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Derrière les affaires Quick, Petrobras et Uramin, des “prédateurs contre les États”

Lien publiée le 15 novembre 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

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Les milliardaires Albert Frère et Paul Desmarais sont au cœur d’une enquête hors norme. Dans “Les Prédateurs – Des milliardaires contre les États”, les journalistes Denis Robert et Catherine Le Gall dénoncent le mode opératoire de deux géants de la finance à travers des affaires qui ont fait trembler les pouvoirs.

Que pouvaient bien faire deux magnats belge et canadien à la sauterie organisée au Fouquet’s par Nicolas Sarkozy pour célébrer son élection ? Après trois ans d’enquête, la précieuse rencontre entre les journalistes Catherine Le Gall et Denis Robert – tous deux coutumiers d’affaires retentissantes sur l’univers de la banque* – porte un coup à la fiction d’une finance “sans visage”. Au menu, chaîne de hamburgers à prix d’or, pétrole de raffinerie obsolète et mines d’uranium inexploitables. Le tout servi sous une épaisse fumée de Gaz de France.

Les Prédateurs – Des milliardaires contre les États, l’ouvrage qu’ils cosignent aux éditions du Cherche-Midi, est une plongée édifiante dans les réseaux et les coups montés par les actionnaires de sociétés aux multiples filiales et aux noms éphémères. L’ombre de deux “apôtres du capitalisme financier”, le Belge Albert Frère et le Canadien Paul Desmarais, plane sur trois affaires dans lesquelles, in fine, les États finissent par éponger. Au départ, un fil à tirer, celui de l’affaire Quick, la chaîne de restauration rapide belge vendue 760 millions d’euros à la Caisse des dépôts et consignations en 2006 alors qu’elle n’en valait que 300 millions deux ans plus tôt. Banque d’État française, le “dernier rempart public contre la financiarisation galopante de notre économie” est aussi le “bras armé du pouvoir”, écrivent les deux journalistes.

Le scandale est dénoncé par un entrepreneur français dont les intentions restent troubles. Il rêve de devenir un nouveau héros parmi les lanceurs d’alerte. “Jean-Marie Kuhn a été le point de départ et la difficulté. En pleine affaire Clearstream, il y a une dizaine d’années, il a insisté pour me voir et j’ai sans doute été le seul à marquer autant d’intérêt pour ce qu’il racontait,raconte Denis Robert. Mais il a aussi sa part d’ombre et, à partir d’un moment, j’ai senti qu’il n’était pas sincère avec moi et qu’il essayait de me manipuler. Ce qui n’est pas un problème puisque souvent, lorsque quelqu’un contacte un journaliste, c’est dans un but précis. Le sien n’a jamais été très clair, ce qui n’invalide pastoutes les informations qu’il porte.”

L’arbre qui cache la forêt

L’entrepreneur agite une liste de noms de hauts fonctionnaires et de politiques qu’il accuse d’avoir été “corrompus” pour la vente de Quick. Du côté de la Caisse des dépôts, la liste reste “secret absolu”. Les journalistes doutent, racontent au fil des pages leur cheminement, leur spleen et leurs nouvelles pistes. Du montage de l’affaire Quick transpire une mécanique : un modus operandiaux étonnantes similitudes avec les scandales UraMin – vendue au groupe public français Areva – et Petrobras, le géant public brésilien qui a mené à la plus grande enquête anticorruption de l’histoire du pays.

Aux commandes de diverses sociétés, les milliardaires Albert Frère et Paul Desmarais parviennent à revendre dans les deux cas à un prix exorbitant une société à une entreprise publique, notamment par l’intervention d’“experts financiers pour surévaluer la valeur des sociétés et leur potentiel de développement”. En 2006, c’est un groupe belge appartenant à Albert Frère qui est aux manettes dans la vente d’une raffinerie au Texas au groupe public brésilien Petrobras. Achetée 42,5 millions en 1999, elle sera revendue 1,18 milliard, avec des clauses particulièrement “diaboliques”. Sur le continent africain, la société canadienne spécialisée dans l’extraction minière UraMin est rachetée par Areva en 2007. À un prix cinq fois supérieur à sa valeur à peine quelques mois plut tôt. Un “hold-up” à 2,5 milliards d’euros, selon les journalistes. Fin 2011, l’État dépensera 1,5 milliard d’argent public pour “combler le gouffre financier UraMin”.

