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Contribution à la rupture en cours
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://lundi.am/Contribution-a-la-rupture-en-cours
Ce texte nous paraît être la meilleure analyse sociologique et politique qui ait été produite jusqu’à maintenant sur le mouvement des gilets jaunes et la séquence actuelle. Nous en remercions chaudement les auteurs. (Pour le compléter, nous incitons vivement nos lectrices et lecteurs à lire Prochaine station : destitution et Gilets jaunes : la classe moyenne peut-elle être révolutionnaire ?.
« Je vais finir par devenir communiste... »
Brigitte Bardot (entretien avec Le Parisien, 1er décembre 2018)
« Beau comme une insurrection impure »
(graffiti observable le 24 novembre sur quelque façade des Champs-Elysées
DÉCOMPOSÉS
S’il peut bientôt s’avérer fragile, l’un des principaux mérites de la mobilisation actuelle demeure pour l’heure d’avoir renvoyé au Musée Grévin la rhétorique et le répertoire pratique des mouvements de gauche du siècle passé, tout en réclamant plus de justice et d’égalité, et ce sans reproduire pour autant la geste antifiscale de droite et d’extrême-droite de l’après-guerre. Après l’effondrement des sociaux-démocrates signalé en France par l’élection de Macron, voici donc maintenant celui des communistes, (in)soumis, gauchistes, anarchistes, membres de l’« ultra-gauche » et autres professionnels de la lutte de classes ou porte-paroles radicaux chic : et une majorité d’entre eux, après avoir fait la fine bouche ou s’être pincé le nez, de courir désormais, défaits, à toutes jambes après le mouvement, avec leur groupuscules, syndicats, partis, interventions de presse et billets de blog. Bienvenue dans l’arrière-garde !
Le retard est patent, le défilé est funèbre. Chacun peut pressentir que les appels, les tribunes, les motions, les pétitions, les parcours République-Bastille annoncés en Préfecture, leurs services d’ordre et leur « cortège de tête », les tables de concertation et de négociation entre représentants et gouvernants, le petit théâtre de la représentativité entre les dirigeants ou bien les délégués et « la base », la prise de la parole par voie de presse ou en assemblée générale – bref, que les dernières ruines de l’État-Providence, ou plutôt, de ses formes de contestation, sont parties en fumée : qu’elles sont non seulement inutiles mais surtout obsolètes et dérisoires, vocables d’une langue morte et archi-morte qui risque bien, pourtant, d’être parlée encore longtemps par les fantômes qui viendront les hanter. On peut toujours compter sur les bureaucrates, apprentis ou professionnels, et sur l’armée fournie des intellectuels organiques du néant, pour faire les ventriloques, jouer le grand jeu du Parti, s’imaginer une fois de plus comme l’avant-garde d’un mouvement dont ils sont en réalité les tristes voitures-balais.
Les voilà donc qui proposent des mots d’ordre, bientôt des constitutions, édictent des règles de bonne conduite collective, exhortent à l’inversion des rapports de force, glosent doctement sur le caractère plus ou moins prérévolutionnaire de la situation, infiltrent manifestations et réunions, appellent à la convergence des luttes et même à la grève générale… Ces pratiques et ces discours étaient déjà creux, incantatoires, l’année dernière, lors des mouvements de cheminots et d’étudiants. Ils le sont plus que jamais aujourd’hui. Car la nouveauté, la ténacité et les premiers succès des « gilets jaunes » éclairent cruellement la série de défaites presque systématiques des dernières années en France, et la décomposition générale dans laquelle tous les courants de gauche, si fiers pourtant de leur héritage et de leur singularité, toujours aussi bêtement héroïques dans leur posture, ont peu à peu sombré depuis cinquante ans. Loin d’être un obstacle, c’est précisément l’impureté idéologique tant décriée de la mobilisation qui a jusqu’à présent favorisé son extension et périmé tous les volontarismes unificateurs venus d’organisations ou de militants spécialisés. Aux professionnels de l’ordre gauchiste et du désordre insurrectionnaliste, le mouvement des « gilets jaunes » n’adresse donc qu’une invitation au voyage, à une participation enfin libre en qualité d’être quelconque dépris des collectifs institués comme d’autant de pesanteurs matérielles et idéologiques du passé.
