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Gilets jaunes : les syndicats entre deux eaux

Gilets-jaunes syndicalisme

Lien publiée le 20 décembre 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.regards.fr/societe/article/gilets-jaunes-les-syndicats-entre-deux-eaux

Au début du mouvement des gilets jaunes, les syndicats, CGT et Sud en tête, étaient réticents à embrasser et accompagner les mobilisations. Aujourd’hui, les lignes ont changé mais, d’un côté comme de l’autre, la prudence reste de mise.

Quelques jours avant l’Acte IV des gilets Jaunes, le 6 décembre, une intersyndicale regroupant la CFDT, FO, CFE-CGC, la CFTC, l’UNSA, la FSU et… la CGT signe un communiqué appelant à « engager le dialogue » et la « négociation » avec le gouvernement le tout en condamnant « toutes formes de violence dans l’expression des revendications ». Cette prise de position de la CGT tranche avec la direction qu’elle semblait prendre à l’égard du mouvement.

En effet, depuis la visite du secrétaire national Philippe Martinez d’un blocage gilets jaunes dans la Vienne le mardi 27 novembre, la centrale syndicale commençait à communiquer en interne – timidement mais sûrement – en faveur d’un soutien aux blocages locaux. Les réactions ne se font pas attendre : d’emblée, la Fédération Industries Chimiques – un pilier de la confédération – envoie un courrier à Philippe Martinez pour une convocation d’urgence d’un Comité Confédéral National. Dans ce courrier la Fédération affirme se « désolidariser totalement » d’un communiqué qualifié de « coup de poignard dans le dos de ceux qui luttent actuellement, qu’ils soient salariés, lycéens ou retraités. »

Coup de tonnerre à la CGT

Localement, des réactions tout aussi fortes se multiplient comme à la CGT Haute-Garonne pour qui ce communiqué sonne comme un cadeau à un gouvernement qui n’attend rien d’autre que l’ouverture d’un « dialogue ». A l’heure actuelle une réunion d’un Comité Confédéral National ne semble toujours pas à l’ordre du jour – la Fédération Chimie n’est pas parvenue à rassembler un tiers des adhérents comme l’exigent les statuts- pourtant, le malaise à la CGT perdure. Sonnée par la pression de sa base, la Confédération sort le jour même un nouveau communiqué refusant l’invitation à une concertation par la ministre du Travail Muriel Pénicaud. En outre, le communiqué indique que la CGT « s’indigne et condamne fermement l’attitude du gouvernement qui répond par la seule violence aux légitimes exigences qui s’expriment diversement dans tout le pays » et rajoute que « la CGT n’a jamais prôné l’action violente. Mais, la violence est d’abord sociale ».

Comment analyser ce retournement ? Le recul non négligeable du taux de syndicalisation, une CGT doublée par la CFDT au premier rang de syndicalisation du secteur privé pourrait susciter la peur de tomber dans l’isolement et la mise en minorité. Pourtant, le changement de cap de Philippe Martinez semble davantage pénaliser la CGT que lui redonner un nouveau souffle. Sans doute alors, la signature du communiqué visait à jouer la carte du syndicalisme rassemblé, thèse privilégiée de la CGT et de son secrétaire général. De son côté, Jean-Louis Peyren secrétaire général des industries chimiques Sisteron Mourenx conclut :

« Doit-on, de fait, s’étonner d’être dépassé par le départ de la révolte du 17 novembre sans nous ? Et bien non, aujourd’hui, la CGT paie toutes ces années de réflexions "y aller ou pas ? Sommes-nous prêts ? Nous n’avons pas été capable de coaguler les souffrances, les colères, les misères, et nous en sommes les seuls responsables." Sans oublier la méfiance déjà forte des gilets jaunes envers les syndicats. »

La manif syndicale du 14 décembre ne convainc pas

Face à la mobilisation des gilets jaunes, les cortèges syndicaux de vendredi dernier n’auront pas beaucoup fait parler d’eux. Et pour cause, la journée d’action syndicale tranche radicalement avec la mobilisation des gilets jaunes. Au total, quelques milliers de manifestants – essentiellement des militants syndicaux, badge CGT ou Sud à la veste – ont défilé cortège après cortège dans un calme et un engouement bien moindre que les manifestations en jaune fluo des dernières semaines. Quoiqu’il en soit, la tendance actuelle semble être à la présence de syndicalistes aux manifestations des gilets jaunes plutôt que l’inverse ; les manifestations traditionnelles ne mobilisent pas les gilets jaunes.

