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17 novembre : "Clairement, l’objectif des “gilets jaunes”, c’est de monter sur l’Elysée"

Gilets-jaunes

Lien publiée le 13 novembre 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) Des réunions de préparation et de premières opérations escargot ont eu lieu partout en France ce week-end, avant la journée de « blocage national » du 17 novembre.

Vêtus de leur emblème, le gilet jaune fluo de la Sécurité routière, ils sont une quarantaine ce samedi 10 novembre à avoir bravé la pluie pour être au rendez-vous sur le parking du centre commercial Bay 2 de Collégien (Seine-et-Marne). Ils forment un cercle serré autour d’Eric Drouet, l’un de ceux qui ont appelé les premiers à un blocage national le 17 novembre, initialement contre la hausse des prix des carburants.

Des « gilets jaunes » se sont rassemblés sur le parking d’un hypermarché, à Collégien, en Seine-et-Marne, le 10 novembre.

Une réunion de préparation comme il s’en est tenu des dizaines ces derniers jours sur des parkings de centre commerciaux de France et de Navarre. En guise de tour de chauffe, on a même déjà observé ce week-end plusieurs opérations escargot improvisées, aux abords de Saint-Etienne, Chambéry, Toulouse ou Brest.

« Ça se passe comment concrètement, samedi prochain ? », lance au groupe du parking francilien un quinquagénaire emmitouflé dans sa parka. « On peut manifester en moto ? », embraye une jeune femme maquillée avec soin. « C’est quoi l’objectif final ? », demande une petite dame sous son parapluie.

Eric Drouet ne veut surtout pas passer pour le chef du mouvement. Mais le fait est que c’est lui que tous ont vu s’exprimer sur BFM-TV. Alors c’est lui qui répond, qui rassure. « On ne voulait pas tout divulguer. On vous donnera des précisions cette semaine, explique-t-il très serein. Le rendez-vous sera aux abords du périph mais, clairement, l’objectif, c’est de monter sur l’Elysée, c’est ce qui est ressorti des commentaires sur Facebook. » Tout le monde acquiesce : l’objectif, c’est l’Elysée.

« Abolir les privilèges »

« On est d’accord, on fait bien ça pour remettre en cause tout le système ? », lance un homme sur un ton beaucoup plus tendu. Nouvel acquiescement général. Eric Drouet annonce alors qu’une liste de revendications beaucoup plus large devrait paraître dans les jours à venir : en plus de la suppression des taxes sur le carburant, il pourrait être question de hausse du smic de gratuité des transports ou de suppression des 1,7 % de hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les retraites.

Un cahier de doléances discuté depuis une semaine par plus d’une centaine d’organisateurs de blocages en France, reliés par la messagerie instantanée Messenger. « Est-ce qu’il y est question d’abolir les privilèges ? », demande très sérieusement Nawel, 30 ans. « Il en est un peu question, vous verrez, répond Eric Drouet. Mais les derniers points restent à trancher. »

L’homme à la voix tendue relance alors : « Il faut commencer à prévoir tout de suite ce qu’on fait après le 17 ! Si le blocage dure, comment on s’alimente ? » Lui a déjà prévu de ne pas aller travailler lundi. Plusieurs autres ont posé une semaine de vacances. Comme Véronique, 52 ans, qui, comprenant qu’elle doit envisager de dormir dans sa voiture le 17 au soir, demande simplement : « Faut prévoir un duvet ? » Ils et elles sont chauffeur-routier, chauffeur-livreur, automaticien, formateur en pâtisserie, aide-soignante, maître d’hôtel dans l’événementiel, employés municipaux. Et ils se préparent tranquillement à tenir un siège.

« Mais s’ils envoient les CRS, qu’est-ce qu’on fait ? » Les images de « gilets jaunes » évacués manu militari avant le passage du chef de l’Etat, vendredi, à Albert (Somme), sont dans tous les esprits. « N’allez pas à la confrontation, faut laisser une bonne image jusqu’au bout », conseille Eric Drouet. « Nous, la 77 Nord, nous serons tous équipés de caméras GoPro en cas d’incident », prévient l’un de ceux qui organisent le blocage du péage de Coutevroult, près de Meaux. La « 77 Nord » : le groupe Facebook se fait garnison.

« Emmerder le citoyen, et pas l’Etat ? »

Mais combien seront-ils à transformer leur « J’aime » sur Facebook en mobilisation sur le terrain ? La réunion sur le parking est bien modeste quand on sait que 50 000 personnes ont annoncé sur le réseau social qu’elles participeraient au blocage parisien, et que 200 000 disent s’y « intéresser ». « J’ai l’impression que Paris ne se bouge pas, s’inquiète Nawel. Eux gagnent très bien leur vie… » Les « gilets jaunes » réunis sur le parking, c’est plutôt la France des fins de mois difficiles. Celle qui depuis quelques années passe ses vacances à domicile.

« Normal, les Parisiens n’ont pas de voiture ! Ils ont tout eux : le tram, le métro…, peste un quadragénaire, approuvé par l’assemblée. C’est une catégorie sociale différente. Ils sont coupés de la réalité : y’a Paris et le reste de la France ! » Eric Drouet les rassure :« Vous n’avez pas de vue d’ensemble, mais moi qui suis en contact avec tous les groupes, je peux vous dire que ça va bouger de partout, du tunnel du Mont-Blanc au pont de Tancarville. Ça va être du jamais-vu. » Comme pour enfoncer le clou, le routier précise que « BFM a prévu de n’être que sur ça tout le week-end ». Et qu’ils ont prévenu les médias étrangers « qui sont moins bridés qu’en France ! » « Ils ne pourront pas cacher le mouvement ! »

Un homme aux cheveux blancs finit par se démarquer : « Mais vous ne croyez pas qu’on va surtout emmerder le citoyen, et pas l’Etat ? » Lui prône un mouvement de baisse de la consommation, pour limiter les rentrées de TVA. « Bloquer le citoyen aura forcément un impact sur l’Etat, justifie Nawel. C’est nous leur vache-à-lait ! » Mais l’homme a plombé un instant l’enthousiasme général. Et si ça ne marchait pas ? « Ce serait terrible, prévient l’homme à la voix tendue. En janvier c’est le prélèvement à la source, ce sera facile pour eux de nous assassiner ! » « Oh mais vous nous déprimez, vous !, tempère une quinqua. Faut pas partir défaitiste ! » Elle réchauffe l’assemblée. Jérémy, 23 ans, encourage sa voisine : « Le plus dur à faire, c’est le premier pas. »

Aline Leclerc