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Cinq syndicats paysans en quête d’élus aux chambres d’agriculture
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Les paysans voteront entre le 7 et le 29 janvier prochain pour élire leurs représentants aux Chambres départementales d’agriculture. Le vote se fera par correspondance ou par internet. Comme à leur habitude, la FNSEA et le syndicat Jeunes Agriculteurs présenteront des listes communes pour tenter d’avoir une majorité de voix dans un maximum de départements. De leur côté, la Coordination rurale, la Confédération paysanne et le MODEF solliciteront les suffrages des paysans sur des listes séparées.
Les élections aux Chambres d’agricultures concernent plusieurs collèges, mais nous n’évoqueront ici que celui des exploitants agricoles. Il s’agit d’un vote à proportionnelle à un tour. Du coup, la liste arrivée en tête obtient la moitié des sièges. Elle participe ensuite au partage des 50% de sièges restant à pourvoir entre toutes les listes selon le pourcentage de voix obtenues par chacune. Le cas échéant, l’attribution du dernier siège se fait au profit le la liste qui dispose du plus fort reste en voix.
En 2019, la Coordination rurale et la Confédération paysanne semblent parties pour avoir des listes autonomes dans tous les départements, après avoir fait listes communes dans quelques uns lors de la précédente élection. Faute de candidats en nombre suffisant, le MODEF, cinquième syndicat en influence, sera présent dans une vingtaine de départements sur la moitié sud du pays. Cette présence, trop partielle, avait déjà diminué sa représentativité au niveau national lors des élections prcédentes.
Sollicités par l’Association française des journalistes agricoles (1), les représentants de ces cinq syndicats avaient accepté de débattre ensemble sur l’état et l’avenir de l’agriculture française le mercredi 19 décembre à la Maison du lait à Paris. Etaient donc présents Christiane Lambert, présidente de la FNSEA; Jérémy Decerle, président de Jeunes Agriculteurs; Bernard Lannes, premier responsable de la Coordination rurale ; Laurent Pinatel, porte parole de la Confédération paysanne ; Jean Mouzat, président du MODEF.
Avoir des fermes plutôt que des firmes
Ils furent notamment interrogés sur le rôle des Chambres départementales et sur la suite des Etats généraux de l’alimentation après le vote de la loi en octobre de cette année. Jérémy Decerle a considéré que le rôle des Chambres devait « évoluer en fonction de l’évolution des besoins des jeunes qui souhaitent s’installer ». Elles doivent, selon lui, « agir pour favoriser la transmission des exploitations ». Dans un pays où l’âge moyen des chefs d’exploitation et proche de la cinquantaine, la question se pose en effet de savoir si demain on transmettre des ferme ou si les détenteurs de capitaux feront triompher une agriculture de firmes, spéculatrice et détentrice de l’arme alimentaire .
Christiane Lambert a affirmé que la mission première des chambres avec leurs élus et leurs techniciens salariés était de « conseiller les agriculteurs et de les accompagner dans un monde qui bouge en gardant la notion de proximité tout en favorisant la transversalité plutôt que de raisonner en silo». Ce mot « silo » nous ramène ici aux filières qui agissent souvent de manière concurrente pour gagner des parts de marché. D’ailleurs, des militants de la FNSEA se trouvent souvent impliqués dans cette concurrence du fait de leurs responsabilités dans des syndicats spécialisés, comme dans des coopératives.
Bernard Lannes à souhaité que les Chambres d’agriculture «conservent cette notion de proximité». Pour cet agriculteur du Lot-et-Garonne, la mise en place de grandes régions comme la Nouvelle Aquitaine durant le quinquennat de François Hollande ne correspond pas du tout à ce qu’il convient de faire si on veut une véritable politique d’aménagement du territoire. Il a aussi taquiné Christiane Lambert en affirmant qu’il refusait de passer par un juriste de la FDSEA dans tel ou tel département avant de pouvoir rencontrer un juriste de la Chambre d’agriculture.
Trouver un espace qui favorise la réflexion commune
Jean Mouzat a indiqué que le rôle premier des Chambres d’agriculture en ce début de XXIème siècle devait être tourné vers « plus de qualité dans la production alimentaire et vers une meilleure gestion de l’espace rural. Au nom du MODEF, je souhaite qu’il y ait dans les départements des réunions participatives et que tous les syndicats puissent trouver au niveau des chambres un espace dans lequel nous puissions réfléchir ensemble sur le travail à faire au service de l’agriculture», a-t-il affirmé.
Laurent Pinatel a déclaré que « les Chambres sont de moins en moins tournées vers la proximité. On manque de techniciens sur le terrain tandis que trop de conseils dispensés aux paysans le sont par les commerciaux des coopératives. Les chambres ne remplissent pas bien leur rôle de conseil sur le terrain. Il faut donner aux Chambres les moyens de former des gens et de les mettre sur le terrain », a-t-il insisté. Du coup chacun des cinq intervenants fut amené à revenir sur le sujet.
Christiane Lambert a évoqué la nécessité « d’accompagner les publics vulnérables et de favoriser les bonnes pratiques agronomiques ». Bernard Lannes a déploré le manque de techniciens des Chambres sur le terrain au moment de la grippe aviaire dans le sud ouest. Jean Mouzat a déploré le manque de conseils en provenance des Chambres face à la sécheresse de cette année 2018. Laurent Pinatel et Jérémy Decerle ont plaidé, chacun à sa manière, pour que le conseil provenant des Chambres d’agriculture coûte le moins cher possible aux paysans.
Ce n’est pas gagné pour la valeur ajoutée
Si Christiane Lambert voulait encore faire confiance aux acteurs et croire que la loi Alimentation permettra de mieux payer les produits agricoles, les quatre autres intervenants se montrèrent beaucoup moins confiants. Bernard Lannes a relevé que les prix rémunérateurs se limitaient trop souvent « aux marchés de niche ». Jean Mouzat a montré qu’il « manque toujours 15 à 20% pour que le prix de vente des bovins à viande permette de rémunérer les éleveurs ». Laurent Pinatel a estimé que dans cette loi « les outils ne sont pas à la hauteur de ce qui était prévu. La parole du président de la République à Rungis n’a pas été respectée et on est en droit de douter de la mise en œuvre de cette loi », a-t-il ajouté. Eleveur de bovins à viande en Saône-et-Loire, Jérémy Decerle a estimé vouloir « être optimiste sans faire preuve de naïveté. Nous devons aller jusqu’au bout de l’application cette loi pour retrouver de la valeur ajoutée, mais je vois bien que ce n’est pas encore gagné», a-t-il ajouté.
Notons enfin que ce fut de bout en bout un débat sans tension, respectueux des positions des uns et des autres dans l’expression des désaccords. On peut même dire que le point d’accord entre tous demeurait la sous rémunération du travail des paysans qui dure en France depuis trop longtemps.
- Le débat était animé par Nicole Ouvrard , présidente de l’AFJA , et Arnaud Carpon , membre du bureau de l’Association