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Extrait de "Travail gratuit, la nouvelle exploitation ?" de Maud Simonet
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.contretemps.eu/extrait-travail-gratuit-simonet/
Maud Simonet, Travail gratuit : la nouvelle exploitation ?, Paris, Textuel, 2018.
Présentation
Qu’y a-t-il de commun entre une bénévole chargée des activités périscolaires dans une école, une allocataire de l’aide sociale qui nettoie les parcs de New York ou le rédacteur d’un blog en ligne ? Des milliers d’heures de travail exercées gratuitement pour faire fonctionner associations, services publics et entreprises. Que nous apprennent ces différentes formes « citoyennes » et « numériques » de travail gratuit? À qui profite-t-elles et qui y est assigné ?
En repartant des grandes leçons de l’analyse féministe du travail domestique, et en se fondant sur plusieurs enquêtes de terrain menées en France et aux États-Unis, Maud Simonet propose une approche critique du travail par sa face gratuite. Elle analyse ces formes d’exploitation qui se développent au nom de l’amour, de la passion ou de la citoyenneté et participent à la néolibéralisation du travail dans les mondes publics et privés.
Maud Simonet est chargée de recherches en sociologie au CNRS et directrice de l’IDHES-Nanterre. Elle a publié Le travail bénévole. Engagement citoyen ou travail gratuit? (La Dispute, 2010) et Who Cleans the Park? Public work and Urban Governance in New York City, avec John Krinsky (Presses de l’Université de Chicago).
L’affaire du Huffington Post : au-delà du profit, l’appropriation
En avril 2011, Jonathan Tasini, écrivain et journaliste, ancien président du Syndicat national des écrivains des États-Unis, prend la tête d’une « class action » – un recours collectif – contre le Huffington Post. Le célèbre journal en ligne vient d’être racheté par America On Line (AOL) pour 315 millions de dollars et les plaignants, qui représentent les milliers de blogueurs ayant contribué gratuitement au fonctionnement du journal depuis sa fondation en 2005, demandent que leur soit rétrocédé un tiers du profit réalisé, soit 105 millions de dollars. « Les blogueurs » du Huffington Post, ou plus exactement leurs représentants, vont perdre ce procès. Et pourtant celui-ci constitue dans la littérature sur le « travail numérique », comme dans la presse qui en a fait une ample couverture, le modèle par excellence de la mobilisation contre le travail gratuit sur internet.
Retour sur l’affaire
Créé en mai 2005, le Huffington Post s’est vite imposé comme un des modèles les plus célèbres du « journalisme contributif gratuit » qui associe une consultation gratuite favorisant une très large fréquentation, des revenus quasi exclusivement publicitaires et un recours massif à des « contributeurs » extérieurs non rémunérés. L’accès gratuit au média en ligne est donc en partie rendu possible par un financement par la publicité. Le Huffington Post est notamment un pionnier de ce que l’on appelle le « native advertising » : des campagnes publicitaires qui se confondent avec le contenu éditorial. L’entreprise créera même son propre studio qui travaille avec les journalistes. Mais la gratuité du produit est aussi rendue possible par des coûts salariaux très faibles. Au moment où il est vendu à AOL, en février 2011, les plaignants estiment que 80 % du contenu du Huffington Post est produit par les blogueurs et 20 % par les salariés, le journal fonctionnant alors avec environ 9 000 blogueurs bénévoles et une centaine de journalistes salariés. « En termes de stratégie de contenu, l’une des choses qui était bien faite au HuffingtonPost.com c’est de produire du contenu de haute qualité à moindre coûts » déclare ainsi Arianna Huffington en 2011, lors de la conférence de presse annonçant la vente du journal à AOL. Et de fait, le modèle économique du Huffington Post est plutôt une réussite : créé en mai 2005 par Arianna Huffington et Kenneth Lerer avec 1 million de dollars d’investissement, le journal dégage un chiffre d’affaires publicitaire de 15 millions en 2009, et de 65 millions de dollars en 2011.
À l’annonce de la vente, deux mobilisations vont se succéder.
