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Japon : quand plein emploi ne rime pas avec hausse des salaires
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le Japon est confronté à la stagnation des salaires malgré le plein emploi. Si l’atonie de facteurs conjoncturels, productivité et anticipations d’inflation, expliquent en partie cette énigme, les caractéristiques structurelles du modèle social pèsent aussi, notamment la dualité de l’emploi. Par conséquent, les perspectives de hausses des salaires, et donc d’inflation, y restent limitées.
Graphique 1 – Croissance des salaires et chômage au Japon Source : OCDE
La faible progression salariale contraste avec les tensions sur le marché du travail
Les tensions sur le marché du travail japonais atteignent un niveau record avec un taux de chômage de 2,5%, en baisse continue depuis 2009 (cf. Graphique 1, échelle de droite inversée). Même si le Japon tend à avoir un chômage plus faible que les autres pays avancés – le taux de chômage structurel est estimé par l’OCDE à 3,6% contre 8,9% en France et 4,5% aux États-Unis – un tel niveau signale des difficultés importantes de recrutement pour les employeurs.
Pourtant le salaire nominal n’augmente que faiblement (+0,8% en 2017). En termes relatifs, la progression des rémunérations est tout aussi limitée par rapport à d’autres pays enregistrant des tensions sur le marché du travail (+3,1% en 2017 aux États-Unis) ou par rapport à de précédents épisodes de plein emploi au Japon. Plus préoccupant, alors que les évolutions des salaires et du chômage étaient dans le passé corrélées, une déconnexion apparaît depuis 2014 (cf. Graphique 1).
L’atonie de la productivité et des anticipations d’inflation pèsent sur la dynamique des salaires
Une première hypothèse serait que la faible croissance des salaires au Japon vienne d’un aplatissement de la courbe de Phillips, c’est-à-dire une moindre sensibilité de la dynamique des salaires au taux de chômage. Mais les estimations réalisées sur les pays du G7 montrent que le lien demeure significatif et stable depuis les années 1990 (BdF, 2018). La baisse du taux de chômage ces dernières années a donc poussé à la hausse la rémunération par employé (+0.8 pp. en moyenne depuis 2014, cf. Graphique 2).
C’est plutôt du côté des autres facteurs qu’il faut chercher les causes de l’atonie des salaires. En particulier, l’atonie des anticipations d’inflation a pesé sur les salaires (-0.5 pp. en moyenne sur 2011-2018). Dans une moindre mesure, la faible évolution de la productivité (-0,4 pp. de contribution moyenne sur 2011-2018) a également contrebalancé l’effet positif de la baisse du chômage.
Graphique 2 – Décomposition de la rémunération par employé selon une courbe de Phillips Note : échelle de gauche, contribution (en pp.) à l’écart par rapport la moyenne de long-terme (1985-2018) ; échelle de droite, glissement annuel (en %) de la rémunération par employé. Sources : OCDE et calculs de l’auteur
Ces facteurs conjoncturels n’expliquent cependant pas la faible croissance de long-terme des salaires au Japon par rapport aux autres pays avancés (sur 1985-2018 : 0,7% au Japon; 3,5% aux États-Unis; 3,3% au Royaume-Uni).
L’essor de l’emploi non régulier a freiné les salaires
Historiquement, le modèle social japonais se basait sur un emploi garanti à vie et un avancement à l’ancienneté. Ce modèle a progressivement laissé place à un système à deux vitesses. D’un côté les employés réguliers continuent de bénéficier de ces avantages ; de l’autre, les travailleurs non réguliers précaires (CDD, temps partiel, emploi temporaire) et moins bien rémunérés (-34% en moyenne), dont la part dans l’emploi total est passée de 20% en 1994 à 38% en 2017.
La déformation de la structure de l’emploi au profit de ces non réguliers moins bien payés s’est traduite mécaniquement par un impact négatif sur le salaire moyen. Cet effet de composition a pesé en moyenne -0,7 pp sur la croissance des salaires en agrégé depuis 2000 (cf. Graphique 3), avec cependant un effet moins prononcé depuis 2009 (-0,3 pp. en moyenne depuis 2009 contre -1,0 pp. en moyenne sur 2000-2008).
