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Rosa Luxemburg par-delà l’icône : auto-administration, autonomie, autogestion

Lien publiée le 15 janvier 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

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Au printemps 2009 éclata un scoop : on aurait retrouvé le cadavre de Rosa Luxemburg au laboratoire de médecine légale de l’hôpital de la Charité à Berlin. Le directeur du laboratoire, Michael Tsokos, affirmait être à peu près sûr de son fait. Le torse d’une noyée repêché en 1919 présenterait des similitudes frappantes avec Rosa Luxemburg : même âge, même taille, possible claudication. Tsokos déclara être parvenu à isoler l’ADN et chercher à le confronter avec des traces qu’on aurait pu déceler sur son herbier ou encore en procédant à l’exhumation de ses parents, ce que la petite-nièce de Rosa Luxemburg aurait refusé. Parmi les historiens susceptibles d’infirmer ou de confirmer la thèse, convoqués par Michel Tsokos, ne figurait pas la principale éditrice de ses œuvres et de sa correspondance en allemand (soit douze volumes), Annelies Laschitza. Et pour cause. Sollicitée deux ans et demi plus tôt en tant qu’experte par les archivistes de Berlin-Lichterfelde où sont réunis les fonds de l’ancien Institut du marxisme-léninisme de Berlin, elle a scrupuleusement observé son devoir de réserve. Le recueil de contributions et de documents qu’elle publie avec Klaus Gietinger après que Michael Tsokos eut rompu unilatéralement le silence[1], s’il n’apporte pas la preuve formelle que le cadavre enterré en 1919 était bien celui de Rosa Luxem- burg, fournit à tout le moins un faisceau de probabilités convergentes.

Interrogé sur ses motivations, Michael Tsokos s’est déclaré peu intéressé par l’aspect politique du personnage, voire être apolitique, mais « Rosa Luxemburg était une femme extrêmement forte à une époque où il n’était nullement habituel que les femmes s’affirment ainsi […] Elle a énormément souffert mais sa volonté n’a pas été brisée pour autant »[2].

Un autre événement médiatique de moindre retentissement fut le spectacle de la comédienne Anouk Grinberg lisant des lettres de prison, accompagné d’un choix de textes au titre éloquent : Rosa la vie[3] ; elle aussi tente d’esquiver l’aspect politique ou du moins de louvoyer. Car si les qualités littéraires de Rosa Luxemburg épistolière sont indéniables, elle est surtout l’une des rares figures politiques de première grandeur pour laquelle on dispose d’un tel ensemble d’ego-documents que constitue sa correspondance.

Enfin c’est presque sans bruit que, le 8 mars 2010, à l’occasion d’une ex position intitulée « Place aux femmes » et consacrée par la mairie du 18e arrondissement de Paris aux femmes   illustres qui y ont résidé, était inaugurée au 21 rue Feutrier une plaque signalant l’un des domiciles parisiens de Rosa Luxemburg, en 1894.

Là aussi, son activité politique est estompée : il n’est question que d’exil et d’études et non de la publication de l’organe de son parti, la SDKP (Social- démocratie du Royaume de Pologne).

Apparemment, c’est cette tentative d’édulcoration consistant à privilégier la femme par rapport à la militante que dénonçaient déjà les critiques du film de Margarete von Trotta en 1985. Ils reprochaient à la cinéaste d’avoir renvoyé l’image « d’une petite bonne femme qui écrit de belles lettres dans des circonstances difficiles »[4]. Mais en fait, leur démarche était tout autre : il s’agissait, à travers un parti pris antiféministe à peine masqué qu’avait épinglé auparavant Christel Neusüss[5], d’ignorer la femme pour mieux attaquer la personnalité politique, à l’instar de Daniel Bensaïd, lorsqu’il affirmait dans une confrontation classique entre Lénine et Rosa Luxemburg : « Pourtant, on ne saurait trouver chez Rosa Luxemburg qu’un contrepoint fragmentaire à la démarche léniniste : les soubresauts affectifs et les trivialités s’y mêlent, il en résulte une arlequinade bariolée, séduisante de fantaisie, peut-être, mais qui ne saurait être prise pour une théorie de l’organisation »[6]. Lorsque je l’ai interrogé bien des années plus tard, après avoir relu cet article, il a reconnu l’antiféminisme de ses propos d’alors et affirmé avoir fait depuis amende honorable.

