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Hémorragie future dans la métallurgie
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Erick Méjean n'en revient pas. " Avec 10 % de chômeurs en France, c'est surréaliste ! " A Hanovre, où se tient le Grand Salon mondial du véhicule industriel, le directeur général de Lamberet engrange commandes sur commandes et vient de recevoir le prix de l'innovation. Mais à Saint-Cyr-sur-Menthon (Ain), où se trouve son usine de camions frigorifiques, il peine à trouver les 75 soudeurs, peintres et mécaniciens qu'il veut recruter depuis trois semaines pour augmenter sa production.
" Notre carnet de commandes est plein jusqu'en janvier. Mais si on n'arrive pas à embaucher, on risque d'avoir des délais de livraison inacceptables pour les clients ", craint M. Méjean. Après avoir survécu à sa liquidation judiciaire il y a trois ans, Lamberet se retrouve à présent confronté aux difficultés d'un redémarrage en trombe.
Situation paradoxale que celle de la métallurgie. Cet immense secteur, qui va de l'automobile à l'aéronautique en passant par la machine-outil et l'électronique, est en déclin depuis des années. Un mouvement accentué par la crise. Pourtant, " nous rencontrons d'énormes difficultés à attirer les talents dont nous avons besoin ",souligne Jean-François Pilliard, délégué général de l'Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), le syndicat patronal de la branche.
Pour y voir plus clair, la métallurgie a fait réaliser une analyse prospective par deux cabinets, le BIPE et Ambroise Bouteille. Résultat de cette étude encore inédite : la branche va continuer à supprimer énormément de postes... mais aussi à recruter en masse.
Globalement, le secteur se prépare à de nouvelles saignées. Quelque 623 000 emplois ont déjà été détruits entre 1990 et 2010, faisant perdre à la métallurgie 31 % de son effectif en deux décennies. Le nombre total d'emplois salariés a ainsi été ramené à 1,4 million en 2010.
Environ 170 000 postes devraient encore disparaître entre 2010 et 2020, indique le scénario central retenu dans l'étude de l'UIMM. Soit une suppression en moyenne de 17 000 postes par an, un mouvement moins marqué qu'au cours des terribles années 2005-2010, durant lesquelles 35 500 postes par an ont été rayés de la carte.
Cela dépendra beaucoup, cependant, de la conjoncture. Si la crise se prolonge, ce sont près de 240 000 postes qui pourraient être perdus en dix ans, selon le " scénario bas " de l'UIMM. A l'inverse, la facture sociale se limiterait à moins de 80 000 postes en cas d'embellie économique.
Dans tous les cas, l'emploi dans la métallurgie continuera de se contracter. Entre le déplacement de la croissance mondiale vers les pays émergents, le manque d'investissement et la perte de compétitivité de la France, la désindustrialisation a toutes chances de se poursuivre. En particulier dans l'automobile, le secteur giflé le plus violemment par la crise. Il devrait perdre entre 38 000 et 63 000 postes en dix ans, selon l'étude. La fermeture de l'usine PSA d'Aulnay en annonce sans doute d'autres... En revanche, l'aéronautique devrait continuer à créer des emplois.
Image sale, polluante
" Malgré tout, nos industries vont continuer à recruter à des niveaux élevés, relève Jean-François Pilliard. Entre 115 000 et 128 000 par an d'ici à 2020, en fonction de la croissance. " Tout en supprimant plus de postes qu'elles n'en créent, " les entreprises vont devoir faire face à des départs à la retraite massifs ", explique Françoise Diard, qui a piloté l'étude. La métallurgie compte relativement plus de seniors que le reste de l'économie, et près d'un tiers du personnel partira à la retraite d'ici à 2020.
En outre, le secteur a besoin de renouveler ses compétences. Tout en licenciant des ouvriers non qualifiés, il embauche des ingénieurs, des cadres techniques... " Et là, nous constatons une formidable inadéquation de l'offre à la demande, relève le délégué général de l'UIMM. Malgré le chômage, nous avons du mal à recruter. Le système éducatif reste très éloigné de la réalité des besoins de l'industrie. "
Et puis, l'industrie garde une image sale, polluante, repoussante, surtout auprès des jeunes. " Pourtant, nous payons mieux que bien d'autres, plaide Jean-François Pilliard. Bien sûr, l'industrie, ce n'est pas les Bisounours. Mais ce n'est pas Zola non plus ! "
Denis Cosnard
Une féminisation qui marque le pas
C'est " un point sur lequel nous devons progresser ", reconnaît-on à l'UIMM : dans la métallurgie, près de 80 % des salariés sont des hommes. " La proportion de femmes est stable depuis de nombreuses années, malgré les politiques de communication, notamment, qui ont été déployées pour augmenter cette part ", relève l'étude de la fédération patronale. En outre, " la présence des femmes reste principalement concentrée dans les fonctions administratives et sur les métiers les moins qualifiés ".
Cette stagnation " semble avoir pour principale cause la faible féminisation des filières de formations techniques ", et non des politiques délibérées des DRH, précise l'étude, issue notamment d'entretiens avec des responsables du secteur.