À LA CHARNIÈRE
La mobilisation en cours n’a pas besoin d’être gonflée – ou plutôt concurrencée, si on sait lire entre les lignes des déclarations revanchardes des petits chefs destitués – par des mouvements existants ou parallèles. Sur les ronds-points et dans les rues, par le blocage ou par l’émeute, elle fait déjà se rencontrer et s’entrechoquer des forces hétérogènes, politiquement diverses, voire opposées (bien que souvent sociologiquement proches). Plus que sur des idéaux déjà-là ou sur une conscience de classe partagée, et plus encore que sur les vidéos ou les messages échangés sur les réseaux sociaux, le mouvement tient d’abord aux sociabilités locales, anciennes ou quotidiennes, aux interconnaissances externes aux lieux de travail, dans les cafés, les associations, les clubs de sport, les immeubles, les quartiers. Parce que la religiosité de l’idéologie progressiste (avec ses mythes éculés, ses rituels évidés) leur est violemment étrangère, les « gilets jaunes » ne semblaient pas porter de certitudes, d’interprétations toutes faites de leur malheur commun dans les deux premières semaines du mouvement. Tout en souplesse et en adaptation, au risque de l’éclatement et de la dissolution, ils tiennent le bitume ou avancent aux carrefours et aux péages sans préjugés solides, sans certitude imposée, délivrés de l’intellectualisme et de l’idéalisme pathologiques de la gauche et des gauchistes et de leur fantasme de prolétariat, de sujet historique et de classe universelle.
Le mouvement se situe en cela à la charnière de deux périodes du capitalisme et de ses modes de gouvernement. Dans son contenu, plus que dans sa forme, il porte des marques du passé mais laisse aussi apercevoir un avenir possible des luttes ou des soulèvements. La critique de l’impôt, la demande de redistribution, de correction des inégalités, s’adressent à un État régulateur alors que celui-ci a en grande partie disparu. Le mouvement veut à la fois moins d’impôt et plus d’État. Il ne s’en prend à ce dernier que dans la mesure où il s’est retiré des zones urbaines et semi-rurales. Et lorsqu’il était question de pouvoir d’achat, jusqu’à ces derniers jours, c’était d’ailleurs en ignorant les salaires qui, plus que les prélèvements, en déterminent pour la plupart le niveau général. Trait remarquable de la période en cours : nul non plus n’a songé, au gouvernement, à blâmer les patrons de leur politique salariale. Une telle restriction, tactiquement incompréhensible, exprime mieux que tout discours, les intérêts que serviront, jusqu’à leur perte, les dirigeants politiques du régime actuel.
Parce qu’il défie les partis, s’exprime hors des syndicats – et même, à ses débuts, contre eux – le mouvement s’attaque aussi à l’ensemble du système de représentation des intérêts issu de la Seconde guerre mondiale puis de la Cinquième République – un ensemble de mécanismes de délégation rattaché à la gestion keynésienne du capitalisme. En renvoyant ainsi la gauche et les gauchistes au folklore, voire au formol, les « gilets jaunes » parachèvent pour certains les revendications d’autonomie exprimées depuis Mai 68. Mais ils sont aussi par-là même en phase avec le programme de destruction des organisations syndicales et des institutions démocratiques mise en œuvre sous le capitalisme avancé depuis les années 1970. Ou plutôt : ils en sont le reste irréductible, dont certains prophétisaient le surgissement. Tour à tour ou tout à la fois keynésien, libertaire et néolibéral : le mouvement porte avec lui, dans son rapport à l’État, à l’économie, à l’histoire, les stigmates de ces idées politiques moribondes et les ambivalences de l’époque.