Car pour les adversaires allemands de la panthéonisation[7] et de ce qu’ils considèrent comme ses avatars féministes, l’enjeu se situe ailleurs. Multiplier les hommages serait déplacé puisqu’en plaidant lors de la révolution allemande contre la convocation de l’assemblée nationale, elle aurait amorcé l’hostilité à la démocratie au sein de l’extrême-gauche[8]. Elle ne saurait donc être une des figures tutélaires de l’Allemagne réunifiée.

Le sujet, « Rosa Luxemburg et la démocratie » préoccupe chercheurs et militants depuis bien longtemps[9]. Mais avec l’effondrement des soi-disant démocraties populaires et de l’URSS s’est imposée une définition canonique de la démocratie fondée sur le parlementarisme et la réhabilitation du nationalisme, ou plutôt du principe de nationalité du XIXe siècle que n’entrave plus le correctif du seuil de viabilité[10]. Dès lors, la formation nationale n’est plus un processus d’intégration comme pour les unités allemande et italienne, voire yougoslave, mais de dislocation, en même temps que s’estompait avec la réunification l’identification à l’Europe qui avait prévalu dans la gauche allemande après 1945. Rosa Luxemburg, au contraire, héritière en quelque sorte de la conception engelsienne opposant les nations historiques aux peuples sans histoire[11], contestait qu’à l’ère de l’impérialisme l’indépendance des petites nations pût être autre chose qu’une illusion. Elle affirmait en outre, contre Kautsky : « ‹ État national › et ‹ nationalisme › sont des moules vides dans lesquels chaque période historique et les rapports de classe dans chaque pays coulent un contenu matériel particulier »[12]. C’est ce qu’elle avait tenté de démontrer dans son écrit majeur sur la question nationale en se concentrant sur la Pologne russe, La Question nationale et l’Autonomie[13], qui est aussi une tentative pour analyser le polymorphisme de la démocratie. A travers une démarche qui s’apparente à l’anthropologie, elle a défini les contours de la culture nationale, ne reconnaissant comme nations que les sociétés formées où la pénétration du capitalisme permet la confrontation entre bourgeoisie et prolétariat avec pour enjeu la culture nationale essentiellement urbaine. Insensible au « réveil des nations sans histoire » constaté par Otto Bauer[14], elle conteste que des populations majoritairement rurales puissent accéder au statut de nation, les paysans n’étant selon elle que les gardiens passifs de la nationalité. Mais elle méconnaît tout autant l’incontestable floraison de la culture juive yiddishophone[15] dont la social-démocratie juive (le Bund), pour elle le seul facteur de civilisation de la yiddishkeit (judaïcité) est pourtant coresponsable, de même que l’impact de l’écrivain ukrainien Taras Chevtchenko.

Contre le droit à l’autodétermination jusqu’à la séparation, elle a implicitement privilégié la formule alternative qu’avaient adoptée en 1903, au congrès du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR), ceux qui al- laient devenir minoritaires, et reprise en 1912 lors du congrès menchevik du Bloc d’août, à savoir la création d’institutions garantissant la liberté du développement culturel national, sans toutefois apporter sur ce point davantage de précision. Ainsi, quand elle polémique contre l’autonomie nationale culturelle extra-territoriale – la moins mauvaise des solutions possibles selon Vladimir Medem, le théoricien du Bund de la question nationale –, c’est bien plus aux socialistes révolutionnaires de Russie et surtout à leur branche juive, le Serp (qui préconise d’ailleurs une autonomie extraterritoriale élargie) qu’elle s’attaque qu’au Bund ou aux austro-marxistes[16].

