[RSS] Twitter Youtube Page Facebook de la TC Articles traduits en castillan Articles traduits en anglais Articles traduits en allemand Articles traduits en portugais

Newsletter

Ailleurs sur le Web [RSS]

Lire plus...

Twitter

Notes sur la situation politique

Lien publiée le 17 octobre 2018

Tweeter Facebook

Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://aplutsoc.org/2018/10/16/notes-sur-la-situation-politique-francaise-16-octobre-2018/

A l’heure même où sont écrites ces lignes, circulent largement sur les réseaux sociaux les images des perquisitions menées simultanément aux sièges de la FI et du PG et chez J.L. Mélenchon lui-même.

Point n’est besoin de soutenir leur orientation politique pour dénoncer cette opération.

Comment se fait-il qu’avec que ce qu’a déballé l’affaire Macron/Benalla, ledit Benalla court toujours, et que le jour même de l’annonce d’un nouveau gouvernement dont le point d’orgue est le remplacement du ministre de l’Intérieur, se déroule ce mauvais feuilleton ?

Décomposition.

Nous assistons en direct à la décomposition du pouvoir exécutif de la V° République.

Il aura donc fallu quinze jours pour que, après que M. Collomb, qui l’avait fait roi, le contraigne d’accepter sa démission et du coup l’oblige à engager un remaniement, M. Macron, définitivement « Manu » et non plus « Jupiter », soit contraint d’accepter pour remplacer Collomb M. Castaner, dont il est permis de rapporter que les mauvaises langues le présentent comme lié à la mafia marseillaise (nous n’en savons rien !), et qui, quoi qu’il en soit, ne présente aucune qualité objective ou subjective apte à re-consolider ce pouvoir.

Passons sur le reste d’un « remaniement » qui n’a de remarquable que les douleurs exceptionnellement prolongées de son enfantement, entre l’exfiltration de la ministre de la Culture et l’arrivée de la responsable à la com’ de la firme Danone pour renforcer le ministère de … l’écologie (seule la nomination de la Modem Jacqueline Gourault à un « grand ministère des Territoires » constitue une initiative politique réelle dans ce dispositif, dont on verra la portée).

Passons, parce qu’au point où ils en sont, on peut s’en passer !

Le paradoxe central, porteur d’orage.

Venons-en à l’essentiel, le paradoxe de cette situation, un de ces paradoxes porteurs d’orages : la crise du sommet de l’État se déroule au vu et su de tous comme en roue libre, sans intervention des luttes sociales – pour l’instant.

« Ceux d’en haut » pédalent dans un ridicule croissant, mais « ceux d’en bas », pour l’heure, regardent – après que leurs mobilisations, sans s’être généralisées, aient largement contribué à préparer cette situation qui, depuis l’éclatement de l’affaire Macron/Benalla, semble grossir d’elle même suivant une dynamique autonome de quasi autodestruction.

Pourtant …

« Ceux d’en bas » se prennent des coups, beaucoup de coups.

Toutefois, la crise au sommet a grippé la marche accélérée que voulait imprimer Macron.

La réforme constitutionnelle visant à restaurer une V° République toute puissante devient contradictoire à l’auto-implosion de l’exécutif, et, reportée une première fois lors de l’affaire Macron/Benalla de l’été à l’automne, elle serait maintenant reportée à 2019.

Mais le gouvernement a annoncé l’objectif de la « retraite par points » et de la suppression de tous les régimes particuliers pour les niveler par le bas, arnaque majeure qui vise à faire baisser les revenus de tous les futurs retraités et pensionnés, tout en hésitant sur le calendrier.

Et il compte manipuler les feuilles de paie de janvier prochain entre baisse du salaire brut, c’est-à-dire des cotisations de la protection sociale (qui, appelées « salariales » ou « patronales », sont du salaire mis en commun), et prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source.

Il suffirait, dans cette situation, pour mettre gravement en difficulté tout le calendrier de cette contre-réforme finale contre les retraites, que les confédérations syndicales cessent de participer au « dialogue social » à ce sujet.

Mais non : le 10 octobre, tous les invités ont accouru (CGT, CFDT, FO, CGC, CFTC, UNSA) pour rencontrer J.P. Delevoye, de facto ministre des retraites, et les organisations patronales MEDEF, CPME, U2P et FNSEA.

Les mêmes directions syndicales plus la FSU et Solidaires persistant, tout en protestant la plupart du temps, à participer au « dialogue social » dans la Fonction publique, qui met en place la destruction du statut des fonctionnaires par le recours massif aux contractuels, la « mobilité accrue », le salaire « à la performance », et l’affaiblissement des instances paritaires, destruction que compléterait, justement, la liquidation du code des pensions et de la CNARCL par la « réforme » des retraites.