Graphique 3 – Décomposition de la croissance annuelle du salaire moyen par tête Sources : Ministère japonais du travail et calculs de l’auteur
Le modèle social nippon freine aussi les salaires
Fondé sur l’emploi à vie, le modèle traditionnel induit une faible mobilité horizontale des employés, ce qui réduit par conséquent les incitations à la revalorisation des salaires pour retenir ou attirer les meilleurs éléments.
Dans ce modèle, la contrepartie de la sécurité de l’emploi est la flexibilisation des rémunérations par des heures supplémentaires et des bonus (en moyenne 20% du salaire total au Japon contre 11% aux États-Unis). Ceci conduit les entreprises à s’adapter via cette part variable plutôt que par des hausses du salaire de base. Ce phénomène pèse non seulement parce qu’une hausse une année peut être inversée l’année suivante mais aussi parce que la part variable s’applique peu aux non réguliers.
Enfin, les syndicats ont un pouvoir de négociation limité malgré des négociations salariales annuelles (shunto). En effet, le shunto concerne les employés réguliers des grandes entreprises du secteur manufacturier dont la part dans le salariat décroît avec l’essor des travailleurs non réguliers, des PME et des services. Or, en dehors du shunto, les négociations sont limitées. D’une part, les syndicats sont propres à chaque entreprise et manquent donc d’une coordination nationale qui leur donnerait plus de poids. D’autre part, ceux-ci sont confrontés à la baisse du taux de syndicalisation.
Des perspectives limitées en l’absence de réformes structurelles
L’évolution future des salaires au Japon – et donc de l’inflation – dépend des perspectives pour ces différentes composantes (cf. Table). L’évolution actuelle des déterminants de la courbe de Phillips devrait se poursuivre : le chômage continuerait de se réduire sur fond de baisse de la population active – conséquence du vieillissement – alors que les anticipations d’inflation et la productivité resteraient atones. Des réformes structurelles permettraient de redresser cette dernière, mais les plans annoncés ("Society 5.0" ; "4th Industrial Revolution") sont flous quant aux leviers pour susciter et diffuser l’innovation dans les domaines ciblés (Big Data, IA, Internet of things, etc.) et devraient avoir un effet limité.
L’emploi non régulier devrait poursuivre son essor à la faveur de la hausse de la participation des femmes et des seniors, qui se tournent davantage vers ce type de postes. Pour les femmes, les exigences familiales et le manque de structures d’accueil de la petite enfance limitent la possibilité de prendre un emploi régulier, plus exigeant en termes de temps de travail –notamment d’heures supplémentaires. De plus, un foyer peut bénéficier d’exonération d’impôts si le salaire du 2ème apporteur ne dépasse pas un plafond – créant une trappe à bas salaires. Concernant les seniors, un phénomène spécifique au Japon fait que les salariés voient leurs conditions d’emploi se dégrader à partir de 60 ans. Légalement, les entreprises doivent proposer un emploi aux salariés désirant poursuivre après cet âge, mais ne sont pas tenues de conserver les termes du précédent contrat. Dans les faits, l’employé régulier perçoit à 60 ans une indemnité importante de fin de carrière pour solde de tout compte, puis convertit son contrat avec un salaire et/ou un statut dégradés, parfois pour le même poste.
Réduire cette dualité entre employés réguliers et non réguliers demanderait des changements structurels. C’est l’objet de plusieurs réformes : "Equal pay for equal work" vise à réduire l’écart salarial entre les catégories de travailleurs alors que "Work-style Reform" cherche à garantir un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle notamment en limitant à 60 le nombre d’heures supplémentaires par mois. Néanmoins, le calendrier de ces mesures reste à détailler et leur mise en œuvre s’annonce délicate, par exemple sur la capacité de l’administration à contrôler l’équité du traitement salarial.
Tableau – Perspectives à moyen terme des facteurs de la croissance salariale