Après avoir constaté, comme d’autres socialistes de l’empire multinational de Russie, l’impossibilité d’y faire coïncider nation et territoire, elle restreint son examen au seul cas où cette adéquation lui paraît possible, celui de la Pologne qui est aussi son champ d’action et où elle tente de combiner l’auto-administration (la démocratie locale) et l’autonomie nationale. Le centralisme est pour elle une nécessité qu’elle oppose au fédéralisme d’essence anarchiste. Mais la démocratie doit aussi s’exprimer dans des instances locales destinées, comme en France, à contrebalancer le pouvoir central incarné par le préfet. Elle constate que l’évolution va dans le sens d’un contrôle accru des élus dans les municipalités, les arrondissements, les districts, les conseils départementaux, selon des modalités différenciées dans divers contextes avec des modes de scrutin plus ou moins démocratiques, qui leur confère un surcroît de légitimité et, par conséquent, de compétences : elle examine les cas français, anglais (où elle dé- nonce le caractère trompeur de la qualification ancienne de selfgovernment), allemand (où elle est de ceux qui préconiseront la grève de masse pour imposer le suffrage universel dans les Diètes, notamment celle de Prusse), autrichien, russe (où elle mentionne les zemstvos mais pas les doumas urbaines), et polonais. Cette démocratie de proximité peut en Pologne russe se combiner à l’autonomie nationale où les affaires « nationales » seraient du ressort d’un parlement régional, en l’occurrence le Sejm. Ce dernier est habilité à se prononcer sur l’éducation publique à tous les échelons, « indissolublement liée à la vie nationale – de par l’existence d’une langue séparée et d’une culture nationale séparée – »[17] et par conséquent sur la culture, mais aussi sur la législation en matière agricole, compte tenu des différences dans les relations agraires et du conservatisme des spécificités locales ; s’y ajoutent la gestion des forêts, le soutien à l’industrie et au commerce, la maîtrise des communications fluviales et routières ainsi que la santé publique. L’État est appelé, à travers le parlement central, à fixer les règles générales en matière de législation sociale ou d’éducation par exemple : c’est à cette échelle que devrait être promulguée « une loi linguistique séparée […] sauvegardant les intérêts de la minorité, pour établir une norme en vertu de laquelle les minorités nationales, à partir d’un minimum numérique, peuvent constituer la base de création obligatoire d’écoles dans leurs langues nationales dans la commune, le district ou la province »[18], langues devant être également pratiquées dans les institutions locales publiques et administratives, devant les tribunaux, etc. C’est instaurer au minimum le trilinguisme : langue de l’État, langue de la majorité locale, langue de la minorité. Rosa Luxemburg ne précise pas toutefois à quelle instance nationale devrait être dévolue l’application de ces directives. Elle doute d’ailleurs que ces solutions soient réalisables dans le cadre du capitalisme.

Le sont-elles davantage une fois déclenchée la révolution en Russie et en Allemagne, avec l’apparition des conseils ? Dans sa critique des bolcheviks, elle dénonce la distribution des terres aux paysans et la proclamation du droit à l’autodétermination qui ont produit le contraire de l’effet escompté et plutôt éloigné de la révolution ceux dont les revendications étaient ainsi satisfaites, confortant ses pronostics, car les mesures adoptées, estime-t-elle, auraient dû aller « dans le sens des perspectives fondamentales d’une réforme socialiste ultérieure »[19] et non lui barrer la voie.

Mais elle condamne tout autant la dissolution par les bolcheviks de l’assemblée constituante et leur refus de nouvelles élections en ce que ces mesures préfigurent la suppression de toute forme de démocratie, car, affirme- t-elle, « toute l’expérience historique […] nous montre au contraire que l’opinion publique irrigue constamment les institutions représentatives, les pénètre, les dirige »[20]. Y a-t-il contradiction avec son refus des élections à l’assemblée nationale en Allemagne ? Or, dès lors que le Congrès des conseils de décembre 1918 s’est prononcé pour la tenue des élections et en a fixé la date, à un mois plus tard, celles-ci, « nouvel instrument de la lutte révolutionnaire », doivent servir à « mobiliser les masses contre l’assemblée nationale » pour « conquérir la forteresse de la contre-révolution » qu’elle représente[21]. Il en découle la nécessité de fonder la tactique « sur toutes les éventualités possibles, y compris celle d’une utilisation révolutionnaire de l’assemblée nationale au cas où elle serait constituée »[22].

