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Gilets jaunes : ça bouge chez les syndicats

Gilets-jaunes syndicalisme

Lien publiée le 30 novembre 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.regards.fr/societe/article/gilets-jaunes-ca-bouge-chez-les-syndicats

Si les premières réactions présentaient ce mouvement comme un guet-apens de l’extrême droite, le succès des rassemblements dans tout le pays a obligé les syndicats à revoir leur copie. Signe de faiblesse ou temporalité spécifique des syndicats, ce décalage suscite critiques et incompréhensions.

Fin octobre, des vidéos circulent sur les réseaux pour s’opposer à la hausse du prix du carburant et pour appeler à manifester le 17 novembre. Ces réseaux sont très souvent ceux de l’extrême droite avec notamment une vidéo vue des millions de fois postée par Franck Buhler de la "Patriosphère". L’Union syndicale Solidaires publie alors un communiqué dénonçant une « manipulation » tandis que Philippe Martinez intervient à France Inter pour trancher : « Il est impossible d’imaginer la CGT défiler à côté du Front national. » Pourtant, début novembre, la gronde s’étend dans le pays et se centre sur une dénonciation de la vie chère. Face à cet infléchissement, une partie importante des forces de gauche – le député François Ruffin en tête - soutient finalement l’appel au 17 novembre. Côté syndical, la méfiance reste de mise que ce soit à la CGT, Solidaires ou même à la CFDT.

Avec plus de 280.000 personnes sur 2000 blocages, cette première mobilisation finit de convaincre les politiques de gauche. L’ambivalence des gilets jaunes perdure pourtant. Si la très forte mobilisation à la Réunion bloquant des dépôts de carburant, le port de commerce et des aéroports de l’île donne espoir ; le mouvement offre aussi les pires images avec notamment des gilets jaunes se félicitant d’avoir traqué des migrants dans la cuve d’un camion. Malgré ces ambiguïtés, la majorité des blocages montrent une colère essentiellement sociale et un mot d’ordre clair contre le président Emmanuel Macron. L’ampleur du phénomène parvient alors à modifier – timidement ! – la ligne des directions syndicales.

Deux déclarations font illustrer cette timidité : un communiqué de Solidaires le 19 novembre et une déclaration de la CGT le 20. En effet, les deux organisations appellent à la mobilisation mais sans cibler les gilets jaunes. Elles reconnaissent la légitimité des revendications sociales et progressistes du mouvement mais se limitent à énoncer une liste revendicative et à inviter le mouvement à venir à leur rencontre plutôt qu’à tenter de d’y aller elles-mêmes. La logique générale est la suivante : si vous venez vers nous, nous serons ravis de travailler avec vous. L’appel ne marche pas, ou en tout cas pas dans le sens prévu. Au sortir du 17 novembre, ce ne sont pas les gilets jaunes qui débarquent chez les syndicats mais bien plutôt certains syndicats qui décident de rejoindre officiellement le mouvement. Il s’agit de la CGT Chimie, de Sud Industrie et de FO Transport.

Le 24 novembre, une confirmation

Arrive alors le second acte, le samedi 24 novembre. Cette fois, en plus des blocages sur les ronds-points du pays, des gilets jaunes de différentes régions montent à Paris. Le succès reste encore très fort et différents exemples ont montré une bonne entente avec une autre mobilisation, celle de #NousToutes comme à Montpellier.

Côté syndical, cette journée d’action sonne comme la confirmation d’une compatibilité avec leurs revendications et modes d’action. Au niveau local les syndicalistes participent et apportent même parfois un soutien matériel et logistique. Une tribune de « syndicalistes contre la vie chère »est publiée sur Médiapart. Une soixantaine de syndicalistes – principalement de la CGT et de Solidaires – affirment qu’il « est possible de s’engager collectivement dans cette bataille » tout en rappelant que « aucune agression, aucune violence raciste, sexiste ou homophobe n’est tolérable, qu’elle qu’elle soit et d’où qu’elle vienne ».

Les directions nationales sentent l’infléchissement et se montrent plus ouvertes au mouvement. Le 1er décembre, journée traditionnelle de mobilisation des sans-emplois, jouera le rôle de jonction de ces pans de la mobilisation. Dans son communiqué du 27 novembre, Solidaires invite à faire de cette journée la rencontre de différents mouvements et modes d’actions : le Collectif Rosa Parks, chômeuses et chômeurs, grèves dans les lieux de travail et mobilisation gilets jaunes pour « des camarades et certains syndicats de Solidaires ». De même, la CGT profite de cette date habituelle pour renforcer l’appel des Gilets jaunes sans les nommer, « que tous les citoyens, salariés actifs et retraités » se joignent aux manifestations du 1er décembre, conclut-elle. La mobilisation du 1er décembre puis celle appelée au 8 décembre permettront de préciser – ou non – l’addition des mobilisations traditionnelles avec celle des Gilets jaunes.

Face aux critiques et incompréhensions, que peuvent les syndicats ?

Lenteur bureaucratique, syndicats coupés de la réalité, mépris de classe, les hésitations du champ syndical peuvent susciter l’incompréhension voire la critique. Pourtant, au-delà des attaques récurrentes, la réaction des syndicats face aux Gilets jaunes témoigne de dynamiques propres à cet univers. Tout d’abord ce mouvement, soutenu très tôt par les réseaux d’extrême droite, ne présentait pas de cadre idéologique clairement progressiste. Or, l’extrême droite a depuis plusieurs années empiétées sur des thématiques jusqu’alors propres à la gauche ; un mouvement social foncièrement d’extrême droite n’était pas à exclure. La méfiance initiale n’est donc pas le propre des syndicats.

Pourtant, le mouvement s’est rapidement affiché comme étant distinct des tentatives de récupération de l’extrême droite. La timidité des syndicats peut alors s’expliquer de deux autres façons. D’une part, la structuration des organisations cadre le mode de prise de décision des directions. La CGT connait plus de 130 organisations tandis que Solidaires est une union syndicale qui doit alors respecter l’avis de chacun des syndicats qui la compose. Cette structuration rend les directions sensibles aux possibles méfiances de certains de leurs secteurs. Ainsi, le syndicat Solidaires Finances Publiques – syndicat historique de l’Union Solidaires – a dénoncé depuis plusieurs jours les attaques et blocages de centre d’impôts par les gilets jaunes. Selon ce syndicat, 134 centres dans 55 départements ont été visés depuis le 17 novembre, de quoi freiner les envies de ralliement franc et clair.

D’autre part, l’organisation syndicale se caractérise en grande partie par ses modes et lieux d’action. A l’instar de la tribune des « syndicalistes contre la vie chère », le mouvement des gilets jaunes est envisagé à l’aune de la grève et du blocage de l’activité économique, « la construction d’une grève générale reste notre ordre du jour » précise la tribune. C’est alors avant tout au prisme de la grève et de la lutte économique que le monde syndical peut tenter son adaptation aux gilets jaunes ? Un communiqué du 27 novembre de la fédération Sud PTT résume alors cette adaptation : « le syndicalisme doit se mettre au service de la lutte par la diffusion de l’information, en prenant la parole dans les assemblées générales, en lançant des préavis et appels à la grève pour favoriser la participation aux actions et le blocage de l’économie ».

Les prochaines journées de blocage et de mobilisation permettront de confirmer – ou non – cette progressive adaptation du monde syndical au mouvement des gilets jaunes. Loin d’une réelle convergence des luttes et modes d’action, la tendance semble être celle d’une addition des mouvements dans des dates et lieux communs.