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Les "gilets jaunes", nouveaux "bonnets rouges" ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) La grogne contre la hausse des prix des carburants rappelle le mouvement breton qui s'était opposé à l'écotaxe
Les réseaux sociaux, Cyrille, 47 ans, n'y connaissait " pas grand-chose ". Mais " trop, c'est trop, explique d'une voix déterminée cette employée dans le secteur social qui se rend chaque jour en voiture à son travail, à 35 kilomètres de chez elle. Y'en a marre de dépenser 250 euros tous les mois en gazole ! "
Alors cette habitante de l'Isère a sauté le pas : fin octobre, elle a créé son groupe Facebook appelant à manifester le 17 novembre contre la hausse des prix des carburants ; il s'appelle " Nous ne sommes pas des moutons à La Tour-du-Pin " – le nom de sa commune – et compte déjà près de 500 membres, pour 8 000 habitants.
" Une fiscalité qui passe mal "
Depuis la mi-octobre, des groupes Facebook comme celui-là, il s'en est créé plus d'une centaine en France, appelant à des blocages dans des grandes villes comme dans des petites communes, pour la journée du 17 novembre. D'ici là, ceux qui comptent se mobiliser sont appelés à poser, sur le tableau de bord de leur véhicule, le gilet jaune fluo de la sécurité routière qu'ils arboreront le jour J. " Ce gilet jaune sera le bonnet rouge des automobilistes ruraux et provinciaux, otages de ce racket fiscal aux accents pseudo-écologiques ", a déjà prédit un sympathisant sur Twitter. Il y a cinq ans tout juste, en Bretagne, c'est déjà une taxe " verte " – l'écotaxe, infligée aux poids lourds – qui avait fédéré contre elle les mécontentements d'une région en crise et fait reculer le gouvernement.
" Il y a des points communs évidents entre les deux mouvements, estime Jérôme Fourquet, directeur du département opinion à l'IFOP. Une fiscalité qui passe mal, et une mobilisation par les réseaux sociaux. Mais il y avait une forte composante régionaliste chez les bonnets rouges et une convergence assez inédite entre les transporteurs, le patronat breton qui affrontait une crise dans l'agroalimentaire, les ouvriers licenciés… Est-ce que le mouvement du 17 novembre va parvenir à fédérer à ce point ? Ce qui est sûr, c'est que toute une partie de la population française est prise à la gorge. "
D'où est partie la fronde cette fois ? Peut-être d'une pétition " pour une baisse des prix du carburant à la pompe " lancée il y a cinq mois sur Change.org par une Francilienne de 32 ans. Avec plus de 775 000 signatures, elle pointe à la onzième place des pétitions françaises les plus signées depuis la création du site. Cantonnée à quelque 500 signatures les quatre premiers mois, elle s'est mise à circuler massivement à la mi-octobre.
Au même moment, Anthony Joubert, humoriste populaire sur les réseaux sociaux, mettait en ligne une chanson parodique, Si j'avais du gasoil pour 1 euro, et deux chauffeurs routiers créaient un événement sur Facebook en appelant à un blocage national des routes le 17 novembre contre la hausse de la fiscalité du diesel.
" Révolte du salarié "
Plusieurs centaines de milliers de vues plus tard, les initiatives ont convergé : les routiers ont appelé à signer la pétition, la pétitionnaire à manifester le 17 novembre, et Anthony Joubert a sorti un nouveau (You)Tube : RDV le 17." Les politiques ne se rendent pas compte de l'impact de ces hausses dans la vie des gens ! ", explique l'humoriste indigné. En Isère, Cyrille ne dit pas autre chose : " On n'en peut plus d'avoir une classe politique qui n'entend pas les gens qui bossent ! Qui pense que les petites gens ne valent rien. " Cyrille, comme Anthony Joubert, se revendiquent absolument " apolitiques ". Mais l'appel du 17 novembre n'en a pas moins fédéré dans les réseaux d'extrême droite. La vidéo la plus -virale est sans doute celle d'un certain Frank Buhler : 4,4 millions de vues à ce jour. L'homme est délégué de circonscription à Debout la France, le parti souverainiste dirigé par le député de l'Essonne Nicolas -Dupont-Aignan.
Ce dernier clame haut et fort son soutien au mouvement, tout comme la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, qui sait combien ce discours parle à cette " France des oubliés " et de la ruralité où ses électeurs sont nombreux. Alors que de tels soutiens ont poussé les syndicats à se désolidariser du mouvement, le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon a, lui, laissé libre choix à ses -sympathisants.
" La question énergétique est centrale et permet d'agréger les mécontentements au-delà des clivages politiques ", rappelle Jérôme Fourquet, qui souligne que cette grogne " n'est pas une révolte de nantis ni de défense d'un statut. C'est la révolte du salarié qui n'a pas d'autre choix que d'aller bosser en voiture et qui se sent taxé de façon injuste. "Dans son " tableau de bord " de novembre, publié avec Paris Match, l'IFOP a ainsi constaté que la hausse des prix du carburant était désormais le premier sujet de conversation des Français (chez 75 % des personnes interrogées).