Cette prise de position n’était pas nouvelle : pour la gauche du SPD, les élections et la tribune du parlement devaient servir à dénoncer le système, comme en témoigne l’action prioritairement antimilitariste de Karl Liebknecht en son sein[23]. Dans la continuité, le parlement devrait rester provisoirement un terrain de la lutte des classes jusqu’à la consolidation des acquis de la révolution en cours qui, pour Rosa Luxemburg, est loin d’être achevée. Persuadée que le mouvement révolutionnaire est en mesure de faire naître les institutions qui permettront l’exercice de la dictature du prolétariat – position que l’on a eu tendance à qualifier de spontanéiste –, Rosa Luxemburg insiste davantage qu’on ne l’a souligné sur l’expérience des conseils/soviets. Ne commence-t-elle pas par affirmer : « la révolution vivra sans les conseils, sans la révolution, les conseils sont morts »[24] ? D’ailleurs, en 1905, la social-démocratie allemande avait fait l’impasse sur l’expérience des soviets en Russie : pour un premier exposé, il fallut attendre 1907 et la publication d’un article de Trotsky dans la Neue Zeit, organe théorique du mouvement bien au-delà de l’Allemagne. En effet, l’idée des conseils était étrangère au parti dans lequel Rosa Luxemburg continuait à assurer un rôle dirigeant, la SDKPiL, qui refusa de reconnaître les conseils ouvriers comme organes de l’autogestion révolutionnaire, les considérant comme une forme archaïque d’organisation valable pour la Russie, moins développée, mais rendue caduque, dans une Pologne plus évoluée, par les organisations du parti[25].

Dans ses écrits allemands, Rosa Luxemburg, médiatrice privilégiée de l’expérience russe, parle des comités ouvriers, de la création spontanée d’organisations syndicales dans le cours de la révolution qu’elle op- pose au fétichisme de l’organisation des syndicats allemands, mais elle ne mentionne pas les soviets. Or en 1918, elle proclame aussi, comme Lénine : « Tout le pouvoir aux mains des masses laborieuses, aux mains des conseils d’ouvriers et de soldats »[26]. Ce qui peut apparaître comme un revirement s’explique par la concordance des formes que revêt le mouvement révolutionnaire en Allemagne et en Russie. Internationaliste, Rosa Luxemburg lance avec ses amis spartakistes Karl Liebknecht, Franz Mehring et Clara Zetkin, ceux-là mêmes avec lesquels elle avait en 1914 déclaré son opposition à l’Union sacrée, un appel à la création de conseils dans les autres pays. Mais aussi, ces formes d’articulation de la volonté collective surgies spontanément tracent pour elle la continuité de la révolution russe entre 1905 et 1917, leur résurgence même étant un gage de leur importance. « Les conseils d’ouvriers et de soldats étaient donc des organes de la révolution, des agents de l’ordre nouvellement créé, des exécutants des masses laborieuses en bleu de travail ou en uniforme de soldats »[27], telle est son analyse de leur apparition en Allemagne. Elle tranche ainsi la controverse, la question de savoir si ce sont les instruments de la révolution ou les organes du pouvoir révolutionnaire : pour elle, incontestablement, ils sont l’un et l’autre.