Coup de sonde …

Le 9 octobre se tenait une « journée d’action » voulue notamment par le dirigeant confédéral de FO Pascal Pavageau, appelée par la CGT, FO et Solidaires ainsi que l’UNEF et ralliée par la FSU. Mollement préparée, sans aucun mot d’ordre clair alors que ce ne serait pas difficile, sans grèves importantes, ce fut cependant un coup de sonde significatif, car les cortèges de province, renforcés à nouveau de retraités et de personnels des EHPAD, furent souvent, de fait, et par défaut, des cortèges politiques, dénonçant Macron voire appelant à sa démission, à le chasser.

C’est là un signal, un symptôme – comme l’a été aussi le succès et la combativité de la réunion nationale des camarades de « Front social », le 29 septembre dernier.

Un signal de quoi ?

De la recherche d’une issue par des couches militantes aussi bien que par des couches profondes du monde du travail, et du caractère politique de cette recherche. 

Coup de sonde … et punition ?

Et voici que le mercredi 10, sans reconnaissance pour sa participation au « dialogue social », l’exécutif envoie un missile sur … Pascal Pavageau. Car ne soyons pas dupes : aussi sympathiques que puissent être certaines traditions du Canard Enchaîné la divulgation d’informations véritables, de fausses informations, et de propos intra-gouvernementaux, dans le « journal satirique paraissant le mercredi », ne relève pas du journalisme d’investigation à proprement parler, mais des affrontements au sommet, de l’amplification ou de l’amortissement des crises et des couacs. Bref, ce vieux journal républicain fonctionne comme une des institutions complémentaires de la V° République.

En l’occurrence, « on » lui a communiqué un fichier – d’une stupidité bureaucratique exceptionnelle, il faut bien le dire – établi par les secrétaires de P. Pavageau sur tous les responsables fédéraux et départementaux de FO, « ordure »« pique dans la caisse »« trotskyste »« franc-maçon »« homosexuel », et, last but not least« trop intelligent pour être à la Commission Exécutive » ! P. Pavageau n’a pas démenti et semble même être tombé malade …

Remarquable est le concert de fausses vierges et d’âmes vertueuses, prétendant n’avoir, eux, jamais péché, qui, de Laurent Bergé (CFDT) à Jean-Claude Mailly, s’est alors levé.

Comme s’il fallait faire expier ce résultat de la poussée gréviste du printemps dernier : l’éviction démocratique contrainte et forcée d’un chef syndical (Mailly) qui avait tenté d’apporter un soutien ouvert à Macron !

Notons bien que la CNIL (Commission Nationale Informatique et Liberté), sans plainte, s’est auto-saisie pour faire intrusion dans les locaux de la confédération FO, la veille de l’arrivée de Castaner place Beauveau et des perquisitions chez Mélenchon.

La seule réponse à une « révélation » (les guillemets sont de rigueur) telle que ce fichier, devrait être : démocratie syndicale, transparence (et, au fait, les organes de presse, si vous arrêtiez de citer le dit fichier, dont vous disposez, et si vous le rendiez public, qu’on puisse juger ?), et non pas : enquête, immixtion, police ! 

Frédéric Homez, secrétaire de FO Métallurgie, dont plusieurs délégués au congrès confédéral ce printemps ont non seulement soutenu Mailly, mais dénoncé l’unité d’action syndicale, et vanté les accords dérogatoires aux conventions collectives qu’ils ont commencé à signer dans le cadre des deux lois « Travail » El Khomri et Macron, a appelé à la démission de Pavageau. Après quoi, comme si de rien n’était, Hubert Raguin, secrétaire de la Fédération FO de l’Enseignement, signe avec lui une lettre exigeant la réunion de la Commission Exécutive même si Pavageau s’est fait porter pâle. Le message politique de cette initiative commune doit être décrypté, car il est regrettable que seuls des « initiés » comprennent et que des rumeurs circulent : on ne saurait trouver mieux que la direction fédérale FO de l’enseignement, qui initia la destruction de la FEN par son départ en 1984, pour le plus grand bénéfice des contre-réformes dans l’Éducation nationale, on ne saurait donc trouver mieux pour représenter le secteur de l’appareil qu’occupe le POI (Parti Ouvrier Indépendant). Le signal est donc que le POI peut, ou va, lâcher Pavageau.

Sauf que Pavageau, ce n’est pas seulement Pavageau : c’est celui dont l’élection, quoi qu’arrangée avant, a été marquée par un congrès où la lutte des classes s’est exprimée, pour que cessent les collusions avec le pouvoir d’État …

Brutalité d’un exécutif faible.

La nomination aux forceps et pourtant à reculons d’un Castaner, les perquisitions groupées chez Mélenchon, l’immixtion dans une centrale syndicale pour liquider un dirigeant qui n’a rien d’un révolutionnaire mais dont la position est redevable à la poussée d’en bas de la lutte des classes : voila autant de manifestations de brutalité de la part d’un exécutif faible.