Tout d’abord, un appel à la « grève des blogueurs » part de Californie le 26 février 2011. Il est lancé par « Visual Arts Source » et « Art scenes », deux sites artistiques qui contribuaient depuis environ un an au Huffington Post en y « repostant » des articles publiés sur leur site – qui, eux, avaient fait l’objet d’une rémunération. Quelques jours après l’annonce de la vente, le rédacteur en chef et co-fondateur de ces deux sites, Bill Lasarow, publie un article sur le site de Visual Art Source où il demande aux membres du site de se mettre en « grève du Huffington Post », et en appelle aussi plus largement à la grève de tous ceux qui apportent du contenu gratuit et notamment du contenu original au Huffington Post et ce tant que deux revendications ne seront pas exaucées. La première revendication formulée par Lasarow est qu’un échéancier des paiements soit proposé pour tous les blogueurs du site et des mesures prises pour le mettre en place. Il demande également qu’il ne soit plus possible de poster des annonces de publicité payantes à côté des contenus éditoriaux fournis par les blogueurs. Lasarow propose aux contributeurs du journal de s’associer pour mettre en place une négociation partenariale avec AOL afin d’accomplir ces objectifs mais aussi d’autres dans le but de « professionnaliser » cette relation.
Le 5 mars, il écrira dans le journal britannique The Guardian un article intitulé « Pourquoi nos auteurs sont en grève contre le Huffington Post »[1] qui va beaucoup circuler sur les réseaux sociaux. L’article se termine ainsi : « nous avons décidé d’appeler à une grève des contributeurs non payés, non syndiqués, non employés du Huffington Post. Faisons-en sorte que tous les auteurs cessent de contribuer pour le moment. Jusqu’à ce que les dirigeants du Huffington Post négocient un véritable contrat avec ces auteurs et établissent de véritables pratiques de contrôle sur le contenu et la qualité, les auteurs doivent leur refuser les bénéfices générateurs de profit de leur travail gratuit. » Cet appel à la grève sera soutenu par The Newspaper Guild un syndicat de journalistes et travailleurs des médias et le National Writers Union, le syndicat national des auteurs des États-Unis. « The Newspaper Guild appelle les contributeurs non rémunérés du Huffington Post à retirer leurs articles en soutien à la grève lancée par Visual Art Source en réponse aux pratiques de travail injustes de l’entreprise. En outre, nous demandons à nos membres et à tous ceux qui soutiennent une rémunération juste et équitable des journalistes de se joindre à nous pour mettre la lumière sur les pratiques peu professionnelles et peu éthiques de cette entreprise. » Le boycott sera levé en octobre 2011[2].
La seconde mobilisation, l’action de justice en nom collectif, a lieu à New York en avril 2011. Le recours en justice est avant tout l’initiative de quelques personnes, et notamment de deux jeunes avocats, Jesse Strauss et Jeffrey Kurzon, et d’un écrivain militant, Jonathan Tasini, qui vont construire l’action de groupe et la porter devant les tribunaux. Président du National Writers Union entre 1990 et 2003, candidat aux primaires démocrates pour les élections de sénateur de l’État de New York en 2006 contre Hilary Clinton, Jonathan Tasini s’était fait remarquer au début des années 2000 en remportant un procès, en action de groupe là aussi, contre le New York Times. Il y accusait le journal d’avoir reproduit dans des bases de données en ligne des articles écrits par des journalistes free-lance sans leur verser de droits. Douze ans plus tard, Tasini, bientôt rejoint par quatre autres blogueurs (deux femmes et deux hommes) va attaquer le Huffington Post sur deux points : les blogueurs accusent le journal en ligne de « pratiques commerciales mensongères » et d’« enrichissement indu ». La réponse du juge de la cour de justice du District de New York sera sans appel : il déclare en effet invalide la requête de dédommagement car les plaignants avaient accepté en pleine conscience de contribuer gratuitement. « Les principes d’équité et de bonne conscience ne justifient pas que l’on donne aux plaignants une partie du prix de la vente alors qu’ils ne se sont jamais attendus à être payés, qu’ils ont accepté cet accord à plusieurs reprises et l’ont fait les yeux grands ouverts ». Tel sera son verdict.