Il propose néanmoins, quoique sous une forme encore paradoxale, la première politisation de masse de la question écologique dans ce pays. Voilà pourquoi on aurait tort de vouloir rapporter la mobilisation aux seules conditions de classe, de statuts, de professions, et d’opposer trop simplement les problèmes de fin du mois et la question de la fin du monde. Ce vieux réflexe est lui aussi une rémanence de l’ancien régime de régulation et de contestation. Dans le mouvement des « gilets jaunes », le travail n’est pas l’épicentre ; pas plus, peut-être, que ne l’est en réalité le pouvoir d’achat. Ce qu’il manifeste, outre les injustices écologiques (les riches détruisent beaucoup plus la planète que les pauvres, même en mangeant bio et en triant leurs déchets, mais c’est sur les seconds que l’on fait reposer la « transition écologique »), ce sont surtout les différences énormes, peu ou pas politisées jusque-là, existant dans le rapport à la circulation. Plutôt que de s’exprimer au nom d’une position sociale, il fait en ce sens de la mobilité (et de ses différents régimes, contraint ou choisi, éclaté ou concentré) à la fois le motif principal des mobilisations et, en la bloquant, l’instrument cardinal du conflit.
LES TROIS GILETS
Sur le plan de la mobilisation concrète, la qualité première du mouvement aura été d’inventer une nouvelle tactique et une nouvelle dramaturgie de la lutte sociale. De faibles moyens, parfaitement mis en œuvre, auront suffi à instaurer un niveau de crise politique rarement atteint en France durant ces dernières décennies. La logique du nombre et de la convergence, consubstantielle aux formes de mobilisation de la période keynésienne, n’est plus l’enjeu décisif : plus besoin de compter sur les lycéens, les étudiants, les inactifs, les retraités, sur leur disponibilité et sur leur temps, ni d’espérer qu’une caisse de résonance centrale, médiatique, parisienne, vienne donner au mouvement sa puissance et sa légitimité. La combinaison unique d’une prolifération des petits regroupements, jusque dans des lieux sans vie politique spontanée depuis près d’un demi-siècle, des pratiques de blocages, et du recours évident, naturel, ancestral, à l’émeute, portée au cœur même des centres urbains départementaux, régionaux et nationaux, ont supplanté, pour un temps du moins, le répertoire de la grève avec ses figures imposées et déjà instituées.
Par-delà ce trait commun, trois tendances pratiques et tactiques semblent diviser actuellement le mouvement et en fixer les devenirs. La première est électoraliste en son cœur, « citoyenniste » dans ses franges. Elle appelle d’ores et déjà à la formation d’un mouvement politique inédit, à la constitution de listes aux prochaines élections européennes et rêve sans doute d’un destin comparable à celui du mouvement Cinq étoiles en Italie, ou bien de Podemos en Espagne ou du Tea Party, aux États-Unis. Il s’agit de peser sur le jeu politique existant avec des représentants dotés des caractéristiques sociales les moins éloignées possible de celles des représentés. Les plus radicaux, dans ce camp, ne se satisfont pas des institutions politiques actuelles et demandent d’abord qu’elles soient transformées en profondeur : ils veulent leur référendum ou bien leur « nuit debout », mais dans des grands stades de football où une nouvelle démocratie délibérative serait alors pratiquée et inventée.
Une seconde polarité du mouvement est ouvertement négociatrice. Elle s’est exprimée dimanche dernier dans la presse en appelant à des discussions avec le gouvernement et en acceptant, avant rétractation, ses invitations. Une fraction plus ou moins frondeuse des parlementaires et des politiciens de la majorité y répond, avec des représentants de l’opposition, des syndicalistes, des chefs ou des sous-chefs de parti, en appelant à des changements de cap, voire à des transformations en profondeur et à des États généraux, de la fiscalité, de l’écologie, des inégalités et d’autres sujets brûlants. Ce pôle domine les débats en cette troisième semaine mais il reste très contesté à l’intérieur du mouvement qui ne voit pas comment un nouvel accord de Grenelle, a fortiori sans syndicats ni représentants légitimes, et probablement dilué dans le temps, pourrait répondre à la colère. Après un faux-départ, le temps est bien devenu aujourd’hui l’atout principal de ce gouvernement qui espère noyer la fronde dans les fêtes de fin d’année et faire durer la discussion pendant plusieurs mois. On sait aussi qu’en d’autres circonstances, les états généraux n’ont pas suffi à panser les fractures.
