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Pour l’interdiction des contrôles policiers lors des sorties scolaires
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Plusieurs enseignants et personnels de l'éducation engagés contre le racisme lancent une mobilisation de soutien à trois lycéens ayant porté plainte contre l'État pour des contrôles d'identité abusifs lors d'une sortie scolaire.
Le 22 octobre prochain, l’État français sera jugé pour les contrôles d’identité abusifs subis par trois lycéens durant une sortie scolaire. Les faits remontent au 1er mars 2017. Ce jour-là, Mamadou Camara, Ilyas Haddaji et Zakaria Hadji Mmadi rentrent d’un séjour à Bruxelles avec leur classe de Terminale Gestion Administration et l’une de leurs enseignantes. Arrivés à la Gare du Nord, ils se font arrêter et contrôler par des policiers : l’un à la sortie du train et les deux autres dans le hall. Devant leurs camarades et des centaines d’usagers, ils doivent se soumettre à l’inspection, ouvrir leurs valises, être fouillés, et toisés comme des coupables. Sauf que voilà, ils n’ont absolument rien à se reprocher. Ils n’ont rien fait.
Le lendemain, excédée par ce qu’elle considère à raison comme un acte immotivé et discriminatoire, leur professeure, Élise Boscherel Deniz, tente de porter plainte au commissariat de Saint-Denis. En vain. Les policiers qui la reçoivent lui expliquent qu’ils ne peuvent accepter une plainte contre d’autres agents de police. L’affaire aurait pu en rester là mais les élèves ont décidé de la porter en justice pour faire valoir leurs droits. Pour que ça serve d’exemple. Pour que ça s’arrête.
Le 22 octobre, nous serons donc à leurs côtés et nous appelons toutes les forces associatives, syndicales, politiques à en faire de même. Ce qu’ont vécu ces trois lycéens est loin d’être une exception. On le sait et cela fait d’ailleurs des décennies que les organisations de l’immigration et des quartiers populaires le dénoncent : les jeunes non-blancs sont les cibles privilégiées des forces de l’ordre. Selon une étude du Défenseur des Droits, publiée en 2017, les hommes perçus comme noirs ou arabes ont ainsi 20 fois plus de risques de se faire contrôler que le reste de la population. Et rien ne justifie ça si ce n’est les préjugés racistes qui subsistent au sein de l’institution policière.
C’est un véritable sujet de société qui revient régulièrement sur le devant de la scène mais aucun gouvernement ne semble disposé à mettre un terme à ces pratiques. Jusqu’à quand allons-nous tolérer cela ? D’autant que le profilage racial et le harcèlement dont sont victimes ces jeunes se poursuit jusqu’aux sorties scolaires et aux abords des établissements. On nous rétorquera que la police ne contrôle personne sans raison et qu’il n’y a « rien à craindre quand on n’a rien à se reprocher ». Mais alors qu’est-ce qui justifie que des lycéens de retour d’un voyage scolaire soient choisis parmi des centaines d’autres usagers et contrôlés sans motif objectif ? Et que leur dire ? Que c’était « aléatoire », alors qu’ils subissent ça depuis des années, dans leur quartier, dans leur ville, dans les transports et ailleurs ? Que « ce n’est pas grave », alors que si, ça l’est forcément, puisqu’au fond c’est de discrimination qu’il est question ? Qu’ils « n’ont qu’à se laisser faire », alors que l’on sait que ces pratiques sont humiliantes pour ceux qui les subissent et qu’elles créent forcément un sentiment de défiance vis-à-vis des institutions ?
Jusqu’à quand allons-nous tolérer cela ?
Si nous nous sentons concernés par cette problématique en tant que citoyens, nous le sommes également en tant que personnels de l’éducation, en tant que fonctionnaires de l’État. L’une de nos missions est de « transmettre les valeurs de la République », à travers les enseignements, la vie scolaire ou les actions éducatives que nous mettons en place. Ces valeurs-là sont déjà écornées au quotidien, du fait du manque de moyens mis dans les établissements des quartiers populaires et du rôle que joue l’école dans la reproduction sociale. Elles le sont aussi quand nos élèves se font contrôler abusivement, a fortiori quand ils sont avec nous, sous la responsabilité d’enseignants censés garantir leur sécurité. Comment leur parler d’égalité, de justice et de fraternité, quand sous nos yeux, et malgré notre présence, ils subissent des pratiques discriminatoires ? Comment nouer des relations de confiance avec eux si nous sommes impuissants face aux vexations et aux humiliations que leur imposent d’autres fonctionnaires de l’État ?