En un sens, le juge a raison. Et Arianna Huffington, qui n’aura de cesse de répéter tout au long du procès qu’elle ne s’était jamais engagée à payer les blogueurs autrement que par de l’exposition (« exposure »), a elle aussi raison. Mais les blogueurs qui l’attaquent pour dénoncer le profit qu’elle a fait sur leur dos ont raison également. Ces différentes définitions de la réalité en jeu dans cette affaire sont toutes vraies et pourtant elles entrent en contradiction les unes avec les autres. Et cela parce que l’enjeu de ce conflit n’est sans doute pas tant la question de la non rétribution du travail fourni par les blogueurs que celle de son appropriation par la plateforme. C’est moins la question de la répartition de la valeur produite par ce travail gratuit que celle de sa caractérisation qui est en jeu ici.
La guerre des valeurs
La plupart des leaders de la « class action » des blogueurs du Huffington Post ont écrit, non pas quelques posts mais bien des centaines de posts avant de se retourner contre le journal. Ainsi Jonathan Tasini, le principal plaignant a-t-il soumis 216 papiers au journal sur une durée de cinq ans. La plupart des autres plaignants de l’action en nom collectif en ont aussi écrit plus d’une centaine sur une durée similaire. S’attendaient-ils, au cours de ces années antérieures à la vente, à être payés pour leurs contributions ? La réponse est sans doute non pour la plupart d’entre eux, et quand certains comme l’un des blogueurs que l’on a interviewé, ont posé explicitement la question au journal, ils se sont vus répondre clairement que non. Pourquoi accuser alors le journal de briser une promesse qu’il n’aurait pas faite, d’un mensonge qu’il n’aurait pas commis ? Les blogueurs n’ont-ils pas accepté, les yeux grands ouverts, et à plusieurs reprises comme le dira le juge, le deal qui leur était proposé par la plateforme ?
Oui et non. En fait, ce sont moins les termes exacts de la relation entre les blogueurs et le Huffington Post que le cadre dans lequel cette relation s’inscrit que la vente du journal à AOL vient perturber, révéler et en un sens redéfinir. Pour le dire autrement, si les blogueurs du Huffington Post ne s’attendaient pas nécessairement à être payés en échange de leurs contributions – ce qui ne veut pas dire qu’ils n’espéraient pas l’être un jour – ils ne s’attendaient clairement pas à ce que le journal fasse un tel profit à partir de celles-ci. L’annonce du profit, sa visibilité, vient en quelque sorte recadrer en « exploitation », une activité contributive que les blogueurs définissaient à la fois comme une activité engagée, militante, une contribution à une cause, on y reviendra, mais aussi un investissement pour l’avenir, un éventuel tremplin pour leur carrière[3].
Bref, ce travail gratuit pour la cause et pour l’avenir, le leur, devient subrepticement, sans qu’il soit possible de l’ignorer, un travail gratuit approprié par autrui. Comme le dira l’un des avocats des blogueurs :
« c’est seulement quand les gens ont réalisé que, pendant tout ce temps où ils pensaient qu’ils étaient en train de contribuer à quelque chose qui n’avait réellement de valeur que pour eux-mêmes et pour un petit groupe de lecteurs, eh bien ils ont réalisé que tous ensemble ils étaient en train de créer beaucoup de valeur pour quelqu’un d’autre sans toucher le moindre argent pour ça. »
Ce que les blogueurs mobilisés vont reprocher aux dirigeants du Huffington Post ce n’est pas tant d’avoir fait du profit que d’en avoir fait beaucoup sans le « partager ». « S’il n’y a pas d’argent ben ok, très bien, ne donnez pas d’argent mais s’il y en a beaucoup pourquoi ne pas le partager avec les gens ? » me dira ainsi le second avocat que j’ai interviewé. Dans les entretiens, comme dans les déclarations à la presse ou même les comptes rendus du procès, on saisit bien combien la valeur qui est en jeu ici est loin d’être simplement économique.
