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«Les perturbateurs endocriniens sont un enjeu européen»
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le gouvernement a lancé lundi une consultation publique sur son projet de «nouvelle stratégie sur les perturbateurs endocriniens», ces substances chimiques susceptibles de modifier le système hormonal et d’être à l’origine de diverses maladies. Pour François Veillerette, de l'ONG Générations futures, la France, bien que timide et lente, montre la voie à ses voisins européens.
Un test gratuit au glyphosate organisé par des citoyens en face de la Commission européenne, à Bruxelles, le 8 novembre 2017.
Le gouvernement a lancé lundi et jusqu’au 8 février une consultation publique sur son projet de nouvelle stratégie sur les perturbateurs endocriniens (PE). Ces substances chimiques dérèglent le fonctionnement hormonal des organismes vivants et se retrouvent dans un grand nombre de produits de consommation courante (cosmétiques, alimentation, plastiques…) et dans différents milieux (air, eau, sol). Afin de «protéger la population» de ces substances, le gouvernement demandera notamment à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) de publier d’ici fin 2021 une liste de trois PE classés en trois catégories, «suspecté», «présumé» et «avéré».
Il s’agira aussi de mener une campagne de communication grand public et créer un «site internet de référence, afin d’informer la population sur les risques liés à l’exposition aux produits chimiques dangereux de consommation courante». Mais aussi de «développer la formation des professionnels de santé et des agents des collectivités territoriales» ou encore de «susciter des engagements volontaires des industriels et des distributeurs pour substituer, dans les produits de consommation courante, les substances pouvant présenter des propriétés de perturbation endocrinienne». Entretien avec François Veillerette, directeur de l’association Générations futures.
Ce deuxième projet de stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens comporte-t-il à vos yeux des avancées ?
Le fait d’avoir une stratégie nationale sur les PE, c’est déjà une bonne chose. Car tous les Etats européens n’en ont pas, loin de là, et il y a beaucoup de pays dans lesquels les PE ne sont même pas un sujet. Alors qu’en France, c’est une problématique qui est désormais identifiée, depuis la première stratégie nationale sur les PE qui avait été adoptée par Ségolène Royal. Il y a aujourd’hui quelques avancées. Une accélération du nombre de substances qui seront évaluées par l’Anses : on va passer à six substances par an en 2019 et 2020 puis à neuf par an en 2021. C’est une bonne chose, la France montre l’exemple. J’espère que d’autres pays européens vont s’y mettre aussi, car avec neuf évaluations par an, on n’en a pas fini dans un siècle puisque potentiellement il y a des milliers de substances !
La France confirme aussi vouloir raisonner en trois catégories de danger, les PE «suspectés», «présumés et «avérés»…
Oui, sur le modèle de ce qui se fait pour les produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, les fameux CMR. C’est une bonne chose, là aussi, car dans le cas de produits suspectés d’être PE ça ne veut pas dire qu’il n’y a rien, simplement qu’on a des certitudes sur l’animal mais qu’on manque d’études sur l’homme, on n’a pas d’épidémiologie. Donc c’est bien d’avoir cette troisième catégorie dans le viseur, et c’est ce qui manquait dans les critères de définition des PE tels qu’ils ont été arrêtés au niveau de l’Europe.
La deuxième stratégie française sur les PE comporte aussi des avancées sur la formation des professionnels de santé et de tous ceux qui manipulent des PE. L’Endocrine Society a chiffré à plus de 150 milliards d’euros par an pour l’Europe les coûts directs et indirects des effets sanitaires des PE, donc il est important que les professionnels de santé soient informés. Idem pour les ingénieurs agricoles ou architectes. Il est bon que ces derniers fassent attention aux matériaux, aux plastiques et peintures qu’ils emploient.
Cette stratégie reconnaît qu’il faut diminuer au maximum l’exposition des personnes. Les mesures annoncées vous semblent-elles suffisantes ?
Bien sûr, il faut tendre vers zéro exposition, mais pour cela il y a différents moyens, différentes façons de faire. On peut compter uniquement sur l’information des gens et le choix des consommateurs, mais dans ce cas, nous regrettons un manque de la stratégie nationale sur la question de l’étiquetage. Celle-ci n’évoque qu’une une étude de faisabilité de la mise en place d’un étiquetage, mais nul engagement d’aller vraiment vers un étiquetage. Si vous voulez que le consommateur puisse faire un choix, il faut qu’il ait l’information, sinon il ne va pas lire les petits mots très compliqués sur le côté de l’emballage de ses cosmétiques et consulter l’industrie chimique pour savoir ce que c’est.
Nous déplorons aussi que dans l’alimentation, on ne donne pas de conseils pour les femmes enceintes et les jeunes enfants, les populations les plus vulnérables aux PE. Il s’agirait par exemple de choisir plutôt des fruits et légumes bio. Dans une version antérieure de la stratégie que nous nous étions procurés, ce conseil était donné, cela n’a pas été maintenu dans la version finale, c’est regrettable. Idem pour la protection des populations vivant dans les zones à risque, par exemple près des sites Seveso ou des cultures agricoles arrosées de pesticides, cette notion importante a sauté également dans la version finale.
Dernière critique : la stratégie n’évoque plus l’objectif de développer une substitution des substances chimiques par d’autres choses, par exemple en agriculture de remplacer un produit chimique dangereux non pas forcément par un autre produit chimique mais par de l’agronomie, de la rotation des cultures, des choix variétaux etc. C’est valable aussi dans d’autres domaines de l’économie. Or là, il s’agit uniquement dans le texte d’encourager le retrait volontaire par les industriels de produits contenant des substances PE. Rien de contraignant.
Les échéances évoquées, notamment la publication par l’Anses d’une liste des PE classés en trois catégories d’ici fin 2021, ne vous paraissent-elles pas trop lointaines ?
Certes. Mais on part de rien. On connaît les PE depuis les années 90, et en 2019 il n’y a toujours pas de liste. Donc il faut bien commencer par un bout, même si c’est un peu lent. On aura une liste qui vaudra ce qu’elle vaudra, il faudra voir comment elle a été faite, si elle exclut beaucoup de substances ou non, mais il s’agit quand même d’une bonne direction pour pouvoir faire quelque chose.
La limite de la stratégie nationale, c’est qu’il y a beaucoup d’actions volontaires, c’est trop timide. Et il est vrai que pendant ce temps là, on mange des PE, on en boit, on en respire, et on en touche. Mais c’est aussi et surtout un enjeu européen. Il faut que les Françaises et les Français se rendent bien compte que l’Europe doit accélérer sur ces sujets-là en faisant évoluer les réglementations. Cela peut et doit être une chance pour nous. On le voit sur les pesticides, la réglementation européenne fait évoluer tout le monde. J’ai comparé les pesticides autorisés il y a deux ou trois ans au niveau de l’Europe avec ceux qui sont autorisés aujourd’hui, il y a eu un beau ménage de fait. Donc les PE, ce serait un beau sujet de débat pour les élections européennes, pour faire en sorte qu’on ne parle pas que de nationalisme.