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    Le “tournant social” d’Emmanuel Macron tourne en rond face aux Gilets jaunes

    Gilets-jaunes

    Lien publiée le 14 décembre 2018

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    https://www.telerama.fr/television/le-tournant-social-demmanuel-macron-tourne-en-rond-face-aux-gilets-jaunes,n5931016.php

    De TF1 à France 2 en passant par BFMTV, les éditorialistes ont assuré le service après-vente des annonces faites par Emmanuel Macron à la télévision. Au besoin, en répandant de fausses nouvelles…

    « Le discours du quinquennat ? » (ou du siècle ?), « le moment de vérité », « la dernière chance ? »… A l’orée du discours d’Emmanuel Macron, lundi soir, les experts des chaînes info conjecturent à flux tendu, puisque, comme dit un envoyé de CNews sur le trottoir de l’Elysée : « Je vais vous décevoir, rien n’a filtré. » Cependant, les invités tiennent à rappeler les limites dans lesquelles doivent s’inscrire les annonces présidentielles. D’abord, pas touche à l’ISF, selon Jean-Caude Dassier sur CNews : « Ce serait de la folie de tout envoyer en l’air ! Si on laisse croire à la planète des milliardaires et des millionnaires qu’on change de fiscalité en permanence, on est foutu ! » Encore un idéaliste qui veut sauver la planète (des milliardaires et des millionnaires).

     

    Sur BFMTV, alors qu’un Gilet jaune réclame le Smic à 1 350 euros, Laurent Neumann le recadre : « Si on peut préciser, une augmentation de 10 % du Smic, c’est 9 milliards d’euros en moins dans les caisses de l’État et ça ne concerne qu’une petite partie des salariés. » A jeter, la hausse du Smic.

     

    Sur LCI, David Pujadas sollicite François Asselin, président de la Confédération des PME (CPME). « Nous, entrepreneurs, on ne voudrait pas être les victimes collatérales d’un ras-le-bol fiscal. Vos invités le disent très bien, nous sommes les champions d’Europe de la pression fiscale. » Pas question de faire payer les entreprises, vos invités le disent très bien.

    Sur France 5, Anne-Elisabeth Lemoine interroge Nathalie Schuck, du Parisien, sur l’hypothétique contenu du discours du président :« Est-ce que ça fuite ou est-ce que ça reste étanche ? » « C’est extrêmement étanche. Il faut qu’il frappe fort. » Il a déjà commencé, des dizaines de manifestants estropiés peuvent en témoigner. « Il faut qu’il parle aux Français les yeux dans les yeux, qu’il ait des mots très forts. » Et des yeux très forts, alors.

     

    « Le président devra surprendre, appuie Patrick Cohen. Pour convaincre, il faut une annonce qui crée un effet de surprise. » Par exemple, une extension de la flat tax… Oups, trop tard, ça vient juste d’être voté au Sénat. « Ses proches lui disent : il faut créer un effet de souffle. » Non ? Il ne pas quand même pas dégoupiller une grenade GLI-F4 dans son bureau de l’Elysée ! « Il faut créer un électrochoc. » Un coup de taser, alors ? « Il faut renverser la table. » Ça me paraît plus raisonnable.

    Patrick Cohen avertit : « Il faudra aussi un volet contrition. » Et même un épisode autoflagellation. Nathalie Schuk doute de sa survenue. « Certains de ses proches disent : “Il est mis sous cloche par la technocratie.” Ils sont très présents en Macronie aujourd’hui. » Mais qui les a invités ?

    Sur BFMTV, Anna Cabana invoque le calendrier liturgique de la Macronie. « Son acte de naissance de président, c’était il y a dix-neuf mois ; là, c’est l’acte de baptême. » Un bénitier à l’Elysée ? La loi de 1905 mérite plus de respect. « On est dans le moment où la cristallisation est totale. » Si ce n’est que la cristallisation, ça va passer. « Il faut quand même savoir une chose d’Emmanuel Macron, c’est qu’il a ce très grand talent de savoir tirer les leçons de ses erreurs et de celles de ses prédécesseurs. » Jusque-là, il a corrigé toutes ses erreurs et les Français lui en savent gré.

     

    « Est-ce qu’il va être capable de métamorphose, de débusquer l’arrogance et de l’écrabouiller ? » C’est prévu : pour la ratatiner, il va renverser la table dessus. « Le vrai sujet pour lui, c’est de remplacer l’arrogance par la bienveillance. » « Et l’empathie », ajoute un invité. Et peu importe la politique. « C’est une renaissance aujourd’hui, analyse l’historien Jean Garrigues. Ça doit être un re-born Emmanuel Macron. » Ce sera donc un baptême évangélique, comme celui du re-born George W. Bush.

    Enfin, Emmanuel Macron apparaît et discourt, les mains posées bien à plat sur son bureau. On voit qu’il se retient de le renverser.

