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Manif du 17 novembre: la gauche peut-elle sortir de l’embarras ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La colère monte face à la hausse du prix des carburants. Une colère d’ores et déjà récupérée par la droite extrême. Quelle place pour la gauche ?
Emmanuel Macron « assume parfaitement » la hausse du prix des carburants. "Assumer", c’est le verbe qu’emploie régulièrement le président de la République pour balayer d’un revers de main les critiques à l’égard de sa politique. Comme s’il suffisait d’assumer.
Des taxes plus importantes additionnées à une augmentation du prix du baril, et nombreux sont ceux qui crient au scandale face à ce qui ressemble encore à un "matraquage fiscal".
Ainsi, samedi 17 novembre, des centaines de blocages auront lieu un peu partout en France. Signe distinctif des automobilistes en colère : le gilet jaune. Un mouvement qui n’est pas sans rappeler celui des "bonnets rouges" contre l’écotaxe.
Un mouvement populaire… et bien à droite ?
Le 30 octobre, en meeting à Lille, Jean-Luc Mélenchon avait bien tenté de mettre un pied dans la brèche. Le leader de La France insoumise lançait alors :
« Ils ont raison de se mettre en colère. Des fachos se sont mis dedans, ce n’est pas bon pour la lutte. Parmi nos amis, certains veulent y aller. Je vais leur dire quoi ? De ne pas y aller ? Ils vont me répondre : "Mais on est fâchés, pas fachos !" D’autres ne veulent pas mettre un pied là où il y a des fachos. Les deux positions se valent en dignité. […] Si nos amis sont dedans, on sera fier d’eux. Ceux qui ne veulent pas y aller également. »
Sauf que le mouvement prenait déjà une direction difficile à assumer sur la durée. A l’instar des protestations de 2013 contre les portiques, la gauche peine à trouver sa place. Il faut dire que les "gilets jaunes" ont rapidement trouvé des soutiens auprès de Debout la France ou du Rassemblement national.
La faute à un problème mal posé, d’emblée. Par le gouvernement lui-même, histoire d’attiser la colère un peu plus.
L’excuse écologique
Lundi 5 novembre, sur BFMTV, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire justifiait cette hausse du prix des carburants en ces termes : « On ne suspend pas la transition écologique ».
François de Rugy a même osé pire. Le ministre de la Transition écologique expliquait sereinement le 30 octobre que « les recettes […] des taxes sur les carburants, c’est 34 milliards d’euros. Le budget du ministère de la Transition écologique est de 34 milliards d’euros. » CQFD. Comme si le budget du ministère n’était pas déjà bouclé.
Évidemment, il n’est personne de bonne foi en France pour croire que ce gouvernement est écologiste. Nicolas Hulot n’a rien pu faire. Les lobbyistes sont désormais ministres. Et ils viendraient nous dire aujourd’hui que la politique menée l’est au nom de l’écologie ?
Comme le soulignait Benoît Hamon sur France Inter ce mardi, à l’heure où « il faut mettre en place les alternatives à la voiture », l’exécutif « ferme des lignes de train et des gares ».
Le mensonge n’a qu’un seul effet : amplifier le sentiment des automobilistes d’être des "vaches à lait". D’où les « allures de foire poujadiste », aux dires du NPA, que prend le 17 novembre.
Que faire à gauche ?
Revenir aux fondamentaux. Toutes les colères "populaires" sont-elles bonnes à prendre ? Sans nier le 17 novembre, ne faut-il pas travailler afin que ce mouvement ne soit pas un bis repetita des "bonnets rouges" ?
Comme le dit François Ruffin sur sa chaîne Youtube : « Concilier justice fiscale et impératif écologique n’a rien de facile. Mais l’évidente injustice fiscale imposée par le président Macron, au service quotidien, manifeste, des plus riches, interdit tout progrès écologique. »
L’équilibre est fragile. Et le député LFI résume sûrement en quelques mots le sentiment qui sévit à gauche : « J’ai envie d’en être ». Mais comment ?
Si Manuel Bompard affirme qu’il « souhaite participer à cette initiative », de son côté, sur Facebook, ce sera "non" pour Clémentine Autain :
« Je ne serai pas le 17 dans les blocages parce que je ne me vois pas défiler à l’appel de Minute et avec Marine Le Pen, et que je sais combien notre enjeu est celui d’une réelle transformation, d’un changement de modèle de développement incluant la transition énergétique, l’égalité entre les personnes et les territoires. Je ferai tout mon possible pour que les décisions prises se conjuguent avec justice sociale et recul effectif, massif, des émissions dangereuses. »
Il est clair pour tous que le combat de la gauche doit articuler lutte contre les injustices, fiscale pour cette histoire, et projet écologique. La sortie du diesel était un engagement de Jean-Luc Mélenchon lors de la dernière présidentielle. Mais cette sortie ne saurait s’effectuer sans contrepartie, que ce soit le développement du fret, des transports en commun, bref, penser les déplacements de demain, collectifs et individuels.
Et, quoi qu’il arrive, « il ne faut pas laisser cette colère exploitée par l’extrême droite qui se fiche comme d’une guigne des enjeux climatiques, des inégalités, des abandons de services publics, pour citer Clémentine Autain. Il ne faut pas se tromper de combat. »
Le 10 novembre, plusieurs syndicats se réunissent à Paris justement pour évoquer l’attitude à tenir face au mouvement des "gilets jaunes", afin de ne pas « [laisser] l’extrême-droite récupérer la colère sociale » et de « [faire] entendre la voix de notre camp ».