« Il aurait suffit d’un geste, qu’elle envoie quelques dollars au moment de la vente à tous les contributeurs » dira Bill Lasarow lors de notre entretien. « Le fait qu’ils n’aient même pas pu nous donner trois dollars… Et qu’ils embauchent ces avocats, c’est dingue comme ils se sont battus ! On ne demandait pas une fortune, vous savez, on demandait un truc comme trois dollars le post, quelque chose de ce genre, quelque chose de ridicule », insistera l’un des blogueurs ayant porté plainte.
Quant à l’évaluation qui est faite, lors du procès, de la valeur à rétrocéder (un tiers du prix de la vente soit 105 millions de dollars), elle est construite non pas sur un principe de calcul de la contribution réellement apportée par les blogueurs mais sur un principe plus symbolique que mathématique, un principe de « justice » comme me le dira à ce propos l’un des avocats.
C’est donc moins la mesure de la valeur du travail gratuit effectué par les blogueurs qui est en jeu dans ce conflit que la démesure entre ces valeurs, à la fois politiques et professionnelles qui justifiaient que l’on écrive gratuitement, et la valeur marchande créée à partir de ce travail gratuit.
Cette contradiction entre les valeurs (morales) et la Valeur (économique) s’incarne tout particulièrement dans le fait que Richard, l’un des plaignants de la class action continuera à écrire pour le journal pendant et même encore quelques temps après le procès, et ce malgré les remarques critiques formulées à ce sujet par les avocats. « Je sais pas, c’est stupide sans doute, mais j’en ai éprouvé le besoin, j’avais besoin d’exprimer des choses… »
L’exploitation qui est en jeu ici, bien qu’inscrite dans un cadre capitaliste, se définit donc moins par l’existence d’un surtravail et d’une « plus-value » (l’écart entre une valeur produite par le travail et une valeur rétribuée pour celui-ci) ou, pour reprendre les termes de Christine Delphy, « comme le résultat d’une soustraction », que par un mouvement, un mouvement par lequel les dirigeants et actionnaires du journal se sont « appropriés » le travail des blogueurs.
Cette appropriation a été rendue possible par une autre contradiction que les blogueurs vont largement dénoncer au cours des deux étapes de la mobilisation, la grève et l’action juridique. Si on ne peut que souligner la consistance des propos tenus par la direction du Huffington Post et notamment par Arianna Huffington (« Nous vous payons en visibilité[4] »), l’imposture dénoncée par les blogueurs réside ailleurs, dans l’identité politique affichée par le journal – un journal de gauche, qui ne cache pas son soutien aux démocrates dans l’Amérique de Georges W Bush[5] – et de façon presque caricaturale par sa dirigeante. Dans son livre Third World America: How our politicians are abandoning the middle class and betraying the American dream, paru en 2010, Arianna Huffington décrit en effet « une économie à deux vitesses avec deux ensembles de règles : un pour la “corporate class” et un autre pour la « middle class ». (…) La classe moyenne dans sa grande majorité joue dans les règles et regarde ses emplois disparaître. La classe dirigeante joue grâce au système – s’assurant que son droit de déroger à la règle est inscrit dans les règles elles-mêmes »[6]. Un an plus tard, alors qu’elle est interpellée par des blogueurs au sujet de la grève lancée par Visual Arts, celle-là même qui a écrit ces quelques lignes déclarera : « Quelle idée de se mettre en grève quand personne ne s’en rend compte… allez-y, mettez vous en grève ! »[7]. À plusieurs reprises, dans notre entretien comme dans la presse, Bill Lasarow comparera le mépris dont Arianna Huffington a témoigné envers les revendications des blogueurs à celui de Marie-Antoinette.
La redéfinition de leur contribution volontaire en travail gratuit est donc avant tout pour les blogueurs la redéfinition de la nature du journal que nombre d’entre eux voyaient comme porteurs d’une cause, et que sans doute certains assimilaient de facto, plus ou moins consciemment, à une entreprise sans but lucratif. C’est aussi la requalification en employeuse de « travail gratuit » de celle qui était devenue une icône politico-médiatique démocrate. Les références à l’empire, la galère et l’esclavage ne manqueront pas d’ailleurs de se multiplier dans la presse à son encontre.