Le troisième noyau du mouvement est avant tout « dégagiste » et, dans ses marges, insurrectionnaliste, voire révolutionnaire. Il s’exprime le weekend à Paris et dans les préfectures et demande pour l’instant la démission de Macron, sans autre programme. Il a obtenu des résultats sans précédent en France depuis plusieurs décennies en atteignant les quartiers ouest, et riches, de la capitale et en ripostant aux forces de l’ordre avec un enthousiasme inédit malgré la répression policière, les nombreuses victimes de violence, les mains arrachées, les visages tuméfiés. Quelques chiffres donnent une idée de la violence en cours : en une journée parisienne, le 1er décembre, la police a tiré autant de grenades que pendant toute l’année 2017 (Libération, 3 décembre 2018). Le caractère très aigu des affrontements sert aussi à disqualifier les fractions émeutières du mouvement. Cette stratégie a échoué la semaine dernière. Elle fait à nouveau l’objet d’une propagande de masse cette semaine. Quoi qu’il arrive, les meilleures perspectives de cette fraction du mouvement ne sont pas sans rappeler celles des révoltes arabes de 2011, lorsqu’une mobilisation politiquement très hétérogène, venu des réseaux sociaux, en grande partie détaché des organes politiques traditionnels, a fait tomber plusieurs régimes autoritaires, mais sans parvenir à aller au-delà et à affirmer une positivité révolutionnaire.
Le tableau ne serait pas complet sans rappeler que la possibilité néo-fasciste traverse les trois camps du mouvement. L’extrême-droite est présente dans chacun d’entre eux. La crispation identitaire et autoritaire est aussi un scénario possible pour toutes les tendances : par alliance (comme en Italie) ou absorption chez les électoralistes ; par dégoût ou contrepartie, si les négociateurs l’emportent ; par contrecoup et contre-révolution, si ce sont les putschistes de gauche ou les insurgés qui triomphent. L’extrême-droite en embuscade ! Les bonnes âmes sont abattues. Cela suffit-il à ternir le mouvement ? L’éventualité néo-fasciste est en réalité inscrite en France dès l’élection de Macron : elle est en est le double nécessaire et la conséquence la plus probable. Elle s’accomplit partout aujourd’hui comme la suite logique du maintien de l’ordre économique et policier néolibéral en conjoncture de crise sociale, ce dont témoigne le tournant autoritaire d’un nombre notable de pays depuis 2008. L’existence d’un tel danger n’est pas réjouissante mais elle est la preuve évidente que nous sommes à une croisée de chemins, en France, en Europe, au-delà. En temps critiques, l’histoire est toujours incertaine, magmatique, les puristes et les hygiénistes de l’esprit et de la politique sont à la peine. S’ils ne sont pas encore illibéraux, les « gilets jaunes » sont déjà antilibéraux. Mais qui peut dire qu’ils n’espèrent pas de libertés nouvelles ?
MAILLONS FAIBLES
À cette aune-là, l’émeute insurrectionnelle n’est encore rien, même si celles qui ont eu lieu les 24 novembre et le 1er décembre à Paris et dans quelques villes de province ont eu une ampleur historique. On a parfois oublié que les Français se sont insurgés violemment, le plus souvent contre l’impôt et la concentration des pouvoirs, pendant près de quatre siècles. C’est la tolérance aux destructions et aux violences de rue qui s’est considérablement affaiblie dans les cent dernières années. Or, depuis 2016 et la compréhension nouvelle, fragile, entre « cortège de tête » et assemblées, la diabolisation des émeutes recule. Ce trait se retrouve renforcé ces derniers jours par la rencontre entre des citoyens ordinaires et la brutalité policière exacerbée. Une ligne de conduite tactique pourrait être de profiter de cet avantage, peut-être provisoire, pour vaincre à l’intérieur du mouvement et gagner en précision dans les cibles visées.
La prise des Palais de la République n’aura pas lieu. Y contreviennent pour l’instant toutes sortes de fusibles en réserve : le limogeage du gouvernement, l’état d’urgence, l’armée, etc. Allons même au terme de notre deuil de tout gauchisme : la révolution elle-même, comprise comme événement, n’est plus une nécessité, ni même un horizon absolu. Le combat ne peut désormais exister qu’en durant, c’est-à-dire aussi en s’attaquant en priorité aux parties les plus faibles des appareils stratégiques du pouvoir en place : médias et police, pour commencer.