Ainsi, les délégués au conseil sont appelés à siéger en permanence et sont révocables à tout moment, comme ceux qu’ils délèguent à leur tour au Conseil central (ou congrès des conseils ou Parlement des ouvriers et des soldats) qui se réunit au moins tous les trois mois (elle reproche aux bolcheviks d’avoir porté de trois à six mois les délais de convocation entre deux congrès des soviets et y voit une preuve supplémentaire de la suppression de la démocratie). Le Conseil central élit le Conseil exécutif comme organe suprême du pouvoir législatif et exécutif, habilité à nommer et à remplacer les commissaires du peuple, dans une « interaction constante, vivante entre les masses populaires et leurs organes, les conseils d’ouvriers et de soldats »[28]. Bref, le système des conseils est pour Rosa Luxemburg l’expression de la dictature du prolétariat, synonyme de démocratie socialiste. Sont électeurs au conseil ouvrier « l’ensemble des ouvriers des deux sexes dans les villes et les campagnes », sur la base des entreprises. Quant aux conseils de soldats, ils doivent émaner des troupes, « à l’exclusion des officiers et des capitulateurs »[29]. Ainsi elle appelle de ses vœux l’extension à la campagne, parmi les ouvriers agricoles et les petits paysans, du phénomène essentiellement urbain que sont les conseils, afin de combler le fossé existant.

En outre, la démocratie socialiste doit se fonder tout autant sur l’expropriation des grands domaines et la création de coopératives agricoles (que les petits exploitants ne rejoindront que de leur plein gré) que sur la socialisation de l’industrie devant se traduire par l’élection, dans toutes les entreprises, de conseils « qui, en accord avec les conseils ouvriers, ont à gérer les affaires internes des entreprises, à régler les conditions de travail, à contrôler la production et, finalement, à prendre la direction de l’entreprise »[30]. C’est donc une structure élaborée de la société socialiste que proposent Rosa Luxemburg et l’organisation à laquelle elle appartient, la Ligue Spartakus. Le sort réservé aux syndicats qui, pendant la guerre, sont apparus comme des instruments de la collaboration de classe, consiste à être progressivement vidés de leur contenu, « expropriés » par les conseils d’entreprise. La deuxième phase, économique, de la révolution qui se traduit dans les grèves de masse doit y contribuer. La seule organisation ouvrière susceptible de perdurer dans le système des conseils, c’est le parti dont le rôle de boussole lui apparaît comme indispensable.

Les nombreuses monographies régionales sur les conseils, souvent assorties de documents et publiées en RFA dans les années soixante-dix et quatre-vingt, ont confirmé les fonctions de contrôle que les conseils ont exercées auprès des instances locales, municipalités, Diètes, etc., qui semblaient ouvrir la voie, au terme du double pouvoir, à une prise en charge sans partage de la démocratie locale, de l’auto-administration. Pour la plupart, ces études insistent toutefois davantage sur les conseils comme instruments de formation à la démocratie et, par conséquent, sur les chances perdues du fait de leur disparition précoce qui auraient pu éviter la catastrophe de 1933 plutôt que sur la diffusion du pouvoir dans divers organes, synonyme de démocratie directe[31]. Le contexte allemand n’incitait guère à la réflexion sur l’autonomie nationale et les institutions garantissant la liberté du développement culturel. Cependant, des formes d’exercice de l’autonomie nationale culturelle extraterritoriale ont été mises en œuvre dans la phase démocratique de la révolution en Russie, par exemple pour les Polonais, les Russes et les Juifs en Ukraine, confirmant les conditions de possibilité des différentes facettes de la démocratie abordées par Rosa Luxemburg, à savoir l’approfondissement des acquis de la révolution à laquelle la guerre civile en Russie et l’instauration du parlementarisme pur et simple en Allemagne, outre la répression féroce de janvier 1919 et celle des autres républiques des conseils, ont mis un terme.

Notes

[1] Annelies Laschitza et Klaus Gietinger (éd.), Rosa Luxemburgs Tod. Dokumente und Kommentare, Leipzig, Rosa-Luxemburg-Stiftung  Sachsen,  2010

[2] taz, 10 juin 2009, p. 13.

[3] Editions de l’Atelier, 2009.