Et n’ayons pas d’illusions : plus il sera faible, plus il sera brutal, et réciproquement.

La question de l’issue politique se pose.

La crise de l’exécutif, crise de régime, conduit les dirigeants politiques à dessiner des « issues » préservant l’essentiel, c’est-à-dire le régime lui-même, mais le fait même qu’ils doivent les dessiner souligne la crise et appelle de véritables réponses, qui ne sont pas les leurs.

Ainsi, l’ancien président François Hollande, dont on sait qu’il a bénéficié par contrecoup de la chute de Macron, se fait-il prophète ou, plus modestement, fait-il soudain de la prospective, sous la forme appropriée – des propos de buvette, micros tendus, auprès des sénateurs PS : Macron va devoir dissoudre après les Européennes, et après, « comme Chirac avant lui, il va s’auto-dissoudre« .

Ainsi parla Zarathoustra, oups, pardon, François Hollande.

Or il se trouve que quasiment le même jour à la même heure (les voies de la prophétie ne sont-elles pas impénétrables ? !), c’est Jean-Luc Mélenchon qui à son tour annonce la dissolution … après les Européennes (fin mai 2019), et ajoute qu’il prépare un « budget » pour ce moment là. Un budget ? C’est donc pour un gouvernement. Terminons le raisonnement : J.L. Mélenchon explique qu’après les Européennes, Macron devra dissoudre, et qu’alors c’est lui qui gagnera les législatives et donc qu’il formera un gouvernement. Il sera donc premier ministre. De Macron.

Le lendemain, son futur président de cohabitation lui envoyait un tout autre message, sous la forme de la police à 7 heures du matin !

Avant d’en venir, pour terminer ces notes, à la véritable réponse, observons encore que la crise politique se répercute dans toutes les organisations. La FI ayant passé pour l’issue politique est la première concernée. Car en occupant à peu près 12% du paysage électoral elle n’est en fait non pas une issue, mais un bouchon : un obstacle à toute issue réelle. La « grande France Insoumise » populiste, nationale et populaire (rêvée par les « Italiens » du site La Sociale ! ), n’a pas vu le jour. Soyons francs, c’est tant mieux ! Du coup revient envers et dans la FI toute ces vieilles histoires qu’elle avait prétendu ostraciser pour les siècles des siècles : front populaire, union de la gauche et toutes ces sortes de choses ! – c’est cela qui permet que viennent s’y accoler les Maurel et Liennemann, après avoir évité tout au long de la législature Hollande que leur « fronde » ne le renverse. Ce n’est pas là une scission, c’est une tentative de transfert d’allégeance, et la première conséquence n’est pas la renaissance d’une sorte de PS à l’ancienne, ni d’un front populaire, mais la méfiance et les interrogations de la base militante de la FI formée dans la détestation fétichiste de tout ce qui peut venir du PS. Lequel PS est en effet mal en point, sauf que sa situation n’est pas fondamentalement modifiée par les derniers départs en date. Enfin, le vote interne au PCF, sur un peu plus de 30 000 votants, a désavoué sa direction, exprimant, sans qu’une ligne politique n’émerge, la volonté de ses membres d’exister comme parti, ni plus ni moins.

Ces données ne conduisent certes pas à un triomphe de J.L. Mélenchon sur Macron aux Européennes, mais à une abstention massive très compréhensible, à un émiettement complet et mécaniquement à un avantage relatif au RN, à LR et aux groupes intermédiaires entre eux (Dupont-Aignant, Philippot, Asselineau …). Des résultats à l’italienne (sauf que nous avons échappé au grand parti populiste et populaire !), ne reflétant pas la recherche réelle d’une issue dans chaque lutte sociale, mais l’impasse politique.

Il faut donc aborder maintenant la question de l’issue politique. Avec les moyens qui sont les nôtres : ceux de la discussion, et si possible de la discussion organisée, parce que le temps presse. Du point de vue des couches sociales qui ont fait de certaines manifestations du 9 octobre des manifestations politiques, de millions de gens qui réfléchissent, la crise au sommet et la décomposition politique appellent une intervention massive, démocratique, d’en bas. Comme le constate aussi Robert Duguet ici même, la situation appelle une intervention directe. N’en doutons pas, elle aura lieu. Le problème est de lui assurer sa victoire, son débouché. Elle aura lieu parce que la crise au sommet va trop vite et que les coups sont trop durs et parce que, comme on peut le constater, toutes les forces politiques qui nous disent d’attendre les Européennes (puis la dissolution, puis « le budget », puis …) entrent en crise (la FI semble émerger par la crise des autres mais elle est évidemment elle-même en crise et le sait très bien).

Il faut donc conjuguer lutte des classes et démocratie. Autrement dit, grève générale et assemblée constituante. Discuter les deux, ensemble. Voila une discussion organisée qui fortifie et prépare ce qui s’annonce.

16-10-2018.