pleinement.

Plus globalement, nous combattons fermement la politique de criminalisation mise en place ces dernières années et renforcée par la funeste loi asile et immigration. Au contraire, nous voulons réaffirmer et faire vivre le droit d’asile sur le territoire de la République, en finir avec le placement d’enfants en centres de rétention et construire des centres d’accueil des demandeurs d’asile.

Nous proposons de créer un statut de réfugié économique pour permettre l’accueil de personnes en situation de détresse économique, humanitaire ou climatique. Nous nous prononçons en faveur de la régularisation des travailleurs sans-papiers et du même contrat de travail pour tous, suivant en cela les revendications des organisations syndicales, afin d’empêcher l’utilisation par le patronat des travailleurs sans statut pour réduire les protections collectives.

Nous ne voulons plus des politiques qui construisent une Europe forteresse aussi inhumaine qu’inefficace. Ainsi, nous proposons de supprimer Frontex et de le remplacer par un dispositif de sauvetage en mer. Nous sommes favorables à une remise en cause des procédures de Dublin, qui font peser toute la charge sur les pays d’Europe les plus fragiles, et à la mise en place de nouvelles politiques de coopération pour une répartition plus juste des réfugiés dans les différents pays européens.

la justice sociale

Par Olivier Besancenot, Dirigeant national du NPA.

AFP PHOTO / Bertrand GUAY

AFP PHOTO / Bertrand GUAY

Faut-il rompre avec la prétendue « bonne conscience de gauche sur la culture de l’accueil », comme le suggère l’organisation allemande Aufstehen ? Ou bien « assécher les flux migratoires », comme le propose Djordje Kuzmanovic, l’ex- (?)-conseiller de Jean-Luc Mélenchon ? La liberté de circulation et celle d’installation ne sont pas des droits circonstanciels. Ces droits relèvent de la justice sociale et sont le corollaire logique de la lutte de classe, car cette dernière s’affranchit des frontières géographiques et fonctionne selon une frontière sociale universellement déployée qui oppose les exploiteurs aux exploités. Les migrants, même lorsqu’ils se déplacent sous la contrainte, doivent avoir librement le droit de trouver refuge ailleurs. Établir une relation entre immigration et pression sur les salaires revient à colporter un contresens doublé d’un terrible danger. Un contresens, car, historiquement, les phases d’expansion migratoire ne correspondent pas mécaniquement à des séquences de pressions salariales. Il en est ainsi des Trente Glorieuses. Un grand danger, car seul l’extrême droite tire les marrons du feu de ce type de raisonnement. Le patronat n’est « pour » l’immigration que lorsqu’il en a besoin. Le reste du temps, la classe dominante s’accommode complaisamment du racisme qui tend à tétaniser la classe qu’elle exploite, d’autant plus dominée qu’elle se divise sur cette question. Sa religion pour la liberté de circulation ne vaut que pour les marchandises et les capitaux…

L’immigration n’est pas une arme idéologique inventée par le patronat pour tirer à la baisse les acquis sociaux. Elle n’est utilisée par les exploiteurs que pour ce qu’elle représente à ses yeux : une réserve en main-d’œuvre corvéable à merci au gré de la demande du marché. L’immigration n’est donc pas responsable du démantèlement des acquis sociaux : pas plus que les chômeurs, « l’armée de réserve » du capitalisme qu’évoquait Marx, et pas plus que les femmes, lorsque, il y a un siècle, une partie du mouvement ouvrier s’opposait à leur entrée sur le marché du travail, croyant y déceler une stratégie de concurrence entre les travailleurs. Le capital n’organise pas les mouvements migratoires, il les exploite et ordonnance la mise en concurrence. Quant aux migrants qui fuient le chaos, les guerres et les atrocités, comment ne pas rappeler que ces populations tournent le dos à des situations bien souvent engendrées par les interventions politiques, économiques et militaires des puissances occidentales, dont la France. Dès lors, l’accueil n’est pas une affaire de bonne conscience, c’est un positionnement politique cohérent pour quiconque entend mettre un terme aux politiques impérialistes qui ensanglantent la planète.

La France a les moyens d’accueillir l’infime minorité de « toute la misère du monde ». Partager les richesses et le temps de travail entre tous implique de focaliser notre attention sur le 1 % qui nous exploite, plutôt que sur le 0,02 % de la population de l’UE, les migrants, dont le sort enflamme de manière délétère le débat public. Jaurès insistait pour que le mouvement ouvrier refuse les logiques de mise en concurrence et lutte pour « un salaire minimum pour les travailleurs, étrangers ou français ». Niveler par le haut, pour le plus grand bénéfice des travailleurs d’où qu’ils viennent, voilà un axe de campagne qui pourrait rassembler la gauche radicale ! Une telle campagne unitaire serait alors l’occasion de (re)découvrir que ce n’est pas l’immigration qui fait pression sur les salaires, mais bien le profit que le capital engrange sur notre dos à tous et à toutes. Français, immigrés, même Macron, même patrons, même combat !