Certes l’affaire des blogueurs du Huffington Post a tous les marqueurs objectifs de l’exploitation capitaliste, à commencer par celui du profit. Mais, comme le rappelait Christine Delphy, si le profit « peut définir ou mesurer le gain des capitalistes », il est « le bénéfice que retire le capitaliste », « il ne mesure en rien l’exploitation du travailleur et de la travailleuse »[8]. Du point de vue des travailleurs, c’est bien plus qu’un surtravail qui leur est extorqué, c’est leur travail tout entier et avec lui leur capacité à définir ce qu’il « est » et pour qui il vaut.
Au fond, c’est peut-être moins avec le travail (à l’usine) des ouvriers étudiés par Marx qu’avec celui (au foyer) des ouvrières qu’il avait laissé dans l’ombre qu’il faudrait comparer le travail gratuit des internautes aujourd’hui. On réaliserait alors, comme le défend notamment la sociologue Kylie Jarrett dans un ouvrage récent, combien la « nouveauté » de l’exploitation 2.0 réside sans doute davantage dans son public que dans ses ressorts qui peuvent apparaître vieux comme le monde, a minima le monde capitaliste :
« Ce brouillage des frontières entre les activités appropriées par le capital et celles qui relèvent de la vie » est présenté par de nombreux analystes du travail numérique, nous dit Kylie Jarrett avec un brin d’irritation, comme une « expérience nouvelle, qui émergerait de changements relativement récents dans le mode d’accumulation »[9].
Or « le travail domestique est l’une des meilleures illustrations de cette incorporation sur la longue durée de l’immatériel, de l’inaliénable et du subjectif dans le capital ». D’où le terme de « digital housewife » (la ménagère numérique) qu’elle propose pour souligner les points communs entre le digital labor et le travail domestique et, surtout, les apports des pensées féministes marxiste et matérialiste pour comprendre comment le capitalisme se joue et jusqu’où de nos liaisons numériques. L’usine sociale, c’est-à-dire l’usage capitaliste de ce qui relèverait soi-disant du « hors travail », des émotions et des valeurs, martèle-t-elle, en se référant notamment aux travaux de Silvia Federici, ne commence pas avec internet. À lire la plupart des travaux actuels sur le « digital labor » poursuit-elle, même les plus solides d’entre eux,
« on a le sentiment que l’exploitation du travail immatériel n’a été “inventée” que quand elle est sortie de la cuisine pour débarquer sur internet – c’est-à-dire quand elle a commencé à concerner des hommes blancs, de classe moyenne, cis, hétéro et valides. »[10]
Penser que le travail numérique donnerait naissance à une nouvelle forme d’exploitation, c’est donc passer à la trappe tout ce que l’on a appris du travail domestique, c’est encore une fois penser les travailleurs comme des hommes. Si la « position privilégiée de la masculinité blanche dans le capitalisme autorisait jusqu’alors à penser le soi comme extérieur au capital », ce n’est que depuis cette position, nous dit Jarrett, que l’on peut trouver qu’il y a quelque chose de neuf dans l’usine sociale des media numériques. « For every one else, it is business as usual »[11].
Notes
[1] Bill Lasarow, « Why our writers are on strike from the Huffington Post », The Guardian, 5 mars 2011.
[2] Une campagne syndicale nationale intitulée « Pay the writers » sera toutefois lancée à partir de ce moment-là par National Writers Union.
[3] Cette question du travail gratuit comme investissement pour l’avenir sera abordée plus en détail dans le chapitre suivant.
[4] « We pay you with exposure »
[5] Miriam Cherry, « Beyond misclassification: the digital transformation of work », Comparative Labor Law and policy journal, février 2016.
[6] Arianna Huffington, Third World America: How our politicians are abandoning the middle class and betraying the American dream, Crown, 2010, pp. 55-56.
[7] PaidContent conference, march 2011, NYC
[8] Christine Delphy, Pour une théorie générale, op. cit., p. 81-83.
[9] Kylie Jarrett, « Le travail immatériel dans l’usine sociale : une critique féministe », Poli- Politique de l’image, n° 13, Exploitation 2.0, 2017
[10] Kylie Jarrett, Feminism, Labour and digital media : the digital housewife, Routledge, 2015, p. 65.
[11] Ibid., p. 65.