     

    Sur TF1, Gilles Bouleau enchaîne« Voici les principales mesures annoncées. Le Smic va être augmenté de 100 euros par mois sans que cette augmentation soit à la charge des employeurs. » Il ne sera donc pas augmenté. Il s’agit en fait de l’anticipation de hausses prévues de la prime d’activité. Or, ce n’est pas du salaire mais une prestation sociale payée par l’Etat, donc les contribuables (elle ne comprend pas de cotisation retraite, par exemple). Elle est versée sous conditions de ressources : si le conjoint d’un salarié au Smic gagne trop, le smicard n’en bénéficiera pas. Enfin, elle cible en priorité les salariés à temps plein (ceux qui sont à mi-temps ou moins n’en verront pas la couleur). Contrairement à ce que prétend François Lenglet en plateau, cette augmentation ne touchera donc pas la totalité des « environ deux millions de smicards ».

     

    « Enfin, conclut Gilles Bouleau, une prime de fin d’année sera versée par les employeurs qui le désirent, une prime qui ne fera l’objet ni d’impôts ni de charges. » Sur TF1, les cotisations sociales sont fatalement des « charges », comme dans le vocabulaire du gouvernement.

     

    Un reportage explicatif répand la fausse nouvelle : « Les salariés au Smic verront leur salaire augmenter de 100 euros en 2019. Un coup de pouce considérable. » Et d’autant plus appréciable qu’il « ne coûtera pas un seul centime à l’employeur ». Pascal Perri, « économiste » (sur LCI, fililae de TF1) s’en félicite : « Augmenter le Smic sans pénaliser les entreprises, c’est donner un petit coup de pouce à ceux qui sont au Smic sans nuire à la compétitivité des entreprises. » Un autre sujet aborde l’annulation de la prochaine hausse de la CSG pour les retraités dont les revenus sont inférieurs à 2 000 euros : « Les retraités ont obtenu partiellement gain de cause. »

     

    « Ce sont des mesures qui concernent potentiellement une quinzaine de millions de Français, donc c’est substantiel, apprécie François Lenglet. Les heures supplémentaires seront défiscalisées et libérées des charges sociales. » Libéréééées, libérééeess ! « Ça représente un gain de 50 euros par mois en moyenne pour les 9 millions de personne qui font des heures sup. » « Selon l’Insee, corrige le reportage suivant, cette défiscalisation des heures supplémentaires pourrait leur rapporter entre 30 et 40 euros par mois. » Et coûter quelques dizaines de milliers de chômeurs en plus.

    Sur France 2. Anne-Sophie Lapix demande à la cheffe du service politique de France Télévisions : « Est-ce qu’Emmanuel Macron a amorcé un changement radical, un virage social ? » « Oui, certifie Nathalie Saint-Cricq, il a fait un virage social, sans aucun doute. » Encore ?! Lors du remaniement ministériel, les éditorialistes avaient déjà diagnostiqué un virage social. On va finir par tourner en rond. L’éditorialiste énumère : « L’augmentation de 100 euros pour le Smic, les heures sup qui seront sans charges et sans fiscalité… » Tiens, sur le service public aussi, on parle de « charges » plutôt que de « cotisations ». Nathalie Saint-Cricq évoque même « des primes de fin d’années déchargées. » Déchargées des infâmes contributions à la solidarité nationale.

     

    Selon Nathalie Saint-Cricq, « Emmanuel Macron laisse entendre qu’il y aura une fiscalité plus dure pour les hauts revenus ». Ah bon ? C’est bizarre, je n’ai rien entendu. J’ai dû rater un passage. « En gros, il y a quand même un tournant social. » Encore ?! C’est le troisième. En septembre, lors de la présentation du plan plan pauvreté, me rappelle sur Twitter un militant d’Acrimed, l’éditorialiste vantait déjà « un tournant social très clair ». A force de le voir tourner, je me demande si le président n’est pas coincé sur un rond-point occupé par les Gilets jaunes.

    Après ce brillant décryptage, Anne-Sophie Lapix présente un plateau d’invités exclusivement de droite, sans doute pour redresser la trajectoire d’un président en plein « virage social ». Outre Nathalie Saint-Cricq en garante de l’objectivité journalistique, sont présents Nicole Pénicaud, ministre, Gilles Le Gendre (président du groupe LREM à l’Assemblée), Bruno Retailleau (LR), Nicolas Bay (RN), Benjamin Cauchy (Gilet jaune “libre” proche de Debout la France). Muriel Pénicaud, qui refusait toute augmentation du Smic le matin même, vante désormais l’augmentation qui n’en est pas une : « Ce que le président de la République a annoncé, cette augmentation de 100 %… » Ça nous fait un Smic à 2 300 euros, les Gilets jaunes vont être contents.

     

    Sur TF1, le Nathalie Saint-Cricq maison, Christophe Jakubyszyn, salue comme sa consœur « des mesures concrètes, immédiates et fortes et sans doute nécessaires ». Seul souci : « Il faudra voir si ces concessions, le virage du quinquennat, lui permettront de poursuivre encore ses réformes notamment sur le chômage et les retraites. » Il ne faudrait pas qu’un virage social empêche de foncer dans la ligne droite libérale.

