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Vers un capitalisme de plateforme ?

économie

Lien publiée le 1 novembre 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://journals.openedition.org/nrt/3734

NRT13 – Vers un capitalisme de plateforme ? (couverture)
Le Corpus « Vers un capitalisme de plateforme ? » situe d’emblée les transformations radicales qu’introduisent les plateformes numériques dans le capitalisme contemporain ; en plusieurs endroits on pourrait d’ailleurs parler de rupture tant ces plateformes transforment le travail en lui-même, ses conditions d’exercice et surtout l’emploi. Ce Corpus présente les résultats des premières enquêtes réalisées dans divers domaines de l’économie de plateforme, enquêtes largement centrées sur les transformations induites par cette dernière. Derrière ce modèle économique jugé innovant, une particularité fondamentale caractérise ce nouveau type de transaction économique : les offreurs de travail sur les plateformes numériques sont bien souvent des particuliers, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas salariés, ni même nécessairement des professionnels. Ce sont eux qui possèdent l’outil de production et la force de travail qu’ils vendent en qualité d’indépendants, soit directement aux consommateurs, soit à un intermédiaire. Les travailleurs de ces plateformes assument les risques liés à l’activité (investissement, clientèle, risque physique) tout en étant peu autonomes dans l’organisation de l’activité (processus calibrés, prix fixés par la plateforme, contrôles par cette dernière et par les consommateurs). 

Les mutations des statuts d’emploi et des formes d’organisation du travail, ainsi que les déplacements des responsabilités dans l’exercice de l’activité apparaissent comme majeurs et justifient l’usage du terme de « capitalisme de plateforme ». En effet, cette notion met l’accent sur la création de valeur et son partage, inégalitaire, entre, d’une part, les détenteurs des algorithmes, sites et applications que sont les plateformes et, d’autre part, les travailleurs présents sur celles-ci qui doivent fournir les moyens de travail. En mettant au travail des indépendants, le capitalisme de plateforme, loin de leur conférer de l’autonomie, participe de l’émergence de formes renouvelées, voire exacerbées, de sujétion des travailleurs, visant à les mobiliser, et cela à l’écart des régulations actuelles des mondes du travail.  

Ainsi le capitalisme de plateforme se situe à la conjonction de l’utilisation d’innovations technologiques (l’Internet combiné à la puissance des algorithmes) et de décisions politiques allant dans le sens d’un affaiblissement du salariat stable à travers la promotion du travail indépendant, de courte durée, supposément inscrit dans une logique de projets et de collaborations sans cesse renouvelées. L’étude de ces transformations pose trois questions majeures : comment (re)penser les frontières du travail et du hors-travail ? Les processus de fuite du salariat constituent-ils une innovation ou un retour en arrière ? Qu’est-ce qui (re)fonde la relation et le contrat de travail ? Les quatre articles du Corpus répondent, chacun à leur manière à ces questionnements.

Avec un titre provocateur (« Le salariat : mort ou vif ? »), la rubrique Controverses fait débattre cinq spécialistes du travail et de l’emploi autour des questions suivantes : face à l’omniprésence d’une rhétorique annonçant un déclin du salariat au profit de l’emploi indépendant, comment évaluer et interpréter la reconfiguration des conditions de mobilisation du travail ? Faut-il se féliciter de la fragilisation d’une institution salariale archaïque ? Regretter un âge d’or révolu ? Relativiser ce déclin ? Ou encore questionner plus largement le fait salarial, au-delà de sa forme juridique ?

Varia publie un article qui se concentre sur une catégorie de chômeurs fortement stigmatisée et parfois désignée comme « chômeurs volontaires ». Les personnes rencontrées se déclarant ouvertement « en non-recherche active d’emploi » ont pour point commun des expériences négatives du salariat et des sensibilités politiques contestataires de l’ordre socio-économique présent. Mais en même temps, l’auteur montre combien, selon les origines sociales et le capital scolaire/universitaire acquis, les uns et les autres font face de manière différenciée à la précarité et affichent des discours divergents quant à l’emploi stable. Autrement dit, au-delà d’apparentes similitudes sur le refus du travail, s’impose une diversité de situations et de conceptions qui ouvrent de nouvelles interrogations sur le futur du travail.

La rubrique Champs et contrechamps interroge Sophie Audier sur son dernier documentaire Les Chèvres de ma mère, sorti en salle en 2018. Le film traite de la transmission et de la rupture lorsqu’approche la fin d’une activité professionnelle qui a structuré le temps long d’une vie ? Sophie Audier mêle le social et l’intime, l’économique, le politique et le local. Elle filme le moment où sa mère va se séparer de ses terres et de ses animaux et sa rencontre avec les normes européennes incarnées par la jeune fille qui lui succédera. L’entretien conduit avec la réalisatrice montre en quoi la préparation détaillée et l’anticipation très précise de ce que veut dire l’auteur, conditionnent la qualité du documentaire : une évidence du temps long pour certains, mais aussi des principes insupportables là où règnent les exigences d’accélération du tournage et de la réalisation filmique. Sophie Audier fait partager ses questionnements sur le montage et sur les rapports entre réalisateur et monteur.

La rubrique Matériaux entre directement en résonance avec le Corpus, puisqu’elle propose le récit de Nathan, livreur à vélo, à travers plusieurs extraits d’un entretien réalisé à Paris en mars 2017. Nathan, agent administratif de l’Éducation nationale, exerce une seconde activité de livraison de repas pour une plateforme numérique. L’entretien trace le portrait d’une figure des travailleurs des plateformes : ni étudiant trouvant là un moyen relativement facile d’obtenir un revenu jugé correct ni pseudo-indépendant aspirant au statut salarial, le cas de Nathan est celui d’une bi-activité, qui exacerbe la logique du cumul d’activités permise par le statut de micro-entrepreneur. Par sa singularité, ce cas permet d’éclairer certains ressorts de l’engagement de ces jeunes hommes dans la course urbaine et de faire ressortir l’ambivalence d’une situation poussée à son extrême, juxtaposant un discours clairvoyant et critique sur les conditions de travail et d’emploi et un engagement à la fois important, résolu et relativement durable dans l’activité au service de la plateforme.

Au nombre de onze, les Recensions et notes de lectures font état des approches différenciées des objets qui sont au centre des préoccupations de la revue : les auteurs avancent des commentaires critiques et ouvrent des débats qui appellent des réponses...