Compromission

“Que les prédateurs ou les milliardaires essayent de nous faire les poches fait partie du jeu, estime Denis Robert. Par contre, la faiblesse des États et la compromission des politiques ou des hauts fonctionnaires à la manière où on le décrit devraient nous faire réfléchir à comment se prémunir et ce qu’il faut mettre en place pour contrôler et arriver à une justice plus indépendante.” La justice française, à deux reprises, a tourné le dos à l’affaire Quick. En 2007, une plainte de Jean-Marie Kuhn est classée sans suite en seulement deux semaines. Une équipe d’enquêteurs menée par une magistrate belge s’y intéressera un moment, jusqu’à ce que celle-ci soit mutée.

“La justice belge a fait beaucoup plus que la justice française. Il y a là un flagrant délit d’injustice française, poursuit Denis Robert, interrogé par Le LanceurLe parquet de Paris, en la personne de Jean-Claude Marin à l’époque – qui a quand même eu sa promotion sous Sarkozy –, refuse d’exécuter la commission rogatoire belge qui pose des questions légitimes sur la Caisse des dépôts. Dans une démocratie saine, le procureur aurait dûautoriser les services de police belge à perquisitionner la branche financière de la Caisse des dépôts, qui ensuite s’est appelée Qualium. Nous aurions alors vu quels sont les sociétaires cachés des fonds communs de placement à risque qui étaient les bénéficiaires du deal Quick.”

Problème politique”

Le problème que pose le livre est le problème politique vécu en ce moment. Il y a une vision noire et pessimiste avec, par exemple, le scénario brésilien, complète l’auteur. Contrairement à la France, la justice a fait le job. Des dizaines de politiques et un président en exercice ont été mis en prison. Ils ont fait le ménage et ça a amené l’extrême droite, car la gauche est apparue complètement compromise. Albert Frère n’a pas du tout été inquiété, il est suffisamment malin pour faire les choses dans la légalité. Mais aussi parce qu’il parie sur le fait que la justice n’ira pas lui chercher trop de poux. Et il a raison”, déplore Denis Robert.

“En parallèle des affaires Quick et Petrobras, Albert Frère décroche un marché juteux : le barrage de Jirau au Brésil ou la privatisation de GDF Suez et sa montée au capital pour la France”, rappellent les journalistes. Nicolas Sarkozy était au départ contre la fusion entre l’entreprise publique Gaz de France et Suez, la “multinationale franco-belge aux finances plombées”. Soutenu depuis des années par les deux amis milliardaires, il changera d’avis. Juste après la fusion, l’entreprise décide d’indexer le prix du gaz sur le prix du pétrole, une énergie rare contrairement au gaz. En dix ans, l’augmentation du prix du gaz se situe depuis entre 80 et 110 %. Si le duo de journalistes avait en tête de savoir “à qui profite le crime financier ?”, leur ouvrage en dénombre aussi les nombreuses victimes.

* Catherine Le Gall est coauteur de Dexia, une banque toxique aux éditions La Découverte et lauréate du prix du meilleur article financier en 2015 pour l’enquête en bande dessinéeEmprunts toxiques – Dommages et intérêts, publiée dans La Revue dessinée. Denis Robert, auteur de romans et de documentaires, est à l’origine de plusieurs enquêtes sur le fonctionnement de la chambre de compensation financière Clearstream. Une affaire qui lui a valu dix ans de combat judiciaire avant d’être blanchi des accusations de diffamation.


Denis Robert sera présent aux côtés du Lanceur, avec Karim Ben Ali, pour une rencontre ce jeudi 15 novembre à 20h au cloître des Récollets, à Metz (1 rue des Récollets).

L’événement est gratuit et ouvert à tous, sur inscription àrencontres@lelanceur.fr ou sur notre événement Facebook.