    « Le président a demandé à tous les employeurs qui le peuvent de verser une prime de fin d’année », rappelle Gilles Bouleau pour lancer un reportage sur le sujet. « Depuis plusieurs jours, le Medef trouvait l’idée séduisante afin de redonner du pouvoir d’achat aux Français. » Si le Medef est séduit, je le suis aussi. « Attention, précise le journaliste, c’est au bon vouloir de l’employeur. » Qui ne fait aucun doute puisqu’il trouve l’idée séduisante. Les primes vont pleuvoir à Noël.

    Un reportage intitulé « Qu’en pensent les patrons de PME ? » montre que ces derniers sont très satisfaits de ne plus devoir payer de « charges » sur les heures supplémentaires de leurs salariés. François Lenglet analyse en plateau : « Ces mesures consacrent une correction en faveur des ménages et au détriment des entreprises. » Au détriment des entreprises ?!? Encore un passage du discours que j’ai dû rater.

    Gilles Bouleau enchaîne avec une triste nouvelle pour le mouvement des Gilets jaunes. « Ce matin, Bruno Le Maire a estimé que c’était une “catastrophe” pour l’économie. » Le reportage s’intitule « Gilets jaunes : des milliards d’euros de pertes »… qu’aucune donnée statistique ne vient étayer. D’ailleurs, « on ne compte plus les vitrines brisées ».

     

    Sur BFMTV, un reporter assure le service après-vente des annonces présidentielles devant des Gilets jaunes varois. « Cendrine, vous avez été déçue de ce discours, mais pourquoi ? Il y a quand même eu des avancées, le Smic, des choses comme ça… » Ça ne la convainc pas. Le journaliste insiste : « Il a fait un petit mea culpa, quand même. » « On n’est pas dupe. » « Il y a eu des avancées, quand même. Il a essayé de dire qu’il avait fait des erreurs. Qu’est-ce que vous voulez, vous ? » « On veut qu’il s’en aille, je crois. » Acclamations du public. « Ça, ça paraît difficile, quand même », prévient le quand même reporter.

    Revoici François Asselin, président de la CPME, invité tout à l’heure de LCI, entretemps passé par France 2 pour saluer la défiscalisation des heures sup. Il récidive sur BFMTV : « La détaxation des heures supplémentaires est une mesure extrêmement populaire, très bien admise aussi bien par les employeurs que par les salariés. » Et par les demandeurs d’emploi. « C’est un beau coup de booster pour le pouvoir d’achat. » De ceux qui travaillent et ont droit à des heures sup.

     

    Quant à la prime de fin d’année totalement déchargée, « j’espère que beaucoup d’entreprises pourront la verser ». Surtout la mienne. « Mais, vu les semaines que nous venons de traverser, malheureusement peu d’entreprises seront en mesure de motiver leurs salariés avec cette prime. » Ça alors, quelle surprise ! Je croyais que les employeurs trouvaient l’idée séduisante… Mais peut-être craignent-ils de démotiver les chômeurs, précaires, fonctionnaires, pensionnés qui, eux, n’ont de toute façon pas droit à cette prime.

    Le quand même reporter du service après-vente réapparaît. « C’est un geste quand même. Il a annoncé la hausse du Smic, plusieurs choses… » Rien à faire, les « choses » n’emballent pas ses interlocuteurs. « Les Gilets jaunes qui, vous le voyez, sont remontés comme des pendules ici dans le Var. » Le maître des horloges n'a pas réussi à remettre les pendules à leur place.

    En plateau, Bruno Jeudy salue le génie présidentiel : « C’est des vraies mesures qui vont frapper l’opinion. » Elle a déjà été abondamment frappé lors de multiples manifestations. « Pour Emmanuel Macron, il y a un avant et un après cette intervention. » C’est pas bête, je n’y aurais pas pensé. « On lui reprochait de mener un politique très libérale et d’avoir oublié sa jambe sociale. » Sans doute atteinte par un tir de Flash-Ball. « Là, ce soir, incontestablement, il ne l’a pas oubliée. » Comment le sait-il ? Elle était cachée par la table qu’il n’a pas renversée.

     

    « Le président a pris la mesure de ce conflit ? », interroge Bruce Toussaint. Oui, estime Bruno Jeudy, grâce à son « inflexion sociale ». Une sorte de virage sur les jantes. « Les Français, avant d’aller manifester samedi prochain, réfléchiront avant de s’associer à la base la plus radicalisée. » Celle où s’ébattent de faux gilets jaunes, à ne pas confondre avec les vrais, comme il l’a déjà montré. « Il a beaucoup insisté sur les violences, à juste titre : elles ont beaucoup frappé l’opinion. » Justement, ne pourrait-on arrêter de la frapper, l’opinion ?

     

    Bruce Toussaint tente de raisonner un Gilet jaune. « Il y a parfois des luttes sociales considérables qui n’aboutissent à rien… Les cheminots doivent se dire que vous, vous avez obtenu quelque chose. En un mois, vous avez réussi à faire plier le gouvernement et le président de la République. » Ne vous plaignez pas. « Les faits sont là. Il y a ce soir des choses. » Gilet jaune, rentre chez toi.