Nous saluons ici le courage et la détermination de Mamadou, Ilyas et Zakaria qui n’ont pas hésité à porter cette affaire en justice...mais quid de tous les autres ? Parce que nous voulons protéger nos élèves, nous demandons solennellement au Président de la République de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme à ces contrôles d’identité abusifs. Il en va de la sécurité de ces jeunes, de leur épanouissement et de leur confiance en nous. Nous réclamons, en particulier, l’adoption d’une circulaire visant à interdire tout contrôle policier lors des sorties scolaires. Si les agents de police ont un « doute », qu’ils procèdent aux contrôles de nos identités à nous, responsables légaux. Nous leur apporterons alors toutes les informations nécessaires.
C’est la meilleure manière de faire vivre les valeurs d’égalité et de justice.
Une pétition a été lancée, que l'on peut signer ici.
A l’initiative du CLAPPE, collectif de luttes antiracistes et populaires des personnels de l’éducation
Les signataires :
Radouane Abbassi, professeur de mathématiques à Epinay-sur-Seine
Emmanuel Arvois, professeur de lycée professionnel à Marseille
Wiam Berhouma, professeure d’anglais à Noisy-le-Sec
Noëlle Burgi, CNRS-CESS Université Paris 1
Philippe Blanchet, professeur à l’Université Rennes 2 et membre de la Ligue des Droits de l’Homme
Elise Boscherel Deniz, professeure de lettres-histoire géographie à Épinay-Sur-Seine
Youcef Brakni, professeur d’Histoire-Géographie à Chennevière-sur-Marne
Lémia Chahdi, conseillère principale d’éducation à Saint-Denis
Emmanuel Constant, proviseur adjoint en Seine-et-Marne
Karine Darjo, conseillère principale d’éducation au lycée Blanqui de Saint-Ouen
Laurence De Cock, professeure d’Histoire-Géographie à Nanterre
Aboubacar Diaby, professeur en Segpa dans le Val-de-Marne
Goundo Diawara, conseillère principale d’éducation en Seine-Saint-Denis
Fabrice Dhume, URMIS/Université Paris Diderot
Nadia Doghramadjian, professeure documentaliste retraitée
Éric Fassin, professeur de Sociologie, Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis
Nacira Guénif, professeure en Sciences de l’éducation, Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis
Jiyoung Kim, assistante d’éducation en Seine-Saint-Denis
Mathilde Larrère, historienne, maîtresse de conférence à l’Université Paris-Est Marne la Vallée
Henri Lelorrain, enseignant de lettres/histoire au lycée professionnel de la Plaine Saint-Denis
Cathy Malaurie, professeur au lycée Paul Eluard de Saint-Denis
Philippe Marlière, politologue, professeur de sciences politiques
Jérôme Martin, professeur de français à Saint-Denis
Olivier Noël, maître de conférences à l’université de Montpellier Paul Valéry
Ugo Palheta, sociologue, maître de conférences à l’Université de Lille
Aude Rabaud, sociologue, maîtresse de conférences Université Paris Diderot-Urmis
Omar Slaouti, professeur de physique-chimie à Argenteuil
Sherine Soliman, professeur de lettres en Seine-Saint-Denis
Laurence Ukropina, professeure et coordonnatrice du plan de lutte contre les discriminations de l’Académie Nancy-Metz
Rachid Zerrouki, professeur à Marseille et chroniqueur
__________
Cercle des enseignants laïcs
Comité Adama
Collectif Rosa Parks
Collectif Stop le contrôle au faciès
CGT Educ’action 93
Fédération des Associations de Soutien à tou-te-s les Immigrés (FASTI)
Fédération des Conseils de Parents d’élèves (FCPE) 93
Fédération Indépendante et Démocratique Lycéenne (FIDL)
Front de mères
Front Uni de l’Immigration et des Quartiers Populaires (FUIQP)
Ligue des Droits de l’Homme
Observatoire National des Violences Policières lancée par les familles de victimes
Solidaires
SNMD-CGT de la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration
Syndicat National des Enseignants du Second degré (SNES) 93
Union Nationale des Étudiants de France (UNEF)
Union Nationale Lycéenne (UNL)