Les fédérations et syndicats locaux n’ont pas attendu l’avis de leur confédération pour lancer des initiatives à la rencontre du mouvement gilets jaunes. Dans différentes régions surgissent des plateformes revendicatives intersyndicales. On voit alors l’intersyndicale de Haute-Loire dont les revendications tendent le bras aux gilets jaunes, la CGT Chimie qui appelle à des « revendications et une action commune avec les gilets jaunes » ou bien encore la Fédération CGT Services publics qui dépose un préavis de grève pour tout le mois de décembre afin de soutenir la lutte des « gilets jaunes, gilets rouges, sans gilets ». Pour ces organisations, il ne s’agit ni plus ni moins que de mettre en adéquation la machine syndicale au cadre et au mode d’action des gilets jaunes. La construction de plateformes de revendications permet à la fois l’union des différentes organisations syndicales entre elles et à la fois de faire le lien entre les demandes des gilets jaunes et les revendications de longue date du champ syndical.

Solidaires entre dans l’arène le 15 décembre

Au début du mouvement, l’Union Syndicale Solidaires était restée pour le moins timide. En effet, l’organisation constatait dans son communiqué du 19 novembre que « tout le monde a remarqué que les syndicats n’ont pas appelé [aux] blocages » des gilets jaunes pour ensuite afficher le 27 novembre que « des camarades et certains syndicats de Solidaires seront également présents [...] aux côtés des gilets jaunes ». Finalement, le 13 décembre, le Bureau national publie une déclaration appelant à une journée de grève interprofessionnelle le 14 décembre et à participer à la manifestation des gilets jaunes du 15 décembre.

Cet appel confirme l’orientation prise par le syndicat -qui depuis plusieurs semaines invite les autres organisations à construire une action commune- et le place décidément du côté des soutiens au mouvement. Cette confirmation se traduit dans les actes dès le lendemain. Dans la matinée du 14 décembre, l’Union Syndicale publie un appel unitaire signé par différentes organisations dont la France Insoumise, le NPA et Attac. Le texte reprend les deux rendez-vous déjà lancés : le matin à la Gare Saint Lazare et l’après-midi à République à Paris. Durant la journée du 15 décembre, ces organisations tiendront un cortège qui permettra – en partie – de trouver une voie pour manifester en dehors des nasses des forces de l’ordre à Saint Lazare et à Opéra.

La fracture syndicale

A l’aune de l’acte V des gilets Jaunes, la fracture dans l’univers syndical est décidément nette. D’un côté, les syndicats les plus réformistes (CFDT, CFTC, UNSA et FO) se maintiennent au stade des hésitations et méfiances du début, ils appellent à la négociation avec le gouvernement et ne lancent aucun signe de soutien au mouvement. De l’autre côté, Solidaires a définitivement tranché en faveur d’un soutien fort allant jusqu’à la tenue de cortèges durant les journées d’action des gilets jaunes. Pour la CGT, les hésitations sur la nature du mouvement ont laissé place à des doutes sur la stratégie à adopter. La Confédération navigue entre deux eaux, celle de la négociation et de l’intersyndicale nationale ou celle du soutien aux gilets jaunes et du travail de terrain de construction de plateformes revendicatives et de mobilisation.

Cette fracture est forte et constitue un obstacle non négligeable pour toute tentative de grève générale. Dans un meeting organisé le soir du 14 décembre à République le porte-parole de Solidaires, Eric Beynel, résume alors : « Il ne s’agit pas de s’arrêter à demain. Il faudra poursuivre et amplifier la mobilisation […] Pour ça il faut faire pression, pression sur les autres organisations syndicales qui ne sont pas encore dans la rue pour qu’on puisse déclencher un mouvement large, profond et changer de système ».

Finalement, que ce soit par les refus des syndicats réformistes, par les hésitations de la CGT ou par la mise en route lente mais franche de Solidaires, les syndicats semblent avoir été débordés par le mouvement des gilets jaunes. La présente séquence du mouvement en jaune fluo s’est jouée loin des syndicats. Pourtant, si la peur du gouvernement montre une incroyable efficacité du récent mouvement social, il semble difficile d’imaginer une victoire sans une mise en route effective de l’outil syndical. Aux occupations de ronds-points, les grèves pourraient être un relai ou un appui décisif.