[4] Manfred Scharrer dans Die Neue Gesell- schaft, cité par Hans-Josef Steinberg, « Zur Be- handlung Rosa Luxemburgs in der Bundesrepublik Deutschland » in Rosa Luxemburg im Meinungsstreit. Beiträge zur Geschichte der Arbeiterbewegung, 33e année, 1991, n° 4,

  1. 456.

[5] Christel Neusüss, Die Kopfgeburten der Ar- beiterbewegung oder Die Genossin Luxem- burg bringt alles durcheinander , Hambourg/Zurich, Rasch und Röhring-Verlag, 1985.

[6] Daniel Bensaïd et Samy Naïr, « A  propos de la question de l’organisation. Lénine et Rosa Luxemburg », Partisans, n° 45, décembre-janvier 1969, Rosa Luxemburg vivante, p. 10.

[7] Sur la panthéonisation de Rosa Luxemburg, cf. C. Weill, Rosa Luxemburg, ombre et lumière, Pantin, Le temps des cerises, 2009, p. 21-39.

[8] Voir par exemple Heinrich-August Winkler et al.,Arbeit am Mythos Rosa Luxemburg. Braucht Ber- lin ein neues Denkmal für die ermorderte Revolu- tionärin ?, Bonn, Friedrich-Ebert-Stiftung, 2002.

[9] Pour l’une des tentatives les plus récentes examinant à la lumière de documents nouveaux  di- vers aspects de la période de la guerre et de la ré- volution, cf. Ottokar Luban, Rosa Luxemburgs Demokratiekonzept. Ihre Kritik an Lenin und ihr po- litisches Wirken 1913-1919, Leipzig, Rosa-Luxemburg- Stiftung Sachsen e. V., 2008.

[10] Cf. Claudie Weill, « Principe de nationalité »,  Pluriel recherches. Vocabulaire historique et critique des relations interethniques, cahier n° 5, 1997, p. 79-80.

[11] Cf. Georges Haupt, Michael Löwy, Claudie Weill (éd.), Les Marxistes et la question nationale, Paris, Maspero, 1974 (réédition L’Harmatan, 1997).

[12] Rosa Luxemburg, Sur la révolution. Ecrits poli-

tiques 1917-1918, Paris, La Découverte, 2002 (1e éd. 1969, Maspero), p. 94-95.

[13] Pantin, Le Temps des Cerises, 2001.

[14] Cf. Otto Bauer, La Question des nationalités et la Social-démocratie (1907), traduction française, Paris, EDI, 1987.

[15] L’un de ses pionniers, J. L. Perets, était, comme Rosa Luxemburg, natif de Zamosc.

[16] Sur ces débats, cf. C. Weill, L’Internationale et l’autre. Les relations inter-ethniques dans la IIIn- ternationale, Paris, Arcantère, 1987.

[17] La Question nationale et l’Autonomie, op. cit., p. 234.

[18] Ibid., p. 176.

[19] Sur la révolution, op. cit., p. 67.

[20] Ibid., p. 78.

[21] Rosa Luxemburg, « Was will der Spartakus- bund ? » Gesammelte Werke (GW), vol. 4, Berlin, Dietz, 1974, p. 483.

[22] Sur la révolution, op. cit., p. 121.

[23] Cf. Karl Liebknecht, Militarisme, guerre, révolu- tion, Paris, Maspero, 1971.

[24] GW, op. cit., vol. 4, p. 455.

[25] Cf. Georg Ströbel, Die Partei Rosa Luxemburgs, Lenin und die SPD. Der polnische « europäische » In- ternationalismus in der russischen Sozialdemo- kratie, Wiesbaden, Steiner, 1974.

[26] GWop. cit., vol. 4, p. 455.

[27] Ibid., p. 437.

[28] Ibid., p. 444.

[29] « Was will der Spartakusbund », ibid., p. 448.

[30] Ibid., p. 449.

[31] Pour une tentative de synthèse, voir mon article « Les conseils en Allemagne, 1918-1919 », Le Mouvement social, n° 152, juillet-septembre 1990, p. 77-93.