Les médias sont en effet divisés face au mouvement. Certains soutiennent l’antifiscalisme des « gilets jaunes » pour faire grossir les intérêts de classe de leurs propriétaires tout en craignant les violences populaires. D’autres, idéologiquement plus proches du gouvernement, en affinité sociale avec la figure qu’incarne Macron, n’en sont pas moins tenus par leur public, qui soutient les « gilets jaunes », lorsqu’il n’en fait pas partie. Dans une conjoncture fluide, les représentations sont l’une des armes décisives de la guerre. Or les réseaux sociaux et les divers sites contestataires ne corrigent qu’en partie la tendance monopolistique des médias audiovisuels traditionnels quand ils ne sont pas eux-mêmes gagnés par des contre-vérités éhontées. On se plait à imaginer qu’une partie des « gilets jaunes » s’immisce dans les plus brefs délais au sein d’une ou plusieurs chaînes de radio et de télévision, si possible nationales, en s’associant des journalistes défecteurs, et laissent mieux apparaître les développements historiques en cours. À moins qu’il ne faille d’abord grossir au maximum les instruments de contre-information dont nous disposons déjà.
Le dispositif policier est paradoxalement l’autre maillon faible du pouvoir en place. C’est une machine usée, surexploitée, aux pièces et aux armes souvent rouillées et dont les rouages humains ont des conditions d’existence socio-économiques très proches de celles des « gilets jaunes ». Cette proximité pourrait parvenir à diviser les rangs des premières, leurs syndicats, à condition d’appuyer là où les souffrances se sont accumulées, d’attendrir la base. La tâche paraît rude, difficile, peut-être impossible, mais aucun soulèvement ne s’est fait sans un retournement au moins partiel des appareils répressifs. La temporalité est serrée. Nous ne sommes pas à l’abri que ce samedi le dispositif décidé par le ministère de l’Intérieur se montre plus insidieux, évitant les conflits frontaux au profit d’interpellations ciblées – à l’allemande, pour ainsi dire – de façon à contenir la tension jusqu’à essoufflement. Mais cela suffira-t-il lorsqu’une radicalisation de masse s’est opérée les deux dernières semaines contre les pratiques ordinaires de la police ?. Un petit syndicat (Vigi) appelle déjà à la grève illimitée à partir de samedi. D’autres syndicats de fonctionnaires (dans l’enseignement, les services départementaux d’incendie et de secours, l’ensemble des services publics) ont formulé des appels semblables pour les prochains jours et la semaine prochaine. L’appareil d’État exhibe ses premières fissures.
*
Viser juste, donc, mais aussi durer, avant toute chose. Paris est une émeute, mais Paris, aussi bien, est un leurre. Une vitrine spectaculaire. L’échelle du mouvement est locale. Nous espérons qu’elle le reste et multiplie ses points d’existence ainsi que les rencontres qui s’y tiennent. La généralisation de la perspective d’assemblées « populaires » locales, comme à Saint-Nazaire ou à Commercy, pouvant agréger d’autres groupes que les « gilets jaunes » mobilisés, irait dans ce sens. Cela demande des ressources, de l’énergie, de la force, de l’entraide. Des caisses de blocage, matérielles comme numériques, pourraient être mises en place. Politiquement, le rôle des associations amies et même des élus locaux favorables au mouvement est à déterminer, comme celui du passage à la nouvelle année.
Toutes ces perspectives, déjà exorbitantes, sont pourtant peu de choses face aux questions futures que devra affronter le mouvement, comme celles des entreprises et de l’écologie, restées pour l’essentiel en bordure de l’effervescence actuelle alors qu’elles sont au cœur de toutes les revendications. Il faudra y revenir. La journée du 8 décembre n’est que le quatrième acte de la mobilisation. Toutes les bonnes tragédies en ont cinq.
Des agents destitués du Parti Imaginaire
Le 6 décembre 2018
[Photo : Boby]